Le Coin de la Conjoncture du 24 décembre 2016
De quoi sera fait 2017 ?
L’année 2016 a été certes moins bonne que prévu mais aurait pu être pire. La croissance était attendue en progrès pour l’ensemble de l’économie mondiale ainsi que pour l’Europe. Le Brésil devait sortir de la récession et les pays émergents rebondir. Cela ne s’est pas passé ainsi, mais crise financière chinoise du début de l’année a été vite cantonnée, le Brexit n’a pas instantanément provoqué la récession annoncée, et l’arrivée de Donald Trump à la Présidence des États-Unis a dopé les marchés en cette fin d’année.
L’économie mondiale semble évoluer sur un plateau. Les gains de productivité ne sont pas de retour en particulier au sein des pays avancés ce qui entrave leur croissance potentielle. La croissance de la Chine s’étiole lentement sans pour autant s’affaisser.
Pour 2017, les incertitudes sont nombreuses rendant les prévisions difficiles. De nombreux évènements pourraient peser sur la croissance, qu’ils soient de nature politique, économique ou financière.
Le prix du pétrole, en hausse peut-être mais pas sûr !
Depuis deux ans, le pétrole fait la pluie et le beau temps économique. La baisse du cours du baril a été une aubaine pour les pays consommateurs non producteurs (Europe, Japon). Elle a été, en revanche, responsable d’un tassement de la croissance aux États-Unis et a mis en difficulté de nombreux pays producteurs (Venezuela, Nigeria, Algérie, etc.). Avec la décision de l’OPEP de contingenter la production, décision à laquelle s’associent plusieurs pays non-membres de l’organisation comme la Russie, les prix pourraient s’inscrire à la hausse. Néanmoins, l’élasticité de la production américaine et la croissance en demi-teinte de l’économie mondiale pourraient peser sur les prix. En outre, au sein de l’OPEP, les différents membres sont loin d’avoir des positions convergentes. La Libye, l’Iran, l’Irak et le Nigeria pourraient être tentés de ne pas respecter l’accord. Dans ces conditions, les prix devraient rester autour de 50 dollars le baril durant le premier semestre.
L’appréciation du dollar pourrait renchérir le prix du baril exprimé en euros ou en yens pour les pays européens et le Japon.
L’inconnu des taux d’intérêt
En 2017, comme cela a été annoncé, la FED réussira-t-elle, à trois reprises, à relever ses taux quand elle n’a pu le réaliser qu’une fois en 2016 ? Si tel est le cas, l’écart de taux entre les banques centrales de part et d’autres de l’Atlantique sera important. Il pourrait être alors de plus de 2 points. La remontée des taux américains pourrait provoquer des transferts de capitaux au détriment des pays émergents mais aussi de l’Europe. La Banque centrale européenne devrait, comme elle l’a indiqué au mois de décembre 2016, poursuivre, durant toute l’année 2017, ses rachats d’actifs ; ce qui facilitera le financement des États. Néanmoins, sur les marchés, une hausse des taux, par effet de contagion, est à attendre. Si elle s’accompagne d’un retour de l’inflation vers l’objectif des 2 %, ce sera le signe d’une normalisation ; dans le cas contraire, la conjoncture pourrait en pâtir. L’immobilier, très sensible aux variations de taux, pourrait connaître un retournement de tendance.
Les marchés « actions » seront-ils affectés par la hausse des taux ? Les sommets atteints par Wall Street laissent craindre un repli en 2017. Celui-ci pourrait être contrecarré en cas d’accélération de la croissance. Logiquement, en se référant au cycle économique américain, celle-ci devrait se ralentir. Les grands travaux et la baisse de l’impôt sur les sociétés pourraient favoriser les entreprises américaines et soutenir ainsi leurs cours boursiers. Les marchés européens, eux, pourraient pâtir d’une fuite des capitaux vers les États-Unis.
Le dollar au sommet ?
L’augmentation des taux d’intérêt devrait entraîner une appréciation du dollar et une dépréciation de l’euro. Dans ce cas, il en résultera une compétitivité accrue des produits européens à l’exportation. De son côté, le pouvoir d’achat extérieur des Américains sera accru ; ce qui pourrait les inciter à racheter des entreprises notamment en Europe. Le prix des importations sera réduit pour les États-Unis quand leurs exportations seront pénalisées.
Le renforcement du dollar américain devrait également accélérer les transferts de capitaux des pays émergents vers le marché américain. Plus le dollar se renforce, plus la croissance mondiale risque d’être faible. Selon une étude de novembre 2016 de la Banque des Règlements Internationaux (BRI), « une appréciation d’un point de pourcentage du dollar index induit une chute de 49 points de base du taux de croissance des activités transfrontalières de prêt en USD ».
Brexit : « Ne nous fâchons pas »
La négociation sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne débutera officiellement au mois de mars. Pour le moment, chacun des négociateurs affute ses armes. La fermeté des uns et des autres risque de buter sur le principe de réalité. L’Europe ne peut pas se passer de sa deuxième ou troisième puissance économique et démographique. Le Royaume-Uni peut certes faire le pari de se transformer en Singapour européenne mais cela est hasardeux. En outre, la menace d’une sécession de l’Ecosse pourrait rendre l’exercice encore plus délicat. Le Brexit pose une série de problèmes : relations commerciales et financières, statut des Européens travaillant au Royaume-Uni, coopérations dans les secteurs de la défense, de l’énergie, de l’aéronautique, etc.
Le Royaume-Uni sera incité à jouer la montre en 2017 d’autant plus que des élections nationales sont prévues dans plusieurs pays dont la France et l’Allemagne. Il n’en demeure pas moins qu’il faudra élaborer des solutions acceptables pour tous les acteurs. L’Allemagne et les pays d’Europe du Nord, très liés au Royaume-Uni, devraient peser en faveur d’un compromis.
Quand le politique reprend le pouvoir
Si ces dernières années, la politique avait moins d’influence sur la vie économique, cela est en train de changer. La tentation populiste et protectionniste pourrait remettre en cause sinon la mondialisation mais du moins sa perpétuation sur le modèle passé. Les citoyens semblent ne plus adhérer au modèle de croissance de ces vingt dernières années. Si la mondialisation à travers Internet, les réseaux, est pleinement acceptée, celle concernant le travail, les migrations pose problèmes. La crainte de l’autre et le repli identitaire sont tout à la fois l’expression d’un sentiment de pertes de repères, de craintes sur sa propre situation professionnelle et d’exclusion par rapport au processus de décision publique.
Le Brexit, le référendum italien, l’élection de Donald Trump sont autant d’évènements qui ont déjà pesé sur l’année 2016. Le retour sur le devant de la scène de la politique budgétaire remet au cœur du débat l’action des gouvernements.
En 2017, les regards seront focalisés sur les premières décisions de Donald Trump qui prendra ses fonctions le 21 janvier prochain, puis sur les résultats des élections néerlandaises, françaises et allemandes. Si en 2016, les marchés avaient bien réagi face au Brexit et à Donald Trump, il n’est pas certain qu’il en soit de même en 2017. Les dirigeants d’entreprise pourraient être tentés par l’attentisme en attendant les résultats électoraux et leurs conséquences.
La révolution digitale cessera-t-elle d’être une révolution de confort ?
Pour paraphraser le Prix Nobel d’économie, Robert Solow, « Nous voyons du big data et des objets connectés partout sauf dans les statistiques économiques ». Mais cette prophétie prononcée au sujet des microprocesseurs se répète pour la révolution numérique. Le digital génère plus de conforts à l’utilisateur, détruit des emplois sans pour autant générer de véritables gains de productivité. Les emplois supprimés ne sont pas tous, loin de là, remplacés par des emplois à plus forte valeur ajoutée. Il y a une segmentation accrue du marché du travail. D’un côté, de plus en plus de postes à faibles qualifications (emplois de maintenance, de logistique, de services à la personne) ; de l’autre côté, un nombre restreint d’emplois très qualifiés.
Le foisonnement des idées, des innovations liées au digital, aux biotechnologies, aux nanotechnologies, nécessite une décantation et une sélection. L’intelligence collective ne supprime pas le risque d’erreur, de mauvais choix en matière d’orientation économique et sociale. Néanmoins, après plusieurs années de tâtonnement, nous pouvons espérer que 2017 soit l’année où l’intégration des nouvelles technologies digitales dans le processus de production aboutit à des gains de productivité. La reprise de l’investissement, facilitée par des politiques monétaire accommodante, devrait faciliter la diffusion du progrès technique.
Quelles conséquences économiques ?
Compte tenu du plus grand nombre d’États influençant la conjoncture économique internationale, les prévisions sont de plus en plus délicates. L’économie des Trente Glorieuses, c’était les États-Unis, l’Europe occidentale et le Japon. Aujourd’hui, de 40 à 80 États participent activement au jeu de l’économie mondiale.
Un commerce international, reprise ou poursuite de la stagnation ?
La baisse continue, depuis 2011, de la part du commerce international dans le PIB mondial (moins de 22 % attendu en 2016 contre un pic à 25 % en 2008) devrait s’estomper en 2017 avec l’amélioration de la situation économique de nombreux pays émergents. Néanmoins la montée en puissance des mesures protectionniste et, surtout, la réorientation du modèle de développement chinois ainsi que le vieillissement de la population constituent autant de facteurs contribuant à sa stagnation.
La Chine entend privilégier la demande intérieure et moins dépendre de ses échanges extérieurs. Le vieillissement de la population réduit les besoins en biens industriels qui sont ceux échangés à l’échelle mondiale. Avec l’élévation du niveau de vie, la demande est, par ailleurs, de plus en plus constituée de services. Enfin, le nivellement progressif des coûts de production réduit légèrement l’attrait des délocalisations.
Une croissance sans relief ou en regain de forme ?
Depuis plusieurs années, la croissance de l’économie mondiale est inférieure aux prévisions et à sa moyenne des années d’avant crise. Pour 2017, de nombreux experts prédisent encore une croissance molle. Pour cela ils mettent en avant le ralentissement du commerce international, l’étiolement de la croissance aux États-Unis, en Chine et en Europe. Ils soulignent que les gains de productivité sont faibles et que le potentiel de croissance tend à se réduire du fait notamment du vieillissement de la population.
Plusieurs zones économiques sont en mode poussif.
L’Europe enregistre un déficit de croissance depuis la récession de 2008. Pour le moment, rien ne permet d’affirmer qu’une sortie de ce tunnel pourrait se produire l’année prochaine. En effet, la croissance pour 2017 est attendue à 1,3 % en 2017 contre 1,6 % cette année et 2 % en 2015. L’augmentation du cours du pétrole pourrait entraver l’activité. En revanche, la dépréciation de l’euro devrait favoriser les exportations. L’autre pays dont la sortie de la stagnation semblerait difficile est le Japon. Le vieillissement de sa population avec une faible ouverture sur l’extérieur de sa société sont sans nul doute un handicap majeur pour ce pays qui a connu son heure de gloire dans les années 80.
Les États-Unis seront la grande inconnue de 2017. Après plus de 6 ans de croissance, en situation de plein emploi, un ralentissement est annoncé mais rien ne permet d’affirmer qu’il se produira. Après une année 2016, difficile sur le plan d’investissement, l’année 2017 pourrait se traduire par une reprise d’autant plus si la fiscalité des entreprises est allégée. Le maintien de la croissance autour de 2 % n’est pas impossible.
De son côté, la croissance chinoise reste malgré tout forte et devrait se situer entre 6 et 6,5 % en 2017. Elle serait tirée par le bas par la tertiairisation de l’économie. Le secteur des services contribue à plus de 50 % au PIB au niveau mondial contre 40 % en 2005. Or, par nature, il est générateur de moins de gains de productivité que l’industrie. Pour sa part, l’Inde restera un pays à forte croissance, autour de 7 %. L’Amérique latine devrait bénéficier de la sortie de récession du Brésil. De son côté, l’Afrique profitera de la hausse des cours du pétrole.
La zone euro en excès d’épargne
Depuis plusieurs années, l’Europe souffre d’un excès d’épargne. L’accumulation d’excédents commerciaux explique en partie cette situation. Mais celle-ci est avant tout provoquée par le recul de l’investissement des entreprises, des pouvoirs publics et des ménages. Malgré la forte baisse des taux, la reprise de l’investissement au sein de l’Union européenne n’est pas réellement intervenue.
La baisse de l’investissement dans les pays avancés est de nature structurelle. Le vieillissement de la population réduit les besoins en logement. La stagnation de la population limite également les besoins en équipements collectifs.
Au sein d’une économie tertiaire, le besoin d’investissements est plus faible que dans une économie industrielle. Or, le secteur tertiaire représente au sein de l’Union européenne plus de 75 % du PIB. La digitalisation de l’économie accentue cette tendance. Les goulots d’étranglement sont plus rares dans une économie dématérialisée que dans une économie de production de biens physiques. Par ailleurs, le développement des plateformes collaboratives, de la société d’usage en lieu et place de la société de la propriété réduit les besoins d’investissement. Le niveau sans précédent de l’endettement public réduit, par définition, les marges de manœuvre des collectivités publiques en matière d’équipements. Les épargnants privés et institutionnels, depuis la crise de 2008, éprouvent une aversion aux risques plus élevée ce qui les conduit à ne pas s’engager sur le long terme.
Pour favoriser la croissance et éviter une dégradation de la qualité des infrastructures, une orientation des excès d’épargne vers l’investissement tant privé que public apparaît souhaitable. Cette réorientation suppose un changement de comportement des investisseurs. Il faudrait sans nul doute une fiscalité plus sélective en ce qui concerne les produits d’épargne : moins d’incitation pour les produits de court terme et une fiscalité allégée sur les produits à risque de long terme. Les pouvoirs publics devraient également améliorer la rentabilité de leurs investissements afin d’attirer plus facilement les capitaux privés. Un accroissement des dépenses d’investissement public à l’échelle européenne aurait un indéniable effet d’entraînement. Cela supposerait un consensus en la matière au sein de l’Union européenne qui ne pourrait intervenir qu’après les élections prévues en France et en Allemagne.
A défaut de pouvoir relancer l’investissement au sein de l’Union européenne, les épargnants ont intérêt à prêter au reste du monde pour obtenir des revenus sur les actifs extérieurs nécessaires pour financer les déséquilibres commerciaux et les dépenses sociales (retraite).