24 octobre 2015

Le coin de la conjoncture du 24 octobre

Brésil, du cirque et des jeux mais pas de croissance

 

L’élimination précoce de l’équipe de Brésil de la coupe du Monde de football était un mauvais présage. Force est de constater que depuis, l’économie brésilienne s’enfonce dans une récession sans précédent depuis les années 30. En plus du ralentissement économique qui frappe un grand nombre de pays émergents s’ajoute une crise politique majeure sur fond de corruption.

 

La contraction du PIB pourrait atteindre 3 % en 2016 et s’élever encore à près de 2  % en 2016. La sortie de récession ne pourrait intervenir qu’au cours du second semestre 2016. Au deuxième trimestre 2015, la chute de PIB a été sévère, 7,4 % en rythme annualisé.

 

Toutes les composantes de la demande interne ont apporté une contribution négative au PIB depuis le début de l’année. La consommation des ménages est également en baisse, -1,9 % au cours du premier semestre. Elle est pénalisée par le ralentissement du crédit et par la chute des salaires réels (-2,3 % sur les huit premiers mois de l’année). Par ailleurs, l’augmentation du chômage la handicape également. Il est passé en un an de 4,6 à 7,4 %. De plus, la rigueur budgétaire en cours s’est traduite par une baisse de la consommation et de l’investissement au sein du secteur public.

 

L’investissement public et privé a été en baisse de près de 10 % au cours du premier semestre.

 

Seule note positive et encore elle est relative, le commerce extérieur contribue désormais positivement à la croissance, les importations ayant reculé de 8,2 % et les exportations ayant progressé de 5,3 %.

 

Néanmoins du fait de la dépréciation de la monnaie, les termes de l’échange se sont dégradés. La perte est de 17 % pour les recettes d’exportations néanmoins compensée par la baisse de 21 % de la facture d’importations. Le déficit du compte courant s’est de ce fait contracté de 29 % sur un an à 46,1 mds de dollars entre janvier et août).

 

L’autre problème du Brésil est le maintien d’un fort taux d’inflation, 9,5% en septembre, provoquant une dégradation du pouvoir d’achat et alimentant un cercle vicieux de dépréciation de la monnaie.

 

Depuis l’été, du fait de la crise économique et politique, les investisseurs fuient le Brésil. Les sorties nettes d’investissement de portefeuille ont atteint depuis le début de l’année 7 milliards d’euros soit 44 % des sorties nettes enregistrées pour l’ensemble de l’Amérique latine. Les flux d’investissement direct étranger ont ralenti de près de 25 % sur 9 premiers mois de l’année. Cause et conséquence, le real brésilien a perdu 37 % de sa valeur face au dollar, la plus mauvaise performance parmi les grandes devises émergentes.

 

Les taux d’intérêt sont orientés à la hausse témoignant d’une défiance des investisseurs. Les niveaux de primes de risque suggèrent que ces derniers ne considèrent plus le Brésil en catégorie « investment grade ».

 

Les comptes publics enregistreraient un déficit de 9,2 % du PIB plombés par une charge d’intérêt en forte croissance du fait de l’augmentation des taux. Les débats sur la rigueur budgétaire sont houleux avec au sein même de la majorité des divergences. Du fait des faibles marges de manœuvre et d’une volonté politique affichée, la dette publique devrait atteindre 70 % du PIB dès 2016 et continuer à progresser durant plusieurs années.

 

Le Brésil traverse indéniablement une mauvaise passe, comme cela est assez fréquent pour un pays d’Amérique latine. Il n’en demeure pas moins que le pays dispose d’atouts importants. Son marché intérieur est un des plus importants au monde, 202 millions d’habitants, une classe moyenne est apparue, les richesses naturelles sont importantes, la présence de firmes multinationales dans de nombreux secteurs, la progression de l’éducation, le développement de la recherche…

 

Turquie à la recherche de sa voie  

 

 

Les Turcs sont appelés à voter à nouveau pour élire leurs députés le 1er novembre prochain. Cette élection anticipée intervient après que le parti AKP ait perdu sa majorité absolue lors du scrutin du 7 juin 2015 du fait de la percée du parti pro-kurde HDP qui a obtenu 13 % des voix lors des élections législatives du 7 juin dernier.

 

Du fait de l’incapacité des partis politiques à s’entendre pour constituer un gouvernement, de nouvelles élections ont été fixées le 1er novembre.

 

La situation politique turque est d’une rare complexité. Le conflit syrien aux frontières sud n’arrange rien à la situation.

 

L’AKP a durci son discours et tente de reconquérir un électorat nationaliste. Par ailleurs, la Turquie développe une politique étrangère toute byzantine. Si elle est résolument anti Assad et donc antirusse, elle s’est montrée également complaisante vis-à-vis de Daech tout en apportant sur le sujet son soutien aux Etats-Unis et à l’Europe. Elle doit, en outre, gérer 2,2 millions de réfugiés. Cette agitation politique et géostratégique n’est pas sans lien avec l’attentat suicide du 10 octobre dernier à Ankara.

 

Le parti du Président Erdogan, l’AKP, pourrait s’entendre avec le CHP (parti kémaliste) qui avait obtenu 25 % des votes au mois de juin. Néanmoins, cet accord suppose que le Président Erdogan accepte de renoncer à son projet de présidentialisation du régime et de renouer les contacts avec les Kurdes.

 

Sur le plan économique, la Turquie, pays de 76 millions d’habitants, qui pouvait se targuer d’être devenue le deuxième pays industriel d’Europe après l’Allemagne doit faire face comme de nombreux pays émergents à une dégradation de sa situation économique.

 

Le PIB turc est de 820 milliards de dollars ce qui place le pays au 17ème rang des puissances mondiales.

 

La croissance en 2015 devrait être de 2 % après 2,9 % en 2014 et 4,1 % en 2012. La Turquie se caractérise par un fort déficit de sa balance des paiements courants (plus de 5 % du PIB) qui rend nécessaire des entrées de capitaux en provenance de l’étranger. Par ailleurs, les tensions inflationnistes demeurent vives (de 5 à 9 % ces dernières années). Depuis deux ans, une accélération de l’inflation (9 % en 2014 et certainement plus de 8 % en 2015) est constatée. Elle est favorisée par la dépréciation de la livre turque (-20 % par rapport au dollar), elle-même alimentée par les sorties croissantes de capitaux. Cette inflation réduit le pouvoir d’achat des Turcs qui sont, en outre, confrontés à une hausse rapide des prix de l’immobilier. En effet, ces derniers augmentent deux fois plus vite que les salaires.

 

Du fait de la crise en Syrie, l’activité touristique qui représente plus de 3 % du PIB s’effondre. Les revenus issus du tourisme ont baissé de près de 14 % au deuxième trimestre or, il ne faut pas oublier que la Turquie est la 6ème destination touristique mondiale. Les Russes sont moins présents du fait des difficultés économiques de leur pays (baisse de 25 % du nombre de touristes russes en un an).

 

Le chômage progresse dans ces conditions. Il s’élève à 9,3 % au premier semestre 2015 et atteint 18,5 % chez les jeunes de moins de 25 ans.

 

La dérive autoritaire du pouvoir de Recep Tayyip Erdogan dissuade les investisseurs internationaux d’investir en Russie et incite les Turcs à expatrier tout ou partie de leur patrimoine. Or, le modèle de développement de la Turquie a toujours reposé sur un accueil des capitaux extérieurs. C’était la ligne directrice des gouvernements depuis Mustapha Kemal, l’argent extérieur permettant de développer un secteur économique exportateur générant des revenus pour les ménages turcs.

 

La Turquie souffre, en outre, depuis plusieurs années du ralentissement de la zone euro. En effet, ce pays est un exportateur important de biens industriels à destination de l’Union européenne. En revanche, la Turquie bénéficie de la baisse des cours des matières premières du fait de sa forte dépendance en la matière.

 

Le déficit public pourrait s’accroître en 2016 du fait des incertitudes économiques. Si le gouvernement espère le contenir à 0,7 % du PIB, il pourrait néanmoins dépasser 2 % du PIB. La dette publique représente un tiers du PIB et demeure stable. La situation des finances publiques est mise à mal par le coût des réfugiés syriens. En quatre ans, la Turquie aurait dépensé près de 7 milliards de dollars pour gérer les réfugiés.

 

Du fait du ralentissement des exportations, les entreprises industrielles réduisent l’investissement. En outre, les entreprises turques doivent gérer le surinvestissement du début des années 2010. Elles essaient au mieux de réduire leur endettement en renégociant leurs prêts. Il en résulte une forte demande de crédits qui est déconnectée de l’investissement réel.

 

L’endettement total des sociétés non financières atteint 50 % du PIB. Les engagements en devise représentent les trois quart de l’endettement ce qui rend très vulnérables les entreprises turques aux fluctuations de change même si les prêts sont en grande majorité souscrits auprès d’établissements financiers turcs.

 

La Turquie doit faire face à une insuffisance de son épargne pour financer un endettement croissant. Par ailleurs, du fait sa dépendance extérieure tant au niveau des importations qu’au niveau des exportations, l’économie turque est très sensible aux variations de la conjoncture mondiale. Néanmoins, entre 2008 et 2009 et même depuis 2012, elle a su faire preuve de résilience au regard des chocs encaissés.

 

L’État turc entend poursuivre un vaste programme d’investissement afin de relancer l’économie. Il souhaite ainsi construire un pont sur le Bosphore et un troisième aéroport à Istanbul. Le plan, qualifié d’historique, entend également faire diminuer la dépendance énergétique turque.