Le Coin de la Conjoncture du 2 avril
Mécompte sur le contrechoc pétrolier
Le contre-choc pétrolier de 2014/2016 a surpris par son importance. Le prix du baril a baissé de 65 % entre juin 2015 et le début de l’année 2016. Cette chute a été considérée comme une aubaine pour les économies languissantes des vieux pays industrialisés. 18 mois après le début de ce contrechoc, si effet il y a eu, il est moindre qu’attendu. Par ailleurs, en se plaçant au niveau de l’économie mondiale, l’impact du recul du pétrole apparait, pour certains, faible voire nul.
Le contrechoc pétrolier version 2014/2016 déçoit donc au regard des effets des précédents et en particulier par rapport à celui de 1986/1987.
La baisse des cours du pétrole a été la conséquence du ralentissement des pays émergents. Elle a également été, par ricochet, à l’origine de la baisse de croissance des pays producteurs de pétrole. Par ailleurs, elle a été occasionnée par un excès d’offre provoqué par l’arrivée massive de pétroles alternatifs.
En 1986, la baisse des cours est intervenue dans des conditions voisines à celles de 2014 sauf que la croissance repartait au niveau mondial. L’arrivée sur le marché de nouveaux pays producteurs (Amérique latine, Afrique, Royaume-Uni…) avait entraîné une perte d’influence de l’OPEP sur les prix. L’Arabie Saoudite avait alors décidé d’abandonner sa politique de réduction de la production considérant qu’elle était la seule à consentir des efforts. Cette politique avait eu un effet assez rapide permettant une remontée des cours dès 1987.
En 2015, le scénario a été différent. Les pays producteurs ont, continué, malgré la baisse des cours, à inonder le marché de pétrole chacun souhaitant maintenir son niveau de recettes. Par ailleurs, la baisse de la production aux Etats-Unis ou au Canada a été plus longue à se dessiner que prévu. Le contexte de ralentissement de l’économie de l’économie mondiale a accentué la tendance baissière rendant la reprise en main du marché plus difficile qu’en 1986 ou même qu’en 2009. En effet, le rebond économique de 2010 a permis une forte remontée des cours.
L’effet économique du contre-choix a été moindre qu’attendu car le potentiel de croissance n’est plus en occident. Une chute importante du prix du pétrole aboutit à accroître les revenus des pays importateurs qui sont, en règle générale, des pays à forte propension à consommer. En contrepartie, les pays exportateurs enregistrent une baisse de leurs revenus ; or ces pays étaient plutôt enclins à l’épargne et non à la consommation. Ce schéma a un peu vécu. L’élasticité consommation / prix de l’énergie a baissé dans les pays anciennement industrialisés. Le vieillissement de la population et le manque de confiance dans l’avenir constituent des freins à la reprise nette de la consommation. Certes, elle a certes augmenté en 2015 mais les ménages ont également accru leur effort d’épargne. Ainsi, à la fin de l’année dernière, le taux d’épargne s’élevait, en France, à 15,9 % du revenu disponible brut. De l’autre côté, les dépenses de consommation des pays exportateurs se sont contractées. Le maintien de cours du pétrole bas pourrait à terme occasionner des incidents de paiement pour des pays producteurs ayant des économies peu diversifiées. Certains pays d’Afrique et d’Amérique Latine sont concernés.
La baisse du prix du pétrole s’est fait fortement ressentir sur la demande intérieure des pays producteurs qui ont tout à la fois réduit leur consommation mais aussi leurs investissements. D’après Rystad Energy, la baisse des investissements en capital dans les secteurs pétrolier et gazier, entre 2014 et 2015, atteint 215 milliards de dollars à l’échelle mondiale, soit environ 1,2 % de la formation brute de capital fixe mondiale (ou presque 0,3 % du PIB mondial).
Le faible impact de la chute du prix du pétrole est également lié aux modifications structurelles de l’économie mondiale. La mondialisation a abouti aux transferts d’une partie de l’activité industrielle des pays dits avancés vers les pays émergents. Le poids de l’industrie dans la valeur ajoutée s’est contracté de 8 à 12 points au sein des pays occidentaux. Or, le secteur industriel est le plus sensible aux variations des prix des matières premières. La surproduction de biens industriels fait que les prix étaient, avant même le contre-choc, orientés à la baisse. Par ailleurs, la croissance est plus économe en énergie qu’elle ne l’était en 1986. L’économie du digital qui a le vent en poupe est peu sensible aux variations du cours du pétrole.
Lors des précédents contre-chocs pétroliers, les banques centrales avaient accompagné le mouvement en abaissant leurs taux or ces derniers sont déjà à des niveaux « plancher », elles n’ont pas pu le faire. Cela diminue l’effet du contre-choc.
Les divergences de vue entre les pays producteurs rendent complexe l’obtention d’un accord de régulation. Néanmoins, ces dernières semaines, les contacts se sont multipliés entre producteurs OPEP et non OPEP pour tenter de stabiliser les cours.
L’Espagne à la recherche d’un nouveau souffle
L’Espagne n’en est pas encore à battre le record détenue par la Belgique mais en prend le chemin. La Belgique est, en effet, recordwoman de la plus longue crise politique, 541 jours pendant lesquels le pays a été dirigé par le Premier ministre par intérim Yves Leterme. En effet, la Belgique, en 2011, s’était dotée d’un gouvernement après 18 mois de tergiversations faisant suite aux élections législatives de juin 2010 qui avaient été remportées par les séparatistes flamands du Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA).
Depuis les élections du 20 décembre dernier, aucun gouvernement majoritaire n’a peu encore voir le jour en Espagne. La seule avancée notable a été la conclusion d’un accord entre PSOE et le parti du centre, Ciudadanos, pour une première tentative d’élection d’un chef de gouvernent début mars qui n’a pas abouti. Le gouvernement de coalition n’a alors obtenu que 130 voix face à l’opposition des 219 députés de droite, de gauche et des partis régionaux. Les députés ont maintenant jusqu’au 2 mai pour trouver une solution faute de quoi le Congrès sera dissout et les Espagnols appelés à voter, une nouvelle fois, le 26 juin prochain. Les sondages, en cas de nouvelle élection, donnent une légère avance à la coalition constituée par le parti socialiste et le centre avec un recul de PODEMOS ; le Parti Populaire conserverait son score du mois de décembre. Il serait alors possible mais pas certain de dégager une majorité.
Cette longue attente commence à peser sur l’activité d’autant plus que les difficultés financières reviennent à la surface, se traduisant par une montée des primes de risques sur les taux d’intérêt.
L’annonce du déficit public pour 2015 a fait l’objet d’une douche froide. En lieu et place des 4,5 % avancés par les pouvoirs publics, le déficit a atteint 5,2 % du PIB. Dans ces conditions, l’objectif prévu pour 2016 de ramener à 2,9 % le déficit apparaît inatteignable. La dette publique qui est de 99 % du PIB devrait franchir la barre des 100 % cette année.
L’Espagne est, avec l’Irlande, le pays qui a connu le plus fort taux de croissance de la zone euro, +3,1 %. Cette croissance a été tirée par la forte progression des exportations ainsi que par la reprise de la demande intérieure. Les entreprises espagnoles ont gagné des parts de marché en jouant, tout à la fois, sur la baisse des coûts salariaux, sur la baisse de l’euro et celle du prix du pétrole. Le redémarrage de l’économie en zone euro notamment en France et en Allemagne, ses principaux partenaires commerciaux (respectivement 15,5% et 10,5% des exportations de marchandises) a été profitable. De 2007 à 2015, le poids des exportations est passé de 26 % à près de 33 % du PIB espagnol.
Au-delà des vicissitudes politiques, l’Espagne est touchée par le ralentissement des pays émergents d’Asie qui en 2015 absorbaient plus de 9 % de ses exportations contre 6 % en 2003. Les problèmes de l’Amérique latine devraient également peser sur la croissance espagnole en 2016. Elle devrait, dans ces conditions, n’être que de 2,2 %.
Certains facteurs jouent, en revanche, toujours en faveur de la croissance. Les ventes de détails ont continué de progresser en ce début d’année, (+3,6% en janvier en rythme annuel). La croissance de la production industrielle demeure vive, + 3,5 % en rythme annuel.
Le secteur de la construction très touché par l’éclatement de la bulle immobilière a renoué en 2015 avec la croissance. L’activité reste inférieure de 45 % au niveau atteint au deuxième trimestre 2007. L’emploi dans ce secteur s’est effondré de 1,8 million durant la crise.
Le chômage a fortement baissé depuis deux ans passant de 24 à 21,5 %. Cela a contribué à relancer la consommation. Certes, il reste encore 14 points au-dessus de son niveau du premier trimestre 2007. Le pays a réussi à créer 500 000 emplois depuis le dernier trimestre 2014. Ces améliorations ont été obtenues au prix d’une diminution des salaires et par le développement du travail à temps partiel (15 % salariés travaillaient à temps partiel en 2015 contre 11,6% en 2007).