18 novembre 2017

Le Coin de la Conjoncture du 18 novembre 2017

La cigarette, l’alcool et l’obésité, les ennemis de l’espérance de vie

Depuis 1970, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de 10 ans, en moyenne, au sein des pays de l’OCDE, pour atteindre une valeur moyenne de 80,6 ans. Cette progression repose sur une augmentation des revenus, une amélioration des conditions de vie ainsi que la réalisation de progrès dans les domaines de la prévention et de la santé. En France, en 2016, l’espérance de vie à la naissance était pour une femme, en moyenne, de 85,4 ans et pour un homme de 79,3 ans. Depuis l’an 2000, les hommes ont gagné 4,1 années d’espérance de vie à la naissance et les femmes 3,6. Dans la zone OCDE, l’espérance de vie à la naissance la plus élevée est relevée au Japon (83,9 ans), suivi par l’Espagne et la Suisse (83 ans dans les deux cas), les niveaux les plus faibles étant recensés en Lettonie (74,6 ans) et au Mexique (75 ans). La France se situe parmi les pays à très forte espérance de vie.

Dans sa dernière étude sur les systèmes de santé, l’OCDE souligne qu’une diminution de moitié des taux de tabagisme et de la consommation d’alcool se traduirait par un gain d’espérance de vie de 13 mois. Dans le même sens, une hausse de 10 % des dépenses de santé par habitant en termes réels ajouterait en moyenne 3,5 mois à l’espérance de vie. Néanmoins, le lien entre augmentation des dépenses de santé et augmentation de l’espérance de vie n’est pas automatique comme en témoignent les derniers résultats en provenance des États-Unis. Ce pays a enregistré parmi les plus forts niveaux et taux de croissance des dépenses de santé tout en connaissant une stagnation voire un recul de son espérance de vie. La montée des inégalités qui s’accompagne d’un problème d’accès aux soins pour certaines catégories sociales et de comportements alimentaires inappropriés expliquent cette stagnation.

Au sein de l’OCDE, depuis 2009, en moyenne, les dépenses de santé par habitant ont progressé d’environ 1,4 % par an contre 3,6 % par an au cours des six années précédentes. Ces dépenses sont aujourd’hui proches de 4 000 dollars par habitant en moyenne et par an. C’est aux États-Unis que les dépenses sont les plus élevées : avec 9 892 dollars par habitant, elles représentent 17,2 % du PIB. Les dépenses de santé sont également supérieures ou égales à 11 % du PIB en Suisse, en Allemagne, en Suède et en France.

Depuis une vingtaine d’années, la plupart des pays de l’OCDE ont réalisé des économies en développant l’utilisation des médicaments génériques, qui représentent aujourd’hui plus de 75 % des ventes en volume de produits pharmaceutiques aux États-Unis, au Chili, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, contre moins de 25 % au Luxembourg, en Italie, en Suisse et en Grèce. La France se situe en la matière dans le bas du classement. Des campagnes ont été menées dans les pays de l’OCDE pour réduire la consommation d’antibiotiques qui ne devraient être prescrits qu’en cas de nécessité. Leur utilisation varie du simple au triple, voire plus, suivant les pays. En particulier, la Grèce et la France déclarent en ce domaine des volumes largement supérieurs à la moyenne de l’OCDE. Les États ont également développé la prise en charge des interventions chirurgicales mineures en ambulatoire (sans nuit d’hospitalisation). Par exemple, 90 % ou plus des opérations de la cataracte sont désormais assurées en chirurgie ambulatoire dans 20 des 28 pays de l’OCDE. Ce taux reste néanmoins inférieur à 60 % en Pologne, en Turquie, en Hongrie et en République slovaque. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les hospitalisations potentiellement évitables en lien avec des pathologies chroniques comme le diabète et l’asthme ont diminué, ce qui dénote une amélioration de la qualité des soins de santé primaires. Le nombre de morts causées par un infarctus du myocarde ou un Accident Vasculaire Cérébral (AVC) est, par ailleurs, en recul. Les améliorations sont particulièrement marquantes en Finlande, pour les patients victimes d’un infarctus du myocarde, et en Australie, pour ceux victimes d’un AVC. L’OCDE souligne que des progrès sont réalisés dans la lutte contre les cancers. Les taux de survie à cinq ans sont de 85 % pour le cancer du sein, et d’un peu plus de 60 % pour les cancers du côlon et du rectum.

Si l’OCDE note que les États ont tous engagé des campagnes pour réduire le tabagisme, l’alcoolisme et l’obésité, des progrès restent à réaliser en matière de lutte  contre la pollution de l’air qui est souvent négligée. Ainsi, les taux de tabagisme ont reculé dans la plupart des pays de l’OCDE. Néanmoins, un adulte sur cinq environ reste un fumeur quotidien. Les taux les plus élevés sont recensés en Turquie, en Grèce et en Hongrie, et les plus faibles au Mexique. La France reste parmi les États comprenant le plus de fumeurs (32 % de la population).

La consommation d’alcool a diminué depuis 2000 dans les pays de l’OCDE pris dans leur ensemble, mais elle a augmenté dans 13 pays sur la même période, dont la Belgique, l’Islande, la Lettonie et la Pologne. De plus, dans la région OCDE, un adulte sur cinq connaît régulièrement une suralcoolisation épisodique (binge drinking). En France, 10 % des adultes sont aujourd’hui en difficulté avec l’alcool qui est la deuxième cause de mortalité. L’alcoolisation des plus jeunes est un problème de santé majeur, la consommation des premiers verres étant de plus en plus précoce, ce qui inquiète les spécialistes de la santé publique (effets sur la croissance des enfants, accoutumance à l’alcool).

L’obésité devient un problème majeur de santé publique. Aujourd’hui, la proportion d’adultes en surpoids dans les pays de l’OCDE atteint 54 %, dont 19 % de personnes obèses. À l’échelle mondiale, ce taux est de 33 %. Les taux d’obésité sont supérieurs à 30 % en Hongrie, en Nouvelle-Zélande, au Mexique et aux États-Unis. En France, 15 % de la population est en surpoids contre 8,5 % en 1997 (sources OMS). L’augmentation de la prévalence est observée dans toutes les tranches d’âge de la population, y compris les seniors. L’obésité a tendance à progresser plus vite chez les femmes que chez les hommes. Le surpoids et l’obésité représentent le cinquième facteur de risque de décès au niveau mondial et fait au minimum 2,8 millions de victimes chaque année.

Dans les prochaines années, l’espérance de vie pourrait stagner voire reculer en raison de cette progression de l’obésité. En France, les comportements alimentaires ont rapidement évolué avec la diminution des repas pris à la maison et le développement des chaines de restauration rapide. Les repas à la maison se sont simplifiés avec un moindre recours aux légumes et fruits frais au profit des plats tout préparés. Une inflexion des comportements est constatée depuis 2008 avec la montée en puissance des produits bio mais cela reste marginal et confiné au sein des classes sociales les plus favorisées.

 

Le bitcoin, du rêve au mirage ?

En novembre dernier, le cours du bitcoin a atteint 7 900 dollars, ce qui constitue un record pour cette monnaie virtuelle créée en 2009 par un groupe d’informaticiens anonymes surnommé Satoshi Nakamoto. Le bitcoin est, depuis, redescendu autour de 6 000 dollars. Malgré tout, depuis le début de l’année, son cours a augmenté de plus de 600 %. Chaque jour, la valeur en dollar des échanges de Bitcoin atteint environ 1,5 milliard de dollars ; Un mouvement spéculatif s’est emparé du bitcoin qui est la principale monnaie virtuelle avec un encours de 112 milliards de dollars pour un total de 170 milliards de dollars. Le bitcoin n’est pas, en effet, la seule monnaie virtuelle. Plus de 4 500 monnaies ont été dénombrées dont les plus connues sont Ether, Dash ou Monero.

Le bitcoin (de l’anglais bit, unité d’information binaire et coin « pièce de monnaie »), est une  monnaie cryptographique reposant sur le technique des blockchains. Il s’accompagne d’un système de paiement pair-à-pair. Le système fonctionne sans autorité centrale mais de manière décentralisée grâce au consensus de l’ensemble des nœuds du réseau. L’émission de bitcoins, plafonnée à 21 millions, est réalisée par des utilisateurs mettant à disposition leur puissance de calcul informatique afin de vérifier, d’enregistrer et de sécuriser les transactions dans la blockchain. Cette activité, appelée « minage » exige d’importants moyens informatiques et est fortement consommatrice d’énergie. L’agence « Reuters » a estimé qu’en 2015 le réseau bitcoin consommait 43 000 fois plus d’électricité que les 500 ordinateurs les plus puissants en fonction dans le monde. En 2020, ce réseau aurait besoin de près de 14 000 mégawatts, ce qui représente la moitié de la consommation électrique de la Nouvelle Angleterre aux  États-Unis ou la totalité de la consommation du Danemark. Face aux coûts exponentiels de production, les créateurs de bitcoins se regroupent dans des « fermes ». En 2016, une dizaine de ces coopératives fournissaient 95 % des blocs. La Chine, tout en freinant l’utilisation du bitcoin, s’est spécialisée dans sa production (72 % du minage). La Russie a également décidé de développer le « minage » afin de concurrencer la Chine.

À terme, un changement d’algorithme sera nécessaire pour limiter la consommation d’énergie. L’absence de transparence en matière d’émission constitue une autre faiblesse de la monnaie virtuelle. Au niveau de la fraude, en revanche, toutes les transactions sont censées être vérifiées par les nœuds du réseau et enregistrées dans un registre public réputé infalsifiable (principe du blockchain).

Le bitcoin est utilisé par un nombre croissant d’acteurs économiques. Ainsi, en 2017, plus de 100 000 sites Internet, dont PayPal, WordPress ou l’agence de voyage Expedia, l’acceptent comme moyen de paiement. La Croix-Rouge ou Greenpeace admettent également les dons en bitcoins. Il est même possible d’obtenir des bitcoins physiques auprès des 1 778 distributeurs installés dans plusieurs pays. En Europe, les Pays-Bas se sont dotés de 15 distributeurs. Le recours au bitcoin est intéressant pour les vendeurs qui bénéficient d’une sécurité de paiement ; par ailleurs, les frais qui évoluent en fonction du nombre d’opérations en cours, sont à la charge de l’acheteur.

Un nouveau produit d’épargne

Les fluctuations sur le bitcoin et sa récente appréciation génèrent une plus grande visibilité et incitent certains établissements financiers à proposer de nouveaux placements. Début novembre, CME Group a annoncé le lancement prochain de contrats à terme sur le bitcoin. Pour certains, l’émission de ces contrats conforte la légitimité de la monnaie virtuelle ; pour d’autres, elle est la preuve de son caractère hautement spéculatif.

Des entreprises, surtout des start-up, ont recours aux crypto-monnaies pour des levées de fond. Ce type d’opération, appelée Initial Coin Offering (ICO), repose donc sur une émission d’actifs numériques (des tokens, ou jetons) qui peuvent être échangés contre des crypto-monnaies pendant la phase de démarrage du projet. La rareté des tokens permet d’espérer des gains à leur revente, ce qui incite les investisseurs à figurer parmi les premiers arrivés. À la différence des actions classiques, les tokens ne représentent pas des parts de l’entreprise, mais des droits de tirage sur des monnaies virtuelles. En 2016, les ICO auraient permis de lever 200 millions d’euros. Pour cette année, certains avancent le chiffre de 6 milliards, soit plus que le crowdfunding en 10 ans.

L’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) juge que cette envolée des ICO constitue un réel danger et en premier lieu pour les épargnants. L’organisme de contrôle européen juge les « Initial Coin Offerings » non régulées, volatiles, opaques et non éprouvées au plan technologique. Dans un communiqué, il a récemment déclaré que « les ICO sont des investissements extrêmement risqués et hautement spéculatifs » et qu’il y a « un risque d’une perte totale de votre investissement ». « Beaucoup de ces monnaies ou jetons (tokens) n’ont pas de valeur intrinsèque autre que (…) leur utilisation pour avoir accès ou recours à un service/produit », poursuit l’Esma qui, après les régulateurs suisse et américain, réclame à son tour un contrôle plus strict sur les crypto-monnaies. Plusieurs pays ont pris récemment des mesures pour limiter ou interdire l’usage des bitcoins. Ainsi, la Chine a interdit les échanges en bitcoins. La Corée du Sud a également pris des dispositions pour empêcher les levées de fonds payés en tokens. L’Algérie prévoit d’interdire toutes les monnaies virtuelles. Les autorités françaises pourraient également proposer un cadre juridique pour l’utilisation de ces monnaies. L’Autorité des marchés financiers français a récemment émis un appel à la prudence à la destination des épargnants qui pourraient être tentés par des offres de placement en bitcoins promettant sur Internet des rendements alléchant (500 % selon certaines publicités). L’AMF souligne que cette  monnaie virtuelle n’a pas de cours officiel et qu’elle est échangée sur un marché non réglementé. Elle indique, à juste titre, que le bitcoin est extrêmement volatil. Au sujet des ICO, l’AMF mentionne qu’ils présentent « tous les risques liés aux monnaies virtuelles : perte de capital, volatilité des taux, illiquidité, absence d’information claire et détaillée sur le placement, absence de réglementation, risque d’arnaque, auxquels s’ajoute le risque de non réalisation ou d’absence de succès duprojet ».

A l’origine, le bitcoin visait à s’affranchir des circuits financiers traditionnels au moment de la Grande Récession de 2008. Son caractère digital et mondial lui a assuré un certain succès tant dans la sphère légale que dans celle des activités mafieuses. En ressemblant plus aux bulbes de tulipes au tant de la « Tulipomanie » de 1837 qu’à un étalon monétaire, le bitcoin risque de perdre en crédit. Le rapport de 2015 de la CIA sur l’État du monde à 30 ans soulignait le risque qu’un réseau comme Facebook batte monnaie. Les conséquences de déstabilisation de l’économie étaient jugées si importantes que la préconisation était l’interdiction d’une telle émission.

Exemple de crypto-monnaies en circulation

 

Monnaie Date de création Fondateur Équivalent de la masse monétaire en dollars Quantité de monnaie émise Quantité maximum de monnaie pouvant être émise
Bitcoin 2009 Satoshi Nakamoto 62,5 milliards au 06/10/2017 16,6 millions au 04/08/2017 21 millions
Ether 2015 Vitalik Buterin 20,92 milliards au 04/08/2017 93,7 millions au 04/08/2017
MaidSafeCoin 2014 David Irvine 151,9 millions au 04/08/2017 452,5 millions au 04/08/2017 4,3 milliards
Dash 2014 Evan Duffield 1,39 milliards au 04/08/2017 7,4 millions au 04/08/2017 18,9 millions
Dogecoin 2013 Jackson Palmer et Billy Markus 200,8 millions au 04/08/2017 110,5 milliards au 04/08/2017 5,2 milliards
Monero 2014 674,6 millions au 04/08/2017 14,8 millions au 04/08/2017 18,3 millions puis production perpétuelle
Factom 2015 165,7 millions au 04/08/2017 8,7 millions au 04/08/2017
BitShares 2014 399,8 millions au 04/08/2017 2,5 milliards au 04/08/2017 Pas de limite