Le Coin des Conjonctures du 26 décembre 2015
2015, beaucoup d’espoirs et quelques déceptions !
Rappelez-vous ! Au début de l’année 2015, le fameux alignement des planètes devait nous ramener la croissance et l’emploi. 12 mois plus tard, force est de constater que les espoirs ont été, en partie, déçus.
La croissance, en France, devrait atteindre 1,1 % soit le meilleur taux enregistré depuis 2011. Si notre pays est sorti de la stagnation, il est loin d’avoir renoué avec une croissance forte et pérenne.
La croissance a été, en outre, très inégale d’un trimestre à un autre. Si l’année avait commencé à toute vitesse avec +0,7 % au 1er trimestre, le deuxième a été marqué par une stagnation qui a fait l’effet d’une douche écossaise. Le second semestre a donné lieu à une très légère reprise avec à la clef +0,3 % au 3ème trimestre et certainement +0,2 % au dernier trimestre. Cette croissance aura donc été insuffisante pour permettre le retournement de la courbe du chômage.
Qu’est ce qui a fonctionné et qu’est ce qui n’a pas fonctionné ?
Avec un contrechoc pétrolier, avec la chute de l’euro, avec des taux d’intérêt historiquement bas, avec un relâchement de la rigueur budgétaire, nous étions en droit d’espérer une reprise franche et massive. Quels sont les facteurs qui ont contrarié ces espoirs ?
Le contre-choc pétrolier, un effet réel mais moins important que prévu
La baisse des cours du pétrole a eu sans nul doute un effet sur la consommation mais moins fort que prévu. La facture pétrolière s’est allégée, depuis le début de l’année 2014, de 20 milliards d’euros et les ménages ont ainsi obtenu un gain en termes de pouvoir d’achat de 7 milliards d’euros. Sur les neuf premiers mois de l’année, la facture a été allégée pour la France de 12,5 milliards d’euros contribuant à la forte réduction du déficit commercial.
Pour remplir sa cuve de fioul de 2500 litres, un ménage a économisé près de 700 euros cette année et plus de 1 000 euros en deux ans. Un automobiliste moyen qui parcourt 15 000 kilomètres par an a réduit sa facture de gazole de 120 euros cette année et de 300 euros en deux ans. Globalement, le ménage moyen français a gagné un treizième mois en deux ans grâce à la chute du prix du pétrole.
Mais, les ménages n’ont pas dépensé entièrement les gains obtenus sur leurs factures d’énergie. Ils en ont économisé une partie. L’augmentation du taux d’épargne au cours du 3ème trimestre 2015 en est l’illustration. Il est passé de 15 à 15,5 % du revenu disponible brut. Par ailleurs, les dépenses de consommation sont certes reparties à la hausse mais de manière très saccadée. Elles sont en recul en octobre et en novembre. La progression sur un an n’est que de 1 %.
Au niveau de la production, le contrechoc pétrolier a eu moins d’effets qu’escompté car la France est moins industrialisée que lors du précédent contre-choc en 1986. L’industrie ne représente plus que 11,3 % de la valeur ajoutée (2013) contre 16,2 % en 1995 (chiffres INSEE). Le secteur de la chimie pour lequel le prix de l’énergie représente 20 % des coûts est le grand gagnant ; en revanche, le secteur pétrolier est pénalisé. L’amélioration du pouvoir d’achat des ménages s’est traduite par une croissance forte des importations, preuve que notre outil industriel ne peut pas répondre à un surcroît de la demande intérieure. Ce phénomène n’a rien de nouveau mais à tendance à s’amplifier.
La dépréciation de l’euro, l’effet le plus tangible du Quantitative Easing
La dépréciation de l’euro a joué un rôle positif mais elle a été contrebalancée par le recul du commerce international et par le manque de compétitivité des entreprises françaises. En un an, l’euro a perdu 10 % de sa valeur. Les exportations ont augmenté de la mi 2014 à la mi 2015 avant de se tasser. Du 3ème trimestre 2014 au 4ème trimestre 2015, les exportations françaises ont progressé de plus de 4 % mais elles ont diminué de 1,8 % sur le seul 3ème trimestre. Le ralentissement chinois et celui des pays exportateurs de pétrole ont pesé sur nos exportations. Cette situation est également observée chez nos partenaires européens. Par ailleurs, les grandes économies mènent des politiques de changes assez agressives aboutissant à des remises en cause rapides des situations acquises au niveau de la compétitivité prix. La France est par ailleurs confrontée à la concurrence de pays ayant pratiqué des politiques de déflation salariale comme l’Espagne. Notre pays n’en finit pas de souffrir d’un positionnement trop bas de gamme pour pouvoir résister au dumping salarial. Le commerce extérieur n’a contribué favorablement à la croissance qu’au cours du 2ème trimestre. Au 3ème trimestre, son impact a été négatif de 0,7 point.
Le facteur « euro » devrait jouer un moindre rôle dans les prochains mois. Il est, en effet, peu probable que l’euro descende en-deçà de la parité avec le dollar. Il est même possible que la FED se batte pour le maintenir l’euro autour de 1,1 dollar.
L’effet taux d’intérêt a déçu, la faute à la faiblesse des investissements
Les taux ont atteint avec le déclenchement du Quantitative Easing des niveaux historiquement bas. Les taux bas ont eu, pour le moment, peu d’effet sur l’investissement. Selon les derniers résultats publiés par l’INSEE, la Formation Brute de Capital après avoir baissé de 1,2 % en 2014 est globalement stable sur l’année 2015. Elle avait augmenté de 0,2 % au 1er trimestre avant de reculer de 0,1 % au 2ème trimestre et connaître une totale stagnation au 3ème trimestre. Cette déception au niveau de l’investissement provient essentiellement de son recul pour les ménages. Durant les neuf premiers mois de l’année, l’investissement des ménages a été, en effet, constamment en recul. A défaut d’investir, les ménages ont profité de la baisse des taux pour renégocier leurs prêts mais pas pour acquérir des biens immobiliers.
Une bonne nouvelle est néanmoins à signaler ; après une longue période de stagnation, le crédit à la consommation a renoué avec la croissance au cours des derniers mois de l’année 2015.
Pour les entreprises, une légère reprise de l’investissement a été constatée au cours de l’année 2015 (+0,8 % au 1er trimestre et +0,5 % pour les deux suivants) mais elle ne compense pas la contraction de ces dernières années. Les entreprises malgré le vieillissement de leurs équipements n’ont pas décidé de les renouveler car les excédents de capacités de production demeurent élevés. Nous sommes en face d’une tertiarisation de l’économie mondiale avec de ce fait une moindre progression de la demande industrielle.
Amélioration insuffisante des résultats des entreprises
Le CICE et le pacte de responsabilité ainsi que la baisse des prix de l’énergie ont contribué à une amélioration des résultats des entreprises. Leur taux de marge est passé de 29,7 % à 31,2 % du 4ème trimestre 2014 au 3ème trimestre 2015. Néanmoins, il reste très en-deçà de son niveau d’avant crise (33,5 % en 2007).
Plusieurs facteurs conjoncturels ont contrarié la croissance
La crise en Ukraine avec les embargos croisés entre l’Europe et la Russie ont pénalisé plusieurs secteurs d’activités dont, en particulier, ceux de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire. L’impact sur la croissance française a été certainement de 0,1 point. Pour le moment, il est difficile d’apprécier les effets économiques des attentats. Une baisse de la fréquentation touristique sur Paris et une contraction passagère de la consommation sont attendues. Sur le dernier point, un rattrapage semble avoir eu lieu sur le mois de décembre.
Le ralentissement des pays émergents et de la Chine en premier lieu a eu un effet plus important que prévu pour les économies occidentales. La mondialisation a accru l’interdépendance des espaces économiques. Si la deuxième puissance économique mondiale qui est le premier pays industriel et le premier exportateur s’essouffle, cela a obligatoirement des incidences sur l’ensemble des autres économies. Les fortes récessions russe et brésilienne ont, par ailleurs, eu des conséquences en réduisant les exportations vers ces pays. Si les Etats-Unis ont maintenu un niveau correct de croissance, elle a été néanmoins inférieure à celle qui était attendue. De ce fait, la croissance de l’économie mondiale sera, en 2015, inférieure à 3 %. Elle devrait avoisiner 2,6/2,8 % ce qui peut expliquer également pourquoi elle a été moins forte que prévue en Europe.
Le climat a eu un double effet négatif en pénalisant le secteur de l’habillement et celui de l’énergie. Il en résulte une baisse de l’activité qui pèsera sur les résultats de la croissance du dernier trimestre.
Si la zone euro est sortie de la crise en 2014, il n’en demeure pas moins qu’elle reste marquée par la succession d’épreuves. L’absence de visibilité et de perspectives constituent autant d’entraves à l’amplification de la reprise.
Tout ce que nous ne souhaitons pour l’économie en 2016
Après une année 2015 mi figues-mi raisins, à quoi pouvons-nous nous attendre en 2016 ? Le début d’année est, en règle générale, consacré aux vœux. Pour conjurer le sort, essayons de faire la liste de ceux dont nous ne souhaitons pas pour 2016.
Une nouvelle crise financière
Certains prétendent que d’ici 2017 nous devrions être à nouveau confrontés à une crise financière de grande ampleur. Ce scénario au vu des fondamentaux n’est pas le plus probable. En effet, depuis la crise financière de 2008/2009, les taux d’endettement du secteur privé ont plutôt diminué. Aux Etats-Unis, la dette des ménages et des entreprises est passée de 140 à 125 du PIB de 2009 à 2015. En zone euro, la baisse est moins nette, la dette étant passée de 170 à 165 % du PIB. La dette publique est contenue même si elle reste à des niveaux très élevés dans de très nombreux pays. La valorisation des actions n’est pas excessive et les prix de l’immobilier sont, en règle générale, plus faibles qu’avant la crise.
Plusieurs facteurs pourraient néanmoins contribué à déstabiliser la sphère financière. Les Quantitative Easing ont conduit à l’accroissement des flux de capitaux qui peuvent entrer et sortir sur les différentes classes d’actifs. Ces entrées et sorties peuvent conduire à des amples fluctuations. En 2015, plusieurs pays émergents ont été victimes d’importantes sorties de capitaux qui ont eu des conséquences non négligeables : dépréciation de la monnaie, inflation, hausse des taux…
Avec les rachats d’actifs par les banques, la liquidité de marché est devenue plus faible. En cas de mouvements rapides de capitaux, les fluctuations seront, de ce fait, plus importantes, les banques ne pouvant pas jouer le rôle d’amortisseur. Cela accroît la volatilité des places financières.
Par ailleurs, avec la remontée des taux, une crise obligataire pourrait survenir mais compte tenu du programme d’augmentation prévu par la FED, le risque est en l’état faible. Certains soulignent que plusieurs pays émergents sont fragilisés en raison de la baisse des cours des matières premières et de l’énergie ainsi que par la hausse des taux d’intérêt américains. Ils craignent la réédition d’une crise sur le modèle de celle que nous avions connue en 1997.
Un problème en zone euro, lié à un retour du dossier grec sur le devant de la scène, pourrait également générer des turbulences sur les taux mais a priori, ce foyer de risques est, pour le moment, circonscrit.
Une récession mondiale
Plusieurs grands pays sont déjà en récession comme le Brésil, la Russie ou le Canada. Plusieurs autres grandes économies sont en phase de ralentissement ou de stagnation dont la Chine et le Japon. Des pays producteurs de pétrole mais aussi des pays exportateurs de matières premières connaissent des difficultés.
Les Etats-Unis ne peuvent pas à eux-seuls faire le bonheur de l’économie mondiale d’autant plus que leur croissance enregistre des sautes d’humeur. L’appréciation du dollar et le désinvestissement dans le secteur pétrolier nuisent à l’expansion de l’activité outre-Atlantique. La fin, toute relative, de la politique monétaire accommodante pourrait également contribuer à ralentir l’économie américaine dans les prochains mois. Certains experts estiment que les Etats-Unis sont déjà en fin de cycle de croissance et que cette dernière serait vouée à s’affadir en 2017 voire en 2016.
Par accumulation de mauvaises nouvelles, les effets récessifs pourraient se généraliser et frapper l’ensemble de l’économie mondiale avec comme constante une disparition des gains de productivité du fait de la tertiarisation de l’économie.
Ce scénario est peu probable. Les grandes organisations économiques internationales comme le FMI ou l’OCDE attendent une accélération de la croissance avec le redémarrage lent mais progressif de la zone euro ainsi que celui de la Chine. L’économie américaine dispose de réserves avec une possible amélioration du taux d’activité. L’Europe pourrait enfin renouer avec une croissance plus dynamique dans les prochains mois.
L’éclatement de l’Europe avec le retour des séparatismes
Depuis la Seconde Guerre Mondiale, l’Europe, voulant tourner la page des heures terribles du fascisme, du protectionnisme, a institué un modèle particulier d’intégration qui a été copié par de nombreux autres groupes d’Etat. L’intégration européenne est de loin la plus accomplie avec l’instauration de la monnaie unique en 1999 et l’existence d’un marché unique structuré. Depuis la crise de 2008/2009, les mouvements extrémistes anti-européens ont le vent en poupe. Les institutions européennes transformées en bouc émissaires sont rejetées par une part croissante de la population. L’idée d’une sortie de la zone euro ou de l’Union européenne n’est plus taboue. En 1989, être membre de l’Union européenne est une forme de modernité et de gage de réussite ; en 2015, l’Europe ne fait malheureusement plus rêver à défaut d’avoir pu renouveler son discours.
Si en 2015, la Grèce a été maintenue au sein de la zone euro, en 2016, la question de la sortie éventuelle du Royaume-Uni sera au cœur de l’actualité. En effet, David Cameron a prévu l’organisation d’un référendum sur le sujet. Il espère entre temps négocier un accord avec les Européens aboutissant à réduire le montant de la contribution budgétaire britannique et à limiter les pouvoirs de la Commission de Bruxelles. Il souhaiterait avoir une plus grande marge de manœuvre dans l’application des directives. La Commission de Bruxelles ne peut guère accepter une Europe à la carte. Par effet de contagion, les autres Etats pourraient être tentés de multiplier les revendications. Il y a un risque évident de détricotage de l’Union européenne. Un compromis devra être néanmoins trouvé faute de quoi pour la première fois depuis la création de l’Union européenne en 1957 un Etat membre en sortirait. Le Royaume-Uni serait la première victime de cette sortie. Une diminution de 2 à 3 points du PIB est attendue. Certes, le Royaume-Uni pourrait se rattacher à l’Association Européenne de Libre Echange (AELE) afin de bénéficier d’un régime douanier favorable avec les Etats membres de l’Union. Il serait également contraint de négocier des accords et des traités pour éviter un isolement de la place financière de Londres.
Le départ du Royaume-Uni serait un précédent lourd de sens qui handicaperait l’Europe tant sur le plan économique que sur le plan politique.
La fin des Etats nations
Arrivons-nous à la fin de l’ère des grandes nations ? Avec la mondialisation, les revendications régionalistes se font de plus en plus pressantes. A défaut de remettre en cause le système économique mondial, les Etats sont remis en cause. En Afrique et en Europe, les tendances irrédentistes se multiplient.
Si en 2015, l’Ecosse a décidé de rester dans le Royaume-Uni, en 2016, la question pourrait rebondir en cas de départ du Royaume-Uni de l’Union européenne. En effet, l’Ecosse voire le Pays de Galles ont plus à perdre que l’Angleterre d’une sortie de l’Union. Leurs échanges avec le vieux continent sont importants. Ils n’auraient rien à gagner d’un splendide isolement. Compte tenu des résultats aux dernières élections aux Communes qui ont vu le parti indépendantiste l’emporter en Ecosse, la tenue d’un nouveau référendum pourrait alors redevenir d’actualité.
L’Espagne qui depuis 2014 enregistre une forte croissance après une longue et dure récession est en proie à des problèmes politique majeurs. Le pays doit faire face à une demande sécessionniste de la part de la Catalogne où les indépendantistes ont gagné les élections régionales. Ils ont demandé l’organisation d’un référendum à Madrid qui pour le moment en récuse l’idée.
La France rejoint, avec la Corse, le club des pays confrontés à des demandes de séparatisme même si les autonomistes et les indépendantistes qui ont gagné les dernières élections régionales se sont engagés à ne pas mettre à l’ordre du jour la question de l’indépendance durant les deux prochaines années. Il n’en demeure pas moins que leur objectif est de dessiner les voies et moyens leur permettant d’y accéder à terme.
A cette liste, il pourrait être ajouté la Belgique et quelques pays d’Europe centrale qui font l’objet également de demandes de la part de certains mouvements régionalistes.
Une atomisation de l’Europe et le retour des principautés du 19ème siècle est une source d’inquiétude et la matérialisation de la faiblesse des Etats traditionnels. Les crises économiques avec à la clef la montée du populisme mais aussi l’exigence légitime d’une plus grande transparence démocratique contribuent à la remise en cause des Etats nations.
Les indépendantistes demandent rarement la sortie de l’Union. Bien au contraire, l’émancipation de l’Etat central s’accompagne souvent d’une demande de constitution d’une Europe fédérale.
Un nouveau choc pétrolier
Le principal risque géostratégique qui pèsera une fois de plus sur la conjoncture est liée à Daech et à Al Qaida. Un élargissement des zones de conflit au sein des pays du Golfe ou en Afrique pourrait évidemment avoir des incidences économiques avec à la clef une forte augmentation du prix du pétrole.
La menace terroriste
La multiplication d’actes terroristes aurait comme conséquence une diminution du tourisme, des échanges et donc des transports aériens. Cela aurait donc une incidence sur un grand nombre de pays dont la France.
La multiplication des catastrophes environnementales
2015 aura été marquée par la réunion de Paris sur le climat, la COP21 et par les nuages de pollution en Chine mais aussi en Iran. La mondialisation de la pollution devrait être encore un thème malheureusement porteur en 2016. La survenue de catastrophes environnementales n’est pas totalement prévisible. Du fait de la concentration croissante de la population en milieu urbain et à proximité des côtes, il est certain que les catastrophes naturelles seront de plus en plus coûteuses.
Espérons échapper à toutes ces menaces….