Le Coin de la Conjoncture du 17 août 2019
Les contradictions économiques de Donald Trump
La politique économique américaine est dictée en grande partie par les intérêts électoraux de Donald Trump. Elle encourage à la fois les consommateurs et les producteurs. Cette politique qui n’est pas orthodoxe sur le plan de la théorie économique devrait amener l’économie dans une impasse avec notamment une aggravation de l’endettement et des déséquilibres extérieurs. Le Président des États-Unis se joue des contradictions apparentes de cette politique en mettant en avant les résultats.
Les États-Unis ont-ils besoin d’un dollar faible ou fort ?
Depuis des mois, le Président américain réclame une baisse des taux d’intérêt de la FED et une dépréciation du dollar pour améliorer la compétitivité de l’économie. Il estime que la Chine comme le Japon et la zone euro manipulent leur monnaie afin de soutenir leur économie et cela au détriment des États-Unis. Au regard des résultats extérieurs des différentes zones économiques, ce jugement n’est pas totalement infondé. En dépréciant le dollar, Donald Trump favoriserait les exportations américaines mais pénaliserait les consommateurs dont l’achat des produits importés coûterait plus cher. En outre, les produits américains incorporent de plus en plus de biens intermédiaires importés. La majoration du coût de ces derniers renchérirait les exportations. La capacité des entreprises américaines à se substituer à des importateurs asiatiques n’est pas évidente. Par ailleurs, les États-Unis tirent profit du dollar fort et de leurs taux d’intérêt plus élevés qui permettent d’attirer des capitaux extérieurs. Or, du fait du taux d’épargne faible des Américains, le pays a besoin que les investisseurs étrangers y placent leurs liquidités.
Les oligopoles, favorables à court terme aux actionnaires et défavorables aux consommateurs
Le Président américain n’entend pas s’opposer à la constitution d’oligopoles. Un nombre croissant d’entreprises ayant des positions dominantes devrait provoquer une augmentation, à court terme, des marges bénéficiaires. En revanche, la diminution de la concurrence est en règle générale défavorable aux consommateurs. Elle conduit à une augmentation des prix et à une dégradation du service. À moyen et long terme, cette politique génère une baisse des gains de productivité et une mauvaise allocation des actifs. Les positions de monopole réduisent la croissance et freinent le progrès technique.
Une politique salariale défavorable aux consommateurs
La politique salariale des entreprises américaines ne soutient guère la demande interne, les augmentations restent inférieures aux gains de productivité. Certes, cette situation n’est pas imputable à Donald Trump mais elle s’inscrit dans la tendance de fond de sa politique. Le Président n’a rien fait pour arrêter la déformation du partage des revenus au détriment des salariés. Depuis la crise, les salaires progressent moins vite que le PIB. Ce dernier s’est accru de 20 points en dix ans quand les salaires en valeur réelle n’ont augmenté que de 10 points. Depuis 2016, la productivité par tête s’est accrue de 5 points aux États-Unis quand le salaire réel n’a progressé de 2 points.
Pour un pétrole pas cher mais qui rémunère les producteurs
Pour le pétrole, Donald Trump est pris dans ses contradictions. Il entend d’un côté que le pétrole ne soit pas cher pour les consommateurs et de l’autre que le prix rémunère correctement les producteurs. Dans le premier cas, il fait pression sur l’OPEP et notamment l’Arabie Saoudite afin que le cours reste le plus bas possible ; dans le second cas, il entend favoriser le développement de la production pétrolière. La limitation de la production consentie par l’Arabie Saoudite favorise les producteurs américains en maintenant un prix plus élevé. Les États-Unis sont redevenus le premier producteur mondial. Ils produisent 12 millions de barils jour contre 11 pour la Russie et 10 pour l’Arabie Saoudite.
Sur le papier, la politique économique du Président américain favorise tout à la fois l’offre et la demande. Logiquement, une politique qui a plusieurs objectifs n’en atteint aucun. Pour le moment, l’économie américaine déjoue la théorie et les probabilités. Une remise en cause du dollar, un climat de défiance des investisseurs étrangers pourraient changer la donne. Pour le moment, les États-Unis bénéficient d’avantages comparatifs importants. Le pays dispose d’une capacité de projection militaire sans concurrence à l’échelle internationale. Sa recherche demeure incontournable tout comme ses positions dans certains secteurs d’activité (techniques de l’information et de la communication). La profondeur de son système financier est un atout indéniable. En outre, à la différence de la Chine, les États-Unis sont une démocratie stable, ce qui rassure les investisseurs internationaux.
Que font les épargnants quand les taux d’intérêt sont négatifs ?
Dans les pays du cœur de la zone euro, les taux d’intérêt se sont installés durablement en terrain nul voire négatif. Les épargnants perdent de l’argent quand ils le prêtent à l’État mais aussi à certaines entreprises. Cette situation n’est pas en soi aussi révolutionnaire qu’il n’y paraît. En effet, en prenant en compte l’inflation, après la Seconde guerre mondiale, tout comme dans les années 70 ou 80, le rendement réel des placements était négatif. Ainsi, le taux moyen du Livret A, en 1981 était de 7,7 % quand le taux d’inflation était de 13,4 %. Le rendement réel était négatif de 5,7 points soit bien plus qu’actuellement (-1,05 %). Les années 90 et le début des années 2000 peuvent apparaître comme des exceptions en offrant des rendements réels positifs assez élevés.
Les taux de rendement négatifs constatés depuis plusieurs années sont le fruit des politiques des banques centrales, de l’excès d’épargne des agents économiques et de leur aversion aux risques. Les fortes capacités d’épargne sont liées à la crainte du lendemain, à la faiblesse de l’investissement ainsi qu’à celle de la consommation. La préférence pour la sécurité conduit à la baisse des taux et à l’attrition de la croissance. Les taux faibles devraient favoriser l’investissement productif et donc être le support de la croissance de demain, or, ce n’est pas tout à fait ce qui est constaté. Les États captent une grande partie des capacités financières disponibles pour financer des dépenses de fonctionnement.
Face à la baisse des taux, que peuvent faire les épargnants ? Ils pourraient choisir de placer leur argent dans des pays offrant des taux supérieurs. Ainsi, un Français pourrait trouver avantage à souscrire à des titres obligataires américains qui sont rémunérés autour de 2 % mais il serait exposé au risque de change. En cas de dépréciation du dollar, il serait perdant lors d’un éventuel rachat. Il pourrait aussi opter pour les pays périphériques de la zone euro. Ainsi, une obligation de l’État italien à 10 ans est rémunérée à 1,35 %.
Les épargnants peuvent, pour échapper à la nasse des taux nuls ou négatifs, investir dans les actions d’entreprise. Pour le moment, ce n’est pas le cas. La crainte du risque l’emporte sur le rendement potentiel. Les fortes variations de cours, les annonces d’une possible récession et la rémanence des précédents krachs dissuadent les particuliers à renforcer leurs positions sur les marchés « actions » qui deviennent de plus en plus des marchés détenus par des professionnels.
Les épargnants peuvent augmenter leur patrimoine immobilier en s’endettant à bon compte. Depuis trois ans, l’encours des emprunts immobilier progresse au sein de la zone euro mais sans excès. Le marché n’est pas spéculatif et est porté par une forte demande au sein des grandes agglomérations. Le taux de possession de la résidence principale est stable à 58 % en France. L’investissement locatif soutenu par des dispositifs fiscaux augmente mais de manière assez modérée au regard du niveau des taux. En 2019, un million de transactions immobilières devraient être enregistrées par les notaires ce qui constituera un nouveau record. Néanmoins, ce nombre de transactions, doit être relativisé. Le ratio des transactions rapporté au stock de logements disponibles, qui augmente d’environ 1 % par an, est stable depuis vingt ans. Toujours en France, la construction de nouveaux logements est en baisse depuis plusieurs trimestres. Cette raréfaction de l’offre concourt à la hausse des prix et limite les possibilités d’investissement. La rentabilité nette de l’immobilier tend à baisser, les loyers peinant à suivre les prix d’achat des logements.
Face aux taux d’intérêt très faibles, les ménages conservent une poche croissante de liquidités. L’encours des dépôts à vue a atteint 396 milliards d’euros au mois de juin 2019 contre 199 milliards d’euros en juin 2009. Cette tentation pour l’argent liquide avait été soulignée par la dernière enquête du Cercle de l’Épargne/Amphitéa. En effet, 30 % des Français n’estiment qu’aucun placement n’est rentable en 2019 contre 22 % seulement en 2016.
Mais, face à la baisse des taux, les ménages in fine optent
pour la sécurité en misant sur le Livret A (collecte de 11,57 milliards d’euros
sur les six premiers mois de l’année) et sur le fonds euros de l’assurance vie
(57 milliards d’euros de collecte brute au cours du premier semestre).