Le coin de la conjoncture du 15 mai
Bonheur et perversité des taux bas
Les Banques centrales américaine et anglaise ne jouent-elles pas avec le feu en tardant à remonter les taux ? Il avait été convenu que le relèvement devait intervenir à partir du moment où le taux de chômage redescendait en-dessous de 6 %. Tel n’a pas été le cas. En analysant leur action par rapport aux cycles de croissance passés, les Banques centrales sont en retard. Le début de la remontée des taux d’intérêt a lieu aux Etats-Unis en règle générale deux ans après le point bas du cycle (1986, 1988, 1994, 2004 et 3 ans ou 4 ans avant le point bas du chômage (1988, 1994, 2004). Au Royaume-Uni, elle a lieu 2 ans après le point bas du cycle (1988, 1995, 2003) et 2 ou 3 ans avant le point bas du chômage.
Avec la très forte désinflation générée par la baisse des cours du pétrole, ces banques centrales ont différé leurs décisions. D’autres facteurs expliquent l’actuelle temporisation des banques centrales.
Les comités de politique monétaire considèrent que le taux de chômage n’est pas un indicateur fiable pour apprécier la situation du marché de l’emploi. Ils intègrent pour se faire leur jugement le taux de participation de la population active à l’emploi surtout aux Etats-Unis et au Royaume-Uni où l’intérêt à s’inscrire au chômage est moindre qu’au sein des pays membres de la zone euro. Le taux de participation américain, qui ressortait à 62,7 % en mars, remonte très légèrement à 62,8 %. Il reste inférieur à son niveau d’avant crise.
Le maintien des taux directeurs à des niveaux historiquement bas est également justifié par les menaces déflationnistes. Une remontée des taux ne pourrait, en réduisant les possibilités de crédits, que favoriser l’enclenchement d’une spirale déflationniste.
Le niveau très élevé de la dette publique doit être pris en compte avant tout relèvement de taux. Une remontée trop rapide des taux pourrait fragiliser le secteur financier qui a accumulé un stock important de titres à faibles taux. Une augmentation des taux déprécierait ce stock instantanément.
Le caractère fragile de la croissance qui varie assez fortement d’un trimestre à un autre incite les autorités monétaires à la prudence. En outre, le relèvement des taux favoriserait une appréciation de la monnaie ce qui pourrait freiner la croissance. Cet argument n’est pas neutre au regard de la sensibilité accrue des Etats-Unis à l’appréciation du dollar. Les Etats-Unis sont devenus tous à la fois un pays pétrolier et un pays très inséré dans les circuits complexes de la mondialisation.
Si tous ces arguments jouent en défaveur d’une remontée des taux, en revanche, celle-ci serait souhaitable afin de redonner aux banques centrales des marges de manœuvre. En cas de survenue d’une nouvelle crise, elles n’ont pas d’outils à disposition. Cette situation est d’autant plus dangereuse que les gouvernements ne peuvent plus guère user du volant budgétaire pour contrecarrer les effets d’une récession.
Enfin, avec une croissance qui se situe entre 2 et 3 %, le maintien de taux directeurs extrêmement bas peut modifier en profondeur l’appréciation des risques et du rendement de la part des investisseurs. Plus les banques centrales tardent à augmenter leurs taux, plus il sera difficile de la faire. Il y a une accoutumance aux taux bas qui est, sur le long terme, assez perverse.
Et si la BCE arrêtait le quantitative easing ?
La question d’une fin prématurée des injections des liquidités peut apparaître saugrenue mais la réponse illustre parfaitement la difficulté d’en finir avec des injections de liquidité. Par ailleurs, il faut être conscient que les Allemands se sont ralliés au QE contre leur gré. Ils pourraient faire pression pour arrêter au plus tôt l’expérience.
Quelles seraient les conditions pour un arrêt inopiné du QE ?
La BCE ayant un objectif d’inflation, son retour dans la cible des 2 % pourrait conduire à un arrêt du QE. C’est le meilleur argument pour demander l’arrêt des injections de liquidités mars même si le pétrole est en hausse, l’inflation sous-jacente déconnectée des variations conjoncturelles reste faible voire très faible. Par ailleurs, nul ne croit à la poursuite du mouvement de hausse des produits pétroliers.
Même si ses statuts ne le prévoient pas, il est possible que la BCE ait fixé un objectif de croissance. Dans ce cas, il est fort probable que d’ici septembre 2016, la croissance n’est pas encore atteint un rythme de croisière.
Si la BCE changeait de politique monétaire avant le terme du mois de septembre 2016, sa crédibilité pourrait être entachée.
Le retournement des marchés financiers depuis trois semaines est intimement lié à des anticipations de relèvement des taux. Les investisseurs projettent la fin du QE. Les conséquences sont la hausse des taux d’intérêt à long terme de la zone euro, la remontée des spreads de crédit, la baisse des cours boursiers de la zone euro, la réappréciation de l’euro et l’augmentation de la demande de cash en euros.
Tout concourt à ce que les injections de liquidité se poursuivent jusqu’au mois de septembre 2016.
Le taux d’épargne résiste à tout ou presque
Depuis plus de vingt ans, le taux d’épargne des ménages évolue autour de la barre des 15%. L’amplitude du taux est très faible. Depuis 1994, il a évolué entre 14,5 et 16,2 %. Les variations à la hausse sont souvent liées à des crises ou à des ralentissements économiques. Les mouvements à la baisse sont plus erratiques. Les hausses des prélèvements ou une amélioration de la conjoncture peuvent expliquer une moindre épargne mais à chaque fois, l’épargnant français reste dans l’épaisseur du trait.
Un CICE poussif a plombé le taux de marge
Le taux de marge des sociétés non financières qui correspond, en comptabilité nationale, à l’excédent brut d’exploitation sur la valeur ajoutée est souvent considéré comme le juge de paix de la bonne santé du secteur marchand. Le taux de marge a baissé l’année dernière. Il est tombé à 29,4 % quand il s’élevait à 29,7 % en 2013 et 33,5 % en 2007.
Ce mauvais résultat du taux de marge peut surprendre étant donné que le Gouvernement avait décidé d’inverser la courbe grâce au Crédit d’Impôt pour la compétitivité et l’Emploi.
La Direction générale des finances publiques a indiqué dans son rapport annuel que plus de 900 000 entreprises ont bénéficié de 8,7 milliards d’euros de remboursements ou imputations au titre du CICE en 2014 soit un montant inférieur aux prévisions du Gouvernement qui tablait sur un objectif de 10,6 milliards d’euros.
Pour 2015, la montée en puissance sera amplifiée en 2015 avec +50 % de droits pour chaque entreprise, à effectifs et masse salariale constants, pour atteindre l’objectif de 20 milliards d’euros par an prévu pour 2017. Initialement, les 20 milliards d’allègement devaient être atteint en 2015. Néanmoins, il faut ajouter à ce dispositif les allégements prévus dans le pacte de responsabilité qui portent, cette année, sur 11 milliards d’euros