23 janvier 2016

Le Coin de la conjoncture du 23 janvier 2016

L’Allemagne est-elle devenue coopérative ?

Avec son excédent commercial excessif et sa rigueur budgétaire, l’Allemagne a été depuis la sortie de crise, un élève trop zélé au sein de la classe européenne au point que sa politique a certainement contribué à multiplier les déséquilibres en son sein. Face aux demandes répétées de relance de sa demande intérieure, l’Allemagne a eu tendance à faire la sourde oreille. Mais depuis deux ans, les lignes bougent sur ce terrain. L’arrivée des migrants, un million en 2015, la création du salaire minimum et les hausses salariales, devraient logiquement aboutir à une augmentation de la consommation. Pour le moment, les effets sur le rééquilibrage de la balance commerciale sont lents à se dessiner. En effet, malgré le ralentissement chinois et les difficultés des pays producteurs de pétrole, l’Allemagne devrait dégager, encore une fois, un excédent record. Néanmoins, un infléchissement semble se dessiner avec des exportations qui ne progressent que faiblement, +0,4 % en novembre et des importations qui, en revanche, sont en forte hausse, +1,6 % pour le même mois. Plusieurs résultats soulignent que l’Allemagne est pénalisée par l’atonie du commerce international. En novembre, la production industrielle a légèrement reculé de 0,3 % du fait du secteur manufacturier qui représente 60 % du total. Un rebond est néanmoins attendu pour le mois de décembre.

L’Allemagne est encore loin de devenir un moteur puissant de la zone euro. Sa croissance reste modeste et montre des signes d’essoufflement. Au quatrième trimestre 2015, la croissance aurait été faible. Ce qui est certain c’est qu’il n’y a pas d’accélération de la croissance par rapport au trimestre précédent (+0,3 %).

Mais, il faut souligner que la consommation privée reste bien orientée avec une progression qui a atteint 2 % en termes réels au troisième trimestre ce qui constitue un record depuis près de quinze ans. Ce dynamisme repose sur les gains de pouvoir d’achat générés par la baisse des cours du pétrole et par le dynamisme du marché du travail. Sur les dix premiers mois de l’année 2015, les salaires nominaux ont augmenté de 2,3 %.Ce processus devrait se poursuivre. En effet, au quatrième trimestre, les indices de confiance des consommateurs sont en hausse.

La dépense publique soutient également la croissance. Elle a augmenté au cours du 4ème trimestre. Ce mouvement devrait se poursuivre en 2016 en relation avec le financement de la politique d’intégration des réfugiés. Mais, malgré cette contribution positive, le solde des administrations publiques devrait être en excédent pour la deuxième année consécutive, en 2015 à environ 1 % après +0,3 % en 2014. Pour 2016, le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, prévoit un budget à l’équilibre ce devant permettre une contribution positive sur la croissance d’au moins 0,75 point de PIB. Pour l’accueil des réfugiés, 8 milliards d’euros ont été budgétés en 2016, mais, in fine, le montant pourrait atteindre près de 20 milliards d’euros. Après avoir accueilli un million de réfugiés en 2015, l’Allemagne en attend 600 000 supplémentaires en 2016.

La Commission européenne évalue, de son côté, le coût budgétaire de l’accueil des réfugiés à 0,25 point de PIB en 2016 après 0,1 point en 2015 soit un peu moins que ce que prévoit l’administration allemande. Du fait de cette évaluation, la Commission européenne considère que l’Allemagne dégagera un excédent budgétaire égal à 0,5 % du PIB en 2016. La Commission juge que l’Allemagne n’est que modérément coopérative ne faisant pas le nécessaire pour juguler ses excédents commerciaux excessifs. Du fait de sa politique budgétaire prudente, le ratio d’endettement public qui serait inférieur à 69 % en 2016 après plus de 71% en 2015, devrait poursuivre sa baisse pour redescendre en dessous des 60 % du PIB d’ici 2020.

En 2016, l’Allemagne continuera d’être pénalisée par le ralentissement de la croissance dans les zones émergentes. Les exportations vers la Chine ont déjà chuté de 9 % entre mai et octobre 2015.

Le point noir de l’économie reste l’investissement privé qui ne devrait pas se redresser malgré des taux élevés d’utilisation des capacités de production, 84,4 % au dernier trimestre de l’année dernière. Le poids des incertitudes et le ralentissement des exportations rend prudent les dirigeants d’entreprise.

A 6,3 %, le taux de chômage était en novembre 2015 à son niveau le plus bas depuis la réunification. L’introduction du salaire minimum n’a pas eu d’impact mais son entrée en vigueur est étalée jusqu’en 2017. En 2016, la question centrale sera l’intégration des réfugiés. Sur ce sujet, les confédérations d’employeurs et le Conseil des cinq sages plaident pour que les nouveaux arrivants bénéficient dès le début de leur recherche d’emploi, et pendant douze mois, des mêmes conditions qu’un chômeur allemand de longue durée. Ce dernier peut, en effet, être rémunéré à un salaire inférieur au minimum légal au cours des six premiers mois de son contrat. Par ailleurs, la commission paritaire, en charge de la revalorisation du salaire minimum, doit se réunir mi-2016. La tendance est plutôt au statuquo afin de ne pas instituer une barrière empêchant aux réfugiés de s’insérer professionnellement.

La question des réfugiés risque d’être au cœur du débat politique qui sera marqué par de nombreuses élections régionales sachant que les élections nationales sont programmées en 2017. Angela Merkel qui achève son troisième mandat de Chancelière, est de plus en plus contestée au sein de son parti en raison de sa politique d’accueil des réfugiés et de ses changements de position sur le sujet. Des défaites dans plusieurs Länder en 2016 pourraient entraîner sa mise à l’écart au sein de la CDU en l’empêchant ainsi de se représenter en 2017. Une révolution de palais qui est une pratique courante en Allemagne suppose qu’un successeur se dégage ce qui pour le moment n’est pas le cas.

 

L’Espagne entre reprise et incertitudes

L’Espagne en ayant pratiqué la dévaluation salariale s’est muée en pays exportateur qui gagne des parts de marché au détriment, en particulier, de la France et de l’Italie. En effet, depuis le second semestre 2014, l’Espagne engrange les bénéfices de sa politique de désinflation salariale et des réformes du marché du travail. Elle profite, par ailleurs, comme les autres pays de la dépréciation de l’euro et de l’allègement de la facture énergétique. Au sein de l’Union, la reprise de la consommation en France et en Allemagne, ses deux principaux marchés d’exportation (respectivement 15,5 % et 10,5 %), a également contribué à fortifier la reprise.

L’Espagne est devenue un redoutable concurrent sur les marchés internationaux. Ainsi, de 2007 à 2015, le poids des exportations est passé de 26 % à près de 33 % du PIB espagnol. Le pays a su réorienter ses échanges extérieurs avec un poids croissant des pays d’Asie. Les exportations vers ce continent représentaient 9,2 % des exportations au troisième trimestre 2015 contre 6,3 % en 2007.

L’investissement a, en 2015, après de longues années de repli, fortement progressé grâce, notamment à la politique monétaire accommodante de la BCE. Cette politique s’est traduite par une forte chute des taux.

La situation des finances publiques s’est sensiblement améliorée. Le déficit public a été ramené de 10,4 % en 2012  à 4,6 % du PIB en 2015.

Avec le ralentissement des pays émergents, l’Espagne pourrait connaître une diminution de sa croissance qui est devenue la plus forte de la zone euro avec celle de l’Irlande. Le PIB qui s’est accru de 3,1 % en 2015 ne pourrait progresser que de 2,2 % cette année, ce qui est nettement plus que la France. Le PIB reste néanmoins inférieur de près de 4,5 % au précédent point haut du deuxième trimestre 2008. L4espagne est loin d’avoir effacé tous les stigmates de la crise de 2008/2009 et de celle de 2011/2012. Si la situation de l’emploi s’améliore, le taux de chômage reste supérieur de près de 14 points à celui du printemps 2007. Néanmoins, en deux ans, il est passé de 26,2 à 21,6  (d’octobre 2013 à octobre 2015). Même le secteur du bâtiment qui après l’éclatement de la bulle immobilière a perdu 1,8 million d’emplois commence de nouveau à embaucher.

Depuis le mois de décembre, l’Espagne attend la constitution d’un nouveau gouvernement après les élections au Congrès des Députés. Le Premier Ministre sortant, Mariano Rajoy dont le parti, le PPE, dispose du plus grand nombre de députés, a peu de chances d’être reconduit du fait qu’il n’arrive pas à constituer une coalition. En revanche, à gauche, des rapprochements sont en cours. Le PSOE et le PODEMOS pourraient étudier la possibilité de s’associer. Le PODEMOS semble vouloir mettre de côté la question des indépendances régionales. Il demanderait, en contrepartie, la mise en place d’un Etat fédéral. En outre, le Gouvernement indépendantiste catalan se montre assez discret et a indiqué que l’indépendance de la Catalogne n’est pas un sujet de court terme. Cette volte-face a pour objectif d’empêcher la création d’un Gouvernement d’union nationale PSOE/PPE sur le thème de l’unité du pays.