Le Coin de la Conjoncture du 19 décembre 2015
La France paie toujours un mauvais positionnement
Le pacte de responsabilité, le CICE, la dépréciation de l’euro, voire la baisse du cours des matières premières et de l’énergie, ont amélioré la compétitivité des entreprises françaises. La compétitivité-coût de l’industrie s’est ainsi améliorée en France relativement à l’Allemagne et à l’Italie, mais, en revanche, elle s’est dégradée par rapport à l’Espagne. Les salaires dans ce dernier pays ont baissé quand ils continuent d’augmenter en France. Or, les entreprises espagnoles sont des concurrentes directes des entreprises françaises quand les entreprises allemandes mais aussi italiennes sont positionnées sur un niveau de gamme supérieur. De ce fait, surtout à l’exportation, la France est à la peine. Cette proximité des niveaux de gamme en France et en Espagne est révélée par les niveaux des élasticités-prix des exportations en volume : autour de 0,3 en Allemagne, de 0,4 en Italie, mais de 0,7 en France et 0,8 en Espagne. La France souffre d’un positionnement médiocre au niveau industriel.
La faiblesse de l’investissement empêche le repositionnement des entreprises françaises sur un niveau de gamme plus élevé. Par ailleurs, si le taux de marges bénéficiaires est, depuis 2014, à la hausse, il demeure très en-deçà de son niveau d’avant crise. Les prélèvements constituent toujours un handicap pour les entreprises françaises. Les impôts sur les entreprises atteignent 18 % du PIB quand ils sont inférieurs à 10 % en Allemagne. De ce fait, il n’est pas étonnant que les profits après taxes, intérêts et dividendes soient 2 points de PIB supérieurs en Allemagne par rapport à la France.
A défaut de pouvoir monter en gamme, les entreprises pourraient être contraintes plus ou moins explicitement de suivre le modèle espagnol et donc de jouer plus ou moins directement sur le niveau des salaires.
Cette pression à la baisse s’exprime de plusieurs manières. Le maintien d’un fort taux de chômage conduit également à la stagnation des salaires. Les entreprises ont tendance à licencier des salariés senior et à embaucher en CDD des jeunes et à recourir de plus en plus à l’intérim
L’Europe de la consommation
La consommation individuelle effective (CIE) est une mesure du bien-être matériel des ménages. Elle est constituée de biens et services effectivement consommés par les individus, indépendamment du fait que ces biens et services aient été achetés et payés par les ménages, par l’État, ou par des institutions sans but lucratif.
En 2014, la CIE par habitant exprimée en standards de pouvoir d’achat (SPA) s’est située, parmi les États membres de l’Union européenne, entre 51 % de la moyenne de l’Union, en Bulgarie et 141 % au Luxembourg de cette même moyenne.
Dix États membres ont, au sein de l’Union, une CIE par habitant supérieure à la moyenne.
Le niveau le plus élevé dans l’Union a été enregistré au Luxembourg, à 41 % au-dessus de la moyenne. L’Allemagne et l’Autriche se positionnaient à plus de 20 % au-dessus de la moyenne. Ils étaient suivis du Danemark, du Royaume-Uni, de la Belgique, de la Finlande, des Pays-Bas, de la France et de la Suède qui tous enregistraient des niveaux situés de 10 % à 15 % supérieurs à la moyenne.
Dans douze États membres, la CIE par habitant se situait entre la moyenne de l’UE et 30 % en-dessous.
En Italie ainsi qu’en Irlande, les niveaux étaient moins de 10 % inférieurs à la moyenne de l’UE, tandis que Chypre, l’Espagne, la Grèce, le Portugal et la Lituanie se situaient entre 10 % et 20 % en-dessous. Malte, la Slovaquie, la République tchèque, la Slovénie et la Pologne se positionnaient entre 20 % et 30 % en-dessous de la moyenne.
Dans six États membres, une CIE par habitant plus de 30 % inférieure à la moyenne de l’UE était relevée.
En Estonie, en Lettonie, en Hongrie et en Croatie, les niveaux étaient 30 % à 40 % inférieurs à la moyenne, alors que la Roumanie avait une CIE par habitant 43 % inférieure à la moyenne de l’UE et que la Bulgarie se situait environ 50 % en-dessous de la moyenne.
Sur les trois dernières années, la CIE par habitant, exprimée par rapport à la moyenne de l’UE, est restée relativement stable dans une majorité d’États membres. Toutefois, des hausses nettes ont été observées dans les trois États membres baltiques – Lituanie (81 % de la moyenne de l’UE en 2014, contre 74 % en 2014), Lettonie (65 % vs. 61 %) et Estonie (68 % vs. 65 %) – ainsi qu’en République tchèque (76 % vs. 72 %) et en Slovaquie (77 % vs. 73 %), tandis que les baisses les plus marquées ont été enregistrées en Italie (98 % en 2014, contre 103 % en 2012) et à Chypre (90 % vs. 95 %).
Finlande, la chute d’un ancien bon élève
La Finlande, le pays de Nokia, reste un des quatre pays de la zone euro encore classé AAA. Selon le classement 2014 réalisé par le forum économique mondial, la Finlande reste également en tête au niveau européen pour la compétitivité, devant l’Allemagne et loin devant la France. Pourtant, depuis quatre ans, le pays est confronté à une crise de forte ampleur. Le PIB est en 2015 toujours inférieur à son niveau de 2008. Depuis 2011, la Finlande connaît, en effet, de graves difficultés économiques : chute de la production industrielle, recul violent de la capacité de production de l’industrie et de l’investissement, hausse du chômage, perte de l’excédent extérieur…
Les causes de ce déclin sont multiples. La Finlande fait face au ralentissement du commerce international dont elle est très dépendante. Ce pays est confronté plus précisément à la forte récession de son grand voisin russe et à la stagnation européenne. Du fait de sa taille réduite, l’économie de la Finlande repose sur un nombre limité de secteurs d’activité et d’entreprises et est donc très exposé au retournement conjoncturel de ces secteurs. Le recul de l’activité dans l’électronique, dans la filière bois-meubles et dans celle des biens d’équipement pèse sur l’ensemble de l’économie.
Le niveau très élevé des coûts de production explique également le processus de désindustrialisation. Les salaires ont, en Finlande, continué à fortement progresser au moment où les gains de productivité disparaissaient. La Finlande dont le modèle reposait sur la recherche est en panne d’innovations du fait d’une diminution des dépenses de R&D.
Les problèmes économiques que rencontre la Finlande n’ont pas empêché le gouvernement de centre-droit d’instituer un système de revenu universel de 800 euros par mois. Ce revenu universel qui est sans précédent remplace toutes les prestations sociales (indemnités de chômage, pensions de retraite…) qui étaient jusqu’alors attribuées.
Pour le Premier Ministre Juha Sipilä, ce revenu devrait inciter les demandeurs d’emploi à accepter des postes peu rémunérés. Le coût de ce dispositif est évalué à 50 milliards d’euros par an. Pour faciliter la mise en place de ce projet, prévue au mois de novembre 2016, une expérimentation sur un groupe limité de citoyens a été prévue avec un revenu limité dans un premier temps à 550 euros par mois.
D’autres pays comme la Suisse ou les Pays-Bas réfléchissent à l’instauration d’un revenu universel.
L’accord de la COP 21 changera-t-il le monde ?
195 Etats se sont mis d’accord le 13 décembre dernier sur le climat avec comme objectif, le maintien en-dessous de 2 degrés le réchauffement climatique par rapport au niveau préindustriels. Il a été même admis à la demande des petits Etats insulaires qu’il faudrait tenter de rester en-deçà de 1,5 degré. Pour le moment, le réchauffement atteint 0,9 degré. L’accord comprend un effort financier de 100 milliards de dollars des pays les plus riches vers les pays les plus pauvres afin qu’ils puissent contribuer à la maitrise des émissions des gaz à effet de serre. Même si cet accord est incomplet et que son application sera délicate, il traduit la volonté universelle de lutter contre le réchauffement climatique.
L’accord de Paris a tiré les enseignements de l’échec du sommet de Copenhague de 2009. Désormais, les Etats présentent leur objectif de réduction des gaz à effet de serre correspondant aux efforts qu’ils peuvent faire. Auparavant, la démarche était top-down. Un objectif général de réduction était fixé et répartie entre les Etats signataires.
Un inventaire de la réalisation des différents efforts de maitrise du climat sera réalisé tous les 5 ans à compter de 2018.
Plusieurs pays et de nombreuses ONG ont souligné que cet accord ne comportait de feuille de route claire et qu’il ne mettait que peu l’accent sur les énergies renouvelables. Par ailleurs, il ne comporte pas de mécanismes de sanction envers les Etats qui ne respecteraient pas leurs engagements. Cet accord constitue un pas vers une prise de conscience globale du problème du réchauffement climatique mais il ne saurait à lui seul mettre sur pied un système de régulation des émissions des gaz à effet de serre, ni être le point de départ d’une structure multilatérale permanente dédiée au climat. Il reste à inventer l’OMC ou le FMI du climat.