26 août 2017

Le Coin des Tendances (26 août 2017)

Le non-sens énergétique

Pour limiter le réchauffement du climat à deux degrés d’ici la fin du siècle, les émissions de CO2 devraient baisser de 1,5 % par an. Or, elles progressent, en moyenne de 0,5 à 1 % par an. La baisse du prix des énergies fossiles, pétrole, gaz, charbon, lignites, ne facilite pas le respect des engagements pris à Paris à la fin de l’année 2015. La grande majorité des projections prévoit la poursuite voire l’amplification de la demande de pétrole. La croissance des pays émergents entraîne automatiquement l’augmentation du nombre de voitures. Elle s’accompagne d’une urbanisation qui entraîne des besoins accrus de chauffage et de climatisation. Le décollage de l’Afrique devrait également conduire à une augmentation de la demande en énergie fossile. Le passage de la classe moyenne de 1,5 à 3 milliards de personnes d’ici 2050 aura comme conséquence une progression du nombre des déplacements notamment en avion. Les chercheurs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont, de ce fait, de plus en plus pessimistes concernant la capacité des Etats à maîtriser les émissions de CO2.

Pour certains, un relèvement du prix des énergies fossiles devrait favoriser leur substitution avec des énergies plus propres. Or, selon l’économiste, Patrick Artus, « les élasticités-prix estimées économétriquement de la consommation d’énergie fossile sont très faibles, de 0,02 à 0,04. Pour réduire durablement de 2 points par an la croissance de la consommation d’énergies fossiles, ce qui serait nécessaire pour respecter les objectifs climatiques, il faudrait une hausse du pétrole de 50 à 60 % par an de leur prix ! ». Pour réduire la consommation de gaz et de charbon, les augmentations annuelles respectives devraient atteindre 25 et 23 %

Compte tenu des progrès réalisés en matière de pétrole et de gaz alternatifs, la probabilité d’une hausse rapide et importante des énergies fossiles est peu probable. Une augmentation rapide des prix du pétrole provoquerait, de toute façon, un net ralentissement de la croissance des pays consommateurs. Il en résulterait une décrue du prix du pétrole rendant plus difficile la transition énergétique.

La mise en œuvre d’une taxe sur les énergies fossiles pose la question de son affectation. Afin d’atténuer son effet récessif, les recettes devraient revenir aux pays consommateurs en vue de financer des investissements utiles à la transition énergétique et des aides aux personnes à revenus modestes. Par ailleurs, il serait indispensable de prévoir une péréquation mondiale pour faciliter la transition énergétique au sein des pays les plus pauvres. Il conviendrait d’instituer un véritable système de régulation mondiale des prix avec perception de taxes. Bien qu’un tel système n’ait jamais eu cours à l’échelle mondiale, il serait à la hauteur des dangers supposés du réchauffement climatique.

 

Quand les « digital natives » prennent les commandes du Net

La consommation d’Internet s’effectue désormais sur les mobiles. Les ordinateurs portables résistent mais ressemblent de plus en plus à de grandes tablettes avec des écrans de plus en plus tactiles. La logique du défilement des messages s’est imposé tout comme la vidéo.

Tout doit être accessible avec les mains en « scrollant » ou, à défaut, en utilisant la molette de la souris et le pavé digital. Si Apple a imposé un standard avec ses IPhone, il semble avoir perdu une bataille voire la guerre au niveau des ordinateurs portable. Cette stratégie est peut être dictée par le fait qu’Apple ne croit plus aux ordinateurs qui seront, à l’avenir, cantonnés à un usage professionnel.

Le sens de la lecture numérique n’est pas de la gauche vers la droite mais du haut vers le bas. C’est la revanche de la verticalité sur l’horizontalité. Les pages sur les sites deviennent de plus en plus longues. Les sites comportent désormais plusieurs colonnes ou des damiers qui sont autant de fenêtres permettant d’accéder à du contenu.

Cet allongement des pages s’accompagne d’un recours croissant à l’image et aux vidéos. Les « digital natives » n’ont pas la même culture livresque que les générations précédentes. La capacité d’attention moyenne des Internautes se réduit d’année en année. Elle aurait baissé de 33 % en 15 ans selon une étude menée par Microsoft. Les webmasters s’adaptent en utilisant des caractères plus grands et en réduisant le nombre d’informations. Un texte un peu long, un peu trop dense suffit pour provoquer la fuite de l’Internaute. Les vidéos se doivent d’être courtes. Elles peuvent être simples mais elles doivent être efficaces, aller droit au but. Les « digital natives» ont pris l’habitude de chercher des vidéos pour réparer leurs ordinateurs, leurs smartphones, trouver un mode d’emploi ou faire leur devoir. Tout doit être dit et vu en quelques minutes.

Les consommateurs du Web deviennent de plus en plus exigeants concernant l’animation. Souvent amateurs de jeux vidéo, ils trouvent démodés les icones minimalistes, les symboles aux couleurs pastelles. Ils veulent des sites avec du relief, du mouvement, des formes au plus près du réel, etc. C’est l’univers de Google qui l’a emporté sur celui de Microsoft qui apparaît plus techno, et aujourd’hui moins moderne. Les webmasters optent de plus en plus pour des effets « relief », « apparition », « loupe » et « fondu » pour attirer l’attention défaillante des visiteurs. Pour les capter, les sites comportent de plus en plus des modules demandant leur participation, questionnaires qui se doivent d’être rapides, jeux, simulations. Ces modules ouvrent la possibilité de recueillir des données fort utiles pour les services commerciaux. Les sites ne peuvent plus se permettre d’être passifs.

L’Internaute des temps modernes ne supporte pas d’attendre. Le chargement et le défilement se doivent d’être immédiats. Nous sommes au temps du streaming et non du téléchargement. Un site lent est un site condamné. Aujourd’hui, les acteurs économiques doivent vivre au sein de l’actualité. Le Président des Etats-Unis est sur Tweeter, les conférences de presse d’Apple sont des évènements relatés par les sites sociaux, Air France annonce en direct sur Facebook la création de sa nouvelle compagnie Low-Cost. Il y a une interconnexion entre les différents moyens de communication. Le storytelling demeure d’actualité. Il convient d’émouvoir, de créer de l’émotion autour des produits et des services. Renault ne vend pas plus de voitures mais une histoire avec le lancement de sa nouvelle Alpine.

 

La bataille de l’eau aura-t-elle lieu ?

En 2016, selon le Forum Mondial de l’Eau, près de 900 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, 2,6 milliards de personnes ne sont pas raccordées à un système d’assainissement ; plus de 80 % des eaux usées dans le monde ne sont pas traitées, 3,5 millions sont décédés de manière prématurée en raison de maladies transmises par l’eau. Les inondations, les sécheresses, les pollutions des cours d’eau ont provoqué un manque à gagner économique équivalent au PIB français. Plus d’un milliard de personnes sont déjà confrontées à une pénurie d’eau.

Les problèmes d’accès à l’eau  pourraient s’accroître non pas en raison de son manque mais avant tout de sa mauvaise répartition à l’échelle mondiale. La question du traitement et de l’assainissement de l’eau se posera avec une acuité accrue du fait de l’augmentation de la population et de l’urbanisation. Le nombre de personnes vivant dans des grandes agglomérations de la population mondiale devrait atteindre 9 milliards d’habitants en 2050 contre 7,5 actuellement. La population urbaine mondiale devrait augmenter de plus de 1,5 milliard.  Cette urbanisation concernera avant tout les pays d’Asie et d’Afrique. La population se concentrera de plus en plus sur les façades maritimes. D’ici le milieu du siècle, 75 % de la population mondiale se situera à moins de 100 kilomètres de la mer contre 66 % actuellement. En France, les communes littorales accueillent près de 10 % de la population sur 4 % du territoire.

L’augmentation de la population et la montée en puissance des classes moyennes au sein des pays émergents, plus de 3 milliards de personnes d’ici le milieu du siècle, augmenteront sensiblement les besoins en eau tant pour la vie quotidienne que pour l’agriculture et pour l’industrie.

Cette concentration de la population a plusieurs conséquences pour la gestion de l’eau. Il convient, en effet, de l’acheminer et de la retraiter après usage. Il faut lutter contre les pollutions urbaines. Par ailleurs, l’artificialisation des sols perturbe le ruissellement des eaux et exige la réalisation d’infrastructures adéquates. Malgré tout, les villes facilitent l’accès à l’eau courante et à l’assainissement de la population, les équipements pouvant être plus facilement rentabilisés qu’en milieu rural.

En 2050, la production alimentaire devra avoir augmenté de 70 % dans le monde entier et de près de 100 % dans les pays en développement. En outre, avec le réchauffement climatique, l’irrigation sera de plus en plus indispensable. En 2012, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 320 millions d’hectares sont irrigués sur 1,4 milliard cultivés. L’agriculture capte 50 % des eaux utilisées par les hommes. Ce taux monte à 80 % durant l’été. En France, la surface des terres irriguées a été multipliée par trois depuis 1970. Selon certaines études, le volume d’eau extrait à des fins agricoles augmente et pourrait atteindre plus de 2900 km3 /an en 2030 et près de 3000 km3 /an en 2050, ce qui correspond à une augmentation nette de 10 % d’ici à 2050.

Pour plusieurs grands fleuves, l’écoulement ne représente plus que 5 % de l’ancien volume d’eau et certains fleuves tels que le Huang He n’atteignent plus la mer toute l’année. Les grands lacs et les mers intérieures se rétractent de plus en plus et la moitié des zones humides d’Europe et d’Amérique du Nord n’existent plus. La reconstitution des nappes phréatique est de plus en plus difficile dans certaines régions. Le captage sauvage constitue une menace à terme sur la disponibilité de l’eau mais peut également avoir des effets sur les terres (effondrement).

Le partage des cours d’eau demeurera une source de conflits potentiels entre les Etats. En effet, plus de 250 cours d’eau majeurs sont aujourd’hui partagés. L’élaboration d’internationaux sera de plus en plus nécessaire pour assurer une répartition équitable de l’eau. A l’intérieur des pays, une coordination accrue entre les différentes parties prenantes s’imposera. Ainsi, entre les collectivités territoriales, les propriétaires fonciers, les entreprises industrielles et les exploitations agricoles ainsi qu’avec les institutions en charge de la diffusion et du traitement de l’eau, des règles strictes sur son utilisation devront être adoptées à l’échelle mondiale.

La lutte contre le gaspillage en eau est un combat à mener. Selon le FAO, la rentabilité de l’irrigation est faible car l’utilisation de l’eau est loin d’être rationnelle. Le recours aux sondes connectées permettra de réaliser des économies et d’améliorer la productivité agricole. Un important travail de formation sera nécessaire afin de mieux gérer l’eau surtout au sein des pays les plus pauvres. Il serait possible d’accroître les volumes d’eau pour l’irrigation supplémentaire en développant des installations de production d’énergie hydroélectrique à objectifs multiples. Or, Du fait de la crise de 2007/2009, les investissements en faveur de l’eau ont eu tendance à décliner tant au sein des pays émergents qu’au sein des pays avancés.

Les zones de tension pour l’eau se situeront essentiellement en Afrique dont la population dépassera les 2 milliards d’habitants d’ici 2050 et atteindra 4 avant la fin du siècle. En 2016, l’Afrique  ne dispose que de 9 % des eaux renouvelables avec une population représentant un peu moins d’un cinquième de la population mondiale. Ce dernier ratio s’élèvera à 25 % d’ici 2050.

L’eau est très mal répartie au sein de ce continent ; six pays, situés en Afrique Centrale et de l’Ouest détiennent plus de la moitié des réserves d’eau renouvelables quand les vingt plus pauvres n’en possèdent que 7 %.

Plus de 40 % de la population africaine vit dans les zones arides, semi-arides et sous humides. La proportion de la population africaine risquant d’être soumise à une carence en eau augmentera de 38 % en 2013 à 74 % en 2040, affectant 28 pays.

Un marché de l’eau informel se développe qui peut être contrôlé par des mafias ou des bandes rebelles (ce marché informel assure jusqu’à 95 % de la distribution de l’eau en Tanzanie. Les investissements à réaliser sur ce continent sont très importants tant pour amener l’eau dans les villes que pour réduire le gaspillage. Les pertes liées à des problèmes de canalisation ou à une mauvaise gestion des réserves représenteraient 50% de l’eau distribuée.

Si l’impact du réchauffement climatique sur la quantité d’eau douce disponible n’est pas simple à évaluer, il devrait accroître les problèmes de répartition. Les précipitations selon les experts du GIEC seraient plus rares entre l’équateur et le 45e parallèle. Elles pourraient être aussi plus violentes. Au-delà, les pluies pourraient être aussi voire plus importantes tout en étant plus espacées. L’éventuelle modification des courants marins comme le Gulf Stream pourrait changer la donne. Le changement du climat actuel apparaît assez rapide comme en témoigne l’avancée, de plusieurs semaines, des vendanges en France comme en Italie. Si l’Homme a essayé de dompter l’eau pour son usage et pour s’en protéger (inondations), le défi à venir est celui d’une gestion rationnelle d’une ressource rare.