Le Coin de la Conjoncture du 18 juin 2016
L’Espagne adopte la non-gouvernance belge
Depuis six mois, l’Espagne est à la recherche de son gouvernement. Du fait de l’incapacité des partis représentés au Congrès à constituer une coalition majoritaire, le Roi d’Espagne conformément à la constitution, a décidé d’appeler les électeurs à élire à nouveau leurs députés le 26 juin prochain.
Selon les derniers sondages, il n’est pas évident qu’une majorité se dégage des urnes. En effet, le parti Podemos arriverait en deuxième position devant les socialistes, juste derrière le parti conservateur, le PPE du Premier Ministre sortant Mariano Rajoy. Le PPE obtiendrait entre 27,7 à 31 % des intentions de vote. Ce dernier maintiendrait son score du mois de décembre 2015. En revanche, les socialistes du PSOE ne recueilleraient qu’entre 20,2 à 21,6 % des intentions de vote contre 23,7 à 25,6 % à Unidos Podemos, alliance formée par Podemos et Izquierda Unida (Gauche unie). En décembre, le PSOE avait obtenu 22 % des voix et Podemos 20,7 %. Le parti centriste Ciudadanos resterait de son côté stable en obtenant entre 14 et 16,6 % des intentions de vote contre 13,9 % en décembre.
Malgré un gouvernement qui expédie les affaires courantes depuis le mois de décembre, la croissance qui a été de 3,1 % en 2015 n’a pas chuté au cours du premier trimestre 2016. Elle a été de 3,4 % en rythme annuel. Le taux de chômage poursuit sa décrue. Il est passé de 2014 à 2016 de 26 à 21 %.
La succession d’élections se fait, en revanche, ressentir sur la gestion publique. La rigueur budgétaire a été mise en suspens depuis un an. Ainsi, le déficit budgétaire ne se réduit plus. Il devrait être de 4,7 % cette année contre 4,2 % initialement prévu. L’Espagne est sous le coup d’une sanction de la Commission européenne pour non-respect de sa cible budgétaire qui lui avait été assigné.
Voiture, « je t’aime moi non plus »
Après plusieurs années de repli, le marché de l’automobile est orienté à la hausse. De 2009 à 2013, la consommation de voitures neuves et d’occasion s’était contractée de 18,2 %. En 2014, une stabilisation s’était opérée. En revanche, en 2015, la progression a été de 6,1 %.
Ce mouvement traduit aussi bien le dynamisme du marché des voitures neuves (+ 4,7 % après – 0,2 % en 2014) que celui de l’occasion (+ 8,3 % après + 0,9 %). Comme en 2014, les voitures à essence soutiennent le marché du neuf : leur nombre d’immatriculations s’accroît fortement (+ 21,9 %) quand le recul s’intensifie pour les voitures diesel (14,5 %). Désormais minoritaires, ces dernières ne représentent plus que 43,4 % des immatriculations en 2015, soit 9,1 points de moins qu’en 2014. Les ménages privilégient toujours les petites voitures économes (cinq chevaux fiscaux ou moins), mais la part de ces dernières diminue (57,4 %, soit – 0,7 point).
Depuis 1980, l’âge moyen des véhicules augmente. Cela est dû aux contraintes de pouvoir d’achat mais aussi à l’amélioration de la fiabilité des véhicules. L’âge moyen est désormais de plus de 8,5 ans contre moins de 6 ans en 1980 et de 7,5 ans en 2010. Cette augmentation de l’âge s’explique par le fait que la voiture est moins un objet de positionnement social que par le passé. L’âge moyen des véhicules diesels est de 7,6 ans contre 10,3 ans pour les moteurs « essence ». Les détenteurs de voitures diesels roulent, en règle générale, plus que ceux ayant une voiture à essence. En outre, jusqu’en 2015, le marché était dominé par les voitures diesels. La part du diesel dans les ventes de véhicules neufs est passée de 73 % en 2012 à 52,2 % au cours du premier trimestre 2016. De ce fait, nous devrions assister à un rajeunissement des voitures essence durant les prochaines années. Les propriétaires conservent leur voiture en moyenne 5,5 ans contre 3,7 en 1990 et 4,4 en 2000.
Quand le travail ne fait pas tout ?
L’analyse du temps de travail des actifs est souvent trompeuse. En effet, en ne retenant que ce critère, la Grèce devrait avoir de bons résultats économiques ce qui n’est pas a priori le cas. C’est un indicateur à prendre en compte mais qui doit être associé à d’autres : la productivité, l’intensité capitalistique, le positionnement économique… Ainsi, la productivité horaire française figure parmi les meilleures d’Europe avec celles de la Belgique, de la Suède ou du Luxembourg.
Néanmoins, la question du temps de travail reste toujours au cœur du débat public. Ainsi, selon une récente étude Eurostat et COE-Rexecode, la durée effective annuelle des salariés à temps complet est, en France, la plus faible de tous les grands pays avancés. En 2015, elle était de 1646 heures soit 199 heures de moins que celle de l’Allemagne ou 228 heures de moins que celle du Royaume-Uni. En revanche, la durée de travail des salariés à temps partiel est supérieure en France à celle de plusieurs pays européens (981 heures en France contre 889 en Allemagne et 873 au Royaume-Uni). De ce fait, tout salarié confondu, l’écart est un peu moindre. La durée annuelle de temps de travail est alors de 1521 heures pour la France contre 1580 heures pour l’Allemagne, 1624 heures pour le Royaume-Uni et 1627 heures pour l’Italie. Ce temps est de 1909 heures pour la Grèce. Seuls les Pays-Bas (1366), le Danemark (1506) et la Suède (1509) ont des temps de travail inférieurs.
Le temps de travail a fortement baissé depuis 1998 et l’introduction des 35 heures. Il est ainsi passé tout salarié confondu de 1761 à 1521 soit une baisse de plus de 13 %. Sur la même période, seule l’Autriche a connu une réduction plus forte (-14 %). En ne retenant que les salariés à temps plein, la France est le pays qui a connu la plus forte contraction de son temps de travail, -14 % contre -9 % en Allemagne, -6 % en Espagne, -8 % en Italie, -5 % au Royaume-Uni.
La baisse du temps de travail effectif a concerné tous les secteurs d’activité. Elle a été de 67 heures de 2010 à 2015 dans l’agriculture, de 29 heures dans l’industrie, de 21 heures dans le secteur de la construction, de 37 heures dans le secteur des services marchands et non marchands. L’automatisation dans le secteur agricole et le développement de la multi-activité peuvent expliquer la chute du temps de travail. Celle-ci est la plus faible dans le secteur des services non-marchands (1569 heures pour une moyenne générale de 1646 heures).
Au niveau de la durée hebdomadaire individuelle, le temps de travail est en France de 39 heures contre 40,5 en Allemagne. Si la France a plus congés, l’Allemagne enregistre plus d’heures de congés en maladie et de congés maternité/paternité. En France, la durée des congés et RTT est de 7 semaines contre 3,9 en Allemagne. Les jours fériés représentent 0,8 semaine en France contre 0,4 en Allemagne.
Les non-salariés à temps complet travaillent, en France, 2 335 heures soit 42 % de plus que les salariés. La France est le pays qui connait l’écart le plus important en la matière (il est de 26 % en Allemagne, de 21 % pour l’Italie et de 8 % pour le Royaume-Uni). Seuls les non-salariés belges, autrichiens, et grecs travaillent plus que les Français.
Quand le privé s’endette
L’endettement n’est pas qu’une question d’Etats. Les agents privés se sont, dans les années 90/2000, fortement endettés. Aux Etats-Unis, ce sont les emprunts immobiliers qui ont été à l’origine de la crise financière de 2008. Si en Espagne ou aux Etats-Unis, cet endettement s’est fortement contracté après la crise, il demeure très important aux Pays-Bas, au Danemark et au Japon. En Italie, en Irlande ou en Grèce, les banques portent, par ailleurs, un volume important de créances considérées comme douteuses.
Il était jusqu’alors admis qu’un endettement public important était inconciliable avec un endettement privé également de forte taille. C’est le cas au Japon mais aussi en Grèce ou en Italie. Or, plusieurs pays prouvent que les deux peuvent cohabiter. Logiquement, par effet d’éviction, les ménages privés sont censés financer les déficits publics en réduisant leurs investissements et leur endettement. Jusqu’à la crise financière, les Etats ont pu trouver des financements extérieurs assez facilement ; le relais a été pris, depuis, par les banques centrales. Au Japon, le fort taux d’épargne permet l’augmentation de front des deux types d’endettement avec néanmoins une réduction de l’investissement.
Le Partenariat transatlantique, un « pont trop loin » ?
Barack Obama souhaiterait conclure positivement les négociations commerciales engagées entre les Etats-Unis et l’Union européenne en juillet 2013 afin d’aboutir à la ratification du Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (PTCI) également connu sous les sigles TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) ou TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement). Le compte à rebours est lancé sachant que son mandat s’achève à la fin de l’année. Compte tenu des réserves de l’opinion publique, européenne mais aussi américaine, il est en l’état difficile d’avoir une vision claire sur le calendrier de la conclusion de cet accord et de sa ratification.
Barack Obama après avoir conclu un traité commercial avec les pays d’Asie aimerait partir de la Maison Blanche en ayant également réglé les relations avec l’Europe. Le TPP ou Trans-Pacific Partnership a été conclu entre douze pays (Etats-Unis, Brunei, Chili, Nouvelle-Zélande, Singapour, Australie, Pérou, Vietnam, Malaisie, Mexique, Canada, Japon) en février 2016. Il n’a pas été encore été ratifié par le Congrès américain.
Sur le papier, le traité transatlantique comporte de nombreux avantages. Il a pour objectif de faciliter les échanges entre deux blocs commerciaux majeurs. Il permettrait de renforcer le poids des pays concernés face à la montée en puissance des pays émergents. Il devrait générer de nouveaux débouchés commerciaux et des gains de productivité supplémentaires.
Le traité aborde tout à la fois les droits de douane, les normes et la résolution des conflits. Il prévoit notamment une simplification dans le processus de validation des normes.
En l’état actuel des négociations, les droits de douane seraient supprimés sur 97 % des lignes tarifaires. En revanche, la question des lignes tarifaires agricoles et les dispositifs de coopération réglementaire n’est pas réglée. L’accès des entreprises européennes aux marchés publics américains est également un sujet sensible. Les Etats-Unis sont, sur ce sujet, plus protectionnistes que les Européens.
Des oppositions de plus en plus nombreuses
En Europe, les opinions publiques sont opposées voire très opposées à ce projet de traité. Par exemple, seuls 17 % des Allemands y seraient favorables. Aux Etats-Unis, la tentation protectionniste se renforce nettement. Aux Etats-Unis, Hillary Clinton, candidate du parti démocrate à la présidence a ainsi exprimé des réserves à l’encontre du Partenariat Trans-Pacifique (TPP) quand Donald Trump, candidat républicain, y est fermement opposé. Ces prises de positions pourraient s’appliquer au projet de traité transatlantique.
La proximité d’élections majeures dans plusieurs pays, Etats-Unis, France, Espagne, Allemagne… rend compliquée l’adoption d’un tel traité. En France, François Hollande a indiqué qu’il pourrait s’y opposer même si, en vertu du traité de Lisbonne, la négociation des traités commerciaux est une compétence exclusive de la Commission de Bruxelles.
Pour éviter un blocage durant toute l’année 2017, la Commission de Bruxelles et Washington pourraient être tentés d’accélérer les négociations au risque d’aboutir à un texte bâclé. L’autre risque est l’enlisement de ce traité qui pourrait pourtant créer un déclic économique de part et d’autre de l’Atlantique.