Le coin de la conjoncture du 26 septembre 2015
The british High Wire
Jusqu’à maintenant, aucun pays membre n’a réellement menacé de sortir de l’Union européenne. Certes, la Grèce a failli être expulsée mais justement cela n’a pas été le cas. Certes, de plus en plus de parties nationalistes réclament plus ou moins ouvertement le départ de l’Union européenne de leur pays. En ce qui concerne le Royaume-Uni, un référendum demandé par le parti conservateur au pouvoir doit être organisé avant la fin de l’année 2017. Il est fort probable qu’il le soit l’année prochaine.
Un éventuel retrait du Royaume-Uni aurait des effets institutionnels et économiques importants. Ce serait un regrettable précédent qui pourrait en appeler d’autre. Cela constituerait le premier recul de la construction européenne en soixante ans. Le départ des Anglais aurait des conséquences tant sur les flux d’investissement, les financiers et les flux commerciaux. Il y aurait forcément un avant et un après départ. Certes, des mesures d’adaptation pourraient être prises pour atténuer ses effets.
Le Royaume-Uni est un membre important et ancien de l’Union
Le Royaume-Uni n’est pas un des membres fondateurs de la CEE en 1957. Les gouvernements britanniques étaient réticents face aux transferts de souveraineté qu’imposait le Traité de Rome. Le pays sortait de la Seconde Guerre Mondiale avec l’image de celui qui l’avait emporté avec les Etats-Unis face aux Allemands. Dès 1963, avec l’accumulation de mauvais résultats économiques, la fin de l’Empire, le Royaume-Uni révise ses positions et demande à adhérer à la CEE. A deux reprises, la France utilise son veto pour s’y opposer (1963 et 1967). Pour le général de Gaulle, le Royaume-Uni est le « Cheval de Troie des Etats-Unis ». Il l’accuse de préférer ses propres intérêts à ceux de la Communauté européenne, et le monde à l’Europe. La France est néanmoins très isolée sur ce sujet. La France changera de position avec l’arrivée au pouvoir de Georges Pompidou plus anglophile que son prédécesseur et en froid avec le Gouvernement allemand de l’époque qui concurrençait la France avec son ouverture à l’Est tout en renforçant ses liens d’amitié avec les Etats-Unis.
L’entrée du Royaume-Uni, en 1973, marque le 1er élargissement de l’Europe. Dans le sillage britannique, adhèrent alors à la CEE le Danemark et l’Irlande. La Norvège aurait dû faire partie du groupe mais sa population a rejeté, par référendum, l’adhésion). Depuis 1973, l’adhésion britannique pose problème. Un référendum est organisé en 1975, référendum qui confirme l’adhésion. Mais en 1979, Margaret Thatcher provoque une crise au sein de la CEE en demandant une restitution d’une partie de la contribution britannique au budget européen. Le Royaume-Uni est un des plus contributeurs nets du fait qu’il bénéficie de peu de retours au titre de la Politique Agricole Commune. C’est le fameux « I want my money back » de Margaret Thatcher en 1979 qui conduit à une réforme du calcul de la contribution britannique au budget européen. Après ce bras de fer, le Royaume-Uni bénéficie de plusieurs clauses d’exemption : à l’Union économique et monétaire, à l’espace Schengen, à l’Espace de liberté de sécurité et de justice, au chapitre social du Traité de Maastricht (Tony Blair a aboli cette option en 2007), la non-signature de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou encore, plus récemment, du Pacte budgétaire.
Malgré ce régime dérogatoire, le Royaume-Uni est un membre actif de la construction européenne. Il ne faut pas oublier que l’Union européenne pratique plus le service à la carte que le menu unique. Ainsi, le Danemark et la Suède ont décidé de ne pas participer à la zone euro.
L’Irlande ne fait pas non plus partie de l’Espace Schengen. La Bulgarie, Chypre, la Croatie et la Roumanie n’appliquent pas plus ces accords. Les départements d’outre-mer français ou les territoires néerlandais des Caraïbes, ne sont pas couverts par les accords de Schengen tout en faisant partie de l’Union européenne. Les îles d’Outre-mer bénéficient de régimes fiscaux particuliers, avec pour la France l’octroi de mer.
Le Danemark et l’Irlande n’adhèrent pas à l’Espace de liberté de sécurité et de justice. Le Danemark ne participe pas à la Politique de sécurité et de défense commune et la Pologne n’est pas signataire de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En ce qui concerne le Pacte budgétaire, la Croatie et la République tchèque ont également choisi de ne pas le signer.
Le Royaume-Uni est un des Etats membres les plus actifs dans le processus de construction européenne.
Le Royaume-Uni a été l’un des moteurs dans la construction d’une politique européenne de sécurité et de défense. Le pays a joué un rôle moteur dans l’élargissement de l’Union Européenne
L’approfondissement du marché unique, avec comme actuels travaux son extension aux services et à l’économie numérique doit beaucoup au Royaume-Uni. Il en est de même pour la mise en place du marché unique des capitaux.
Un détricotage difficile
Les Britanniques restent le deuxième contributeur net européen derrière les Allemands. Leurs départs signifieraient une augmentation de la contribution pour l’Allemagne comme pour la France.
En 2013, la contribution nette britannique était de 8,6 milliards d’euros contre 13,8 milliards d’euros pour l’Allemagne et 8,4 milliards d’euros pour la France.
Le Royaume-Uni est un maillon essentiel de l’Europe pour les échanges commerciaux et pour les flux de capitaux. Pour les Vingt-sept dans leur ensemble, le Royaume-Uni est le deuxième partenaire commercial (derrière les Etats-Unis), la deuxième destination des investissements directs étrangers. Rapportées au PIB, les exportations vers le Royaume-Uni sont particulièrement importantes pour l’Irlande, la Belgique et les Pays-Bas (plus de 7%). La Slovaquie, la République tchèque et la Hongrie représentent un deuxième groupe (entre 4 % et 5 %), un troisième réunissant l’Allemagne, la Pologne, le Danemark, la Suède et de plus petits pays d’Europe Centrale (entre 2 % et 3 %).
Pour l’Irlande, le départ du Royaume-Uni de l’Union ne serait pas simple à gérer. Le Royaume-Uni est la première destination des exportations irlandaises et la première source d’importations, notamment de services. Les stocks d’IDE cumulés représentent environ 60 % du PIB irlandais. Cette prépondérance du marché britannique pour l’Irlande se traduit en termes d’emplois, puisqu’il est généralement estimé que près de 200 000 postes (soit environ 10 % de l’emploi total) sont directement liés aux exportations vers le Royaume-Uni.
Le départ britannique aurait également un impact économique et financier pour les Belges, les Néerlandais, les Allemands et les Français. Certes, des traités et des conventions entre le Royaume-Uni et l’Union pourraient être signés mais cela exigera un peu de temps et sera, par définition, moins facile d’usage que le droit européen en vigueur aujourd’hui.
David Cameron espère arracher un accord global avec les Etats membres afin de pouvoir appeler à voter en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union. En l’état actuel, les revendications britanniques restent floues.
En ce qui concerne la libre circulation de la main d’œuvre, le gouvernement voudrait pouvoir réserver le bénéfice des prestations sociales aux seuls résidents britanniques et ainsi mettre un terme au « tourisme social ». Une telle dérogation constituerait la remise en cause d’un des principes fondateurs de la construction européenne, la libre circulation des personnes. En outre, pour le moment, cette discrimination n’a été demandée que de la part des partis nationalistes. Une étude de l’OCDE (« L’impact fiscal de l’immigration dans les pays de l’OCDE », dans « Perspectives des migrations internationales » juin 2013) concluait ainsi que les immigrés étaient des contributeurs nets positifs aux finances publiques britanniques.
Si une telle dérogation était accordée aux Britanniques, de nombreux autres Etats la demanderaient. Ce serait le cas dans les pays d’Europe centrale et orientale. Les partis nationalistes en feraient leur cheval de bataille à toutes les élections.
Au niveau du contrôle des décisions européennes, le Royaume-Uni demande la réintroduction d’un droit de véto au nom de la défense de ses droits souverains. Lui accorder cette prérogative constituerait un retour en arrière. L’abandon du droit de véto a été la condition sine qua none de l’élargissement.
Le dossier britannique est de meilleure facture en ce qui concerne le renforcement et la clarification du principe de subsidiarité. La volonté de lutter contre l’influence de la Commission de Bruxelles peut trouver de l’écho dans de nombreuses capitales européennes
David Cameron pourrait également demander une plus grande libéralisation dans les échanges. Sur ce dossier, il aurait immanquablement la France en opposante mais il pourrait se trouver des alliés. Ainsi, il pourrait rallier à sa cause le Danemark, l’Irlande, les Pays-Bas et la Suède. L’Allemagne serait en position d’arbitre entre la France et la perfide Albion. Intéressée par la libéralisation, elle pourrait exiger des concessions britanniques sur d’autres sujets. L’Allemagne, à la différence de la France ou du moins d’une partie de la France, est tout comme le Royaume-Uni favorable au traité transatlantique. Mais, l’Allemagne peut être plus réticente pour la création d’un véritable marché unique des services.
Les négociations entre pays membres risquent d’être complexes. La diplomatie européenne avec ses alliances de circonstances, ses coups à plusieurs bandes, va pouvoir s’en donner à cœur joie durant les prochains mois. Une nouvelle fois l’Europe jouera à se faire peur sauf qu’à force d’être sur une corde raide, cette dernière pourrait casser.
Le Portugal, un suspens sans danger ?
Les élections législatives sont fixées au Portugal le 4 octobre prochain. 230 postes sont à pourvoir. Le résultat est incertain. Le Parti Socialiste (PS) et l’alliance composée du Parti populaire (CDS-PP) et des sociaux-démocrates (PSD) au pouvoir depuis 2011, peuvent l’emporter. A la différence des autres Etats européens, les politiques de rigueur mises en œuvre depuis plusieurs années n’ont pas provoqué l’émergence d’un ou plusieurs partis extrémistes.
L’amélioration depuis 2013 de la situation économique peut expliquer que le duel entre les partis traditionnels est très serré. Après plusieurs années de crise, le Portugal a renoué avec la croissance en 2014, +0,9 % contre -1,6 % en 2013.
Le Portugal profite à plein de la baisse des cours du pétrole et de la dépréciation de l’euro. Ce pays est très dépendant de l’étranger pour ses achats d’énergie et de matières premières Par ailleurs, le Portugal devrait profiter d’une conjoncture un peu plus favorable au sein de la zone euro qui absorbe 60 % de ses exportations de marchandises.
Le PIB a été en augmentation de 0,4 % au premier semestre. Sur 2015, la croissance pourrait atteindre 1,7 %.
Plusieurs points de faiblesse demeurent. L’investissement des entreprises reste atone en raison de leur niveau élevé d’endettement et du fait d’une sous-utilisation des capacités de production.
Le PIB est toujours, au deuxième trimestre 2015, inférieur de 7 % au précédent point haut du premier trimestre 2008, et le taux de chômage est de 12,1% en juillet. Il est certes en nette baisse. Il atteignait 17,5% en janvier 2013 supérieur de près de 4 points à celui du début de 2008.
Les stigmates de la crise sont donc forts. Il faut souligner qu’elle a eu pour conséquence une augmentation forte de l’émigration (110 000 en 2013, contre 70 000 en 2010 pour une population de 10,4 millions fin 2013). Cette émigration et le fort taux de chômage pèsent défavorablement sur la consommation.
Au niveau des finances publiques, de nets progrès sont constatés. Le Portugal a réduit son déficit budgétaire depuis 2010 de 11,2 % en 2010 à 4,5 % du PIB en 2014, Il devrait s’élever à 3,1 % en 2015 soit moins que la France. La dette publique reste élevée. Elle a atteint plus de 130 % du PIB en 2014.
Il est possible que les élections du 4 octobre ne dégagent aucune majorité pouvant conduire à la formation d’un gouvernement minoritaire ou la constitution d’une grande coalition. A priori, il ne devrait pas y avoir de changement de cap dans la politique qui sera suivie par le prochain gouvernement.