24 mars 2018

Le Coin de la Conjoncture du 24 mars 2018

Un début d’année un peu poussif mais pas catastrophique

Dans sa note de conjoncture de printemps, l’INSEE a révisé sa prévision de croissance pour le premier trimestre. Après avoir atteint 0,6 % au dernier trimestre 2017, le taux ne devrait pas dépasser 0,4 % pour le 1er trimestre 2018.  Au deuxième trimestre, la prévision reste, en revanche, inchangée à 0,4 %.

Ce petit recul proviendrait, selon l’INSEE, d’une détérioration du climat des affaires et d’une moindre confiance chez les consommateurs. La contraction de la production industrielle pèserait sur la croissance de ce début d’année. Elle s’est contractée de 2 % en janvier.  Pour l’INSEE, un nombre croissant d’entreprises commencent à rencontrer des contraintes d’offres générant des goulots d’étranglement. Le taux d’utilisation des capacités de production est en effet au plus haut et de nombreuses sociétés font part de difficultés de recrutement.

Néanmoins, le niveau de confiance reste élevé et la croissance devrait se maintenir à un niveau correct durant l’année 2018. À mi-2018, l’acquis de croissance – autrement dit la hausse du PIB qui serait enregistrée en 2018 si l’activité stagnait pendant le reste de l’année – devrait s’établir à 1,6 %.

Une production entravée

Un réel freinage de la production manufacturière est attendu au cours du premier semestre, +0,2 % au premier trimestre puis 0,6 % au deuxième faisant suite à la croissance vive du quatrième trimestre 2017 (+1,5 %). La production de services marchands hors commerce connaîtrait également une moindre croissance (+0,5 % par trimestre) et ainsi que celle du commerce (+0,3 % au premier puis +0,6 % au deuxième trimestre). La construction devrait, en revanche, continuer à fortement progresser avec un gain au premier trimestre de 0,8 %. Un léger ralentissement interviendrait au 2e trimestre (+0,6 %) du fait du repli de l’investissement en bâtiment. En revanche, la production dans les travaux publics est attendue en hausse.

L’INSEE ne sait pas sur quel pied danser en matière d’emplois

Après une très bonne année 2017 qui s’est traduit par un recul inattendu du taux de chômage de 0,7 point, l’INSEE est prudent en ce qui concerne 2018. L’institut admet que les perspectives restent favorables dans les enquêtes de conjoncture, L’emploi salarié marchand devrait s’accroître de près de 130 000 au cours du 1er semestre. L’emploi serait toujours porté par le secteur tertiaire (+113 000). L’intérim devrait continuer à progresser avec un gain de 20 000 sur le premier semestre 2018. L’industrie devrait créer 6 000 emplois, comme au second semestre 2017. L’emploi total progresserait moins vite que l’emploi marchand du fait de la baisse des emplois aidés L’emploi salarié non marchand qui a diminué au deuxième semestre 2017 de 13 000 sous l’effet d’une baisse du nombre de bénéficiaires d’emplois aidés devrait, à nouveau,  perdre 21 000 emplois au premier semestre 2018. Dans ces conditions, l’emploi total progresserait donc de 113 000 postes au premier semestre après +114 000 durant la deuxième moitié de 2017. Le taux de chômage resterait inchangé au premier semestre 2018 à 8,9 % de la population active et serait en baisse de 0,5 point sur un an.

Le pouvoir d’achat face à la double contrainte des prix et des impôts

Le pouvoir d’achat serait érodé par l’augmentation des prix. Après s’être élevée jusqu’à +1,2 % fin 2017, l’inflation continuerait de croître jusqu’à +1,6 % en juin 2018 sous l’effet de l’accélération des prix des produits énergétiques et du tabac. Ces facteurs n’entrant pas en compte dans le calcul de l’inflation sous-jacente, cette dernière resterait assez faible en passant simplement de +0,6 % fin 2017 à +0,8 % en juin 2018. Le dynamisme des salaires tirerait les prix à la hausse mais cet effet serait atténué par la baisse des loyers dans le parc locatif social. Les salaires nominaux ont sensiblement accéléré en 2017 dans le secteur marchand (+2,0 % après +1,2 % en 2016). En 2018, alors que les difficultés de recrutement persistent, les hausses de salaires resteraient dynamiques (+1,2 % au premier semestre), soutenues également par une revalorisation du Smic au 1er janvier plus importante que celles des deux dernières années.

Après avoir connu une progression de 1,7 point en 2017 faisant suite à celle de 2016 de 1,8 point, le pouvoir d’achat fléchirait au premier trimestre sous l’effet notamment de la fiscalité indirecte. Du fait des mesures fiscales décidées (taxes d’habitation, baisse des cotisations salariales), il repartirait à la hausse au second semestre. Dans ces conditions, la consommation des ménages progresserait à un rythme modéré : +0,3 % au premier trimestre puis +0,4 % au deuxième. L’INSEE parie sur une baisse du taux d’épargne afin de répondre à la diminution à celle de leur pouvoir d’achat. Cet effet de lissage conduirait leur taux d’épargne à reculer, passant de 14,3 % fin 2017 à 13,7 % au premier trimestre 2018, avant de revenir à 14,1 % au deuxième.

L’investissement resterait solide

L’investissement des entreprises non financières a accéléré en 2017 (+4,4 % après +3,4 % en 2016), conduisant leur taux d’investissement à des niveaux inédits depuis 40 ans (22,4 %). Après sa vive croissance en fin d’année 2017 (+1,6 % après +1,1 % au troisième trimestre), l’investissement resterait solide (+1,1 % au premier trimestre puis +1,2 % au deuxième) en réponse aux tensions persistantes sur l’appareil productif. L’effort d’investissement devrait aboutir à une augmentation des capacités de production afin de faire face à la reprise de la demande. Si la confiance déclarée par les entrepreneurs est un peu moins élevée que fin 2017, les chefs d’entreprises profiteraient de la hausse du taux du CICE de 6 % à 7 % (au titre de l’année 2017, versé en 2018) et leur taux de marge serait,  au deuxième trimestre 2018, proche de leur niveau moyen de 2017 (31,8 % pour les sociétés non financières) malgré le dynamisme des salaires.

Les ménages devraient ralentir leurs dépenses d’investissement dans le logement après une accélération marquée en 2017. Ainsi, la hausse de l’investissement dans le logement serait de +0,5 % au premier trimestre suivi de +0,2 % au deuxième.

Le commerce extérieur pourrait enfin contribuer positivement à la croissance avec une hausse attendue des exportations de 1 % au premier trimestre, grâce notamment à la livraison attendue d’un paquebot par les chantiers de Saint-Nazaire. Au deuxième trimestre, la hausse serait de plus de 0,5 %.

Des prévisions optimistes pour l’année

Pour l’ensemble de l’année 2018, la Banque de France prévoit une croissance de 1,9 % quand l’OCDE table sur un taux de 2,2 %.

Pour la Banque de France, les créations d’emplois attendues et les hausses de salaires devraient jouer favorablement en faveur de la consommation. Parallèlement, l’investissement des entreprises resterait bien orienté. En outre, les instituts de conjoncture considèrent que le commerce extérieur pourrait contribuer à la croissance. En revanche, nul ne pronostique une accélération de la croissance par rapport à 2017 en raison de blocages structurels. Le sous-investissement, la faiblesse des gains de productivité et la question de l’employabilité d’une partie de la population active pèsent sur la croissance potentielle du pays.

 

Israël, une économie résiliente

Israël compte 8,5 millions d’habitants sur 21 000 kilomètres carrés soit moins de deux fois la taille de l’Île-de-France. Le PIB par habitant est équivalent à celui de la France. Le PIB de l’ensemble du pays est de 320 milliards de dollars.

L’économie israélienne connaît une 15e année consécutive d’expansion. Après avoir atteint 3,1 % en 2017, son taux de croissance devrait s’élever à 3,5 % cette année. Le taux de chômage est descendu à un plus bas historique à 3,7 % au mois de janvier 2018.

L’économie israélienne figure parmi les plus dynamiques des pays avancés. Elle est diversifiée avec un positionnement dans le haut de gamme marqué. Le secteur agricole emploie environ 1 % de la population et les principales productions du pays sont les fruits et les légumes, les céréales, le vin et l’élevage bovin. Le pays est autosuffisant sur le plan alimentaire, excepté pour les céréales.

Israël est un pays industriel avec la présence en son sein de pôles d’excellence en particulier dans la chimie, la pharmacie (Israël s’étant spécialisé dans les médicaments génériques), la plasturgie et les hautes technologies. Les industries de technologie de pointe (aéronautique, électronique, télécommunications, logiciels, biotechnologies) représentent approximativement 40 % du PIB. Les autres secteurs d’activité importants en Israël sont la taille de diamants, le textile et le tourisme. La majorité des actifs (80 %) travaille dans le secteur tertiaire. Le secteur des technologies de l’information et de la communication est très dynamique.

La Start up nation

Depuis de nombreuses années, Israël est connu pour son dynamisme dans les secteurs de la haute technologie. Bénéficiant de soutiens publics et privés importants, les start-ups israéliennes enregistrent de bons résultats à l’échelle internationale. Néanmoins, Israël doit faire également face à la montée en puissance des multinationales américaines qui rachètent les belles PME de haute technologie. Cela a été le cas avec la cession du système de navigation Waze à Google en 2013 et avec la vente de Mobileye, spécialiste israélien des systèmes anticollision pour automobile, à Intel en 2017. Par ailleurs, Israël doit faire face à une pénurie de salariés hautement qualifiés. Curieusement, ce pays réputé pour son élite bien formée affiche des scores inférieurs à la moyenne de l’OCDE dans les tests PISA de l’OCDE permettant d’évaluer les systèmes d’éducation du monde entier.

 Le Gouvernement israélien entend favoriser la digitalisation du pays et de son économie. Des mesures ont été prises afin d’encourager l’adoption des technologies numériques par les chefs d’entreprise des secteurs traditionnels, comme par leurs salariés.

Une croissance dynamique attendue pour 2018

En 2018, l’activité devrait être soutenue par la consommation privée qui représente 55 % du PIB. La confiance des ménages est au plus haut, favorisée par le faible chômage et l’augmentation des rémunérations.

Les perspectives pour l’investissement privé demeurent positives, notamment grâce à la politique accommodante de la banque centrale. Il pourrait bénéficier des opportunités offertes par le plan de modernisation des infrastructures, de transports notamment, de 28 milliards de dollars, présenté par le gouvernement en septembre 2017.

Pour 2018, le commerce extérieur devrait contribuer négativement à la croissance du fait de l’appréciation de la monnaie israélienne, le shekel. Il est attendu une hausse des importations et une croissance modérée des exportations. L’économie israélienne est très ouverte. Le commerce représente environ 60 % du PIB du pays (Banque mondiale, 2015), et les exportations environ un quart du PIB. La balance commerciale d’Israël est structurellement déficitaire (exception faite de l’excédent de 2009). Les importations de pétrole expliquent en grande partie ce déficit. La balance des revenus est également déficitaire avec les rémunérations versées aux travailleurs non-résidents, notamment palestiniens. Néanmoins, la balance des services, grâce à l’activité touristique, et celle des transferts (en provenance des États-Unis et de la diaspora) permettent au solde courant de demeurer en territoire positif.

Grâce à des rentrées fiscales plus importantes et en raison de la proximité des prochaines élections législatives prévues en 2019, la politique budgétaire devrait être, dans les prochains mois, plus expansionniste. Après s’être réduit en 2017, le déficit budgétaire devrait s’accroître en 2018 pour atteindre 2,7 % du PIB. Cette augmentation du déficit serait imputable à une hausse de la dépense publique en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation. Les dépenses d’infrastructures, particulièrement dans les transports publics et le système de distribution d’électricité, contribueraient également au creusement du déficit. La réduction d’un point de pourcentage du taux d’imposition sur les sociétés, passé à 23 %, de même que les réductions d’impôts sur les revenus devraient peser sur les recettes. Cette hausse du déficit devrait enrayer la trajectoire descendante de la dette publique des dix dernières années sans menacer la capacité du pays à emprunter à des taux relativement bas sur le marché domestique comme extérieur. La dette publique qui dépassait 100 % du PIB au début des années 2000 a été ramenée à 62 % en 2017.

Selon la dernière Étude économique d’Israël 2018 de l’OCDE, l’accroissement de la population, la solidité des fondamentaux économiques et le dynamisme des secteurs à haute technologie sont à l’origine de l’expansion robuste. Celle-ci devrait se maintenir à un bon niveau grâce à une politique monétaire accommodante et à l’augmentation des investissements prévus dans les gisements gaziers offshore.

L’OCDE considère que les pouvoirs publics devraient engager des réformes dans le secteur de l’éducation, accélérer la modernisation des infrastructures et libéraliser les marchés de produits. Le déficit en équipement est prononcé en particulier dans les transports publics. Un effort en la matière est nécessaire afin de limiter la congestion du réseau routier, ainsi que le niveau élevé de pollution. Le déficit d’infrastructures reste également important au sein des villes arabes. L’employabilité des populations concernées passe par la multiplication des équipements publics notamment de transports. Selon le secrétaire général de l’OCDE, « l’économie israélienne s’est développée de façon plus rapide et plus cohérente que pratiquement n’importe quelle autre économie de l’OCDE depuis les 15 dernières années »

 

La France, l’anomalie dépensière

Les dépenses publiques françaises, les plus importantes de l’OCDE, représentent 57 % du PIB contre 40 % en 1970. Depuis le 1er choc pétrolier, les gouvernements qui se sont succédé ont toujours répondu aux chocs économiques par des surcroîts de dépenses qui ne sont jamais complètement effacés durant les périodes de croissance. Cette rigidité à la baisse s’explique par la préférence donnée aux dépenses de transferts. Ces dernières prennent la forme soit de prestations sociales au profit des ménages, soit de subventions au profit des entreprises. Le poids élevé de ces transferts a eu pour conséquence une augmentation des prélèvements obligatoires, des déficits et par ricochet de la dette. Les prélèvements obligatoires sont passés de 35 à 46 % du PIB de 1972 à 2017. La dette qui était de 21 % en 1981 a atteint 97 % du PIB en 2017.

Les prestations sociales sont en France de plus de 4 points de PIB supérieures à la moyenne de la zone euro. Elles ont progressé de trois points de PIB depuis 2002 contre un point toujours au sein de la zone euro.

Les transferts sociaux ne sont, en soi, pas obligatoirement inefficaces. Ils ont ainsi permis de réduire fortement les écarts de revenus. Sans la prise en compte des transferts sociaux, les écarts de revenus sont comparables à ceux constatés aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne.

Le choix collectif en faveur des transferts sociaux s’accompagne par une forte pression fiscale qui se manifeste sur tous les acteurs, sur les revenus et sur la détention du patrimoine ainsi que sur les échanges. La France se situe,  pour la quasi-totalité des prélèvements, parmi les pays qui taxent le plus. Deux points attirent l’attention : le poids des impôts acquittés par les entreprises et les charges sociales.

Les impôts supportés par les entreprises françaises représentent 17,8 % du PIB contre 12 % en moyenne au sein de la zone euro et aux États-Unis. Les années 70 et 2010 sont deux périodes de fortes augmentations. En revanche, aux États-Unis, les entreprises ont bénéficié d’un réel allègement lors de ces dix dernières années. Ce phénomène devrait s’accentuer avec la réforme fiscale lancée par Donald Trump. Le surcroît de taxation conduit les entreprises à demander en permanence des réductions d’imposition ou de charges. Par ailleurs, cela a amené les pouvoirs publics à multiplier les niches fiscales (crédit d’impôt recherche, CICE) à l’efficacité souvent contestée. La multiplication aboutit à ce que le taux réel d’imposition soit faible pour certaines entreprises au regard de leurs concurrentes étrangères. Ce système génère de nombreux effets d’aubaine et des inégalités entre grandes et petites entreprises, ces dernières ne pouvant pas toujours accéder aux mécanismes de réduction des impôts.

Le financement de la protection sociale constitue un élément de différenciation au sein de l’Europe. Les cotisations assises sur les salaires représentent 12 % du PIB en France contre moins de 8 % chez nos partenaires européens. Or, au sein de l’OCDE, il y a une corrélation entre poids des cotisations sociales et taux d’emploi. Or, la France a un taux d’emploi inférieur à celui de la zone euro (hors France) et à ceux du Royaume-Uni et des États-Unis. Les pays dont les cotisations sociales sont inférieures à 6 % du PIB ont des taux d’emploi supérieurs à 70 % à l’exception de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande. Les pays à fort taux de chômage comme l’Espagne, l’Italie ou la France, ont en commun de financer leur protection sociale via des cotisations assises sur les salaires.

La hausse des cotisations sociales a érodé fortement les marges des entreprises contraignant depuis vingt-cinq ans les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs d’allègement. Les dépenses publiques de soutien aux entreprises atteignent plus de 3,5 % du PIB, en hausse de plus 1,25 point de PIB entre 2002 et 2017. En effet, les profits après impôts, dividendes, intérêts s’élèvent à 10 % du PIB contre 14 % en moyenne au sein de la zone euro.

Depuis 2014, tant au nom des obligations européennes de la France qu’en raison d’une hostilité croissante de l’opinion face au niveau des prélèvements, cette politique semble avoir atteint ses limites. De ce fait, les pouvoirs publics doivent réorienter leurs moyens d’action et privilégier des réformes de nature structurelle. Le repositionnement rapide de l’outil de production sur le haut de gamme constitue une nécessité mais il exige du temps et de la constance au niveau des politiques mises en œuvre.