Le Coin de la Conjoncture du 27 octobre 2018 – confiance – Chine – Brexit – marchés européens
La confiance demeure, en France, mais s’effrite
Le dernier trimestre 2018 commence en demi-teinte. En effet, l’indicateur établi par l’INSEE qui mesure le climat des affaires est en recul d’un point au mois d’octobre. À 104, il demeure à un niveau relativement élevé, au-dessus de sa moyenne de longue période (100). Malgré tout, depuis son point haut du mois de décembre, l’indice a perdu 7,3 points traduisant bien une sourde montée des inquiétudes. La guerre commerciale sino-américaine, la remontée du prix du pétrole et les résultats décevants de la croissance depuis le début de l’année pèsent sur le moral des dirigeants d’entreprise. Par rapport au mois de septembre, l’indicateur de climat des affaires perd 4 points dans le commerce de détail et 3 points dans l’industrie. Il est stable dans le bâtiment et les services.
En octobre, le climat de l’emploi reste stable. L’indicateur qui le synthétise se situe pour le troisième mois consécutif à 107, soit bien au-dessus de sa moyenne de longue période. Pour l’essentiel, la hausse des soldes d’opinion relatifs à l’emploi dans les services compense les baisses dans les autres secteurs considérés.
L’indicateur de retournement qui signale un climat conjoncturel favorable ou défavorable reste malgré tout bien orienté.
L’effritement de cette confiance peut trouver sa source dans l’augmentation du nombre de défaillances d’entreprise. Au cours du troisième trimestre, elles ont progressé de 3,3 % selon les chiffres de la société Altares publiés par « Les Échos ». Dans le secteur du bâtiment, le nombre de défaillances est en hausse de 2,7 %. Avec l’augmentation exponentielle des VTC ces dernières années, la forte concurrence provoque de nombreux dépôts de bilan : +45 % au troisième trimestre. De nombreuses entreprises de taille moyenne seraient en difficulté du fait de l’obsolescence de leur appareil productif. L’accumulation des aides depuis 2008 leur ont permis de survivre sans pour autant leur garantir une pérennité. Le ralentissement économique en cours et l’arrivée de nouveaux acteurs conduisent ainsi des PME à la faillite.
La Chine et la bataille du haut de gamme
La Chine est devenue la première puissance commerciale mondiale en moins de quarante ans. Elle pourrait devenir la première puissance économique d’ici 2030. Mais, le temps s’accélère. Le pays pourrait devenir vieux avant d’être riche, la faute à une démographie déclinante. Il pourrait surtout être supplanté par d’autres pays émergents comme l’Inde qui peuvent compter sur des coûts salariaux plus faibles et une population active en forte croissance. La Chine souffre également d’une mauvaise orientation de son épargne.
La population de plus de 60 ans est passée de 11 à 17,5 % de la population totale de 2002 à 2018. Elle atteindra près de 24 % en 2030, soit un taux comparable à celui rencontré au sein des pays de l’OCDE. La population active stagne depuis 2011 et devrait commencer à baisser en 2020. La hausse de l’emploi qui était de 4 % par an jusqu’en 2014 n’est plus aujourd’hui que de 1 %.
Une grande partie de l’épargne chinoise serait dans les faits mal orientée. Le taux d’épargne atteint 45 % du PIB contre 23 % au sein de l’OCDE mais cette épargne est de plus en plus préemptée par la construction, secteur dégageant de faibles gains de productivité. L’investissement en construction est passé de 25 à 32 % du PIB de 2008 à 2018.
Pour contrer les effets du vieillissement et de la concurrence des autres pays émergents, la Chine n’a qu’une possibilité, la montée en gamme. Les autorités chinoises sont conscientes que pour endiguer un recul programmé de la croissance, seule une réorientation de l’économie sur l’innovation et le haut de gamme est possible. Cela suppose d’importants efforts dans le domaine de l’éducation et de la recherche. À court terme, une telle politique pourrait accroître l’endettement et fragiliser financièrement l’économie.
Les dépenses de recherche ont doublé en Chine en une dizaine d’années quand elles stagnent en occident. Le Gouvernement chinois mise sur l’intelligence artificielle, sur l’aéronautique et l’espace.
Pour accroître sa production dans le haut de gamme, un important effort a été entrepris pour améliorer le niveau de formation des actifs. Ainsi de 2002 à 2014, la proportion de personnes ayant une formation supérieure au sein de la population active est passée de 8 à 18 %.
La Chine est devenue un acteur incontournable dans le secteur des énergies renouvelables. Ainsi, pour la production de cellules solaires, la Chine place 6 entreprises parmi les 10 premières mondiales. Les trois premiers rangs sont occupés par des entreprises chinoises. Celles-ci possèdent plus du tiers des parts de marché. De même, la Chine compte 5 producteurs de batteries électriques parmi les 10 premiers mondiaux. Les 5 autres sont japonais et coréens. Aucun européen et aucun américain ne figure dans ce classement.
Les efforts entrepris par la Chine pour monter en gamme commencent à payer. Après avoir décliné de 2010 à 2013, la croissance de productivité par tête est en hausse. Elle se situe autour de 6 % par an en 2018 contre moins de 4 % en 2012.
Pour le moment, cette réorientation de l’économie n’empêche pas l’affadissement de la croissance. La consommation et l’investissement des entreprises sont orientés à la baisse depuis 2013. Le taux de croissance des ventes au détail est passé de 13 à 7 % de 2013 à 2018, celui de l’investissement en machines et équipement de 8 à 2 % sur la même période.
La dette totale de la Chine est en très forte progression. Elle est passée de 120 à 260 % du PIB de 2002 à 2018. Elle est le produit d’un recours croissant aux crédits de la part des ménages, des entreprises et des collectivités territoriales.
Pourquoi les capitaux fuient l’Europe ?
Depuis de nombreux mois, certains experts considèrent que l’Europe devrait obtenir de meilleurs résultats économiques que ceux des États-Unis, soi-disant en fin de cycle. Pour autant, le vieux continent ne fait toujours pas rêver les investisseurs étrangers et, plus grave, les investisseurs européens préfèrent de plus en plus placer leur argent aux États-Unis. Depuis le début de 2018, les capitaux en obligations sortent de la zone euro. Depuis ce deuxième trimestre, c’est le cas également pour les capitaux en actions et enfin, depuis cet été, cette règle vaut également pour les capitaux à court terme. La zone euro ayant un important excédent extérieur, ce départ des capitaux a peu d’incidence sur les taux d’intérêt à long terme et sur le taux de change de l’euro. Ces sorties peuvent, en revanche, expliquer la faiblesse du marché des actions de la zone euro, en particulier par rapport au marché américain.
La croissance de la zone euro devrait rester plus faible que celle des États-Unis dans les prochains mois. Avec la hausse du prix du pétrole, avec le plein emploi au sein de plusieurs pays européens, nul n’imagine que l’Europe puisse à court terme obtenir une croissance supérieure à 2 %. Or, les États-Unis pourraient dépasser les 3 % grâce à la réforme fiscale de Donald Trump. En outre, la croissance potentielle des États-Unis est aujourd’hui de 0,5 à 0,7 point supérieure à celle de la zone euro. L’Europe reste handicapée par ses divisions et par ses tensions, notamment celles liées à la situation budgétaire de l’Italie.
Au niveau monétaire et obligataire, les États-Unis sont également bien plus attractifs. Cette situation devrait perdurer compte tenu de l’écart croissant des taux entre l’Europe et les États-Unis. Les taux directeurs de la banque centrale américaine devraient atteindre 3 % fin 2019 quand la Banque Centrale Européenne commencera à relever les siens. Sur les taux longs, l’écart entre la zone euro (hors Grèce) et les États-Unis dépasse 1,5 point. L’euro de son côté a perdu, depuis 2014, 17 % de sa valeur.
Les investisseurs choisissent les États-Unis d’autant plus facilement que la croissance des bénéfices y est plus forte. Pour les valeurs inscrites à l’indice S&P, le bénéfice par action des valeurs appartenant à l’indice S&P est plus de deux fois supérieur en moyenne à celui constaté pour les entreprises faisant partie de l’Eurostoxx en 2018. Les sorties de capitaux depuis la zone euro expliquent la faiblesse du marché des actions européennes, en particulier vis-à-vis du marché des actions américaines. Pour le moment, les marchés n’anticipent pas, en Europe, une accélération de la croissance, une appréciation de l’euro et une remontée des cours boursiers.
Les Britanniques ont plus à perdre
L’Europe est une habituée des accords de dernières minutes. Tant que l’horloge ne sonnera pas le douzième coup de minuit le 28 mars prochain, tout sera possible. Il sera même envisageable de bloquer l’horloge ou d’ouvrir une période intérimaire. D’ici au 29 mars, date officielle du Brexit, il reste donc encore quelques semaines pour établir un accord fixant le cadre des futures relations entre le Royaume-Uni et le reste de l’Union européenne. Compte tenu des problèmes de politique intérieure que rencontrent Theresa May et de la volonté des négociateurs européens de ne pas créer un dangereux précédent en se montrant conciliant avec les Britanniques, il n’est pas inutile d’évaluer les conséquences d’une absence d’accord pour l’ensemble des parties prenantes.
Les conséquences d’un Brexit sans accord seraient par construction plus importantes pour le Royaume-Uni que pour les autres États membres. Le premier se priverait de l’accès en franchise douanière à 27 pays quand ces derniers perdraient un seul marché.
Le Royaume-Uni réalise un peu moins de 50 % de ses exportations vers les autres pays de l’Union qui représentent 20 % du PIB mondial. L’Union Européenne a 6 % de ses exportations vers le Royaume-Uni, qui représente 3,5 % du PIB mondial.
Les investissements directs du Royaume-Uni vers les pays membres de l’Union représentent environ 50 % des investissements directs totaux du Royaume-Uni L’investissement des pays de l’Union au Royaume-Uni constitue 12 % du stock total d’investissement direct à l’étranger de l’Union à 27.
Selon la banque Natixis, un Brexit sans aucun accord pourrait réduire de 30 % les exportations du Royaume-Uni et de 3 % celle de l’Union européenne à 27. Des effets similaires sur l’investissement pourraient être également constatés.
En raison des pertes potentielles pour le Royaume-Uni, les négociateurs européens emmenés par Michel Barnier considèrent que les représentants britanniques seront contraints d’accepter l’instauration d’un régime dérogatoire pour l’Irlande et le paiement d’un droit d’accès au marché intérieur. La Première Ministre, Theresa May, doit faire face à un pays conservateur divisé entre les tenants d’un hardbrexit et ceux enclins à signer au plus vite un accord afin de réduire la période d’incertitudes. Elle doit tenir compte de son allié unioniste d’Irlande du Nord qui rejette l’idée d’une dérogation pour leur territoire. Or, ce dernier pourrait potentiellement mettre en minorité le gouvernement britannique. Si les autorités britanniques ont espéré diviser les Européens en jouant en particulier sur le sentiment anglophile des États du Nord et de l’Est, cette tentative est restée vaine pour le moment. Theresa May a essayé également d’amadouer l’Allemagne qui est un client important du Royaume-Uni. Les difficultés internes d’Angela Merkel et sa méfiance vis-à-vis d’un pays qui tente de jouer une alliance avec les États-Unis rendent peu probables un rapprochement. Avec la France, les relations sont complexes. Pour autant, le Royaume-Uni est l’un des rares pays de l’Union avec lequel la France dégage un excédent commercial. Par ailleurs, les deux pays disposent de liens militaires historiques. Pour autant, le Gouvernement français trouve intérêt à renouer un partenariat fort avec l’Allemagne et à isoler un pays qui, ces dernières années, avait pesé fortement sur le cours des politiques européennes notamment dans le domaine agricole.