Le Coin des tendances
La fin de l’or blanc a-t-elle sonné ?
Des années 60 aux années 2000, la France a connu un essor sans précédent de la pratique du ski amenant à la construction de grandes stations. L’État avec la Caisse des Dépôts et Consignation en tant que bras armé, les collectivités locales ont joué un rôle majeur dans ce développement. Les sports d’hiver ont changé en profondeur la physionomie de certaines régions. Ils ont permis la création d’emplois en basse saison agricole et ont généré d’importantes recettes fiscales ou non fiscales. Depuis plusieurs années, ce secteur est confronté à une série de défis qui remettent en cause son modèle : l’aléa climatique croissant avec le réchauffement, les contraintes environnementales, la relative désaffection d’une partie de la population pour une activité coûteuse.
La France un acteur majeur de l’industrie des sports d’hiver
Forte de 340 stations réparties sur sept massifs (Alpes du Nord, Alpes du Sud, Pyrénées, Massif Central, Massif Vosgien, Massif jurassien, Corse), la France possède parmi les plus grands domaines skiables du monde. Avec 13 domaines qui accueillent plus de 1 million de journées-skieurs par saison, elle est le deuxième pays (derrière l’Autriche) comptant le plus grand nombre de « très grandes » stations de ski. Construites pour la plupart dans les années 1960 et 1970 (La Plaigne, Val Thorens, Avoriaz, Les Arcs, Tignes, etc.), ces grandes stations françaises sont aussi parmi les plus élevées d’Europe, ce qui leur a longtemps garanti d’excellentes conditions d’enneigement et de glisse tout au long de la saison hivernale, mais aussi en été. Bien loin de la première station de ski ouverte dans l’entre-deux-guerres et du premier téléphérique dans le petit village haut-savoyard de Megève, devenu une station en vue, c’est une véritable industrie de l’or blanc qui s’est développée au fil des décennies, confortée par l’organisation des jeux olympiques d’hiver à trois reprises dans notre pays (1924 à Chamonix, 1968 à Grenoble et 1992 à Albertville).
Un secteur économique important
La filière économique est composée d’un grand nombre d’acteurs allant de ceux en charge de la construction et de l’entretien des installations jusqu’aux gestionnaires et fabricants de matériels. Pour la saison 2018-2019, les 3646 installations de remontées mécaniques en fonctionnement répertoriées par l’État, soit le parc le plus important au monde, ont enregistré 611 millions de passages. À elles seules, les 250 stations adhérentes à Domaines Skiables de France ont accueilli 10 millions de touristes en hiver (dont 7 millions pratiquant les sports de glisse). L’activité emploi 8 000 salariés, permanents et saisonniers, et généré plus de 120 000 emplois induits dans les commerces, les hébergements, les écoles de ski, etc.
Une fréquentation stagnante voire en baisse
Depuis 2013, la fréquentation est en baisse même si la France demeure dans le trio de tête mondial pour la fréquentation des domaines skiables avec 53,4 millions de journées-skieur vendues pour la saison 2018/2019 (53,8 millions en 2017/2018). Elle est devancée par l’Autriche (54,5 millions) et les États-Unis (59 millions). Lors de ces dix dernières années, la baisse de fréquentation concerne aussi bien les très grandes stations (-0,2 %), que les grandes stations (-1,3 %), les stations moyennes (-0,5 %), et les petites stations (-0,8 %). Pour l’ensemble des massifs, la fréquentation a diminué de 0,6 % sur dix ans. En Europe, cette situation n’est pas spécifique à la France. Seuls les pays scandinaves ont réussi à améliorer le nombre de skieurs.
Le réchauffement climatique et le ski ne font pas bon ménage
Entre 1880 et 2012, les températures moyennes dans les Alpes ont augmenté de plus de 2°C. Cette tendance est appelée à s’accélérer et laisse présager une modification sensible des conditions d’enneigement et d’exploitations des domaines skiables liées à une élévation de l’altitude moyenne d’enneigement. Une étude réalisée par Météo France en 2017 à la demande de la Chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes sur l’évolution de l’enneigement naturel dans les Alpes du Nord, le confirme. Les données recueillies sur la station du Col de Porte en Isère (1325 m) pour la période 1961-2014 ont démontré un réchauffement de 1,3°C dans le massif de la Chartreuse et permettent d’évaluer à 1600-1700 m ce seuil limite qui pourrait concerner potentiellement d’ici 2050 la totalité des domaines skiables dans l’Ain et la Drôme, 85 % en Haute-Savoie, 72 % en Isère et 28 % en Savoie. Les stations de haute montagne, elles-mêmes, qui pouvaient annoncer jusqu’à 290 jours de ski par an, été compris, n’échappent pas à cette évolution et ont dû renforcer leur dispositif d’enneigement artificiel au-dessus de 2800 m d’altitude, quand elles n’ont pas tout simplement été contraintes d’interrompre le ski d’été comme ce fut le cas en 2019 avec la fermeture du glacier aux Deux Alpes.
Les stations de basse et moyenne altitude sont évidemment les plus concernés. Elles réalisent 21 % du chiffre d’affaires des stations de ski (période 2016 – 2019). La survie économique de ces stations est en jeu compte tenu du fait que la viabilité économique d’un domaine skiable nécessite une ouverture d’au-moins 100 jours par an.
es stations françaises n’ont pas suffisamment investi dans leurs stations par rapport à leur concurrentes (300 millions par an contre 500 millions d’euros par an en Autriche). Ce qui explique notamment pourquoi la France est en retard par rapport à L’Autriche, à l’Italie et à la Suisse pour la production de neige artificielle.
Le coût et l’attractivité du ski en question
La baisse de la fréquentation ne s’explique pas exclusivement par le réchauffement climatique. Les stations de ski doivent aussi faire face à un problème d’attractivité. Malgré les efforts des stations pour proposer une offre tarifaire adaptée, la pratique du ski demeure onéreuse et, aujourd’hui encore, constitue souvent un frein pour les familles. Selon une étude du ministère de l’Économie et des Finances sur « Les Français et la montagne l’hiver » (2018), seulement 18 % des Français partent une fois par an au ski, 25 % y vont occasionnellement et 48 % ne partent pas. 57 % des personnes interrogées déclarent ne pas partir à cause du prix trop élevé́. Une étude réalisée en 2015 par Domaines skiables de France a évalué à 117 euros le coût moyen d’une journée de ski, avec un écart de 12 % entre les grandes stations et les plus familiales, la première dépense concernant le logement (29 %), bien avant le forfait de remontées mécaniques (14 %). Le forfait en France (coût moyen : 38 euros) est 11 % moins cher que le forfait autrichien et 17 % moins cher que le forfait suisse (Source : Martin Falk, Swiss Journal of Economics and Statistics, 2011), loin derrière le forfait aux États-Unis (84 euros).
L’offre touristique a considérablement augmenté ces dernières années. Les destinations « soleil » en hiver sont devenues compétitives avec le développement des compagnies de transports aériens « low cost ». Le vieillissement du parc immobilier des stations de ski françaises (75% des lits en résidence secondaire ont été construits avant 1990) est également un facteur de désaffection de la clientèle.
Le ski comme activité sportive a perdu en attrait en particulier auprès des Français qui constituent 72 % de la clientèle des stations dans notre pays. La clientèle des stations de ski est une population vieillissante : 40 % des skieurs français ont 50 ans ou plus contre 29 % qui ont entre 35 et 49 ans. De 1995 à 2015, les jeunes âgés de 9 à 25 ans présents sur les pistes sont passés de 20 % à 14 %. Une étude sur les 15-25 ans et l’outdoor réalisée en 2018 (« Demain tous dehors ? », Poprock) montre que 53 % des jeunes Français interrogés ne sont jamais allés au ski, soit parce que c’est trop cher (38 %), soit parce qu’ils n’en ont pas l’occasion (32 %) ou bien encore parce qu’ils n’aiment pas (12 %). Dans son rapport annuel pour 2018, l’expert suisse Laurent Vanat a observé que 86 % des débutants n’ont pas apprécié leur première expérience et ne souhaitent pas revenir aux sports d’hiver. La situation a fortement évolué par rapport aux années 1950 quand la Haute-Savoie expérimentait la première classe de neige à Praz-sur-Arly avant sa généralisation par l’Éducation nationale en 1953. Afin de retrouver l’esprit de ces classes de neige, le département de Haute-Savoie a décidé depuis plusieurs années de multiplier les actions en faveur de la promotion du ski en direction des collégiens.
Les sports d’hiver ne bénéficient plus de la même couverture médiatique que dans les années 60 et 70 où les compétitions étaient retransmises en direct sur les chaînes généralistes. Les grands sponsors nationaux sont moins présents rendant plus difficile l’émergence de nouveaux champions.
Après la polémique suscitée par l’héliportage de neige dans une station pyrénéenne, le gouvernement a décidé de réunir, le 20 février dernier, les représentants de l’Association Nationale des Maires de Stations de Montagne, de l’Association Nationale des Elus de Montagne et de Domaines Skiables de France en s’engageant à élaborer d’ici six mois un programme d’accompagnement pour les stations de montagne. La problématique dépasse la question de la protection de l’environnement ; elle est avant tout économique et sociale. Parmi les solutions envisageables, une coopération entre les stations est avancée avec la mise en place de « pass » valable sur tous les massifs sur le modèle du « Magic Pass » suisse qui permet de skier en illimité dans plus de 30 stations, système qui s’inspire des États-Unis. La poursuite de la diversification des activités, avec un accroissement des investissements, est évidemment l’autre voie.
Les Français, les Européens et la boisson
En soixante ans, la consommation de boissons a profondément évolué en France avec un net recul de l’alcool que ce soit à domicile ou à l’extérieur. Ce changement de comportement s’est inscrit dans un processus de diminution de ce poste de dépenses. Selon l’INSEE, en 2018, en France, les ménages ont dépensé 35 milliards d’euros en boissons pour leur consommation à domicile. Depuis 1960, le poste « boissons » a augmenté deux fois moins vite que l’ensemble de la dépense de consommation finale. En 2018, les ménages consacrent 2,9 % de leur budget aux boissons, contre 6,4 % en 1960. Cette tendance baissière se retrouve dans la consommation de services de débits de boissons, dont la part dans le budget de consommation des ménages est de 0,7 % en 2018 contre 2,0 % en 1960.
De moins en moins d’alcool
Les Français dépensent de moins en moins d’argent en boissons alcoolisées. De 1960 à 2018, au sein du poste « boissons », la part de ces boissons est passée de 77,6 à 59,7 %. En moyenne, ils ont dépensé 476 euros en boissons non alcoolisées et 707 euros en boissons alcoolisées en 2018. Cette diminution est imputable au recul des vins de consommation courante baisse depuis 1960. Leur part est passée de 49,1 à 9,1 % de 1960 à 2018. La diminution s’est réalisée des années 60 aux années 90 en lien avec les campagnes de lutte contre l’alcoolémie. Les Français privilégient les vins de qualité dont la part dans le budget a fortement augmenté pour atteindre 20,7 % du budget en alcool en 2018. Les parts de l’alcool fort, des champagnes, cidres et apéritifs, ainsi que celle des bières ont aussi augmenté.
Parmi les boissons non alcoolisées, la part de la consommation des eaux de table, des boissons aromatisées et des sodas, ainsi que des jus de fruits et de légumes, représentait, en 2018, 69,8 % de la dépense en boissons non alcoolisées. Le poids des jus de fruits et de légumes a surtout crû à partir des années 90. La part des boissons chaudes (café, thé et cacao) a décru fortement depuis 1960 passant de 71,2 % à 30,2 % en 2018. Depuis une dizaine d’années, avec l’essor des machines à café à dosette, le poids des dépenses de boissons chaudes est en progression.
Cercle de l’Épargne – données INSEE
La demande des boissons non-alcoolisées fonction des prix et des aléas climatiques
Le climat et l’évolution du cours des matières premières qu’il peut provoquer influent sur le prix des boissons non-alcoolisées et sur la demande. Ainsi, le gel des caféiers au Brésil en 1977 et la grave sécheresse au début des années 80 ont entraîné une forte hausse des prix et un recul important des volumes de café consommés. Inversement, en 1988, les prix ont diminué, sous l’effet de la baisse de la TVA sur les boissons rafraîchissantes. Plus récemment, la canicule de 2003, puis la hausse des températures moyennes observées en France, ont pu engendrer des hausses des volumes de boissons rafraîchissantes consommées à domicile. Depuis 1960, la consommation en volume de boissons non alcoolisées a progressé légèrement plus rapidement que l’ensemble des autres postes de dépenses des ménages (+ 3,3 % par an en moyenne contre + 2,8 %).
Les ménages aisés privilégient le café, les plus modestes, les sodas
En 2017, les 20 % des ménages les plus aisés (dernier quintile de niveau de vie) consacrent une part plus grande de leur budget boissons non alcoolisées aux boissons chaudes (+ 4,8 points par rapport à la moyenne) quand les 20 % des ménages les plus modestes dépensent davantage pour des boissons rafraîchissantes (+ 5,0 points par rapport à la moyenne), notamment en sodas. Les ménages les plus jeunes privilégient la consommation de sodas quand les seniors préfèrent le café et le thé. Dans le budget des boissons non-alcoolisées, les ménages dont la personne de référence est âgée de moins de 26 ans consomment 15,6 points de moins que la moyenne au café et 5,5 points de moins à l’eau en bouteille. À l’inverse, les ménages de plus de 65 ans affectent une part plus importante de leur budget au café (+ 6,5 points) et à l’eau en bouteille (+ 5,7 points).
Cercle de l’Épargne – données INSEE
Une consommation différente en fonction des régions
En 2017, les ménages habitant dans le sud de la France (Sud-Ouest et Méditerranée) ainsi que ceux habitant dans les départements d’outre-mer (DOM) consacrent une part plus importante de leur budget boissons aux boissons non alcoolisées que l’ensemble des ménages. Le climat explique en partie cette différence de comportement ainsi que les traditions. Les ménages habitant en Méditerranée, au Centre-Est et à l’Est consomment plus de vin, respectivement 4,4 points, 6,7 points et 5,4 points de plus que la moyenne que ceux du Nord et des DOM (consommation respective de 16,9 points et de 12,5 points plus faible que la moyenne). Les ménages de la région parisienne consacrent également une part plus importante de leur budget aux vins de qualité que la moyenne (+ 10,1 points). Cet écart est en lien avec la plus grande concentration de cadres et par un niveau de vie supérieur à la moyenne (consommation supérieure de 12,3 points par rapport à la moyenne en vins, cidres et champagnes).
Les seniors boivent du vin et les jeunes de la bière
En 2017, les seniors consomment plus d’alcool que la moyenne et leur consommation est également différente. La part des dépenses consacrée à l’alcool par les ménages dont la personne de référence est âgée de plus de 65 ans est supérieure de 5,5 points à la moyenne alors que celle des 26 à 35 ans est inférieure de 7,9 points. Le poids de la bière dans les dépenses en boissons alcoolisées hors consommation dans les bars et les restaurants est élevé chez les ménages les plus jeunes (+19,3 points). À l’inverse, la part des vins, cidres et champagnes est faible chez ces ménages (-31,4 points) tandis que les ménages dont la personne de référence a plus de 65 ans consacrent une part plus importante de leur budget alcool à ce type de boissons (+10,6 points).
La France au 8e rang européen pour la consommation d’alcool
En 2016, avec une consommation de 12,6 litres d’alcool pur par personne de plus de 15 ans, la France se classe 8e au sein de l’Union européenne, soit moins qu’en Lituanie, en République tchèque, en Allemagne, en Irlande, au Luxembourg, en Lettonie et en Bulgarie. Les pays à faible consommation sont l’Italie, Malte, les Pays-Bas et la Croatie, Les habitants des pays du Nord et du Centre de l’Europe consomment plus de bière, ceux de l’Est préfèrent les alcools forts, quand les habitants des pays du Sud se tournent davantage vers le vin. Au-delà des différences de quantités de boissons alcoolisées consommées, les doses d’alcool pur consommées dépendent en outre du degré alcoolique des boissons.
Des pratiques de consommation qui diffèrent selon les pays
La consommation quotidienne de l’alcool demeure élevée en France. 13 % de la population de plus de 15 ans consomme de l’alcool 6 à 7 jours par semaine. Le taux d’abstinence (15 %) est dans la moyenne européenne, entre le taux maximal d’abstinence de 30 % en Italie et le taux minimal de 7 % au Danemark.
Le prix de l’alcool, inférieur à la moyenne européenne en France
En France, le prix des boissons alcoolisées en parité de pouvoir d’achat est inférieur de 10 % à la moyenne européenne. En Bulgarie, en Roumanie et en Hongrie, les prix sont relativement faibles, tandis qu’en Finlande, en Irlande, en Suède, au Royaume-Uni et au Danemark, les prix sont beaucoup plus élevés que la moyenne européenne, en raison d’une forte fiscalité.
L’évolution de la consommation de boissons a une forte influence sur les filières concernées. En quelques décennies, les viticulteurs ont modifié en profondeur leur offre en montant en gamme et en se diversifiant. L’œnotourisme se développe dans toutes les régions de production avec la visite des chais et des dégustations. L’organisation de séminaires, de réunions, la création d’espaces de restauration et d’hôtellerie sont de plus en plus fréquents. Au niveau des boissons non-alcoolisées, les grandes entreprises de l’agro-alimentaire se sont fortement engagées dans le secteur de l’eau en bouteille. En revanche, les autorités sanitaires tentent de limiter la consommation des boissons à forte teneur en sucre.
Le marché des boissons devrait poursuivre sa mutation dans les prochaines années avec une pression fiscale accrue sur les sodas afin d’en limiter leur consommation. Concernant l’alcool, la France reste un pays à fort niveau de consommation en particulier chez les jeunes avec un double phénomène une augmentation rapide de la bière et des alcools dures. Les gouvernements tentent de modifier les comportements des consommateurs tout en préservant le secteur viticole.