Le Coin de la Conjoncture du 23 juillet 2016 – Grèce –
La Grèce, 7 ans de malheur et après
18 mois après l’arrivée au pouvoir d’Alexis Tsipras, les Grecs commencent à voir poindre le retour de la croissance. En effet, la crise politique de 2015 a mis un terme à la reprise qui s’était amorcée en 2014.
Avec le débat sur son éventuelle sortie de la zone euro, la Grèce a dû faire face à une accélération de la sortie des dépôts bancaires. Dès la fin de l’année 2014, la consommation s’est contractée, les achats ne relevant alors que du principe de précaution de peur de l’arrêt total des importations. L’investissement et les échanges extérieurs ont été par ailleurs touchés par la mise en place des mesures de contrôle des capitaux. Les mesures fiscales et budgétaires ont de plus fortement pesé sur la croissance. La récession de 2015 et de 2016 n’est certes pas comparable à celle des années 2009/2014. Le PIB s’est contracté de 0,3 % en 2015 avec une consommation des ménages et l’investissement en repli, respectivement de 1,3 % et de 2,7 %.
Depuis 2008, le PIB a reculé de plus de 25 % depuis 2008. L’investissement s’est contracté de plus de 50 %. Depuis 2009, les dépôts des agents non financiers (entreprises et ménages) auprès des banques ont baissé de 120 milliards d’euros soit l’équivalent de 30 % du bilan bancaire ou de 68 % du PIB. Cette contraction s’est effectuée en deux temps, de 2009 à 2012 et de 2014 à 2015.
La Grèce peut espérer sortir de la récession dans les prochains mois mais le rebond sera de faible ampleur compte tenu des contraintes qui pèsent sur la croissance. En 2017, la croissance pourrait se situer autour de 2 % après un repli de 1 % cette année.
Néanmoins, le retour de la croissance pourrait être entravé par la rigueur budgétaire. En effet, Alexis Tsipras a fait adopter un plan d’économies budgétaires portant sur plus de 5 milliards d’euros. L’excédent budgétaire primaire, hors paiement des intérêts de la dette, devrait passer de 0,5 à 3,5 % du PIB de 2015 à 2018. Certes, le FMI ne croit pas à l’atteinte de cet objectif mais admet que l’excédent primaire pourrait être quand même de 1,5 % du PIB en 2018. Selon plusieurs experts, la Grèce aurait réussi à assainir ses finances publiques. En effet, selon des calculs de la Commission de Bruxelles, le solde structurel primaire (solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles et hors paiement des intérêts de la dette) aurait été positif à hauteur de 4,5 % du PIB en 2015. Les recettes publiques qui ont été longtemps le maillon faible de la Grèce ont fortement augmenté passant de 38,9 à 47,5 % du PIB soit un montant supérieur à la moyenne de la zone euro. Les dépenses publiques qui atteignaient 49,5 % du PIB en 2009 sont tombées à 43,6 % du PIB en 2016. Plusieurs économistes estiment que l’État grec ne dispose plus guère de marges de manœuvre pour assainir ses finances. Toute nouvelle mesure pourrait avoir un effet négatif en mettant en danger le tissu économique. La croissance potentielle du pays est très faible compte tenu du sous-investissement de ces dernières années. Il apparaît urgent, notamment pour le FMI, de favoriser un rebond de l’économie grecque en n’accentuant pas la rigueur. Certes, depuis l’arrivée de Syriza, la politique budgétaire est moins rigoureuse mais il ne s’agit que d’une légère inflexion.
Le pays est également confronté à un niveau historique de prêts non performants ou, autrement dit, de créances douteuses. Du fait d’un taux de chômage de plus de 24 % et d’un grand nombre de faillites d’entreprises, les prêts non performants détenus par les banques s’élèvent à 90 milliards d’euros soit 23 % du total des actifs du système bancaire ou plus du tiers des prêts. Selon l’OCDE, 50 % des prêts à la consommation et 30 % des prêts hypothécaires ne seraient pas performants ainsi qu’un tiers des prêts commerciaux. Par ailleurs, les banques grecques sont fortement exposées au secteur public. Elles détiennent, sous forme de fonds propres, de nombreux titres publics dont la valeur s’est dégradée et qui pourrait encore baisser dans les prochains mois. Mario Draghi entend avancer sur ce sujet assez rapidement d’autant plus que plane également la menace des banques italiennes.
De nouvelles mesures en faveur de la Grèce sont indispensables afin de permettre un réel rebond et une sortie de la crise.
Si aujourd’hui, l’idée d’un effacement nominal d’une partie de la dette est abandonnée, son réaménagement n’est pas impossible. Une restructuration pourrait atténuer le montant de la dette de près de 50 % du PIB. La question de l’accès au financement privé pour les administrations publiques se posera dès 2018. Il convient d’ici là de trouver des solutions pour permettre ce retour et assurer la soutenabilité de la dette. Le FMI souhaiterait un accord immédiat quand les États membres de l’Union ont souhaité qu’il ne soit conclu qu’à la fin du troisième plan de financement, afin de laisser passer les élections en France et en Allemagne. L’Europe tente, par tous les moyens, de gagner du temps au risque de rendre plus complexe et plus coûteux l’accord à négocier.
Les émergents émergent en France
Fin 2013, selon l’INSEE, 7,10 millions de salariés en France travaillaient dans une entreprise multinationale du secteur marchand non agricole, dont 1,85 million dans une entreprise sous contrôle étranger.
Malgré une forte actualité sur le sujet, il convient de souligner que le entreprises sous le contrôle des pays émergents occupent une place encore très modeste. Celles sous le contrôle des Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine) n’emploient ensemble que 22 000 salariés en France en 2013 sur un total de 23,8 millions de salariés. Ils représentent par ailleurs 1 % de l’emploi salarié des firmes multinationales étrangères. La Chine est, avec 12 000 salariés, en tête de ces pays. Mais elle n’arrive qu’au 15ème rang des pays de contrôle, devant la Russie (5 000 salariés), l’Inde (4 000 salariés) et le Brésil (1 000 salariés).
Néanmoins, la montée en puissance de ces pays est assez rapide. Le nombre de salariés travaillant pour une entreprise contrôlée par les Bric a augmenté de 31 % entre 2008 et 2013.
Les multinationales étrangères implantées en France sont contrôlées essentiellement par les pays de l’Union européenne, les États-Unis et la Suisse : les firmes de ces pays emploient respectivement 1,13 million, 400 000 et 150 000 salariés en France.
Effectifs des emplois en France contrôlés par… | 2008 | 2013 | Évolution (en %) |
Ensemble des Bric : | 16 900 | 22 200 | 31,0 |
Brésil | 300 | 1 100 | 251,9 |
Russie | 3 600 | 5 200 | 44,8 |
Inde | 3 700 | 4 100 | 11,2 |
Chine y compris Hong Kong | 9 300 | 11 800 | 26,2 |
Singapour | 900 | 1 300 | 35,4 |
UE28 (hors France) | 1 370 000 | 1 130 900 | -17,5 |
Source : INSEE
La crise de 2008/2009 a eu de fortes conséquences sur les emplois dépendants de groupes étrangers. Ainsi, l’emploi sous contrôle étranger a diminué de 12 % entre 2008 et 2013. La chute est intervenue essentiellement en 2009 ; les effectifs sont restés quasiment stables ensuite. Cette brutale chute s’explique par le fait que les salariés des multinationales étrangères travaillent le plus souvent dans l’industrie qui a été particulièrement touchée par la crise. Les emplois industriels ne représentent plus que 37 % des emplois contrôlés par les entreprises étrangères contre 42 % en 2008. En contrepartie, la part du commerce dans l’emploi sous contrôle étranger a augmenté de 4 points pour atteindre 27 % en 2013 ; elle est ainsi plus élevée que pour les multinationales françaises (15 %) ou les autres entreprises françaises (23 %). En plus de l’industrie, le commerce est donc également surreprésenté, en 2013, dans l’emploi salarié des firmes étrangères.