Le Coin de la Conjoncture du 4 novembre 2017
Le complexe pari fiscal de Donald Trump
Après de nombreux contretemps, la réforme fiscale promise par Donald Trump durant sa campagne électorale pourrait être adoptée avant le 23 novembre pour Thanksgiving. Dans le projet de budget, les Républicains ont, en effet, intégré une enveloppe pour les baisses d’impôts portant sur 1 500 milliards de dollars sur dix ans, ce qui permet d’engager la discussion de la réforme fiscale. L’administration républicaine a comme objectif de réduire les impôts pour les particuliers et les entreprises, tout en supprimant de niches fiscales pour tenter de contenir le déficit budgétaire et la dette publique.
Une baisse rapide et nette du taux de l’impôt sur les sociétés
Comme sur le vieux continent, Donald Trump entend diminuer progressivement le taux de l’impôt sur les sociétés en le passant de 35 à 20 %. Les États-Unis se caractérisent par un taux d’impôt sur les sociétés très élevé au moment où tous les États ont tendance à le réduire, France comprise.
La mise en place de taxes protectionnistes
Par ailleurs, les entreprises ne seront plus imposées sur leurs revenus mondiaux mais les élus ont prévu l’application un taux unique de 10 % s’appliquant à leurs profits réalisés à l’étranger. Les États-Unis restaient un des rares pays à appliquer le concept de bénéfices mondial. La France qui disposait de ce type d’imposition l’a supprimée dans les années 90. Si les entreprises sont favorables à la suppression du bénéfice mondialisé, elles sont, en revanche, opposées à l’introduction d’un « droit d’accise » de 20 % qui s’appliquerait sur les flux de biens et services entre différentes entités d’un même groupe. Les importations des entreprises françaises ayant des filiales de commercialisation aux Etats-Unis seraient pénalisées tout comme les entreprises américaines ayant des filiales à l’étranger. Les opérations de rachats de sociétés dans des pays à faible fiscalité seraient ainsi taxées. Ce projet vise à inciter la production aux Etats-Unis. Il s’apparente à une taxe protectionniste qui pourrait être condamnée par l’Organisation mondiale du commerce
Des baisses d’impôt pour les ménages
Donald Trump s’était engagé à redonner du pouvoir d’achat aux ménages des classes moyennes mais aussi à ceux des classes aisées. L’impôt sur le revenu serait rendu moins progressif avec la réduction du nombre de tranches du barème. Les taux s’étaleront de 12 à 39,6 %. Donald Trump aurait souhaité supprimer la dernière tranche et ramener ainsi le taux marginal à 35 %. Le Congrès s’y oppose pour le moment. En revanche, la suppression des droits de succession sera étalée sur 6 ans.
La question sensible des niches fiscales
Pour financer le plan d’allègement des prélèvements, les membres de la Chambre des Représentants ont décidé de supprimer ou de limiter la portée de certains dispositifs d’allègements appelés niches fiscales. La déductibilité des intérêts immobiliers, de l’épargne retraite et des impôts locaux sera réduite. Les abattements conçus pour les familles des classes moyennes ont été, en revanche, préservés. Comme en France, les débats entre collectivités publiques sont complexes. Ainsi, les États fédérés s’opposent à la remise en cause de la déductibilité des impôts. Pour les États à forte fiscalité, en particulier New-York et le New-jersey, cette proposition si elle était adoptée serait pénalisante.
L’administration républicaine espère que la diminution de la pression fiscale accélèrera le rythme de la croissance. Les baisses d’impôt pourraient conduire à plus d’inflation et nourrir le déficit commercial américain qui est déjà abyssal. Le pari de la compensation des pertes fiscales par la suppression des niches et le regain d’activité n’est cependant pas gagné.
Les Pays-Bas, en haut de l’affiche
Classés parmi les petits États de l’Europe, les Pays-Bas jouent un rôle économique, social et politique bien plus important que leur taille ou leur poids démographique le laissent supposer. Figurant parmi les fondateurs de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (1951) et de la Communauté Economique Européenne (1957), ce pays de 17 millions d’habitants constitue un bon thermomètre de l’état de santé du vieux continent. Le PIB par habitant y est supérieur à la moyenne des pays de l’Union européenne et le taux de chômage figure parmi les plus faibles de l’Union européenne (4,7 %).
Les Pays-Bas sont la 6ème puissance économique européenne et le 5ème exportateur mondial de marchandises. L’activité économique de ce pays fluctue en fonction du commerce international. Le port de Rotterdam, le premier d’Europe, le 8e au niveau mondial, est le cœur de l’activité économique des Pays-Bas. De ce fait, ce pays a été un des plus touchés, en Europe, par la Grande Récession de 2008/2009. Mais, depuis 2013, la situation s’améliore sensiblement même si une large part de la reprise observée s’explique par la renaissance du marché immobilier, avec pour contrepartie un niveau d’endettement très élevé des ménages. La situation des grands fonds de pension est également un sujet d’inquiétude.
Des atouts exploités avec talent
Une façade maritime facile d’accès, des estuaires, du pétrole, du gaz, des terres riches, un savoir-faire commercial et industriel reconnu : les Pays-Bas disposent d’atouts importants qui leur permettent de garantir un niveau de vie élevé à leurs citoyens.
Le secteur agricole pèse moins de 2 % du PIB du pays et emploie 2 % de la population mais, grâce à des rendements très élevés, sa rentabilité est importante. Il arrive à exporter 60 % de sa production directement ou à travers l’industrie agro-alimentaire. Les Pays-Bas sont le 2e exportateur de produits agricoles du monde derrière les États-Unis. Les céréales, les pommes de terre et les produits provenant de l’horticulture sont les principales récoltes exportées.
Les Pays-Bas sont les plus grands producteurs et distributeurs de pétrole et de gaz naturel d’Europe, ce qui leur assure des revenus importants.
L’activité industrielle représente un quart du PIB, soit deux fois plus que la France. Les secteurs clefs sont l’industrie agro-alimentaire, l’industrie pétrochimique, la métallurgie ou encore l’industrie d’équipements de transport. Ce secteur emploie 15 % de la population active.
Les services comptent pour plus de 70 % du PIB et ils sont principalement concentrés sur les transports, la distribution, la logistique, la banque et les assurances, l’ingénierie en eau et les nouvelles technologies. Le secteur emploie 75 % de la population active.
Des Rois du commerce
Le commerce extérieur des Pays-Bas représente plus de 150 % du PIB. Plaque tournante des échanges européens, ce pays est un des plus ouverts du monde. La contribution des exportations dans le PIB a augmenté de manière importante ces dernières années, jusqu’à atteindre 82,5 % PIB. La balance commerciale des Pays-Bas est structurellement excédentaire. En 2016, l’excédent commercial a atteint 52,7 milliards d’euros, en forte hausse par rapport à son niveau de 2015 (environ 44 milliards d’euros).
En 2016, les Pays-Bas étaient le huitième exportateur le plus important du monde. Les Pays-Bas réalisent l’essentiel de leur excédent commercial grâce aux échanges avec les pays de l’Union européenne. Leurs principaux partenaires commerciaux sont l’Allemagne, la Belgique, l’Angleterre, la France et l’Italie. Après coup, le débat sur une éventuelle sortie des Pays-Bas de l’Union européenne qui a agité la campagne électorale durant le printemps 2017 peut apparaître surréaliste.
Le nouveau gouvernement ou l’art du consensus
Aux Pays-Bas, les coalitions sont la règle compte tenu du mode de scrutin pour les élections législatives. Lors des élections législatives du 15 mars dernier, le parti travailliste PvdA, membre de la coalition sortante, a été sévèrement battu (perte des deux tiers de ses sièges au Parlement) et a décidé de ne pas intégrer la nouvelle majorité parlementaire. Leurs anciens alliés, les libéraux conservateurs du VVD, ont pris l’initiative de constituer une nouvelle coalition avec les chrétiens-démocrates (CDA) et les sociaux-libéraux (D66). Ces trois partis ne représentant que 71 sièges sur 150 à la deuxième chambre du Parlement, un quatrième partenaire était nécessaire. Ils ont ainsi intégré l’Union chrétienne (CU) qui est un petit parti protestant.
La forte sensibilité des Néerlandais aux questions de sécurité et d’immigration a généré un fort mouvement anti-européen. Son recul aux élections du mois de mars dernier a été perçu comme un coup d’arrêt à la montée du populisme en Europe. Néanmoins, le parti eurosceptique, le Parti pour la Liberté, est arrivé en deuxième position avec 13,4 % des voix et dispose de 20 sièges.
Le nouveau gouvernement, dirigé par Mark Rutte, chef du VVD, a prêté serment le 26 octobre dernier. Pour la nouvelle majorité, le contexte économique est porteur. En effet, le budget est en excédent et la dette publique devrait être nettement inférieure à 60 % du PIB à la fin de l’année. Ces bons résultats sont le produit du report de l’âge de départ à la retraite, du gel des salaires et des avantages sociaux dans la fonction publique. Par ailleurs, les Pays-Bas figurent parmi les pays à fort taux de croissance. Ainsi, en 2017, le PIB devrait s’accroître de 3,3 %. Le nouveau gouvernement devrait engranger les fruits des réformes engagées ces dernières années.
Comme en Allemagne, les partis membres de la coalition signent un accord. Il est ainsi prévu d’obtenir un excédent budgétaire de 0,6 % du PIB à moyen terme. Cet excédent est jugé nécessaire pour disposer d’une marge de manœuvre en cas de retournement conjoncturel. L’accord mentionne que les dépenses publiques pourront augmenter de 2,1 % par an en volume dans les quatre prochaines années. Les augmentations concerneront essentiellement la Sécurité sociale, la défense et l’éducation. Au niveau fiscal, une réduction du nombre de tranches d’imposition sur le revenu est prévue en passant de trois à deux. L’impôt sur la fortune sera abaissé en alignant le rendement imputé sur les rendements du marché et en relevant le seuil d’imposition à 30 000 euros. Le taux d’imposition des sociétés diminuera progressivement. Il sera abaissé, en 2017, à 20 % pour les bénéfices inférieurs à 200 000 euros et de 25 % au-delà de ce plafond. Ces taux seront diminués respectivement à 16 % et 21 % en 2021. Par ailleurs, la taxation des dividendes sera abolie. Ces mesures seront en partie financées par un relèvement du taux réduit de la TVA, de 6 % à 9 %, par l’« écologisation » du régime fiscal, comme l’application d’un prix minimum du CO2 pour la production d’électricité, et par l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
Plusieurs réformes sociales sont attendues. Ainsi, les partenaires sociaux sont censés se mettre d’accord pour instituer un nouveau régime de retraite professionnelle. Chaque caisse de retraite professionnelle créera un fonds destiné à absorber les pertes sur investissements. Désormais, les primes de départ à la retraite seront calculées en fonction de l’âge.
La législation sur la protection de l’emploi devrait être assouplie en contrepartie d’une hausse des indemnités de licenciement. Des dispositions seront prises pour améliorer le statut des salariés en intérim et des indépendants sans personnel avec la fixation d’un tarif minimum fixé entre 15 et 18 euros. En deçà, la personne sera automatiquement considérée comme salariée.
Si la coalition a indiqué dans le cadre de son accord son attachement à l’Union européenne, elle a néanmoins fixé de limites strictes qui empêchent toute évolution de cette dernière vers le fédéralisme. Ainsi, elle souhaite limiter l’intervention du Mécanisme Européen de Stabilité Financière. Les aides octroyées aux pays en difficultés doivent faire l’objet de conditions strictes. Le nouveau gouvernement est opposé au financement commun de la dette publique (Eurobonds). En revanche, il n’est pas hostile à une politique budgétaire commune. S’il ne rejette pas le principe de l’Union bancaire, il ne veut pas être appelé à financer des plans de sauvetage de banques étrangères tant que le secteur bancaire n’est pas en bonne santé dans tous les États membres. Il souhaiterait, en outre, une meilleure pondération du risque des obligations d’État dans les bilans des banques.