Le Coin de l’Economie – conjoncture – industrie – France – Allemagne – Russie – Transition énergétique
Industrie, et si nous rejouions le match France – Allemagne ?
La divergence économique entre la France et l’Allemagne date du début du siècle. La première a connu une accélération de sa désindustrialisation amorcée au moment du premier choc pétrolier quand la seconde a réussi à conforter ses positions industrielles. Positionnée sur le haut de gamme, dégageant des marges importantes, l’industrie allemande est au cœur du système économique permettant une croissance du PIB par habitant. La France s’est transformée en pays de services essentiellement domestiques avec des emplois à faible rémunération, ce qui conduit à une stagnation voire à une baisse du PIB par habitant.
En Allemagne, une politique de l’offre industrielle a été privilégiée. Contrairement à une idée reçue, le modèle allemand ne repose pas sur un prix bas de l’énergie. Il a été financé par les ménages à travers des salaires bas dans les services à l’industrie et une fiscalité favorable aux entreprises industrielles. Des externalisations de segments des chaînes de valeur et des délocalisations massives dans les pays à coûts salariaux faibles ont été réalisées mais avec comme objectif d’améliorer la compétitivité et les parts de marché de l’Allemagne. La hausse des qualifications et l’adaptation des qualifications aux besoins de l’industrie illustrent également les choix opérés par l’Allemagne.
La France, au contraire, a privilégié une politique de la demande et de réduction des inégalités. Elle a ainsi préféré le soutien du pouvoir d’achat des ménages et la réduction des inégalités de revenu ; deux objectifs financés par la taxation des entreprises. La France se caractérise également par une politique de retraite généreuse, financée en partie par les cotisations des entreprises.
Au bout de 30 ans, le pays qui utilise une politique de l’offre industrielle conserve une industrie de grande taille ; le pays qui a préféré une politique de la demande et de réduction des inégalités a subi un grand amaigrissement de son industrie.
Le poids de l’industrie est plus de deux fois plus important aujourd’hui en Allemagne qu’en France avec un écart similaire entre les poids de l’emploi dans l’industrie. La valeur ajoutée de l’industrie en Allemagne représente 20 % du PIB, contre 9 % en France. La proportion de l’emploi manufacturier dans l’emploi total est de 16 % en Allemagne contre 8,5 % en France. L’écart est passé de 65 % à 95 % de 1995 à 2022. La désindustrialisation de la France génère un problème réel de revenus. Les emplois dans l’industrie étant plus qualifiés, sont également mieux payés que dans les autres secteurs. Le salaire annuel par tête est de 42 000 euros dans l’industrie, contre 35 000 pour celui des autres domaines d’activité.
Jusqu’en 2003, La France avait une balance industrielle positive. Renault pouvait s’enorgueillir d’être le premier constructeur étranger en termes de ventes en Allemagne. Depuis, le solde industriel est devenu constamment négatif à la différence de l’Allemagne qui a accumulé des excédents.
Depuis le début du siècle, de part et d’autre du Rhin, la politique économique a sensiblement différé, les Allemands privilégiant une politique de l’offre quand les Français ont opté pour un soutien de la demande finale.
Le prix de l’énergie ne permet pas d’expliquer la compétitivité de l’industrie allemande. Même si à la différence de la France, les industriels outre-rhin sont favorisés par rapport aux consommateurs, ils supportent des prix plus élevés que leurs homologues français. Le choix d’un mix énergétique reposant sur la triade charbon/fuel/gaz a débouché sur une énergie chère. L’écart qui s’accroit depuis 1995 a atteint 10 centimes d’euros pour 1 kilowatt.
Un des facteurs qui contribue à la compétitivité de l’industrie allemande est la différence de salaires avec les services. Le salaire horaire par tête dans les services marchands est inférieur à celui de l’industrie de 33 % quand cet écart n’est que de 14 % en France. Les entreprises industrielles qui consomment une forte quantité de services réduisent ainsi leurs coûts de production. La fiscalité constitue un autre facteur favorable à l’industrie allemande.
En France, le niveau des prélèvements obligatoires est supérieur de 4 à 5 points de PIB à celui de l’Allemagne. Cet écart permet de financer des prestations sociales qui réduisent les inégalités et contribuent à la hausse de la demande. Cette politique redistributive, en France, se traduit par un poids plus élevé des impôts de production et des cotisations sociales, ce qui réduit la compétitivité de l’industrie et l’attractivité de la France pour l’industrie. Les cotisations sociales et les impôts sur la production représentent 14 % du PIB en France, contre 8 % en Allemagne.
De part et d’autre du Rhin, les politiques de délocalisations ont été différentes. Les entreprises industrielles allemandes ont externalisé des segments de chaînes de valeur à faible valeur ajoutée tout en conservant l’assemblage dans leur pays. L’Allemagne importe deux fois plus de biens intermédiaires industriels. Ces derniers proviennent de pays à faibles coûts salariaux d’Europe de l’Est ou d’Asie. Les entreprises françaises ont, de leur côté, délocalisé l’ensemble de leurs chaînes de production. Les premières ont constamment monté en gamme quand les secondes sont restées sur le créneau de la gamme moyenne voire du low-cost. Le succès de Renault qui est une des entreprises françaises qui a le plus recouru aux délocalisations ces dernières années, est avant tout celui de Dacia, sa filiale produisant en Roumanie des voitures low-cost. La France a, de ce fait, perdu des parts de marché. Si en 1995, les exportations représentaient 20 % du PIB en Allemagne comme en France, elles s’élèvent respectivement à 50 et à 30 % en 2021.
La désindustrialisation s’est accompagnée en France d’une baisse des compétences comme le souligne les enquêtes PIAAC et PISA de l’OCDE. L’Allemagne qui avait connu également une diminution de son niveau de compétences au moment de la réunification a rattrapé son retard à partir du début des années 2000.
La France souffre d’un réel déficit d’ingénieurs et de techniciens. En France, les diplômés de l’enseignement supérieur se concentrent dans les secteurs de la protection sociale, du droit, du commerce et de l’administration quand en Allemagne, ils sont plus nombreux dans les domaines de l’ingénierie et des sciences industrielles.
Les gouvernements français ont fait le choix dès les années 1970 de favoriser le pouvoir d’achat, en jouant sur les prestations sociales. Ainsi, la France se caractérise par des dépenses de retraites élevées (14 % du PIB, contre 10 % en Allemagne), sachant que l’espérance de vie à la retraite en France est la plus élevée de l’OCDE. Le taux d’emploi des 60/64 ans en France est particulièrement faible, autour de 36 % contre 60 % en Allemagne.
En ayant favorisé la consommation, implicitement ou explicitement, les pouvoirs publics ont favorisé les délocalisations. Pour inverser ce processus, la valorisation des filières scientifiques est une nécessité. Il convient également que l’industrie soit mieux considérée de toutes et de tous. Les communes devraient accepter plus facilement l’installation d’usines industrielles sur leur territoire, sachant qu’en règle générale, les emplois proposés sont mieux rémunérés que ceux du secteur tertiaire.
Les voies et moyens de la transition énergétique
La guerre en Ukraine et l’acuité du réchauffement climatique placent au cœur des débats la transition énergétique. Son coût se chiffre pour les pays de l’OCDE à plusieurs milliers de milliards de dollars par an d’ici le milieu du siècle pour substituer les énergies renouvelables aux énergies carbonées. Quels seront les catalyseurs de cette révolution ? Comment les marchés financiers, le risque de réputation pour les entreprises, la politique des banques centrales, la contrainte réglementaire ou les incitations fiscales et budgétaires des pouvoirs public, le signal prix avec l’augmentation du prix des émissions carbone, impactent-ils cette transition ?
Les banques, les investisseurs institutionnels ainsi que les fonds d’investissement de la zone euro, poussés par leurs actionnaires, leurs clients ou de leur propre initiative, privilégient le financement d’investissements verts ou en faveur de la transition énergétique. De 2017 à 2022, l’encours des obligations vertes est passé de 200 à 2 000 milliards d’euros à l’échelle mondiale. Les émissions de crédits verts sont de leur côté passées de 35 à 80 milliards d’euros. L’encours des obligations de transition a atteint 250 milliards d’euros en 2022, contre moins de 50 milliards d’euros en 2017. Cet essor doit être relativisé car l’écart de taux entre les obligations dites normales et celles qualifiées de vertes est faible.
Les entreprises réalisent leur transition énergétique (passage d’une source d’énergie brune à une source d’énergie verte, d’un mode de transport brun à un mode de transport vert, d’un emballage brun à un emballage vert) sous la contrainte de la régulation, en raison d’incitations, mais aussi sous le seul effet de la recherche de réputation. La pression des Organisations non gouvernementales, des associations de consommateurs, de l’opinion peut les amener à accélérer leurs programmes d’investissement. Force est de constater que, depuis 2013, les entreprises augmentent leurs dépenses d’investissement en matière de transition énergétique. Elles sont passées de 0,4 à 1,2 % du PIB à l’échelle mondiale. En vingt ans, les émissions de CO2 des entreprises de la zone euro ont diminué de 25 %. Il convient de noter qu’une partie de cette réduction a été rendue possible par les délocalisations.
La BCE a décidé la mise en œuvre d’une politique monétaire avec un biais en faveur de la transition énergétique. La prise en repo ou les rachats à des conditions plus favorables de titres verts pourraient être institués. La BCE pousse les banques à privilégier les créances vertes ou de transition en mettant en place des Stress Tests Climatiques sur les actifs détenus par les banques.
La Commission européenne et les différents États membres de l’Union ont mis en place une série de régulations, en particulier sur les rénovations thermiques des logements, sur les ventes de voitures thermiques et sur le remplacement du fioul maritime, etc. Ces réglementations contribuent clairement à accélérer la transition énergétique, par exemple en aidant au développement des voitures électriques. En Europe, la part des voitures électriques dans les ventes globales est passée de 3 à 18 % de 2017 à 2022.
Les États peuvent contribuer directement à la transition énergétique en réalisant des infrastructures de transports publics, des investissements dans les énergies renouvelables ou la rénovation thermique des édifices publics, etc. En France, par exemple, « France 2030 » et le Programme d’Investissement d’Avenir consacrent 34 milliards d’euros essentiellement à la transition écologique.
Pour inciter les acteurs privés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, les États de la zone euro ont multiplié les incitations financières à la transition énergétique. Au niveau des entreprises, les États participent au développement de filières batteries ou hydrogène vert. Pour les ménages, des aides financières à la rénovation thermique des logements ou à l’acquisition de véhicules propres ont été instituées.
Pour favoriser la transition énergétique, les pouvoirs publics peuvent également jouer sur le signal « prix ». Actuellement, sur le marché européen, le prix de la tonne de carbone émise est d’environ 70 euros. Les travaux académiques estiment que, pour être efficient, le mécanisme prix suppose que le cours de la tonne de carbone évolue autour de 200 euros. Compte tenu des coûts d’une telle taxe pour l’industrie, nul ne souhaite que le cours de la tonne de carbone n’atteigne un tel cours dans les prochains mois. Les pouvoirs publics privilégient une politique reposant sur plusieurs curseurs. Le rôle des marchés et la green-reputation semblent avoir un réel effet sur les entreprises. Pour les ménages, la réputation et les incitations financières sont les deux vecteurs de changement. Compte tenu de l’objectif de neutralisation des activités d’ici le milieu du siècle, une refonte des fiscalités sera sans nul doute nécessaire. La transition énergétique par son aspect éminemment réglementaire devrait donc aboutir à une nouvelle augmentation de l’interventionnisme des États.
L’économie de la Russie, après six mois de guerre
L’économie de la Russie ne s’est pas effondrée en grande partie grâce aux recettes issues du gaz et du pétrole. Faisant face à des embargos comptant parmi le plus sévères de ces deux cents dernières années, dans un système qui s’est entre temps mondialisé, le pays commence cependant à souffrir économiquement.
Au-delà des embargos croisés, la Russie maintient un niveau élevé de recettes pour ses exportations de pétrole, de gaz naturel, et aussi de charbon grâce à l’augmentation des cours sur les marchés mondiaux. Les exportations de pétrole ont diminué de près de deux millions de baril jour mais le prix du baril est passé de 60 à plus de 90 dollars. Les flux de gaz vers l’Europe qui atteignaient, 400 millions de mètres cubes par jour avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, ne dépassent plus 90 millions. Depuis le mois de février 2021, le prix du mégawattheure de gaz est passé de 30 à 90 euros (fin septembre) après avoir atteint plus de 300 au cœur de l’été. Les recettes d’exportations d’énergie annualisées de la Russie sont passées de 250 milliards de dollars à 330 milliards de dollars entre 2019, avant l’épidémie de covid-19, et septembre 2022. Elles ont retrouvé leur niveau d’avant 2015, année marquée par la baisse des cours en lien avec l’essor du pétrole de schiste et une crise en Russie.
Si la Russie engrange des recettes d’exportations, elle souffre de son incapacité à importer de nombreux produits occidentaux. Les importations russes sont passées de 350 milliards de dollars en rythme annuel de fin décembre 2020 à 200 milliards de dollars en septembre. L’excédent commercial atteint plus de 400 milliards de dollars mais est difficilement mobilisable économiquement. Le départ des entreprises occidentales, l’embargo sur les produits technologiques (notamment les semi-conducteurs) conduisent à un recul important de la production dans certains secteurs. Celle de l’industrie automobile a chuté de 30 % depuis le mois de mars. Les productions agro-alimentaires et chimiques résistent néanmoins assez bien.
Dans ce contexte, le PIB pourrait reculer de 5 à 8 points cette année, sur fond de forte inflation qui pourrait cette année dépasser 15 %. La consommation des ménages pourrait se contracter de 10 % tant par manque de biens qu’en raison de la hausse des prix.
Si les occidentaux s’entendent pour plafonner le prix d’achat du pétrole russe, le pays pourrait subir une baisse de ses recettes d’exportations, les autres acheteurs ne souhaitant pas payer plus cher. Le difficile accès aux biens technologiques pourrait à terme pénaliser le secteur de l’énergie et celui de la chimie ansi que celui de la fabrication des armements. L’effort de guerre pourrait également peser sur la croissance d’autant plus que le Kremlin a dû recourir à une mobilisation partielle.
Pour ou contre la taxe sur le CO2 aux frontières ?
Les pays membres de l’Union européenne est confrontée à des prix de l’énergie nettement plus élevés que les autres pays (États-Unis, Chine, etc.) en raison de l’arrêt des importations de gaz naturel russe et de la volonté de respecter rapidement l’Accord de Paris en matière de neutralité carbone. Afin d’éviter le développement des importations de produits fortement carbonés, l’introduction d’une taxe CO2 aux frontières est prévue. Elle a pour objectif de compenser l’écart induit de compétitivité qui s’opère au détriment des entreprises européennes. Par sa nature, cette taxe est éminemment protectionniste et peut accélérer la fragmentation du commerce international avec une forte pénalisation des pays émergents. Une telle taxe est également une source d’inflation et peut ainsi s’avérer contreproductive pour éviter la multiplication des délocalisations.
Du fait de la guerre en Ukraine, l’écart de prix du gaz entre l’Europe et les États-Unis est passé du simple au triple. Si pour le pétrole, l’écart est plus faible du fait du caractère mondial du marché, l’autosuffisance des États-Unis induit néanmoins un avantage prix. L’Europe a réalisé des efforts plus importants que la Chine et les États-Unis en matière de décarbonation de ses activités. L’écart en la matière tend néanmoins à se réduire avec les États-Unis. Le prix élevé de l’énergie en Europe pénalise l’industrie et donc les exportations. Elle réduit la croissance des États membres.
Le Parlement européen a voté en juin 2022 la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne qui entrera en vigueur à partir de 2027. Cette taxe ne porte que sur les produits ayant généré d’importantes émissions de gaz à effet de serre au moment de leur conception : acier, aluminium, ciment, etc. Cette taxe a comme défaut de ne viser qu’un nombre limité de produits. Les biens finaux (biens de consommation, machines, automobile, avions, etc.) ne sont pas concernés, ce qui pourrait inciter les entreprises à délocaliser leurs chaînes de production. L’Europe importera moins d’acier et d’aluminium carbonés mais plus de produits finis. La taxe risque donc d’accélérer la désindustrialisation, sachant que l’emploi industriel dans l’Union européenne est passé de 20 à 14 % de l’emploi total de 1995 à 2022.
En visant des produits intermédiaires, cette taxe concernera de nombreux pays en développement ou émergents. Elle sera par définition protectionniste. Elle freinera le développement de ces pays qui ont besoin des recettes d’exportation pour mener leur transition énergétique. Par ailleurs, elle contribuera à augmenter les prix au sein de l’Union européenne et donc à diminuer le pouvoir d’achat des européens.
Pour éviter l’effet pervers sur les délocalisations, les tenants de la taxe carbone souhaitent qu’elle soit appliquée à tous les biens intermédiaires et finis. La mise en œuvre d’une telle taxe est compliquée du fait de l’assemblage de pièces ayant des intensités en carbone différentes. Certains estiment qu’il faudrait se fonder sur les écarts d’émissions de CO2 entre les pays ou en fonction de l’atteinte des objectifs fixés dans les traités internationaux. Un système reprenant les règles de la TVA avec report sur le consommateur final de toutes les émissions des gaz à effet de serre pourrait également être institué. L’instauration d’un système de taxation du CO2 aux frontières supposerait, comme cela a été prévu dans l’Accord de Paris le développement des aides aux pays en voie de développement afin qu’ils puissent décarboner leur économie.
Croissance en mode déclin pour le FMI
Le Fonds monétaire international (FMI) a présenté ses nouvelles prévisions de croissance le 11 octobre dernier. En 2022, la hausse du produit intérieur brut (PIB) mondial devrait s’élever à 3,2 %. L’année prochaine, ce taux ne devrait pas dépasser 2,7 %. En 2021, la croissance de l’économie mondiale avait été de 6 %. À l’exception de l’année 2008 marquée par la crise financière et de 2020, année du début de la pandémie, la croissance attendue en 2023 sera la plus faible enregistrée depuis 2001.
Les principales zones économiques sont confrontées à des ralentissements majeurs de leur économie. Le PIB américain a diminué au premier semestre 2022 quand cela pourrait être le cas pour la zone euro au second. L’économie chinoise est, de son côté, victime de la politique du zéro covid et de la crise immobilière. Selon le FMI, « une contraction du PIB réel d’une durée d’au moins deux trimestres consécutifs » devrait intervenir en 2022-23 dans environ 43 % des économies, représentant plus d’un tiers du PIB mondial. Le commerce mondial sera fortement touché par le ralentissement de l’économie mondiale. Sa croissance devrait passer de 10,1 % en 2021 à 4,3 % cette année et à 2,5 % l’an prochain. L’appréciation du dollar qui s’est déjà apprécié d’environ 15 % par rapport à l’euro cette année pèse sur les échanges.
Aux États-Unis, la croissance devrait passer de 1,6 % en 2022 à 1 % en 2023. « La baisse du revenu disponible réel continue de rogner la demande des consommateurs, et la hausse des taux d’intérêt pèse lourdement sur les dépenses, en particulier sur les investissements résidentiels ». Dans la zone euro, le ralentissement serait net en 2023. La croissance ne devrait pas dépasser 0,5 % l’an prochain. En Italie et en Espagne, une reprise des services liés au tourisme et de la production industrielle au premier semestre a permis de soutenir l’activité cette année. Néanmoins, une récession est attendue en 2023 en Italie comme en Allemagne où le PIB devrait reculer de 0,3 %. Le taux de croissance de la France devrait être positif de 0,7 % en France. La Chine, quant à elle, connaîtra cette année sa plus faible croissance en quarante ans avec une hausse de son PIB de seulement 3,2 %.
En matière d’inflation, le FMI croit à une décrue en 2023. Le taux d’inflation devrait passer de 8,8 % cette année à 6,5 % en 2023 et 4,1 % d’ici 2024. L’organisation internationale reste malgré tout prudente en soulignant que d’autres chocs sur les prix de l’énergie et des produits alimentaires ne peuvent pas être exclus.
France, l’économie plie sans rompre
Selon l’enquête de la Banque de France du mois d’octobre, la croissance de l’économie française ralentit mais demeure toujours positive. En septembre, l’activité est restée stable dans l’industrie alors qu’elle a progressé dans les services marchands comme dans le bâtiment.
Pour octobre, les entreprises anticipent que l’activité évoluerait peu dans l’industrie et le bâtiment, et augmenterait à nouveau dans les services marchands, mais plus faiblement que les mois précédents.
Les soldes d’opinion relatifs à la production en septembre indiquent une progression de l’activité dans le secteur des produits informatiques, électroniques et optiques, les machines et équipements, et les équipements électriques. À l’inverse, dans la métallurgie et les produits en caoutchouc, plastique, l’activité s’inscrit en recul par rapport au mois précédent. Dans l’ensemble de l’industrie, le taux d’utilisation des capacités de production baisse légèrement, à 79 % en septembre (après 80 % le mois précédent). Dans la plupart des secteurs, il se situe au‑dessus de sa moyenne historique, à l’exception principale de l’aéronautique et autres transports (écart de -5 points). Dans les services marchands, l’activité progresse de nouveau en septembre, à un rythme légèrement supérieur à celui anticipé par les chefs d’entreprise le mois dernier. Cette amélioration concerne la plupart des services aux entreprises – services d’information, édition, conseil de gestion, et activités d’ingénierie – ainsi que les services aux particuliers (hébergement, restauration). L’activité progresse sensiblement dans le secteur du bâtiment, à la fois dans le second œuvre et le gros œuvre.
Avec la normalisation sur le front de l’épidémie et le ralentissement de l’économie mondiale, les difficultés d’approvisionnement se replient dans l’industrie. Les difficultés d’approvisionnement poursuivent leur recul, tout en demeurant encore élevées en septembre. La part des chefs d’entreprise qui jugent que les difficultés d’approvisionnement ont pesé sur leur activité diminue dans l’industrie (49 %, après 51 % en août) et dans le bâtiment (40 %, après 43 %) par rapport au point haut d’avril 2022 pour l’industrie, 64 % des entreprises indiquaient alors des difficultés d’approvisionnement. L’amélioration est constatée dans tous les secteurs, mais en particulier dans l’habillement, textile, chaussures (-36 points) et le bois, papier, imprimerie (-32 points).
Les difficultés de recrutement restent par ailleurs élevées (indiquées par 58 % des répondants, après 57 % en août). Elles se tassent légèrement à 48 % dans l’industrie, et augmentent dans le bâtiment (64 %, après 57 %).
Pour le mois d’octobre, les chefs d’entreprise interrogés anticipent une stabilité de leur activité dans l’industrie. Certains secteurs enregistreraient une évolution favorable : c’est le cas des produits informatiques, électroniques et optiques, des machines et équipements, de l’industrie pharmaceutique et de l’aéronautique. A contrario, des secteurs particulièrement dépendants de l’énergie pour leur production – produits en caoutchouc, plastique, ainsi que l’industrie chimique et la métallurgie – se replieraient de nouveau. Dans les services, les chefs d’entreprise s’attendent à une légère progression de l’activité, mais plus faible que les mois précédents, dans la plupart des secteurs. Dans le bâtiment, l’activité évoluerait peu, avec une légère contraction du gros œuvre et une progression du second œuvre.
L’opinion sur la situation des carnets de commandes se dégrade en septembre dans l’industrie. Depuis les plus hauts enregistrés en janvier 2022, la baisse des carnets s’observe dans quasiment tous les secteurs de l’industrie. En revanche, l’opinion sur les carnets se redresse légèrement dans le bâtiment. Dans les deux cas, les niveaux actuels demeurent néanmoins supérieurs à leur moyenne de long terme.
La situation de trésorerie des entreprises industrielles continue de se dégrader alors qu’elle évolue peu dans les services. Elle est en‑deçà de sa moyenne de long terme, aussi bien pour les grandes entreprises que pour les PME. Cette dégradation, liée notamment au coût des matières premières et de l’énergie, touche plus particulièrement certains secteurs industriels comme l’industrie pharmaceutique, la chimie, le bois, papier, imprimerie et les équipements électriques. La situation de trésorerie poursuit son érosion dans les services marchands mais demeure proche de sa moyenne de long terme.
L’opinion des chefs d’entreprise sur l’évolution de leurs prix de produits finis, au cours du mois écoulé, repart à la hausse dans l’industrie, après quatre mois de ralentissement, et ce en lien avec la progression des prix des matières premières et du gaz/électricité. Les prix progressent également dans les services marchands couverts par l’enquête, notamment dans les services aux particuliers (hébergement, restauration, réparation automobile) et les services de transport. 29 % des chefs d’entreprise dans l’industrie manufacturière déclarent avoir augmenté leur prix de vente en septembre. Cette proportion est particulièrement élevée dans l’agro‑alimentaire (où 43 % des entreprises indiquent avoir augmenté leurs prix), l’industrie chimique, et le bois, papier, imprimerie. Elle s’élève à 49 % pour les entreprises du bâtiment et à 21 % pour les services marchands. Ce regain de hausse en septembre (sur la base de données brutes, non corrigées des variations saisonnières) peut traduire, en partie, un effet saisonnier de « rattrapage » déjà observé il y a un an, les hausses de prix étant généralement moins nombreuses en juillet‑août. Les perspectives pour octobre suggèrent un léger tassement de la proportion de hausses de prix dans l’industrie (23 %), les services (20 %) et le bâtiment (44 %).
Pour la Banque de France, la croissance du PIB au troisième trimestre 2022 serait de 0,25 % par rapport au trimestre précédent, compte tenu d’une stabilité du PIB en septembre. Les premières indications suggèrent une légère hausse du PIB en octobre. Au deuxième trimestre, le taux de croissance avait été de 0,5 %.
France, une baisse de pouvoir d’achat en 2022 et 2023
De 2022 à 2023, selon l’OFCE, le pouvoir d’achat mesuré par unité de consommation (UC) diminuerait de 1,4 %, effaçant une grande partie des gains de 2021 qui avaient été de 1,9 %. Le pouvoir d’achat des résidents serait fin 2023 proche de son niveau de 2019.
Dans le détail, l’OFCE indique que le pouvoir d’achat des ménages diminuerait de 0,1 %, en 2022, baisse limitée par les mesures prises par le gouvernement et par la bonne tenue du marché de l’emploi. Mesuré par unité de consommation (UC), il reculerait de 0,6 %. Contrairement à Bercy qui table sur une hausse de 0,9 % du pouvoir d’achat l’an prochain, l’OFCE prévoit une contraction de 0,3 %. Ramené par UC, le recul atteindrait 0,8 %. L’OFCE considère que le ralentissement de l’économie se traduira par une remontée du taux de chômage à 8 % occasionnant une baisse des revenus. Une destruction de 175 000 emplois est prévue par cet institut économique.
Pour l’OFCE, l’inflation devrait atteindre 4,2 % en 2023 en retenant l’hypothèse d’un baril de Brent à 100 dollars et d’une hausse de 15 % des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité.
La consommation serait affectée en 2023 par la baisse du pouvoir d’achat. Pour l’OFCE, les ménages seront contraints de réduire leur effort d’épargne, le taux revenant à 15,6 % du revenu disponible brut, contre plus de 16 % actuellement.
Compte tenu des hypothèses économiques retenues, l’OFCE prévoit un taux de croissance de 0,6 % en 2023, soit moins que le gouvernement qui parie sur un taux de 1 %. En matière de déficit public, l’institut de conjoncture estime que l’objectif de 5 % du PIB sera difficile à respecter en 2023. Il évalue la dérive à 0,2 % du PIB.