Le Coin de l’économie – réduction du emps de travail – impôts
La semaine en quatre jours, bonne ou mauvaise idée ?
En France, l’idée d’une semaine de travail raccourcie à quatre jours émerge dans les années 1990. Elle est notamment promue par l’économiste Pierre Larrouturou et l’homme politique Gilles de Robien. L’objectif était alors de lutter contre le chômage de masse en réduisant le volume de travail par salarié. En 1997, la gauche plurielle reprend l’idée, mais en abandonnant le concept de la semaine de quatre jours pour instituer les 35 heures. Un quart de siècle plus tard, la semaine de quatre jours revient dans le débat public, mais aujourd’hui l’objectif n’est plus de réduire le travail, mais d’améliorer les conditions de travail et la compétitivité des entreprises. Cette semaine réduite vise à répondre aux difficultés de recrutement des entreprises et peut apparaître comme une compensation pour les salariés ne pouvant pas bénéficier du télétravail. Concrètement, les employés obtiennent un jour de repos compensé par un allongement des autres journées de travail.
La semaine de quatre jours repose sur deux solutions. La première consiste à accroître la durée de travail sur quatre jours afin de libérer une journée. La seconde repose sur le principe d’horaires flexibles, permettant aux salariés d’organiser leurs heures de travail au cours de la semaine en fonction de leurs besoins personnels et professionnels. Selon le Crédoc, 11 % des salariés en France bénéficient déjà de la semaine de quatre jours.
49 % des salariés seraient, à titre personnel, favorables à la mise en place de la semaine de quatre jours, tandis que 44 % accueilleraient positivement les horaires flexibles. Malgré cela, 24 % n’ont pas d’avis sur la semaine de quatre jours et 31 % sur les horaires flexibles. Plus de 20 % des salariés expriment leur opposition à la semaine de quatre jours. Un tiers des salariés, qu’ils y soient favorables ou non, craignent que la semaine de quatre jours ou les horaires flexibles n’entraînent un surcroît de fatigue. L’intensification des journées de travail est perçue comme peu compatible avec le vieillissement de la population active. Dans les entreprises ayant adopté la semaine de quatre jours, il n’est pas rare que certains salariés demandent à revenir à une semaine de cinq jours (étude Crédoc – Adecco). 37 % des parents de jeunes enfants anticipent, selon l’enquête du Crédoc, des difficultés pour la garde des enfants lorsqu’ils terminent leur journée de travail tard. Les salariés craignent également de perdre certains avantages, comme les jours de RTT ou les heures supplémentaires, ainsi que les tickets restaurant.
Sur le plan de l’organisation du travail, la semaine de quatre jours présente certains défis. Il devient plus difficile de planifier des réunions et de suivre les projets, et la gestion des urgences peut être moins efficace. Certains salariés rapportent un sentiment d’isolement et une diminution des contacts professionnels. La tâche des managers devient plus complexe, avec une charge mentale accrue.
Une large majorité de salariés affirment ne pas parvenir à concilier convenablement vie personnelle et vie professionnelle. En 2018, selon le baromètre de l’Observatoire des Temps de Vie et de la Parentalité en Entreprise (OPE), près de 3 salariés sur 4 avaient le sentiment de « manquer de temps », une impression particulièrement forte chez les jeunes parents (83 %), les cadres et dirigeants (79 %) et les mères de famille (79 %). Pour 85 % des 26-35 ans, la semaine professionnelle standard n’est pas adaptée à un bon équilibre de vie. Les rendez-vous de santé, ou ceux liés par exemple aux livraisons ou à des réparations dans le logement, ont souvent lieu pendant les heures de travail. De nombreux actifs souhaitent également avoir plus de temps pour s’occuper de leurs enfants.
Le rapport au travail semble également évoluer. Selon l’enquête « Conditions de vie et aspirations des Français » du Crédoc, la proportion de Français estimant que le travail a une très grande importance dans leur vie est passée de 37 % en 2015 à 31 % en 2024. Pour autant, les avis divergent quant aux solutions pour améliorer leur satisfaction au travail. Pour 26 % des actifs, la réduction du nombre de jours travaillés arrive en tête des priorités. Ils sont également 21 % à souhaiter plus de flexibilité dans les horaires. Cependant, 20 % des salariés restent attachés à la semaine de travail « standard » et à des rythmes stables (pas de travail le week-end ou en dehors des horaires « de bureau » standard). Actuellement, seuls 36 % des actifs en France ont des horaires dits standards (9 h-17 h, cinq jours par semaine). Par ailleurs, 15 % des répondants se prononcent en faveur de journées qui se termineraient plus tôt, soit l’inverse de ce qu’implique la semaine de quatre jours.
Le passage à une semaine de quatre jours est perçu positivement par de nombreuses entreprises, qui y voient une réduction de l’absentéisme, une baisse du turnover et une augmentation des candidatures aux offres d’emploi. Malgré cela, les femmes chefs de famille monoparentale, les salariés en situation de handicap ou atteints de maladies chroniques sont moins favorables que les autres à la semaine de quatre jours, en raison des effets potentiels sur leur santé et de la fatigue due aux longues journées. Certaines entreprises ayant adopté la semaine de quatre jours reconnaissent qu’elles n’ont pas toujours pris en compte ces groupes spécifiques dès le départ, ce qui a conduit à des ajustements en cours de route.
Le passage à la semaine de quatre jours suppose une préparation préalable ainsi qu’une concertation avec les organisations syndicales et l’ensemble des salariés. Certaines entreprises et certains salariés peuvent y trouver un avantage, tandis que d’autres non. Il est primordial de prendre en compte l’activité et la structure des effectifs avant toute mise en place.
Quel avenir pour les régimes de retraite ?
Le vieillissement démographique pèse sur la croissance en augmentant les dépenses sociales (retraites, santé, dépendance) et en impactant l’activité économique, le nombre d’actifs ayant tendance à diminuer. Cette réduction de la production se traduit par une baisse des recettes publiques et, par conséquent, par une aggravation des déficits publics.
En France, le ratio entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités, qui était de 2,1 en 2002, devrait tomber à 1,4 en 2070. En 2024, il est de 1,7. La part des pensions dans le PIB est actuellement de 14,9 % (retraites, pensions de réversion et pensions d’invalidité). Sans réforme, le poids des pensions pourrait atteindre, selon l’économiste Patrick Artus, 18,6 % du PIB en 2070. La France est, avec l’Italie, l’un des pays de l’OCDE où les dépenses de retraite sont les plus élevées. Elles représentent près de deux points de PIB de plus que la moyenne de l’Union européenne.
Le vieillissement démographique affecte directement la viabilité financière des systèmes de retraite par répartition. Ces systèmes doivent faire face à un nombre croissant de pensionnés et à un nombre décroissant d’actifs. Si la croissance potentielle diminue, notamment en raison du vieillissement démographique, la masse salariale progresse moins rapidement, ce qui ralentit également l’augmentation des cotisations sociales.
Les systèmes de retraite par capitalisation sont eux aussi touchés par le vieillissement démographique. Les retraités vendent progressivement leurs actifs financiers et immobiliers aux jeunes actifs. Étant donné que les jeunes actifs sont moins nombreux que les retraités, il en résulte une demande insuffisante, ce qui pourrait entraîner une baisse des prix de ces actifs. De plus, la valorisation des actifs est liée à la croissance économique : une croissance plus faible signifie des perspectives de bénéfices réduites. Pour l’instant, ce phénomène n’a pas été observé. La demande en actifs financiers et immobiliers reste forte, car les travailleurs, anticipant une baisse des pensions versées par les régimes par répartition, acquièrent des actifs. Par ailleurs, la capitalisation permet d’investir à l’étranger et de profiter de la croissance des autres pays, notamment des économies émergentes ou en développement.
Pour limiter les effets du vieillissement démographique, les gouvernements disposent de plusieurs leviers.
Augmentation du taux d’emploi
Les gouvernements peuvent agir sur la taille de la population active. En l’augmentant, ils accroissent les recettes et réduisent les dépenses de pensions. Une hausse du nombre d’actifs s’accompagne d’une augmentation de la croissance potentielle. Cette augmentation peut être obtenue en favorisant l’insertion professionnelle de personnes qui en sont éloignées (comme les jeunes ou les femmes) et en maintenant les seniors en activité. Le report de l’âge légal de départ à la retraite répond à cette logique.
Le taux d’emploi des 55-64 ans, a été historiquement faible en France, en raison de la baisse de l’âge de départ à la retraite de 65 à 60 ans en 1982. Les différentes réformes des retraites engagées depuis 1993, ainsi que la suppression des dispositifs publics de préretraite, ont contribué à l’augmentation de ce taux. Il est aujourd’hui de 58 %, mais reste inférieur à celui de la Suède (79 %) et de l’Allemagne (77 %). Cependant, le report de l’âge de la retraite a ses limites. L’âge effectif moyen de départ à la retraite est de 64,2 ans en Allemagne et de 65,5 ans en Italie, contre 62,3 ans en France, alors que l’âge légal est de 67 ans dans ces deux pays. Dans la plupart des États membres de l’Union européenne, l’âge légal de départ à la retraite en 2024 est supérieur à 65 ans et devrait atteindre 67 ans d’ici la fin de la décennie. La France constitue une exception à cet égard, ce qui lui laisse une marge de progression en matière d’emploi des seniors.
En l’absence de relèvement de l’âge de départ à la retraite, les États peuvent augmenter la durée de cotisation. Cet allongement conduit soit à un maintien en activité plus tardif, soit à des pensions réduites. En France, la durée minimale de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein sera portée à 172 trimestres (43 ans) pour la génération née en 1965.
L’allongement de la durée de cotisation est perçu comme une mesure plus équitable que le report de l’âge légal. Les personnes ayant commencé à travailler tôt sont en effet moins pénalisées par cette première mesure. En France, les gouvernements ont, pour atténuer les conséquences du report de l’âge légal, institué le dispositif de carrière longue, qui permet aux personnes ayant commencé à travailler jeunes de partir à la retraite avant l’âge légal.
La réduction du taux de remplacement
Le taux de remplacement (ratio entre la pension de retraite et le dernier salaire perçu) dans le secteur privé est, en 2023, de 55,5 % pour un cadre et de 75,6 % pour un non-cadre en France. Dans le secteur public, le taux de remplacement est de 68,5 %. Pour les non-cadres, ce taux de remplacement figure, en France, parmi les plus élevés d’Europe.
Les pouvoirs publics peuvent abaisser le taux de remplacement soit en modifiant les règles de calcul, soit en limitant ou en supprimant l’indexation totale ou partielle des pensions. En France, la tentation de jouer sur l’indexation est forte, car le niveau de vie relatif des seniors y est plus élevé que la moyenne de l’Union européenne?
La dégradation du taux de remplacement en jouant sur l’indexation risque de pénaliser les retraités les plus modestes. Les gouvernements pourraient moduler la désindexation en fonction du niveau des pensions, mais cette solution génère des effets de seuil et constitue une rupture potentielle d’égalité.
Le régime par points
Pour éviter les crises récurrentes à chaque réforme, le recours à un système par points est une solution attrayante. Plusieurs pays européens, comme la Suède, l’Italie ou l’Allemagne, l’ont adopté. L’équilibre du système est obtenu en ajustant les valeurs d’achat et de rachat du point. Il permet une certaine liberté individuelle dans le choix de l’âge de départ à la retraite. Cependant, l’expérience des pays ayant mis en place un tel système montre que les assurés ont tendance à vouloir partir tôt à la retraite, même si cela se traduit par des pensions plus faibles. Cela a conduit les gouvernements à fixer un âge minimum de départ à la retraite.
Le recours à la capitalisation
Bien que les systèmes de retraite par capitalisation soient affectés par le vieillissement démographique, ils offrent un rendement supérieur à long terme par rapport à la répartition. Les rendements financiers tendent à croître plus rapidement que la croissance, en particulier au sein des pays de l’OCDE. Un poids plus important de la capitalisation permettrait de limiter l’augmentation des dépenses des régimes par répartition. En France, la capitalisation ne représente que 2,4 % des pensions de retraite, contre 15 % en moyenne au sein de l’OCDE.
Changer la nature du système de retraite
Le système de retraite français est essentiellement bismarckien, le montant de la pension étant lié au niveau des revenus d’activité qui servent de base aux cotisations. Il repose sur une logique assurantielle. Au Royaume-Uni ou aux États-Unis, le régime public de retraite est de nature beveridgienne, le montant de la pension étant indépendant des cotisations versées durant la vie professionnelle. Le régime public vise à garantir un niveau minimal de revenus aux retraités, tandis que ces derniers, par eux-mêmes ou via leur entreprise, se constituent des suppléments de revenus pour la retraite. Un système beveridgien est plus facile à maîtriser qu’un système bismarckien.
Un défi économique majeur
La France est confrontée à un défi de taille : éviter un dérapage des dépenses de retraite. Compte tenu des charges supportées par les actifs, il est inconcevable qu’elles atteignent plus de 18 % du PIB d’ici 2070. À défaut d’un rebond de la croissance, des efforts devront être consentis par l’ensemble de la population, en jouant sur plusieurs leviers : le taux d’emploi, le taux de remplacement et l’âge de départ à la retraite. Le passage à un système par points ou à un système beveridgien serait sans doute plus efficace, mais nécessiterait un minimum de consensus.
Quelle réforme fiscale en France ?
En France, le déficit public pourrait dépasser 6 % du PIB en 2024. Cette dérive représente une augmentation de 1,5 point de PIB par rapport à la feuille de route communiquée à la Commission européenne en 2023. La réduction de ce déficit se justifie à la fois par les engagements pris par la France vis-à-vis de ses partenaires européens et par la nécessité de maîtriser la dette publique, qui dépasse désormais 3 200 milliards d’euros. Avec la hausse des taux d’intérêt, le service de la dette atteint désormais 70 milliards d’euros et constitue le premier poste de dépenses de l’État. Faute de réaliser des économies suffisantes, le gouvernement prépare l’opinion publique à des hausses d’impôts, mais quelles sont réellement ses marges de manœuvre en la matière ?
Avec un taux de prélèvements obligatoires de 43,2 % du PIB en 2023, la France est l’un des pays européens qui sollicite le plus ses contribuables. Toutefois, il est pertinent de comparer, impôt par impôt, le niveau français à celui de ses principaux partenaires pour évaluer ces marges de manœuvre.
De légères marges pour la TVA
En matière de TVA, la France se situe dans la moyenne basse de l’Union européenne. Le taux normal y est de 20 %, contre 21 % en Espagne, 22 % en Italie et 25 % en Suède. En revanche, en Allemagne, il est de 19 %
Le poids élevé des cotisations sociales
Les cotisations patronales représentent 26,6 % du coût total du travail en France, contre 24 % en Italie, 23,3 % en Espagne, 23,9 % en Suède et 16,7 % en Allemagne. Le cas le plus extrême est celui du Danemark, où il n’y a quasiment pas de cotisations patronales. Le total des cotisations patronales et salariales atteint 34,9 % du coût total du travail en France, contre 28,3 % en Italie, 28,2 % en Espagne, 29,2 % en Suède et 33,8 % en Allemagne. Seule l’Autriche, avec un taux de 35,75 % affiche un niveau supérieur à celui de la France
Un faible poids de l’impôt sur le revenu à relativiser
La France se caractérise par le faible poids de son impôt sur le revenu. En 2023, il représentait 11,9 % du coût total du travail, contre 16,8 % en Italie, 12,9 % en Suède et 14,1 % en Allemagne. Cependant, en prenant en compte la CSG (Contribution Sociale Généralisée), qui fonctionne dans les faits comme une première tranche d’impôt sur le revenu, la France figurerait parmi les pays où cet impôt pèse le plus. La CSG est due par l’ensemble des contribuables ou presque (taux zéro pour les retraités les plus modestes), tandis que l’impôt sur le revenu ne concerne qu’un ménage sur deux.
Des impôts sur la succession élevés
Les droits de succession en France sont plus élevés que dans la plupart des autres pays de l’Union européenne. Ils représentent 1,4 % de l’ensemble des impôts, alors que dans la majorité des pays européens, leur poids est nul ou marginal. Malgré cela, le poids des droits de succession reste relativement faible en France, à environ 0,6 % du PIB. En effet, une majorité des successions, grâce à l’application des abattements, est exonérée de droits.
Pays | Taux d’imposition des successions le plus faible | Taux d’imposition des successions le plus élevé | Recettes tirées des impôts sur les successions et les donations (en % des recettes fiscales totales) |
Autriche | 0 | 0 | 0.00 |
République tchèque | 0 | 0 | 0.00 |
Estonie | 0 | 0 | 0.00 |
Portugal | 0 | 0 | 0.00 |
République slovaque | 0 | 0 | 0.00 |
Suède | 0 | 0 | 0.00 |
Lituanie | 0 | 10 | 0.01 |
Pologne | 0 | 20 | 0.04 |
Hongrie | 0 | 18 | 0.07 |
Slovénie | 0 | 39 | 0.09 |
Italie | 0 | 8 | 0.11 |
Grèce | 0 | 40 | 0.19 |
Pays-Bas | 0 | 40 | 0.51 |
Allemagne | 0 | 50 | 0.52 |
Danemark | 0 | 36 | 0.57 |
Espagne | 8 | 82 | 0.58 |
Irlande | 0 | 33 | 0.68 |
Finlande | 0 | 33 | 0.74 |
France | 0 | 60 | 1.38 |
Belgique | 0 | 80 | 1.46 |
Cercle de l’Épargne – données OCDE
La France, une exception (ou presque) pour l’impôt sur la fortune
La France dispose d’un impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui a remplacé en 2018 l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), lequel incluait l’ensemble des actifs des ménages, à l’exception des œuvres d’art et des biens professionnels. La plupart des pays européens ont supprimé ou n’ont jamais instauré de taxation de la fortune. Une exception notable est l’Espagne, où un impôt sur la fortune, avec un taux relativement élevé, est encore appliqué. Cependant, la notion d’impôt sur la fortune doit être relativisée. L’imposition de l’immobilier, à travers les taxes foncières ou les droits de mutation, peut également s’assimiler à une forme de taxation de la fortune.
Pays | Base fiscale | Taux d’imposition (en %) | |
Belgique | Valeurs mobilières dont la valeur dépasse 1 million d’euros | 0.15 | |
Espagne | Fortune nette | 0.2 à 3.75 | |
France | Biens immobiliers dont la valeur dépasse 800000 euros | 0.5 à 1.5 | |
Italie | Actifs financiers détenus à l’étranger Biens immobiliers détenus à l’étranger | 0.2 à 0.4 1.06 |
Cercle de l’Épargne – données EY
Quelles marges de manœuvre pour le nouveau gouvernement ?
Le gouvernement pourrait envisager d’augmenter la TVA, tout en proposant en contrepartie une baisse des cotisations salariales. Cette mesure s’inspirerait du plan allemand du début des années 2000. Une hausse de 0,5 point du taux de TVA permettrait de réduire d’un point les cotisations sociales, ce qui augmenterait les revenus des actifs. En revanche, les inactifs (notamment les retraités) et les entreprises seraient pénalisés. Ces dernières pourraient toutefois compenser en augmentant leurs prix. Une autre option serait de réduire les cotisations patronales pour alléger le coût du travail, ce qui reviendrait à instituer une TVA sociale. Cependant, une augmentation de la TVA aurait un effet inflationniste et serait probablement perçue comme injuste par une partie significative de la population.
Le gouvernement pourrait aussi accroître l’impôt sur le revenu, estimant qu’il est relativement faible en France par rapport à d’autres pays, malgré l’existence de la CSG. Il pourrait geler le barème fiscal, générant un gain de 3 milliards d’euros, ou augmenter les taux des tranches les plus élevées, actuellement à 41 % et 45 %.
Les pouvoirs publics pourraient décider d’augmenter les droits de succession afin de lutter contre la concentration du patrimoine et la perpétuation d’un effet de rente. Actuellement, en France, 60 % de la fortune est héritée, contre seulement 30 % en 1970. Les 0,1 % des héritiers les plus fortunés ne paient en moyenne que 10 % de droits de succession. Certains suggèrent de plafonner les exonérations offertes par le Pacte Dutreil, qui permet un abattement de 75 % sur les biens professionnels. La suppression de ce dispositif pourrait contraindre les héritiers à ouvrir le capital des entreprises familiales, par exemple à des fonds de private equity.
Le gouvernement pourrait également relever le taux de l’impôt sur les sociétés à 30 % ou 33 %, mais le gain serait difficile à évaluer, car les entreprises pourraient ajuster leurs charges et dividendes. Par ailleurs, la France ne peut pas trop diverger des taux d’imposition de ses partenaires au risque de perdre en attractivité. La France a un besoin élevé de capitaux pour moderniser son économie et réduire son déficit de la balance des paiements courants.
Enfin, la France pourrait proposer un impôt mondial sur les détenteurs de grandes fortunes pour éviter leur migration vers des paradis fiscaux. Une proposition d’instaurer un impôt de 2 % sur les fortunes dépassant un milliard de dollars a ainsi été évoquée dans le cadre du G20.