6 novembre 2021

Le Coin des Tendance – cryptojetons – Europe

Des jetons non-fongibles au métaverse, une nouvelle révolution digitale est-elle en marche ?

Le 25 octobre dernier, l’hebdomadaire britannique « The Economist » a vendu aux enchères un « nft » (non-fungible token) représentant la une d’un de ses anciens numéros et en a obtenu 99,9 éthers (environ 400 000 euros) reversés pour une œuvre caritative. À travers cette opération, les journalistes entendaient prouver l’existence d’un marché de l’art digital. Un nft est un enregistrement, généralement sur la blockchain Ethereum, qui représente sous forme numérique, une image, un texte, ou une vidéo. Inventés en 2014, les nft ont connu un essor en 2017. Au mois de mars de cette année, la maison de vente aux enchères, Christie’s, a vendu un nft d’une œuvre de Beeple, un artiste numérique, pour 69,3 millions de dollars. Les nft sont des crypto-tokens. À la différence des dollars, des euros ou des bitcoins, ils ne sont pas fongibles, une unité n’a pas obligatoirement la même valeur qu’une autre. Les jetons stockent certaines données, notamment le nom du nft et un lien vers une image numérique. Chaque jeton est unique et ne peut être conservé que dans un seul portefeuille en ligne. L’image, cependant, peut être visualisée, copiée ou téléchargée par n’importe qui. Les nft appelés également « cryptokitties » ont été inventés par Anil Dash, un entrepreneur, et Kevin McCoy, un artiste, pour faire comprendre qu’un article sur Internet était un original numérique méritant une protection et une reconnaissance spécifique. Les nft offrent la preuve que le détenteur est à l’origine de l’image ou du texte. Ils permettent de distinguer l’original des copies.

En 2021, la valeur totale des nft émis sur la blockchain Ethereum est de 14,3 milliards de dollars, selon DappRadar, une société de recherche, contre environ 340 millions de dollars l’année dernière. Selon une récente enquête réalisée par Harris, 11 % des adultes américains auraient acheté un nft (soit juste un point de moins que ceux qui investissent sur le marché des matières premières). Les volumes mensuels de nft-trading sur des plateformes d’art désignées comme « Nifty Gateway » et « Foundation », ont atteint 205 millions de dollars en 2021. Les analystes de Jefferies, une banque d’investissement d’américaine, parient sur un doublement de la valeur des nft en 2022. D’ici 2025, leur valeur pourrait dépasser 80 milliards de dollars.

Les nft offrent de nombreux avantages pour les créateurs. Logés sur un système de blockchain ouvert, ces derniers, tout comme les acheteurs potentiels, peuvent suivre l’historique des transactions. Ils peuvent également conserver une participation dans leur travail, même après la vente de l’original. Dans un système de vente traditionnelle, les artistes ont peu de moyens pour veiller au respect de leurs droits. En théorie, un nft pourrait être lié à un texte comprenant un contrat juridique qui confère un type spécifique de droit de propriété. En pratique, cependant, rien n’est inclus. Sur la plateforme « Foundation », le règlement précise que l’acheteur d’un nft a des droits qui s’apparentent à une licence d’utilisation d’une image de manière limitée. La vente peut par exemple interdire l’usage du nft à des fins commerciales par l’acheteur en limitant le droit d’usage à un affichage public et à la possibilité de le copier pour un usage personnel. Les atouts des nft n’intéressent pas que le monde de l’art. De nombreux investisseurs en capital-risque et développeurs informatiques estiment qu’ils peuvent servir de base aux échanges en ligne. Ils tentent de créer un nouveau type d’économie numérique, dans lequel toutes les opérations en ligne seront exécutées par des applications « décentralisées ». Ces dernières appartiendraient à leurs inventeurs et seraient exploitées par leurs utilisateurs, sans avoir besoin de recourir à des intermédiaires comme Google ou Apple. La distribution de toutes sortes de contenus numériques, comme des images, des vidéos et même des articles, pourrait se faire en passant par les nft. Le monde des jeux vidéo qui a toujours été en pointe en matière informatique s’intéresse de plus en plus aux jetons. « Axie Infinity », un jeu avec plus de 250 000 utilisateurs actifs quotidiens recourt aux nft. Dans ce jeu, les participants collectent, élèvent, combattent et échangent des petites créatures, qui sont numérisées en tant que nft. Ils peuvent gagner des jetons en fonction de leurs scores. La valeur de ces nft est liée aux résultats de vente du jeu. Supdrive, une plateforme de jeux vidéo, vend ces derniers sous forme de nft. Plusieurs mondes en ligne immersifs, les métavers, proposent l’achat de terrains virtuels grâce à des nft. Au-delà du monde virtuel, les jetons pourraient également être utiles pour des activités menées dans le monde réel. Certaines universités américaines expérimentent leur utilisation pour financer la recherche. L’Université de Californie à Berkeley a collecté 50 000 dollars en vendant un nft fondé sur des documents relatifs à des recherches sur l’immunothérapie contre le cancer réalisées par le prix Nobel de médecine, James Allison, en tant qu’objet de collection. Saint-Marin a approuvé l’utilisation de jetons comme passeports numériques pour le vaccin contre le covid.

Tout comme ils rendent possibles les transferts de terres virtuelles, les nft pourraient devenir un moyen d’échanger des actes de propriété réels ou d’autres types de contrats. En juin, Michael Arrington, le fondateur de TechCrunch, une société de médias, a ainsi vendu un appartement à Kiev. Les nft permettraient également aux acheteurs et aux vendeurs d’exploiter un nombre croissant d’applications financières décentralisées fondées sur des blockchains. Ils autoriseraient l’octroi de prêts sans passer par des intermédiaires financiers.

Les nft ne sont pas sans faille. Ils ne sont que des liens vers des images. Des hackers peuvent modifier à leur profit les liens après la réalisation d’une transaction. L’identité d’un acheteur d’un nft et la provenance de ses fonds ne peuvent pas toujours être connues, l’organisation d’opérations frauduleuses en serait facilitée. Les technologies Blockchain consomment de manière importante de l’électricité. La vente d’un nft sur une plateforme correspond à l’émission de gaz à effet de serre d’une personne empruntant un vol long-courrier. Certaines solutions sont à l’étude comme un système de stockage décentralisé et un suivi des liens rompus. Certaines applications essaient de toucher le moins possible à la blockchain afin de réduire l’empreinte carbone.

Les cryptokitties ou nft semblent amorcer une nouvelle révolution digitale à laquelle croit instamment la société Facebook. Devenue « Meta », la société de David Zuckerberg vient d’investir des milliards de dollars dans un monde virtuel permanent. Microsoft fait de même en développant des applications « métaverse » pour le bureau. L’engouement pour les nft ressemble en partie à celui qui avait eu lieu en 2003 avec la création de « second life ». Ce dernier avait été éphémère faute d’intérêt pratique.

La Présidence française de l’Union européenne, un défi à entrées multiples

Durant le premier semestre 2022, la France présidera l’Union européenne, la dernière présidence française datant du second semestre 2008. Il y a treize ans, les pays de l’Union européenne étaient confrontés à une crise économique qualifiée d’historique. Face à l’implosion du système financier, l’Union européenne et plus globalement, le G20 avaient dû prendre des mesures exceptionnelles. La présidence de 2022 intervient après deux années également historiques, marquées par l’épidémie de covid qui a tué plus de 5 millions de personnes et par une situation économique inédite. Après une récession sans précédent, l’économie mondiale doit faire face à des goulots d’étranglements et des hausses de prix importantes dans un contexte d’endettement croissant. En cette fin d’année, il apparaît encore hasardeux de faire des prévisions fiables tant sur l’évolution de la pandémie que sur celle de l’économie mondiale. De nombreux pays sont loin d’avoir retrouvé leur niveau d’avant-crise et sont toujours confrontés à un nombre important de cas de contamination. Cette présidence intervient un an après le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne et au moment où plusieurs États d’Europe de l’Est s’affranchissent des règles communautaires. Elle se produit, par ailleurs au moment où Angela Merkel, après 15 années au pouvoir, cède la place à un nouveau Chancelier. La présidence française de l’Union européenne sera enfin particulière en raison de la tenue des élections présidentielle et législatives en avril et en juin 2022. En 1995, cette concomitance avait déjà certes eu lieu mais le Président sortant, François Mitterrand, ne se représentait pas. En 2022, si Emmanuel Macron n’est pas encore officiellement candidat à sa succession, rien ne laisse présager qu’il ne le sera pas. Le contenu de la future présidence européenne aura certainement des implications électorales. Emmanuel Macron qui avait résolument pris le parti de l’Europe lors de sa première campagne présidentielle en 2017, devrait poursuivre sur cette lancée en 2022, en mettant l’accent sur la relance de l’économie sur fond d’affirmation des valeurs européennes et de la transition énergétique. Il entend aussi insister sur le rôle de l’Europe en tant que puissance face à la Chine et aux États-Unis.

Relance, puissance et appartenance

La présidence française entend accélérer le processus de relance et de modernisation de l’économie à travers la mobilisation des crédits prévus dans le cadre du plan « Next Generation UE ». Elle s’appuiera notamment sur l’initiative « Scale up » regroupant 150 experts venant de toute l’Europe en vue de formuler des propositions dans les domaines de la formation, du financement, des technologies fondamentales et la collaboration entre les start-ups. La France entend favoriser l’émergence de groupes européens sur les nouveaux secteurs d’activité que sont les technologies de l’information et de la communication, les biotechnologies, les énergies renouvelables. La présidence française mettra à l’ordre du jour la question de l’indépendance de l’Union européenne. La crise sanitaire ayant prouvé la vulnérabilité des États membres, l’idée d’une sécurisation des approvisionnements a été avancée. Le renforcement des moyens dévolus à la défense devrait être abordé même si, sur ce sujet, aucun consensus n’existe réellement. Durant la présidence française de l’Union européenne, la ratification de l’accord entre l’Union européenne et la Chine sur les investissements pourrait revenir sur la table. En raison du durcissement des relations sino-américaines, États-Unis ont, à plusieurs reprises, fait connaître leur opposition à cet accord conclu en décembre 2020 et ont conduit à en différer la ratification.

Le Président français tient également à placer, dans son calendrier de travail, le concept d’appartenance européenne. À travers la valorisation de la culture et l’identité européenne, il espère contrecarrer les mouvements nationalistes, puissants au sein de plusieurs pays.

Deux projets à conclure

La présidence française devra mener à son terme la Conférence sur l’avenir de l’Europe, engagée au printemps 2021 après le Brexit. Cette conférence qui associe des citoyens, des organisations non gouvernementales ainsi que les parlements nationaux, a pour objectif de faire des propositions pour réviser les institutions. Parmi les points déjà évoqués figurent l’Europe de la Santé et la règle de l’unanimité en matière de politique étrangère. Un renforcement des droits d’initiative du Parlement a été également été proposé. L’autre projet qui devrait arriver à terme sous la présidence française est celui de « la boussole stratégique » qui avait été lancée au second semestre 2020 par les Allemands. Ce projet vise à cartographier les menaces communes auxquelles sont exposés les États membres et les moyens à déployer pour y faire face. Ce projet vise à renforcer l’autonomie stratégique de l’Union.

Des gestes à destination de la France

La Présidence française aura à cœur de mettre en avant plusieurs sujets à forte connotation nationale. Elle devrait insister sur le rôle de Strasbourg comme ville européenne, symbole de l’amitié franco-allemande. Des initiatives devraient être prises pour renforcer la présence européenne dans cette ville. De même, le Président de la République devrait faire du renforcement du rôle de la langue française au sein des institutions européennes une de ses priorités. Il devrait également demander à la Commission de travailler sur la politique migratoire.