Le Coin de l’Economie – politique monétaire – finances publiques
La Banque Centrale Européenne, entre l’enclume et le marteau
La Banque Centrale Européenne a décidé de baisser ses taux d’intérêt directeurs de 25 points de base (4.25 % pour le taux repo, 3.75 % pour les taux de la facilité de dépôt) le 6 juin et de laisser inchangés le 18 juillet dernier. Cette prudence s’explique par le maintien d’une hausse importante des salaires accompagnée d’un recul de la productivité. Compte tenu de la persistance de l’inflation salariale la BCE n’a pas donnée de réelles indications sur son calendrier en matière de baisses de ses taux directeurs.
Le coût salarial unitaire (le salaire par tête corrigé de la productivité par tête) a augmenté de plus de 5 % sur un an au premier trimestre 2024, avec des salaires par tête en hausse de 4,7 % sur un an. Après avoir baissé en 2023, les prix des services, sensibles aux variation des coûts salariaux réaccélèrent à 4,1 % sur un an en juin 2024. De leur côté, les prix des produits industriels pourraient augmenter plus vite dans les prochains mois. avec le redressement des prix des métaux industriels et des prix du fret maritime. Depuis le début de l’année, le prix du fret a été multiplié par deux en raison des tensions internationales dans le Golfe. Le cours des métaux précieux a progressé au cours du premier semestre de plus de 20 %.
Une reprise de la croissance est attendue dans les prochains mois en particulier en Allemagne. Les tensions sur le marché du travail qui sont restées vives malgré le ralentissement de l’activité devraient donc d’accroître avec à la clef une pression à la hausse des salaires. Près de la moitié des entreprises de la zone euro rencontrent des difficultés pour recruter.
Dans ce contexte, la BCE pourrait être contraint de réviser ses prévisions d’inflation. Pour le moment, elle prévoit une hause des prix de 2,5 % en 2024, 2,2 % en 2025 et 1,9% en 2026. Elle pourrait être aussi amenée à ralentir son programme de baisse de ses taux directeurs. De leur côté, les gouvernements de la zone euro aspirent à une détente monétaire afin de faciliter la reprise de l’économie et de réduire le coût de l’endettement public.
Quelle politique monétaire aux Etats-Unis à la veille des élections ?
Aux Etats-Unis, depuis des mois, la date de la première baisse des taux directeurs par la banque centrale, fait l’objet de nombreuses supputations. Un temps annoncé pour l’été, cette baisse est désormais annoncée en septembre. Le candidat Donald Trump après s’être opposé à la hausse des taux demande à la FED de ne pas les baisser afin de ne pas favoriser les Démocrates.
Les banques centrales de Suisse, de Suède, du Canada et de la zone euro ont déjà baissé leurs taux directeurs. Les taux directeurs américains n’ont pas été modifié depuis un an et sont évoluent dans une fourchette comprise entre 5,25 % et 5,50 %.
Le léger rebond de l’inflation au printemps, conjugué à la persistance de la croissance ont conduit la FED à différer l’engagement de son cycle de baisse de ses taux. La croissance du produit intérieur brut (PIB) des États-Unis a atteint au deuxième trimestre plus que prévu, à 2,8 % en rythme annualisé, contre 1,4 % au premier trimestre.
Malgré tout, plusieurs indicateurs permettent désormais d’imaginer une baisse des taux directeurs.
Hors loyers imputés aux propriétaires de leurs logements, l’inflation est actuellement faible aux Etats-Unis, 2,1 % en juin, contre 2,6 % en intégrant les loyers. L’inflation anticipée à long terme, mesurée par les swaps d’inflation à 10 ans, est passée de 3,5 à 2,5 % de mi 2022 à mi 2024. Les taux d’intérêt à 10 ans des obligations d’Etat américaines prennent également la baisse de l’inflation. Ils s’élèvent à 4,2 % correspondant à la somme de la croissance potentielle (2,2 %) et de l’inflation (2 %). En conséquence, en l’absence de choc de politique économique, la courbe des taux d’intérêt devrait se pentifier aux Etats-Unis. Au vu des progrès réalisés sur l’inflation, les prochains chiffres sur l’emploi pourraient conditionner la décision de la FED. . Les tensions sur le marché de l’emploi alimentent une hausse des salaires inflationniste ; or cette dernière tend à se calmer
la banque centrale américaine, au vu des derniers résultats économiques, a donc toutes les raisons de diminuer ses taux directeurs à l’occasion de la réunion de son comité de politique monétaire du mois de septembre. Le processus de désinflation, dans les prochains mois, devrait, en effet, se poursuivre aux Etats-Unis notamment grâce aux gains de productivité qui compensent la hausse des rémunérations. Le coût salariale unitaire progresse mi-2024 de moins de 2 % contre plus de 4 % en 2022.
La baisse prévisible des taux directeurs en septembre pourrait-elle être remise par l’élection de Donald Trump. L’application éventuelle de son programme économique à compter du mois de janvier 2025, pourrait relancer l’inflation et obliger à un changement de politique monétaire. Le programme de Donald Trump est, en effet, potentiellement inflationniste. La mise en œuvre de droits de douane sur les importations des Etats-Unis en provenance de tous les pays (taxes additionnels de 60 % sur les importations en provenance de Chine, de 10 % sur les importations en provenance des pays autres que la Chine) aboutira à une hausse des prix pour les consommateurs américains. La réduction drastique de l’immigration avec un marché de l’emploi sous pression entraînera une augmentation des coûts salariaux. La remise en cause de l’Inflation Reduction Act pèsera sur l’investissement et ralentira le flux des capitaux en provenance de l’étranger. Il pourrait en résulter une diminution des gains de productivité. Compte tenu des incertitudes électorales, la FED pourrait rester prudente en matière de baisse de ses taux.
Les équations impossibles du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025
Avec le vieillissement de la population, les dépenses de santé progressent, en France, à augmenter à un rythme soutenu. Au cours du premier semestre, les dépenses de soins de ville ont augmenté de 5,7 % par rapport à la même période en 2023, selon le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance-maladie dans son dernier avis. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale avait prévu une hausse de 4,2 %. Tous les postes de dépenses sont en augmentation : consultation avec la revalorisation des honoraires des médecins spécialistes, les médicaments, les transports sanitaires, actes de biologie, etc. L’indemnisation des arrêts maladie est également en hausse. Au rythme actuel, le dérapage des dépenses pourrait accroître sur l’année le déficit de l’assurance maladie d’un milliard d’euros. Les soins de ville, représentent plus de 40 % du total des dépenses de santé. Ils pourraient atteindre 110 milliards en fin d’année. Les marges de manœuvre des pouvoirs publics sont faibles. Ils auraient la possibilité de réduire les budgets des hôpitaux dont l’activité est en baisse avec la fin de l’épidémie de covid mais leur état financier est fortement dégradé.
Compte tenu de l’évolution des dépenses de santé et de retraite, le déficit de la Sécurité sociale pourrait s’élever, en 2024, à 16 milliards d’euros quand 10 milliards d’euros avaient été prévus en loi de financement à l’automne dernier. Malgré la fin de la pandémie, la branche maladie est très déficitaire. Déjà confrontée à des dépenses de santé en hausse sur fond de vieillissement de la population et de développement des maladies chroniques, elle doit aussi faire face au coût des revalorisations des professionnels de santé décidées après le Covid. La facture doit encore s’alourdir l’an prochain avec l’augmentation de la rémunération des médecins libéraux décidée au printemps.
La dégradation des comptes de la Sécurité sociale est également imputable à la branche vieillesse. Les revalorisations des pensions en lien avec l’inflation ont accru les dépenses quand avec l’affaiblissement de la croissance, les recettes évoluent plus lentement.
L’adoption du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2025 risque d’être un réel chemin de croix compte tenu de l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Néanmoins, les conséquences en cas de non-adoption sont moins graves que pour le projet de loi de finances. Le PLFSS fixe avant tout un document de projection, un cadre même s’il peut comporter des mesures normatives. Un PLFSS n’est pas nécessaire pour percevoir, par exemple, les cotisations sociales ou pour payer les pensions du régime général.
En revanche, un PLFSS est indispensable pour lever de nouvelles ressources. Or, si une majorité se dégage en faveur d’une suppression de la réforme des retraites, il n’en est pas de même en ce qui concerne les moyens financiers à mettre en œuvre pour équilibrer la Sécurité sociale. Le Nouveau Front Populaire s’est prononcé en faveur d’une augmentation des cotisations sociales et des impôts quand les Républicains y sont totalement opposés. Les partis de la majorité présidentielle et le RN sont plus silencieux sur ce sujet sensible.