Le Coin de l’Economie – dollar – dettes – marchés
Pourquoi le dollar s’apprécie contre l’euro ?
Depuis le 3e trimestre 2021, l’euro se déprécie par rapport au dollar. En un an, la perte atteint près de 12 %. Cette évolution est la conséquence des mouvements de capitaux en lien avec les politiques monétaires mises en œuvre de part et d’autre de l’Atlantique.
La dépréciation de l’euro est focalisée sur le dollar et non sur les autres monnaies. Dans les faits, c’est le dollar qui s’apprécie par rapport aux autres monnaies. L’euro se déprécie par rapport au dollar moins que le yen, plus que le RMB chinois, comme les monnaies des émergents autres que la Chine, et comme la livre sterling.
La dépréciation de la monnaie commune par rapport au dollar serait imputable au différentiel de taux d’intérêt entre les deux zones économiques. Les taux directeurs américains évoluent entre 0,75 et 1 % quand ceux de la Banque centrale européenne sont entre -0,5 et 0 %. Cette dernière n’a prévu d’augmenter ses taux qu’à partir du mois de juillet quand la banque centrale américaine devrait procéder à une série de hausses maintenant un écart important.
Les investisseurs se délestent en actions et obligations européennes au profit de celles des Etats-Unis. La baisse des achats d’obligations européennes est nette. Le taux de l’obligation américaine à 10 ans est proche des 3 % quand il atteint 1 % en zone euro, soit un écart de deux points.
L’euro est également pénalisé par la guerre à ses frontières et par sa dépendance aux hydrocarbures russes. Cette guerre incite, par ailleurs, les investisseurs à privilégier le pays refuge que sont les Etats-Unis. La monnaie commune est également handicapée par le caractère non unifié de la zone euro. La BCE doit tenir compte dans sa politique des niveaux d’endettement différentes entre les Etats membres ainsi que des niveaux d’inflation. Elle dispose d’une latitude moins forte que la FED pour relever ses taux. La zone euro étant plus exposée que les Etats-Unis aux conséquences de la crise ukrainienne, la croissance y est plus menacée. Aux Etats-Unis, le relèvement des taux est avant tout la conséquence d’une surchauffe économique. En Europe, un tel relèvement aurait peu d’incidences à court terme sur les prix. Leur augmentation est liée aux variations de courts de produits essentiellement importés, matières premières et énergie.
Une crise des dettes souveraines est-elle possible en Europe ?
En 2010, deux ans après la crise des subprimes, la zone euro était menacée par l’incapacité pour certains Etats de faire face à des déficits combinés, déficits publics et déficits des paiements courants. Le sauvetage du système monétaire européen est passé par la mise en place d’outils de solidarité (Fonds Européen de Stabilité Financière et Mécanisme Européen de Stabilité Financière) et par l’application de plans de rigueur dans les pays concernés visant à réduire la demande intérieure et donc à rétablir les équilibres extérieurs. La Grèce a été l’épicentre de cette crise des dettes souveraines qui a également concerné les Etats dits périphériques : Espagne, Portugal et Italie.
Tant qu’un Etat dispose d’un excédent extérieur, ce qui correspond à un excédent d’épargne, il ne peut pas être logiquement confronté à une crise de balance des paiements ou à une crise de la dette domestique. Une crise peut survenir avec un excédent d’épargne quand les épargnants privilégient les investissements à l’étranger. Cette situation survient essentiellement au sein des pays émergents ou en développement.
Au sein de la zone euro, une crise de la dette pourrait se manifester surun pays enregistrant un déficit de la balance des paiements courants rencontre des difficultés pour le financer. Sont potentiellement concernés la France, la Grèce, l’Espagne, l’Italie et le Portugal.
Dans un contexte de ralentissement de la croissance, le niveau élevé de la dette publique (100 % du PIB en moyenne en zone euro) et la hausse des taux d’intérêt qui sont passés de 0 à près de 2 % pour les obligations d’Etat à 10 ans, augmentent les risques de crise. En 2010, le déclenchement de la crise en Grèce avait été le relèvement du cours du baril de pétrole qui avait accru le déficit de la balance des paiement courants et pesé sur la croissance.
En 2010, la balance des paiements courants grecque était déficitaire de 12 % du PIB, la dette extérieure nette dépassait alors 100 % du PIB. Face à la crainte d’une incapacité à rembourser, les investisseurs ont exigé des taux de plus en plus élevés. L’écart de taux avec l’Allemagne a atteint plus de 40 points en 2012 mettant en situation de quais banqueroute l’Etat grec. Pour l’Italie et l’Espagne, l’écart était de 6 points. La hausse des taux et les plans de rigueur ont provoqué une chute de la demande intérieure de 40 % en Grèce, de 10 à 20 % en Italie, en Espagne ou au Portugal. La crise de 2010.2013 était initialement une crise de la balance des paiements courants, crise accentuée par les imposants déficits publics qui mobilisaient une grande partie de l’épargne disponible.
Dix ans plus tard, certains Etats membres de la zone euro sont confrontés à des niveaux d’endettement sans précédent en période de paix. Le taux d’endettement s’élevait à 200 % du PIB pour la Grèce, 150 % pour l’Italie, 125 % pour le Portugal, 122 % pour l’Espagne, et 113 % pour la France. La dette de l’Allemagne représente 75 % du PIB.
Le financement de la dette publique devient donc un problème quand les Etats enregistrent des déficits extérieurs structurels importants. Au niveau de la zone euro, les pays fragiles sont la France, la Grèce et le Portugal à un moindre degré. La balance des paiements courants de la France est déficitaire de 2 % du PIB et la dette extérieure nette s’élève à plus 25 % du PIB. La balance courante espagnole est déficitaire de 0,5 % du PIB quand celle de l’Italie est excédentaire. En revanche, celle de la Grèce demeure déficitaire de plus de 4 % du PIB. La dette extérieure de l’Espagne représente 75 % du PIB, celle du Portugal près de 100 % et celle de la Grèce 175 %. L’Italie dispose en revanche d’une position créditrice positive de 5 % du PIB. La situation de la France apparaît ainsi plus délicate que celle de l’Italie. Les Pays d’Europe du Nord se caractérise par des actifs extérieurs importants et une balance des paiements courants positive.
Si les pays d’Europe du Sud y compris la France n’arrivent pas à réduire leur déficit extérieur, ils pourraient subir une crise de financement dans un contexte de hausse des taux d’intérêt. La solution pour l’éviter serait de freiner la demande en instituant une politique de relative rigueur. Or, après la crise sanitaire et en période de hausse des prix, peu de gouvernements souhaitent appliquer une telle politique. La décision de la Commission de Bruxelles de différer le rétablissement des critères budgétaires semblent indiquer qu’il faut laisser du temps au temps avant de revenir aux règles de bonnes gestion….
Faut-il tout vendre ?
Après avoir atteint des sommets en 2021, les marchés « actions » connaissent depuis le début d’année des baisses qui à force deviennent sensibles. Les produits de taux, livrets réglementés ou pas, les fonds euros d’assurance vie, ont des rendements réels négatifs. Les cryptoactifs après avoir battu record sur records semblent être engagés dans un cycle dépressif. L’immobilier qui a eu les faveurs des investisseurs retient son souffre avec la remontée des taux. Dans ces conditions, faut-il tout vendre ?
La progression de l’inflation conduit à celle des taux d’intérêt. Elle se manifeste déjà, le taux de l’OAT à dix ans est passé du 31 décembre 2022 au 25 mai 2022 de 0,193 à 1,5 %. Certes, cette hausse demeure faible par rapport à l’évolution des prix, le taux d’inflation étant supérieur à 7 % au mois d’avril au sein de la zone euro. L’augmentation annoncée des taux directeurs des banques centrales, dont la BCE, devrait accélérer la remontée des taux. Les banques centrales craignent la mise en place d’une spirale inflationniste par transmission de la hausse des prix sur les salaires. En raison des tensions sur les marchés de l’emploi, les salaires pourraient bénéficier d’importantes revalorisations, ce qui ne ferait qu’alimenter la hausse des prix, en l’absence de gains de productivité. Pour freiner la transmission, les banques centrales semblent opter pour une maîtrise de la demande en jouant sur la monnaie en circulation à travers notamment son renchérissement. Pour le moment, elles optent pour une réponse graduée afin de ne pas briser la croissance post-covid. Après avoir multiplié les plans de relance, les autorités passent ainsi à une politique de refroidissement pour le modéré des économies. Ce changement de pied est rapide et pourrait déstabiliser les acteurs économiques. Certains experts économiques dont Patrick Artus, chef économiste de Natixis, estiment que les banques centrales devront augmenter de manière plus importante leurs taux directeurs pour contenir réellement l’inflation au risque de provoquer une récession. Au mois de mai, les investisseurs parient sur des taux directeurs aux Etats-Unis autour de 3 % à l’horizon 2024 et de 1,5 % en zone euro. Un relèvement des taux directeurs se transmettra aux taux longs qui sont actuellement en valeur réelle négatifs.
Ce mouvement de hausse des taux devrait dissuader l’acquisition d’obligations non-indexées sur l’inflation, sachant que celles qui le sont, font l’objet de taux d’intérêt négatifs de près de 2 points. Dans cette période d’ajustement, après avoir connu une période de fortes hausses, les cours des actions sont volatils et orientés à la baisse. La crainte d’une récession à venir incite les investisseurs à se délester. Les variations de change peuvent également conduire à des sorties de capitaux de la zone euro vers les Etats-Unis, ce qui joue contre les placements européens. Les cryptoactifs après avoir atteint des sommets à la fin de l’année 2021 enregistrent une forte correction en lien avec la diminution des valeurs technologiques américaines.
La valorisation des entreprises non cotées dans le cadre d’opérations de Private Equity continue pour le moment d’augmenter mais pourrait enregistrer une baisse dans les prochains moins. Aux Etats-Unis, les multiples de valorisation sont passés de 9 à 14 de 2010 à 2021 et de 7 à 10 pour la zone euro.
Pour l’instant, les actifs réels (immobilier, infrastructures, etc.) continuent à procurer protection contre l’inflation et la hausse des taux d’intérêt. Aux Etats-Unis, sur un an, le prix des logements augmente de 18 % et de 17 % pour les locaux commerciaux. Les chiffres respectifs pour la zone euro sont 8 et 5 %. Logiquement, une augmentation des taux d’intérêt pourrait provoquer un retournement sur le marché immobilier. Le déficit de logements et de locaux dédiés à la logistique du e-commerce ainsi que la forte demande de bureaux respectant les normes environnementales soutiennent le marché. Tant que les taux réels resteront négatifs, les biens immobiliers pourraient poursuivre leur hausse. Le ralentissement de la croissance pourrait peser néanmoins sur ce marché à compter du second semestre 2022.
Compte tenu du contexte de taux, certains préconisent de favoriser les liquidités qui ont comme défaut de ne pas être rémunérées. Ce défaut est d’autant plus important que l’inflation est en hausse. D’autres estiment que les actions et en particulier celles des entreprises non cotées sont les mieux à mêmes de se prémunir des conséquences de l’inflation sur le long terme. La priorité serait alors d’apprécier la capacité des entreprises à absorber la hausse de leurs coûts soit en augmentant leurs prix ou en générant des gains de productivité. Les entreprises spécialisées dans le haut de gamme ou celles dont la production ou les prestations sont indispensables sont les plus à mêmes à résister à l’inflation. Pour l’immobilier, plusieurs paramètres sont à prendre en compte. Pour l’investissement locatif, la rentabilité pourrait être remise en cause en cas d’introduction d’un gel des loyers. Si la demande reste forte pour les entrepôts, elle pourrait s’atténuer pour les bureaux avec le développement du télétravail.