le Coin de l’Economie – dette publique – Donald Trump
Comment expliquer l’augmentation du taux d’endettement public en France ?
Le taux d’endettement public de la France a été multiplié par plus de trois en trente-cinq ans, passant de 36 % à 112 % du PIB. Celui de l’Allemagne, sur la même période, a moins que doublé, passant de 38 % à 68 % du PIB. La faible augmentation de la dette publique en Allemagne s’explique par une modération des dépenses, en lien avec le frein budgétaire introduit en 2009 (plafonnement du déficit structurel à 0,5 point de PIB). En France, c’est la hausse des dépenses publiques qui est à l’origine du dérapage de la dette.
Les dettes publiques française et allemande ont évolué au même rythme entre 1991 et 2007, passant de 39 % à 67 % du PIB. À partir de la crise des subprimes, les deux trajectoires divergent. Celle de l’Allemagne diminue jusqu’en 2019 pour revenir au-dessus de 60 %, tandis que celle de la France s’accroît de plus en plus rapidement, en lien avec l’augmentation des déficits publics. L’épidémie de Covid-19 entraîne, de part et d’autre du Rhin, une hausse de la dette publique, mais dans des proportions différentes. En Allemagne, la dette augmente de 7 points de PIB entre 2020 et 2022, alors qu’en France, elle s’élève de 16 points. Depuis 1991, le taux d’endettement public de l’Allemagne n’a ainsi progressé que de 26 points de PIB, contre 76 points pour la France.
L’augmentation du déficit public est en partie liée à un environnement conjoncturel défavorable, mais celui-ci joue de manière identique pour la France et l’Allemagne. La France connaît des déficits plus élevés que son voisin en période de crise et met davantage de temps à les réduire. Les crises laissent des traces plus importantes sur les finances publiques françaises qu’allemandes, en raison de la plus grande réversibilité des dépenses en Allemagne.
En dépit d’un déficit élevé, la France impose une pression fiscale plus forte à ses citoyens, avec des impôts et prélèvements sociaux atteignant 43 % du PIB, contre 39 % en Allemagne. Dans ce dernier pays, la hausse des prélèvements obligatoires (+4 points entre 1991 et 2024) a permis de limiter le déficit, alors qu’en France, cette augmentation n’a pas empêché la dérive des comptes publics. Ces dernières années, les prélèvements augmentent moins rapidement en France en raison de la faible croissance de la consommation et de la multiplication des niches fiscales. Par ailleurs, plusieurs impôts ont été supprimés (taxe d’habitation, redevance audiovisuelle) sans compensation budgétaire ni fiscale.
La divergence des dettes publiques de la France et de l’Allemagne s’est accentuée malgré un différentiel de croissance favorable à la France. De 1991 à 2023, le PIB français s’est accru de 67 %, contre 48 % pour l’Allemagne. Ce surplus de croissance aurait dû permettre une réduction du déficit grâce à l’apport des recettes fiscales. Or, tel n’a pas été le cas. L’écart des dettes publiques s’explique donc principalement par l’évolution des dépenses publiques de part et d’autre du Rhin. Entre 1991 et 2024, les dépenses publiques oscillent en France entre 55 % et 57 % du PIB, tandis qu’en Allemagne, elles sont passées de 55 % à 48 %.
La France consacre 3 points de PIB de plus que l’Allemagne aux retraites (13 % contre 10 % du PIB). Malgré le vieillissement démographique, l’Allemagne a réussi à stabiliser les dépenses de retraite autour de 10 % du PIB, alors qu’en France, elles ont augmenté de 3 points en vingt-cinq ans. Concernant l’éducation, la France y consacre 6 % du PIB, contre 4,5 % en Allemagne, avec des résultats mitigés. Les dépenses de santé, en revanche, sont similaires dans les deux pays, avoisinant 12 % du PIB. La France consacre également une part supérieure de sa richesse nationale à la défense, bien que l’écart se réduise. L’Allemagne, ces dernières années, a réduit l’investissement public, entraînant une dégradation de certains services, notamment les transports.
En Allemagne, l’abandon du frein budgétaire est envisagé pour relancer une économie en récession. Les besoins en infrastructures sont de plus en plus soulignés par les experts. En France, la maîtrise de la dette apparaît sans solution en raison de l’absence de consensus et du déficit de confiance envers les gouvernements. Les deux pays ont eu tendance, ces dernières années, à réduire leurs dépenses d’investissement et d’éducation (en valeur relative par rapport au PIB). En France, le poids des dépenses sociales, représentant plus du tiers du PIB en 2024, s’est accru. Les pouvoirs publics utilisent ces dépenses pour compenser la faiblesse de la croissance et lutter contre la montée des inégalités. Cependant, le poids élevé des dépenses publiques, au-delà de son impact sur la dette, génère des effets négatifs en pesant sur le volume de travail, ce qui réduit indirectement les recettes publiques (moins de recettes fiscales liées à une faible activité et un effet courbe de Laffer).
Donald Trump est-il Wall Street Compatible ?
Depuis l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche, les indices boursiers américains battent record sur record. Les investisseurs internationaux plébiscitent cette élection en acquérant des actions américaines, ce qui conduit à l’appréciation du dollar.
La hausse du cours des actions américaines, dès la confirmation de l’élection de Donald Trump, s’explique par plusieurs de ses propositions de déréglementation et de baisses d’impôts. Il a prévu de limiter la réglementation du secteur financier, voire de supprimer l’agence de régulation de ce secteur. Il a également l’intention de libéraliser plusieurs secteurs d’activité, notamment celui de l’énergie. Son programme prévoit de ramener le taux d’imposition des bénéfices des entreprises de 21 % à 15 %. La majoration des droits de douane n’est pas perçue, pour le moment, par les investisseurs comme une menace pour l’activité économique. Elle est considérée comme un levier destiné à obtenir des concessions des partenaires commerciaux. Cette mesure pourrait inciter à une augmentation des investissements étrangers aux États-Unis : les entreprises étrangères, pour échapper aux droits de douane, seraient contraintes de créer des usines sur le territoire américain. En 2024, les investissements de portefeuille représentent déjà près de 4 points de PIB, un niveau élevé en lien avec les dispositions de l’Inflation Reduction Act.
À terme, le marché boursier pourrait pâtir d’une résurgence de l’inflation. Le programme de Donald Trump est, en effet, inflationniste. Le freinage de l’immigration et l’augmentation des droits de douane sur les importations en provenance de nombreux pays entraîneront une hausse des salaires et des prix. Cette situation pèsera sur les taux d’intérêt à court et à long terme, et la banque centrale américaine sera contrainte de maintenir des taux plus élevés. Par ailleurs, la persistance d’un déficit public élevé pourrait également conduire à une augmentation des taux longs. Or, des taux d’intérêt élevés jouent contre les actions, car les investisseurs pourraient privilégier les obligations. De plus, des taux élevés signifient une croissance réduite et, par conséquent, des dividendes moins élevés.
Cependant, la hausse des taux enregistrée entre 2022 et 2024 ne s’est pas accompagnée d’une réelle décrue des valeurs boursières. La bonne tenue de la croissance et des résultats des entreprises, ainsi que l’engouement pour l’intelligence artificielle, ont soutenu le cours des actions.
Lors de son premier mandat, les investisseurs avaient bénéficié d’un contexte favorable. Pour le second mandat, ils restent plutôt optimistes, bien que l’application stricte du programme économique puisse conduire à une remontée de l’inflation et à une baisse de la croissance. Pour l’instant, les investisseurs semblent miser sur les futures baisses d’impôts et la présence d’Elon Musk aux côtés de Donald Trump, tout en sous-estimant les effets potentiellement négatifs de la majoration des droits de douane et de la limitation de l’immigration.