Le Coin de la Conjoncture du 16 décembre 2016
2017, l’année du 60ème anniversaire de la CEE
Si lors deux précédents articles (lettres 203 et 204), nous avions abordé la question de la pérennité de la zone euro en se fondant sur les analyses de Stiglitz et de Tirole, il avait été fait mention de la situation économique, l’article ci-dessous est centré sur des aspects plus politiques et institutionnels.
Le 25 mars 2017, nous fêterons le 60ème anniversaire du Traité de Rome qui institua la Communauté Economique Européenne regroupant la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Fut également signé en 1957 un traité instituant une communauté de l’atome, Euratom.
Ce 60ème anniversaire pourrait être l’occasion d’une relance voire d’une refondation de l’idée européenne mais la probabilité que cela ne soit pas le cas est forte. En effet, l’année prochaine, plusieurs États et non des moindres (les Pays-Bas, la France et l’Allemagne) seront le théâtre d’importantes élections.
2016, une année à oublier ?
2016 a été une année difficile pour l’Union européenne. Le 7 avril 2016, les Néerlandais rejettent à 61 % l’accord d’association de l’Union européenne avec l’Ukraine. Le 23 juin 2016, les Britanniques décident à 51,9 % de sortir de l’Union européenne. Le 11 décembre 2016, les Italiens refusent par référendum la révision de leur constitution. Si ce référendum ne concernait pas en premier lieu l’Union, le vote de défiance exprimé, à cette occasion, à l’encontre du Premier Ministre Matteo Renzi s’explique notamment par le refus des politiques d’austérité censées être imposées par Bruxelles. 2016 restera également marquée par l’incapacité des Européens à s’entendre sur le dossier des migrants.
60 ans d’avancées et de crises
Les pères fondateurs de l’Europe, Jean Monnet, Robert Schuman et le Belge Paul-Henri Spaak en relation avec Konrad Adenauer, Joseph Bech et Johan Willem Beyen, ainsi que de l’Italien Alcide De Gasperi, ont lancé un processus de coopération européenne en 1951, reposant sur la création d’un marché commun du charbon et de l’acier, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA). Avec la Communauté Economique et Européenne, les dirigeants européens opèrent un saut qualitatif important avec un élargissement du marché commun au reste de l’économie. Cette affirmation d’un marché européen s’inscrit dans un processus plus large de libéralisation des échanges dans le cadre du GATT (qui deviendra plus tard l’OMC). La France accepte d’abandonner le protectionnisme et de s’engager dans un processus de modernisation de sa législation économique à la condition que l’agriculture fasse l’objet d’un traitement particulier. C’est ainsi que naît la politique agricole commune qui est d’inspiration éminemment fédérale. Au moment de sa création, cette politique reposait sur trois principes : la garantie de prix, la préférence communautaire et le tarif extérieur commun.
Dès 1961, le Royaume-Uni qui, avec la fin de son empire coloniale est de plus en plus isolé, présente sa candidature à la CEE. L’opposition du Général de Gaulle a abouti à reporter jusqu’en 1973 son adhésion qui intervient en même temps que celle du Danemark et de l’Irlande.
La CEE étant synonyme de démocratie, de paix et de prospérité, la liste des candidats ne fit que s’allonger. La Grèce devient membre de la CEE en 1981 et l’Espagne ainsi que le Portugal en 1986. Testée autour de l’acier et du charbon, l’idée d’un marché commun européen est au cœur des principes du Traité de Rome. La CEE, durant ces vingt premières années, c’était surtout la Politique Agricole Commune qui absorbait alors jusqu’à deux tiers du budget. Aujourd’hui, elle est encore le premier poste de dépenses.
Jacques Delors, Président de la Commission européenne lance, en 1986, le projet de marché unique. La libre circulation des hommes, des biens, des services et des capitaux devient une réalité. La suppression des frontières et la création de l’Espace de Schengen s’inscrit dans cette logique.
Avec le traité de Maastricht, un nouveau cap est franchi ; l’Union européenne absorbe la CEE, la CECA et Euratom. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en 2009, il est mis fin aux piliers de l’Union européenne qui englobe désormais la coopération policière et judiciaire en matière pénale ainsi que la politique étrangère et de sécurité commune. Par ailleurs, le terme Communauté européenne disparaît de la terminologie.
Les années 1990 et 2000 sont celles de l’élargissement vers le Nord et vers l’Est. En 1995, la Suède, la Finlande et l’Autriche adhèrent à l’Union. En 2004, c’est au tour de la Pologne, de la Slovaquie, de la Slovénie, de la Hongrie, de la République tchèque, de Malte, de Chypre, de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie. Ce sont les premiers pays issus soit du Pacte de Varsovie, soit de l’URSS, à entrer dans l’Union européenne. En 2007, la Bulgarie et la Roumanie suivent le mouvement. Enfin en 2013, c’est au tour de la Croatie qui est pour le moment le dernier pays à avoir intégré l’Union européenne. Parmi les candidats à l’adhésion figurent la Turquie, la Macédoine, l’Albanie, le Monténégro et la Serbie. L’Islande après avoir fait acte de candidature l’a retirée en 2015. Deux autres États européens pourraient également demander prochainement leur adhésion : la Bosnie et le Kosovo.
Le défi de la monnaie unique
En parallèle à ces procédures d’élargissement a été conduit le processus de création de monnaie unique. Le projet de monnaie unique a été évoqué dès la fin des années 60 avec le plan Werner/Barre. Elle devait faciliter la gestion de la PAC et les échanges entre pays membres. Avec la réussite du marché unique et face aux multiples tensions sur les changes, elle revient d’actualité dans les années 80. Avec la chute du communisme, François Mitterrand pour attacher l’Allemagne réunifiée à l’Europe s’engage fortement dans la monnaie unique. Il accepte que son architecture soit germano-compatible.
Absorbés par la délicate mise en place de l’euro, les Européens négligent les conséquences du passage de 15 à 28 membres. Longtemps, l’Union européenne a été constituée d’États ayant des niveaux de développement assez proches. Avec l’arrivée des États d’Europe centrale et orientale, l’Union perd en homogénéité. Si dans les années 70, les États les plus riches avaient accepté de financer le développement de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce, l’ouverture à l’Est est d’une tout autre nature. Il s’agit non plus de trois États mais d’une dizaine devant combler des dizaines d’années de retard économique. L’élargissement de l’Europe vers le Sud ne s’était pas réalisé sans difficultés. Les agriculteurs français avaient demandé des compensations face à l’arrivée des producteurs espagnols au sein de l’Union. Pour l’Europe de l’Est, au sein d’une économie mondialisée, le choc fut d’une autre nature. Les grandes firmes européennes profitèrent des différences de coûts salariaux pour s’installer en Slovénie, en Slovaquie, en République Tchèque ou en Roumanie.
L’Europe n’a jamais été un long fleuve tranquille
L’Europe a toujours été critiquée. Elle a été accusée, dès le départ, d’être trop technocratique et d’être d’inspiration fédéraliste. Le Général de Gaulle, à travers sa politique de la chaise vide et via quelques formules bien trouvées ne manquait pas une occasion de fustiger la construction européenne tout en acceptant néanmoins les principes et les contraintes.
A partir des années 80, l’Europe est devenue de plus en plus impopulaire au sein de l’opinion publique. La création du Marché unique s’accompagna d’un nombre important de directives qui modifièrent de nombreuses dispositions nationales de nature économique ou fiscale. Les pouvoirs publics nationaux ont, par ailleurs, pris l’habitude de rejeter la responsabilité des réformes impopulaires sur l’Europe.
Les difficultés économiques de nombreux États européens à partir des années 90 ont également contribué à dégrader l’image de la construction européenne. Perçue, surtout en France, comme un paratonnerre face aux mutations économiques, l’Union d’un seul coup a été considérée comme une institution qui au contraire était le vecteur d’une révolution ultra-libérale.
Le bouc-émissaire facile
Aux yeux de certains, l’Europe symbolise la déconnexion des élites. Le rejet du Traité constitutionnel de 2005 par les Français et les Néerlandais a marqué une rupture même si, dans les faits, le rejet était une opposition aux gouvernements en place. Le divorce se serait accru avec l’impression que les dirigeants français n’ont pas tenu compte du vote de leurs concitoyens au référendum en adoptant le Traité de Nice ou en acceptant en 2012 le traité budgétaire.
Pour certains, la Commission de Bruxelles a remplacé le FMI en tant qu’institution imposant l’austérité aux peuples. Pour d’autres, l’Europe est devenue synonyme d’impuissance face aux migrations, face et à la mondialisation.
L’Europe a toujours été plurielle
Par définition, pour reprendre Edgar Morin, l’Europe, c’est la diversité, c’est la polyphonie des cultures et des langues. Cette règle n’échappe pas au projet européen qui n’est pas vécu ou ressenti de la même manière à Paris, à Rome, à Berlin ou à Londres. Chaque État réinterprète l’Europe à sa guise. Ainsi, l’Europe est pour la France, une possibilité de conserver son rang de grande puissance. L’Europe pour l’Allemagne a permis dans un premier temps de se faire accepter au niveau international et dans un second temps d’organiser économiquement sa zone d’influence. Pour les pays d’Europe de l’Est, l’Union a été vue, avant tout, comme un rempart contre la Russie….
L’Europe puissance est une création avant tout française. Chez les pères fondateurs, cette vision n’existait sans doute pas. Ils étaient mus par un puissant pragmatisme.
Ils étaient surtout des atlantistes forcenés qui avaient pour objectif d’arrimer économiquement les pays européens aux États-Unis. Il s’agissait de doubler l’alliance militaire par une alliance économique et de s’opposer à l’avancée du communisme.
L’Europe de la paix ne peut plus être le seul slogan fédérateur
Les fervents défenseurs de la construction européenne mettent en avant qu’elle a permis d’instaurer au sien du vieux continent la paix. Certes, depuis 1945, l’Europe vit un peu près en paix mais le processus de construction européenne ne peut à lui seul expliquer cet état de fait. La CEE et l’Union européenne sont davantage des conséquences du maintien de la paix que la cause. La paix en Europe a été imposée ou du moins instituée par les États-Unis, le Royaume-Uni et par l’URSS. La présence de troupes américaines et soviétiques ont garanti la paix bien plus que la CEE.
Certes, la multiplication des échanges, la libre circulation des hommes, des biens et des capitaux ont conforté la paix. L’intégration des États d’Europe de l’Est à l’Union européenne reposait sur l’idée qu’il fallait empêcher le retour du nationalisme. L’adhésion à l’Union s’est doublée bien souvent d’une intégration au sein de l’OTAN qui par la présence en son sein des Etats-Unis a été jusqu’à maintenant un gage de paix. .
Plus de 70 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’idée que l’Europe c’est la paix n’a plus beaucoup de résonnance pour les nouvelles générations. Il est difficile de bâtir un projet sur une évidence (même si elle peut être, par ailleurs, fragile).
Une communauté de destin à construire
Le drapeau, le passeport européen, la monnaie commune pour les 19 États de la zone euro, autant de symboles d’appartenance à une communauté mais malgré cela, l’Européen reste à créer. Les Américains sont souvent raillés par leur méconnaissance de la géographie. Mais combien de Français ou d’Espagnols sont capables de donner le nom des capitales des pays Balte ou de la Slovénie (Vilnius, Riga, Tallinn et Ljubljana). Nous portons peu d’intérêt à la vie politique des autres États membres. Il n’y a pas de chaîne européenne avec un journal de 20 heures. Il n’y a pas de fête de l’Union européenne, etc..
Le couple franco-allemand, une construction française ?
L’Europe est censée reposer sur le couple franco-allemand. Or, ce dernier est avant tout une construction française. La France, pour gagner en puissance, a mis en avant l’idée du couple pour imposer ses idées. L’Allemagne, en raison de son passé, a joué le jeu durant de nombreuses années. Elle s’interdisait d’être un acteur de la scène internationale. Avec la réunification et l’élargissement vers l’Est, l’Allemagne s’affirme de plus en plus. Par ailleurs, la divergence des taux de croissance depuis 2004 entre la France et l’Allemagne a permis à cette dernière de renverser le rapport de force en sa faveur au sein du « couple » qui est, par ailleurs, mentionné et ressenti comme tel beaucoup plus en France qu’en Allemagne.
Le dernier « couple » a été constitué par Helmut Kohl et François Mitterrand. Il avait été précédé de ceux de Charles de Gaulle et de Konrad Adenauer, de Valéry Giscard d’Estaing et d’Helmut Schmidt ainsi que de celui et François Mitterrand et d’Helmut Kohl. A l’exception de Schmidt/VGE où une réelle amitié liait les deux hommes d’État, les couples se sont construits sur la base d’évènements, la réintégration de l’Allemagne dans le concert des nations et la fin du colonialisme, la chute du Mur de Berlin et la reconnaissance des frontières.
Depuis vingt ans, le couple franco-allemand existe-t-il encore ou est-ce un élément de discours ? A 28, l’Europe ne se gouverne pas de la même façon qu’à 9 ou 15. Il faut en permanence négocier des accords. L’Allemagne en tissant des liens avec les États d’Europe du Nord et de l’Est a su s’adapter aux nouvelles règles quand la France s’est isolée. Un isolement accentué par le fait que les fonctionnaires français à Bruxelles sont souvent les moins nationalistes quand ceux des autres nationalités maintiennent des relations étroites avec leur État d’origine.
L’Europe face aux tentations nationalistes
Face à l’accélération des mutations économiques et technologiques, face au ralentissement de la croissance, face à la multiplication des menaces extérieures, les populations des États européens réclament plus de protection et remettent au goût du jour des valeurs nationales. Le populisme des années 2010 n’est pas celui des années 1930. Le racisme, même s’il sévit encore, n’est pas sa pierre angulaire. Le populisme moderne est avant tout un populisme de confort et de sécurité.
En Europe, la thématique eurosceptique se diffuse largement. Dans de nombreux pays, les partis europhobes obtiennent de plus en plus de voix aux différentes élections au point d’être un jour en situation de les remporter (le Mouvement 5 étoiles en Italie, le parti du peuple au Danemark, le bloc de gauche au Portugal, le FN et l’extrême gauche en France, l’UKIP au Royaume-Uni, Aube Dorée en Grèce, Podemos en Espagne, Parti de la Liberté aux Pays-Bas, le parti Alternative pour l’Allemagne – Afd,etc.)
Les propos eurosceptiques sont de plus en plus repris par les partis de gouvernement que ce soit en Allemagne, par la CSU, par le Fidesz au pouvoir en Hongrie ou par le parti social-démocrate, SMER, en Slovaquie.
Face aux discours négatifs, les défenseurs de la construction européenne sont très discrets. Il n’y a pas eu un agiormento de la pensée européenne.
Maintenir unie la famille !
Le Royaume-Uni a été un membre de l’Union plutôt assez clair sur ses intentions. Les gouvernements britanniques ont fixé clairement les limites à la participation de leur pays. Le départ du Royaume-Uni de l’Union n’en constitue pas moins une perte inquiétante et dangereuse pour l’avenir de l’Europe. Se priver de la deuxième ou de la troisième économie européenne n’est pas rien.
La volonté émise par certains d’une sortie rapide et brutale de l’Union européenne n’est pas souhaitable tant sur le plan économique que géostratégique. De toute façon, au-delà des rodomontades de début de négociation, les Allemands et les pays d’Europe du Nord pèseront de tout leur poids pour trouver un compromis.
Par ailleurs, si le Royaume-Uni réussissait à surmonter, seul, le choc provoqué par son départ de l’Union grâce à sa traditionnelle résilience, son exemple pourrait donner des idées à d’autres États.
Enfin, il n’est pas interdit de penser que l’histoire du Royaume-Uni et de l’Union européenne n’est pas complètement achevée. Ce qu’un référendum a décidé, un autre ne peut-il pas le supprimer ? En outre, Outre-manche, la Loi a une valeur bien plus élevée que le référendum. Si en 2017 et plus vraisemblablement en 2018, l’Europe engageait un processus de réforme, les Britanniques pourraient s’enorgueillir d’avoir tiré les premiers et, pourquoi pas, accepter de revenir au sein de la maison européenne.
Le départ du Royaume-Uni a pu faire croire à certains que la France retrouverait toute sa place au sein de l’Union en devenant incontournable pour l’Allemagne. Or, ce n’est pas le cas pour le moment. Au contraire, ce départ révèle un peu plus l’écart entre les deux États.
L’idée d’associer à nouveau le Royaume-Uni afin de relancer la construction européenne est défendue par plusieurs spécialistes dont Hubert Védrine. Sur les questions de défense avec notamment l’éventuel repli américain, rien ne peut être réalisé sans les Britanniques. Au niveau financier, l’Europe est aujourd’hui divisée car ni Paris, ni Francfort ne peuvent rivaliser seuls avec New-York ou les places asiatiques.
L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, c’est plus de 200 millions d’habitant, c’est 40 % du PIB de l’ensemble de l’Europe (Russie comprise). Avec l’Italie, c’est 50 %. Ces trois ou quatre pays sont les piliers de l’Europe. Ils en ont le cœur économique, politique et économique.
La nécessité d’un projet
L’Europe ne peut pas se justifier par sa seule existence. Répéter que l’Union est incontournable tout comme l’euro ne constitue pas une finen soi. L’Europe a toujours eu des projets : le marché commun, la politique agricole commune, le développement des régions périphériques, le marché unique, l’euro, etc. Ariane-espace et Airbus traduisent également une certaine forme d’ambition européenne. Demain, l’Europe pourrait s’investir sur les dossiers des énergies renouvelables, les questions environnementales, la santé, le vieillissement, etc.
L’Union européenne est à la recherche d’une plus grande cohérence entre ses membres. Si les États d’Europe de l’Est sont à la recherche d’un parapluie leur garantissant la paix, l’Europe du Sud demande plus de social quand l’Europe du Nord souhaite un maximum de rigueur.
La question des migrants a souligné les profondes divergences au sein de l’Union. À l’est, le refus d’accueil a été assez marqué du fait que, avec la fin de l’URSS au début des années 90, ces pays fraichement entrés dans l’Union ont déjà connu de vastes mouvements de population. Par ailleurs, après des années de dominations soviétiques (une seule domination suffit), l’affirmation du sentiment national reste forte. Les États de l’ouest de l’Europe n’ont pas réussi à définir une ligne commune face à l’arrivée des migrants. Entre intégration et refoulement, en passant par le cantonnement, toutes les options ont été retenues sans être réellement appliquées à l’exception de l’Allemagne, du moins jusqu’au milieu de l’année 2016.
Une nouvelle méthode
L’Europe s’est construite par vagues successives reposant sur des consensus permissifs. Il ne faut pas qu’un Etat perde la face ce qui donne lieu à d’importantes surenchères. Les politiques donnaient les grandes lignes qui étaient mises en musique par les services de la Commission. Cette méthode a commencé à s’effriter avec le Traité de Maastricht qui a été contesté au sein de nombreux pays dont la France.
La méthode bute sur le principe de l’unanimité qui aboutit à une surenchère de la dernière voix qui est souvent celle d’un petit État. Elle bute sur la question des responsabilités des États membres. Que ce soit pour la monnaie unique ou pour l’Espace de Schengen, les responsabilités ne sont pas clairement identifiées. L’Espace de Schengen repose sur la liberté de circulation et sur la protection des frontières extérieures qui est laissée en grande partie à la charge des États frontaliers. La crise des migrants a démontré les limites du système. De même, la monnaie unique suppose une coopération, une solidarité et une responsabilité de tous les acteurs pour éviter que le passager clandestin profite des autres. L’Allemagne avec ses excédents excessifs profitent de la monnaie unique comme, dans le passé, la Grèce en s’endettant à l’extrême….
L’Europe gagnerait en clarté si les élections nationales des États membres se déroulaient à date fixe et à peu près en même temps pour éviter de longues phases de statuquo provoquées par la succession d’échéances électorales. Ce souhait est pour le moment un vœu pieux mais pourquoi ne pas rêver un peu en cette fin d’année ?
L’Europe du niveau de vie et de la consommation
Pour mesurer les écarts de niveau de vie au sein de l’Union européenne, deux indicateurs peuvent être utilisés : le PIB par habitant et la consommation individuelle. Sur ces dernières années, la convergence engagée avant la crise de 2008 se poursuit entre pays d’Europe de l’Est et les autres pays membres de l’Union.
PIB par habitant
En 2015, le PIB par habitant de la France n’est plus que de 6 points supérieurs à la moyenne quand l’écart était de 9 points en 2013. Ce recul s’inscrit dans une tendance lourde s’expliquant par le fait que la France enregistre une faible croissance qui s’accompagne d’une augmentation de sa population.
Au niveau de l’ensemble de l’Europe, le PIB par habitant varie de quasiment de un à six entre les États membres. Il s’échelonne entre 47 % de la moyenne de l’Union, en Bulgarie, et 264 % au Luxembourg.
Consommation
Afin d’apprécier plus finement le niveau de vie des Européens, il est utile de comparer la consommation individuelle effective (CIE). Cette dernière est constituée de biens et services effectivement consommés par les individus, indépendamment du fait que ces biens et services aient été achetés et payés par les ménages, par l’État, ou par des institutions sans but lucratif. Dans les comparaisons internationales de la consommation en volume, la CIE permet d’intégrer certains services importants consommés par les ménages, comme les services de santé et d’éducation qui peuvent être marchands ou non-marchands selon les pays.
En 2015, la CIE par habitant exprimée en standards de pouvoir d’achat (SPA) s’est située, parmi les États membres, entre 53 % de la moyenne de l’Union européenne en Bulgarie et 137 % au Luxembourg.
Dix États membres ont affiché, en 2015, une CIE par habitant supérieure à la moyenne de l’UE. Le niveau le plus élevé dans l’UE a été enregistré au Luxembourg, à 37 % au-dessus de la moyenne de l’UE, devant l’Allemagne (à plus de 20 % au-dessus de la moyenne). La France a une CIE de 12 % au-dessus de la moyenne européenne. L’écart entre la France et l’Allemagne a tendance à s’accroître. Il était de 11 points en 2015 contre 9 points en 2013.
Dans treize États membres, la CIE par habitant se situait, en 2015, entre la moyenne de l’UE et 30 % en-dessous. En Italie, en Irlande et à Chypre, les niveaux étaient de maximum 10 % inférieurs à la moyenne de l’UE, tandis que l’Espagne, la Lituanie, le Portugal et Malte se situaient entre 10 % et 20 % en-dessous.
La République tchèque, la Grèce, la Slovaquie, la Slovénie la Pologne et l’Estonie se positionnaient quant à elles entre 20 % et 30 % en-dessous de la moyenne.
Cinq États membres enregistraient une CIE par habitant plus de 30 % inférieure à la moyenne de l’UE. En Lettonie ainsi qu’en Hongrie, les niveaux étaient 30 % à 40 % inférieurs à la moyenne quand la Roumanie, la Croatie et la Bulgarie avaient une CIE par habitant plus de 40 % inférieure à la moyenne de l’UE.
La CIE a fortement progressé, de 2013 à 2015, dans plusieurs pays d’Europe de l’Est comme la Roumanie, la Bulgarie ou la Lituanie. En revanche, elle a baissé au Luxembourg(137 % en 2015, contre 145 % en 2013), aux Pays-Bas (111 % contre 115 %), en Autriche (119 % contre 123 %) et en Grèce (77 % contre 80 %). La France a également reculé, sa CIE passant de 14 à 12 % au-dessus de la moyenne de 2013 à 2015.