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L’inflation dans la zone euro, le risque de la spirale
La zone euro est confrontée à un problème inédit, la concomitance de stagnation voire de déclin de la productivité avec une hausse des coûts de production et une pénurie de main-d’œuvre. Cette combinaison hautement inflationniste suppose une action énergique de la banque centrale, action que celle-ci tend à éviter ou à différer pour éviter une brutale récession.
Depuis les années 2010, les gains de productivité s’étiolent au sein de la zone euro au point de disparaître depuis trois ans. La productivité par tête est inférieure de deux points à celui du mois de mars 2020. Ce repli de la productivité qui s’est accentué avec les confinements est, en grande partie, imputable à la baisse de la durée du travail par tête. Elle a diminué de plus de 5 % par rapport à 2010, quand elle est en légère hausse aux États-Unis. De plus en plus de salariés européens rejettent les emplois à horaires décalés et réduisent leurs heures supplémentaires. De ce fait, les employeurs sont contraints dans un nombre croissant de cas de doubler les postes. L’augmentation des arrêts maladies est nette depuis le début de la crise sanitaire ce qui réduit le nombre d’heures effectivement travaillées par salarié. La stagnation ou à la diminution de la productivité conduit à un besoin d’emplois plus élevé, et de facto à une baisse rapide du chômage, favorisant une hausse tendancielle du taux d’emploi. Il en résulte des pénuries de main-d’œuvre et des tensions sur les salaires. Plusieurs pays de la zone euro sont en situation de plein emploi dont l’Allemagne et les Pays-Bas. Le taux de chômage est en France à son plus bas niveau depuis 2007.
De 2019 à 2022, le taux d’emploi au sein de la zone euro est passé de 79 à 82 % pour la population active âgée de 20 à 64 an quand le taux de chômage est passé de 7,8 à 6,6 % sur la même période. Le ratio des entreprises rencontrant des difficultés de recrutement est quatre fois supérieur, en 2022, par rapport à 2019. Les salaires augmentent de 4 % par an en 2022. Du fait de l’absence de gains de productivité, le coût salarial est également en forte augmentation, autour de 3 %. Selon Patrick Artus, chef économiste de Natixis, l’inflation salariale représenterait actuellement la moitié de l’inflation totale de la zone euro, cette proportion étant appelée à augmenter.
Face à la résurgence de l’inflation, la Banque centrale européenne a différé autant que possible le relèvement de ses taux directeurs, considérant que la hausse des prix était essentiellement le résultat de l’augmentation des cours de l’énergie et des matières premières importées. Elle a estimé qu’une hausse des taux n’aurait pas de réelles incidences sur cette inflation extérieure. La progression des salaires pourrait amener la BCE à changer de braquet en matière de relèvement de ses taux. Pour le moment, les investisseurs continuent à parier sur des hausses de taux mesurés et temporaires. Mais pour briser une spirale inflationniste, la BCE devra sans nul doute effectuer des relèvement rapprochés et importants dans les prochains mois avec, par voie de conséquence, un risque indéniable de récession.
Pourquoi la FED et la BCE ne peuvent pas s’aligner sur la banque centrale japonaise ?
La Réserve Fédérale, la Banque d’Angleterre, la Banque centrale européenne ont-elles la possibilité d’abandonner la lutte contre l’inflation ? D’un point de vue réglementaire, elles ne le peuvent pas. Elles ont le devoir de veiller à une certaine stabilité des prix afin de garantir le bon fonctionnement du système financier et de l’économie ainsi que d’éviter une rupture de confiance au niveau de la monnaie dont elles ont la charge. Malgré tout, elles pourraient accepter de maintenir des taux directeurs bas afin de faciliter le financement des déficits publics. Un tel choix aboutirait à une inflation plus forte sur une période plus longue ce qui conduirait à des transferts au sein des États concernés, les acteurs endettés bénéficiant d’un allègement de leur fardeau au détriment des épargnants et de ceux dont les revenus ne sont pas indexés.
Au Japon, la Banque centrale retient un objectif de taux d’intérêt à long terme proche de 0 %. Elle est aidée en cela par une inflation qui reste bien plus faible qu’en Europe et aux États-Unis, autour de 4 %, contre 10 %. Cette politique vise à faciliter le financement de l’imposante dette publique qui dépasse 250 % du PIB. L’État japonais compense par des dépenses publiques importantes le recul du salaire réel par tête. Depuis 2002, dans ce pays, le déficit public évolue entre -4 et -10 % du PIB. La viabilité de cette politique économique et monétaire suppose l’absence d’indexation des salaires aux prix, évitant ainsi que l’inflation s’installe en cas de choc provoqué par la dépréciation du yen ou la hausse du prix de l’énergie. Au Japon, l’inflation est transitoire. Lors de ces vingt dernières années, la dette publique est passée de 180 à 250 % du PIB avec en parallèle une décrue constante des taux d’intérêts. En 2022, le taux d’intérêt moyen de la dette publique est de 1,3 %, contre 1,9 % en 2002.
L’exemple japonais n’est pas transposable aux États-Unis ni en Europe. La première différence est liée à l’importance de l’épargne au Japon, épargne essentiellement investie dans les obligations d’État japonais. La deuxième tient aux règles d’indexation des salaires. Si elle n’est pas totale depuis le début de l’année, elle est néanmoins plus forte en Europe et aux États-Unis qu’au Japon. L’inflation sous-jacente y est chez les premiers plus élevée que chez le second. Troisièmement, Les banques centrales des États-Unis et d’Europe ont, en outre, un devoir institutionnel de lutter contre l’inflation à la différence de celle du Japon. La difficulté en Europe et aux États-Unis provient de la décision des États de compenser les pertes de pouvoir d’achat, ce qui induit un surcroît de dépenses publiques et la persistance de déficits élevés. Avec une dette publique en forte croissance, la sensibilité à la hausse des taux augmente. Pour contrecarrer ces effets, l’inflation doit disparaître au plus vite, ce qui suppose une action énergique des banques centrales et l’arrêt de la hausse des prix des produits importés. Si les banques centrales croient en une stabilisation des prix des matières premières et de l’énergie, elles doivent relever leurs taux directeurs rapidement et fortement pour casser toute spirale inflationniste avec comme risque collatéral une récession des économies concernées. Si dans un premier temps, les banques centrales européennes et américaines ont temporisé face à l’inflation, elles ont durci, dans un second temps leur communication. Les marchés commencent à intégrer la hausse des taux pour la fin de l’année et le début de l’année prochaine avec une baisse notable de l’activité d’où la chute des cours en bourse.
Si la Réserve Fédérale, la Banque d’Angleterre et la BCE n’avaient pas de mandat de stabilisation de l’inflation à 2 % et si les salaires n’étaient pas indexés aux prix aux États-Unis et en Europe, elles pourraient appliquer la même politique que leur homologue japonaise. Or, elles ont un objectif d’inflation à 2 % et les salaires sont partiellement indexés aux prix aux États-Unis et en Europe (degré d’indexation de 0,7 aux États-Unis, de 0,5 au Royaume-Uni et dans la zone euro). Depuis le début de l’année, elles sont passées d’une politique accommodante à une réaction mesurée face à la résurgence de l’inflation. De plus en plus, elles s’orientent vers un durcissement sensible de la politique monétaire. Plus la période d’inflation dure, plus elle provoque une aggravation de la situation financière des États. Les banques centrales ont donc tout intérêt de bloquer l’apparition de spirales inflationnistes. Le choix d’une politique monétaire restrictive semble s’imposer avec, à la clef, un ralentissement de la demande, de moindres pressions au niveau du marché de l’emploi. Le pari des banques centrales est de juguler l’inflation rapidement afin de permettre une baisse des taux d’intérêt dès la fin 2023 aux États-Unis et 2024 en Europe.
La taxe inflationniste, un prélèvement qui ne dit pas son nom
Depuis 2015, les épargnants qui ont investi leurs liquidités essentiellement en produits de taux subissent une taxation indirecte du fait de taux d’intérêt faibles. Avec l’inflation, leur situation ne s’améliore pas. Ils sont rejoints par tous ceux qui détiennent des liquidités. Le rendement réel une fois prise en compte l’inflation est négatif d’au minimum quatre points, ce qui est sans précédent depuis le début des années 1980. Les épargnants et les détenteurs de liquidités sont ainsi confrontés à un processus qualifié de « répression financière ».
Les Européens depuis la fin de l’année 2021 subissent la taxe inflationniste qui est un prélèvement sur la valeur réelle des encaisses monétaires. Cette inflation atteint plus de 9 % du PIB, ce qui est sans précédent depuis le début du siècle. Elle se situait entre 2002 et 2019 entre 0 et 2 points de PIB. Les porteurs d’obligations supportent également un prélèvement par le fait que les taux d’intérêt à long terme sont inférieurs à l’inflation qui atteint 8 % du PIB. Au total, la taxation cachée se monte à 15,7 % du PIB de la zone euro. Elle taxe essentiellement les épargnants modestes, qui n’ont pas accès aux actifs financiers (actions, parts d’entreprise, immobilier) qui protègent contre l’inflation.
Les États européens sont dans les fait assez complaisants vis-à-vis de cette inflation qui réduit en valeur relative l’endettement public. La taxe inflationniste vient en lieu et place des prélèvements obligatoires dont le niveau relatif est orienté à la baisse. Il représente 40 % du PIB, contre 42 % en 2020. Ces prélèvements avaient fortement augmenté au sein de la zone euro de 2010 à 2019 en passant de 38 à 41 % du PIB. Face à l’hostilité des opinions, les gouvernements préfèrent la taxe masquée de l’inflation qui permet d’accroître le montant des recettes publiques et le montant du PIB en nominal. Sur le plan macro-économique, les pouvoirs publics espèrent également que cette taxe aura un effet moindre sur la consommation qu’un relèvement des prélèvements. Ce raisonnement a pour limite les comportements d’épargne des ménages. Ces derniers peuvent être incités à épargner davantage pour reconstituer la valeur réelle leur patrimoine. Ils peuvent également maintenir un effort élevé d’épargne par crainte de l’avenir. Pour faire face à des dépenses qui coûteront de plus en plus chères demain, il faut se constituer des réserves plus importantes. Le taux d’épargne en zone euro n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant crise sanitaire. L’épargne de précaution, notamment en France reste élevée.
La taxe inflationniste porte essentiellement sur les ménages, les entreprises détenant peu d’obligations. Ces dernières sont moins pénalisées que les premiers surtout si elles ont la capacité de répercuter les hausses de prix. L’inflation serait une remise à niveau du niveau de revenus des ménages par rapport aux capacités de création de richesses du pays.
L’Italie, comment sortir de l’ornière ?
En 2011/2012, l’idée d’une explosion de la zone euro en raison de la crise grecque s’était fait entendre. Pour autant, le problème grec ne portait que sur 320 milliards d’euros de dettes publiques. Après quelques tensions entre la Grèce, les États membres et les institutions européennes, des solutions avaient été élaborées. La crise a eu des effets réels sur les Grecs mais elle a in fine fortifié la zone euro qui a, depuis, surmonté la crise sanitaire. En outre, le lancement d’un programme de relance de nature fédérale a, en 2020, souligné la résilience de l’Union.
La victoire de la coalition de droite en Italie peut-elle provoquer de nouvelles tensions au sein de la zone euro ? La victoire de Giorgia Meloni aux élections législatives italiennes de septembre 2022 est liée en partie aux craintes de déclassement, de recul du PIB par habitant qui minent l’Italie depuis plus de vingt ans. Les partis traditionnels ont été marginalisés avec à la clef une radicalisation de la vie politique italienne. Durant des décennies, comme la France, l’Italie a usé de l’arme du taux de change pour ajuster son déficit de compétitivité. Les dévaluations étaient des reconnaissances implicites d’appauvrissement relatif qui apparaissaient aux yeux de certains indolores. Avec la monnaie commune, les États les moins performants souffrent d’une désindustrialisation. En l’absence d’une solidarité plus forte entre les pays de la zone euro, l’hétérogénéité s’accroît. Au nom de la théorie des avantages comparatifs, l’industrie se concentre dans quelques pays dont l’Allemagne. Or, l’industrie continue à générer des revenus supérieurs à ceux issus des services notamment domestiques, ce qui explique la divergence des PIB par habitant constatée entre le Nord et le Sud de l’Europe.
La valeur ajoutée dans le secteur immobilier représente 20 % du PIB en Allemagne, 15 % en Italie et 9 % en France. Le PIB par habitant de l’Allemagne est de 16 points supérieur à celui de la France, de 30 points supérieurs à celui de l’Italie, de 40 points supérieur à celui de l’Espagne et de 50 points supérieurs à celui du Portugal. La balance courante est positive en Allemagne de 4 points de PIB quand elle est déficitaire en France, en Italie ou en Espagne. En Italie, le revenu réel des ménages n’a progressé entre 1999 et 2022 que de 9 %, contre 25 % en Allemagne et 45 % en France. L’amélioration des revenus en France est en partie due à la progression de la redistribution donc par l’accroissement du déficit public. Avec une dette publique de plus de 150 % du PIB, les gouvernements italiens ne disposent plus de marges de manœuvre pour compenser la stagnation de l’économie. Le vieillissement rapide de la population, en lien avec un des plus faibles taux de fécondité d’Europe, pèse sur la croissance potentielle du pays.
En cas de hausse des taux d’intérêt, l’Italie peut être dans l’incapacité de financer son déficit public et son déficit extérieur comme ce fut le cas pour la Grèce entre 2010 et 2013. L’écart de taux d’intérêt à dix ans sur les emprunts d’État avec l’Allemagne atteint déjà plus de 2 points quand il était au début de l’année 1,5 point. Pour l’Espagne, l’écart est d’un point et pour la France de 0,6 point.
Pour endiguer le risque de fragmentation de la zone euro, la BCE a institué un mécanisme, le Transmission Protection Instrument (TPI) qui permet d’acheter spécifiquement les dettes des pays en difficulté pour éviter l’ouverture de leurs spreads de taux d’intérêt. En revanche, en cas de politique anti-européenne de la part du nouveau gouvernement italien, la situation pourrait se tendre. Compte tenu du poids de l’Italie, avec une dette de 3 000 milliards d’euros, le problème est d’une autre ampleur qu’avec la Grèce. Les autorités italiennes pourraient jouer sur le risque systémique pour obtenir des concessions de la part de la Commission. Pour le moment, la potentielle prochaine Présidente du Conseil a tenté de rassurer les autorités européennes afin d’éviter un scénario à la Britannique avec une envolée des taux. Pour éviter la montée des sentiments anti-européens, les instances européennes n’ont guère d’autres moyens que de développer des politiques de nature fédérale afin d’empêcher une divergence croissante des États membres de l’Union européenne. Pour endiguer le nationalisme et le populisme, le fédéralisme apparaît comme la seule solution même si elle n’est pas aujourd’hui la plus populaire.
Commerce international, en route pour la stagnation
Pour 2023, l’Organisation Mondiale du Commerce s’attend à une croissance du commerce international de 1 %, contre +3,4 % initialement prévu. Les échanges internationaux devraient progresser moins vite que le PIB attendu en augmentation de 2,3 % l’année prochaine. Dans les années 1990 et 2000, le commerce international progressait jusqu’à deux fois plus que le PIB.
Après le rattrapage post covid sur fond de goulets d’étranglement, le commerce international retrouve une évolution moins heurtée mais si la politique de zéro covid en Chine et le guerre en Ukraine le freinent. Les délais de livraison diminuent et les stocks de produits finis augmentent. Les chaînes d’approvisionnement connaissent moins de problèmes, aidées en cela par le ralentissement de la demande mondiale. L’activité des ports se stabilise comme le prouve l’indice RWI/ISL mesurant le trafic de conteneurs. La baisse d’activité en Chine est en partie compensée par une augmentation du trafic de conteneurs dans les ports des États-Unis.
L’OMC s’inquiète aussi du fait que les mesures des banques centrales ne soient pas suffisantes pour juguler l’inflation, auquel cas des relèvements de taux plus importants pourraient s’avérer nécessaires. La conséquence serait une fuite de capitaux des économies émergentes, perturbant les flux financiers mondiaux et le commerce international. « Par ailleurs, le découplage des chaînes d’approvisionnement mondiales […] pourrait être un risque sous-évalué car, à court terme, il aggraverait les pénuries et, à long terme, il réduirait la productivité », souligne l’organisation.
Si les risques de dégradation se concrétisait l’an prochain, le volume des échanges commerciaux pourrait bien alors se replier de près de 3 %. La récession serait là.
France, conjoncture en eaux troubles
Dans sa note de conjoncture du mois d’octobre, l’INSEE a confirmé un taux de croissance de 0,2 % du PIB au troisième trimestre, suivie d’une stagnation de l’activité au cours des trois mois suivants, une contraction de l’économie n’étant pas exclue en cas de restrictions liées à l’énergie. Sur l’ensemble de l’année 2022, la croissance serait de 2,6 %. L’acquis de croissance pour 2023 serait faible du fait du ralentissement attendu en fin d’année. L’atteinte du taux de 1 % pour l’année prochaine sera compliquée.
Inflation, un retour à la normale reporté
L’inflation qui a enregistré une décrue au cours des mois d’août et de septembre devrait progresser en fin d’année et au début de l’année prochaine avec la réduction des ristournes sur les carburants, la diminution du bouclier tarifaire sur l’électricité et le relèvement du cours du pétrole sur les marchés. La suppression de la redevance audiovisuelle devrait, en revanche, contribuer à faire baisser l’inflation en octobre. Elle devrait atteindre 6,4 % en fin d’année. L’inflation sous-jacente s’élèverait quant à elle à un peu plus de 5 % sur un an en décembre. Dans les prochains mois, l’inflation continuerait sa progression dans l’alimentaire, où elle atteindrait près de 12 % sur un an en fin d’année, soit la plus grosse contribution à l’inflation d’ensemble, et dans les biens manufacturés (5 % sur un an en décembre). Le retour à la normale de l’inflation attendu au second semestre 2023 reste incertain. Il dépend des anticipations d’inflation ainsi que de l’évolution du marché de l’énergie.
Hausse sensible des revenus au second semestre malgré un ressenti opposé
Sur l’ensemble de l’année 2022, le revenu disponible brut des ménages progresserait, selon l’INSEE, de 4,7 %, dont 1,3 point environ du fait des mesures de soutien votées pendant l’été ou annoncées depuis lors. En raison de l’inflation, le pouvoir d’achat de 0,6 point par rapport à 2021 serait constaté en 2022. La baisse est intervenue au cours du premier semestre ; en revanche, au second, avec les mesures prises par le gouvernement, le pouvoir d’achat est en hausse. Le pouvoir d’achat des ménages s’est replié de 1,8 % par unité de consommation au premier trimestre puis de 1,2 % au deuxième trimestre. À partir du troisième trimestre, les augmentations de salaire et notamment du SMIC ainsi que de l’indice de la fonction publique ont permis de réduire les pertes du premier semestre. Les prestations sociales et les autres transferts, de leur côté, augmentent également à partir du troisième trimestre, soutenus par les mesures votées au cours de l’été (revalorisation de nombreuses prestations sociales et prime exceptionnelle de rentrée au troisième trimestre, chèque énergie exceptionnel en fin d’année). Les prélèvements sociaux et fiscaux diminueraient au quatrième trimestre, avec notamment la poursuite de la réduction de la taxe d’habitation et la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (en comptabilité nationale, cette suppression est comptabilisée non pas dans le déflateur de la consommation des ménages mais bien dans leurs revenus).
Les ménages français en mode fourmis
Les Français dans un contexte de fortes incertitudes réduisent leurs dépenses et privilégient l’épargne de précaution. L’INSEE prévoit une remontée du taux de ‘épargne à 17,2 % du revenu disponible d’ici à la fin de l’année. Un taux nettement supérieur à celui observé fin juin (15,5 %) ou avant la crise sanitaire (14,8 %). Les ménages mettent de l’argent de côté par crainte d’une augmentation des prix qui se poursuivraient et par peur d’un retour du chômage. Il y a également la volonté de maintenir constantes leurs encaisses.
Au troisième trimestre, la consommation progresserait selon l’INSEE de 0,3 % mais elle stagnerait quasiment (+0,1 %) en fin d’année. Le plan sobriété énergétique présenté jeudi 6 septembre pourrait provoquer une baisse de la consommation et peser sur la croissance. L’INSEE n’a pas encore évalué son éventuel effet.
L’emploi, un million de plus par rapport à 2019
Au premier semestre 2022, l’emploi salarié s’est accru de 187 000. Les difficultés de recrutement toujours élevées dans les enquêtes de conjoncture reflètent en partie cette vigueur de l’emploi puisqu’une part non négligeable des entreprises concernées par ces difficultés déclarent également avoir récemment augmenté leurs effectifs ou prévoir de le faire à court terme. Les créations d’emplois devraient baisser en fin d’année après plusieurs trimestres de fortes hausses. Sur l’ensemble de l’année, 305 000 créations sont attendues, faisant suite au 971 000 de 2021. L’alternance et les contrats d’apprentissage ou de professionnalisation seraient à l’origine d’un tiers des créations d’emploi. La France comptera à la fin de l’année plus d’un million d’emplois de plus par rapport à fin 2019, malgré la crise du Covid. Dans le détail, l’INSEE table sur 58 000 et 29 000 emplois supplémentaires aux troisième et quatrième trimestres respectivement, contre près de 220 000 au premier semestre. La progression serait réalisée essentiellement par les services quand l’emploi resterait quasi stable dans l’industrie, la construction et le tertiaire non marchand. Le taux de chômage s’établirait à 7,4 % fin décembre. Soit son niveau actuel. Le taux d’activité des 15-64 ans ayant atteint un nouveau un point haut historique (73,5 %).
Les entreprises en résilience
Le taux de marge des entreprises atteindrait 32 % en moyenne sur l’année 2022, un niveau légèrement supérieur à celui de 2018, mais en nette baisse par rapport à 2021 où il avait été particulièrement soutenu par les aides d’urgence liées à la crise sanitaire. La hausse des prix de l’énergie pourrait, par ailleurs, dégrader l’excédent brut d’exploitation des entreprises les plus dépendantes de ce facteur de production et accroître ainsi l’hétérogénéité entre les branches d’activité.
L’industrie manufacturière aurait progressé légèrement ces derniers mois, même si les contraintes d’offre restent globalement importantes, les difficultés d’approvisionnement ont cessé depuis quelques mois de s’aggraver, selon les enquêtes de conjoncture, notamment celles en lien avec la guerre en Ukraine. La production manufacturière, a augmenté de 2,7 % en août après -1,6 % en juillet et ce dans l’ensemble des branches, se situant à un point haut depuis le début de la crise sanitaire. Néanmoins le poids de l’industrie au sein du PIB est à étiage faible à moins de 9 % du PIB.
Au quatrième trimestre 2022, les services ralentiraient à nouveau, tandis que l’industrie manufacturière serait en repli. Dans l’industrie, les enquêtes publiées fin septembre indiquent en effet une nouvelle dégradation du climat des affaires et notamment un assombrissement de l’opinion des chefs d’entreprises quant à leurs carnets de commande et leurs perspectives personnelles de production. Les entreprises sont prudentes en matière de constitution de stocks. Le recul de l’activité pourrait toucher d’ici la fin de l’année les secteurs de la chimie, la métallurgie, le caoutchouc et la plasturgie en raison de leur forte exposition à la contrainte énergétique. Les services, moins soumis aux aléas des matières premières et des biens intermédiaires, progresseraient à nouveau en fin d’année, mais les effets de rattrapage ne seraient plus que résiduels.
L’investissement des entreprises a augmenté modérément au premier semestre, freiné notamment par une baisse continue de l’investissement en biens manufacturés (et plus particulièrement en matériels de transport, en baisse depuis cinq trimestres consécutifs).
Le redémarrage du tourisme stimule les exportations comme les importations de services Au deuxième trimestre 2022, les échanges extérieurs ont soutenu la croissance du PIB : les exportations ont continué de progresser (+0,9 %), tirées notamment par la poursuite du retour des touristes étrangers en France, tandis que les importations ont marqué le pas. Les exportations seraient moins dynamiques au second semestre (+0,6 % prévu au troisième trimestre puis +0,5 % en fin d’année). Le ralentissement du commerce mondial affecterait la demande mondiale adressée à la France et les effets de rattrapage liés au retour des touristes étrangers seraient moindres qu’au semestre précédent. D’importantes livraisons aéronautiques soutiendraient cependant les exportations, notamment en fin d’année. De leur côté, les importations auraient été dynamiques au troisième trimestre, du fait du rattrapage important des achats des touristes français à l’étranger. Elles ralentiraient ensuite nettement en fin d’année, en lien avec l’amenuisement de ces effets de rattrapage et l’atonie de la demande intérieure. La demande intérieure aurait été en légère accélération au troisième trimestre, mais accompagnée d’importations dynamiques, tandis qu’elle marquerait quasiment le pas en fin d’année.
L’économie française plie mais ne rompt pas. Elle résiste grâce à une inflation plus faible que celle constatée chez ses partenaires et par le redémarrage rapide du tourisme. La création de nombreux emplois permet également une amélioration du niveau des revenus, ce qui soutient la consommation. La progression de l’épargne témoigne néanmoins d’un réel climat d’anxiété face à l’évolution de la situation économique.