2 janvier 2021

Le Coin des tendances

La finance à l’heure du quantique

Le secteur financier innove en permanence et recourant aux dernières technologies. Devant gérer un grand nombre de données, il a été l’un des premiers à utiliser massivement l’informatique. Dès 1959, Bank of America a informatisé les comptes de ses clients. Les premiers distributeurs automatiques de billets sont installés en 1967. Les premiers logiciels de gestion sont commercialisés dès 1979. Cette propension pour les technologies se manifestent également avec le trading à haute fréquence et l’utilisation d’algorithmes complexes.

La finance pourrait être également être un des secteurs pionniers pour l’utilisation des ordinateurs quantiques permettant de gérer très rapidement un plus grand nombre d’opérations. Quand un ordinateur classique manipule des bits d’information ayant deux états, 0 ou 1, un ordinateur quantique s’affranchit du rythme binaire en utilisant des qubits qui sont des généralisations des bits classiques. Ils autorisent à travailler avec une superposition simultanée des deux états, augmentant ainsi les capacités de calculs. Les grandes entreprises de l’informatique comme Google ou IBM travaillent dans ce domaine depuis les années 1980. Le Royaume-Uni s’est doté d’une stratégie nationale depuis 2013, suivi par les États-Unis, la Chine et le Canada. Pour les États-Unis, l’informatique quantique est considérée comme stratégique et bénéficie du soutien de l’État fédéral tant sur le plan militaire que civil. Les aides sont évaluées à plusieurs milliards de dollars. La Chine a mis en plan un plan d’aides de 10 milliards de dollars. En 2018, la France n’avait investi de son côté que 60 millions d’euros pour le quantique. Un triplement des sommes est attendu dans les prochaines années. Afin de développer cette technique, 1,4 milliard d’euros seraient nécessaire. La France dispose pour le moment d’une centaine de chercheurs (physiciens, mathématiciens, informaticiens) spécialisés dans l’informatique quantique. La France est en retard pour les start-ups travaillant sur l’informatique quantique. Sur les 90 répertoriés en Europe, 16 sont françaises et 20 sont anglaises. Le lancement d’un fonds dédié aux startups du quantique doté de 300 à 500 millions d’euros est à l’étude. Ce fonds pourra lever auprès d’industriels français déjà à la pointe sur le sujet, comme Atos, Thales, Total, Edf ou Airbus, et d’acteurs financiers (banques et assurances) ainsi qu’auprès de la BPI, des ressources afin de financer des start-ups et des entreprises développant des innovations quantiques. Selon une étude réalisée par Wavestone et France digitale, six fonds existent au sein de l’OCDE pour favoriser l’essor du quantique. En France, seul un fonds intervient dans ce domaine, Quantonation, créé par Charles Beigbeder, Christophe Jurczak et Olivier Tonneau en décembre 2018.

Les grandes entreprises du secteur financier sont parties prenantes aux recherches. JPMorgan Chase est en pointe sur ce dossier en espérant que ces nouveaux ordinateurs permettront une accélération du traitement des données sur les actifs financiers. L’objectif est de disposer d’algorithmes plus puissants ayant des capacités développées d’auto-apprentissage. Une étude de la banque espagnole BBVA estime que les ordinateurs quantiques pourraient améliorer la notation du crédit, les opportunités d’arbitrage au comptant et les modélisations de comportement probable des marchés financiers. La société Multiverse Computing estime que les algorithmes quantiques amélioreront les techniques de détection des fraudes en ayant des capacités de traitement cent fois plus rapides que les algorithmes actuels. La société réalise des recherches sur l’optimisation de portefeuille. Les traders de la banque, épaulés par des modèles fonctionnant sur des ordinateurs classiques, ont réussi un rendement annuel de 19 % quand le recours des algorithmes quantiques a permis des rendements jusqu’à quatre fois supérieurs. Les modèles quantiques sont également en cours d’expérimentation dans le cadre des tests de résistance à des chocs économiques et financiers.

Le problème majeur de l’informatique quantique est l’instabilité des appareils, qui ne peuvent effectuer des calculs que pendant des fractions de temps court avant que leurs états quantiques délicats ne s’effondrent. Google a réussi en 2019 à mettre au point un ordinateur de 53 qubits relativement stable pour effectuer en quelques minutes un calcul qui aurait pris plus de 10000 ans au supercalculateur le plus rapide du monde. IBM estime pouvoir construire une machine de 1 000 qubits d’ici 2023. L’objectif pour ces deux sociétés est de produire d’ici 2030 des ordinateurs quantiques d’un million de qubits. D’ici cinq ans, le secteur financier pourrait se doter des premiers calculateurs quantiques. Le Boston Consulting Group estimait au mois de juin 2020 que les banques et les assureurs américains et européens avaient embauché plus de 115 experts quantiques. Le secteur financier n’est pas le seul à faire le pari du quantique. L’aéronautique, l’aérospatiale et l’industrie pharmaceutique ayant d’importants besoins de calculs participent également à de nombreux travaux de recherche.

France, la dangereuse progression de l’isolement

L’épidémie de covid-19 a comme corollaire le développement de l’isolement pour une partie non négligeable de la population. Elle en accroît les risques et en amplifie les effets. L’isolement a de nombreuses conséquences que ce soit en matière professionnelle ou sanitaire. Le Crédoc a réalisé sur ce sujet une étude approfondie avec la Fondation de France. Pour mesurer l’isolement, les auteurs de cette étude ont retenu cinq grands réseaux de sociabilité la famille, les amis, les voisins, les collègues de travail ainsi que les personnes au sein des associations éventuellement fréquentées. Le calcul de la part des individus en situation d’isolement relationnel prend en compte les relations avec la famille en dehors des personnes qui vivent sous le même toit. Les contacts avec le voisinage concernent les échanges allant au‐delà de la pure politesse. Les rencontres avec les collègues de travail, quant à elles, impliquent des temps de sociabilité extra‐professionnelles. Sont considérées comme étant isolées les personnes qui n’ont de contacts de visu que quelques fois dans l’année ou moins avec les membres de ces cinq réseaux. Cette approche diffère de celle de l’INSEE qui place sur le même niveau les relations réelles et les relations virtuelles réalisées en ligne.

7 millions de personnes isolées en France

Selon l’étude du Credoc, sept millions de Français seraient en situation d’isolement, soit 14% des Français âgés de 15 ans et plus. En 2010, quatre millions de personnes étaient dans cette situation, soit 9 % de la population de l’époque. L’isolement concerne toutes les catégories sociales et tend à s’accroître rapidement depuis 2012. Le phénomène de l’isolement a pris corps dans les années 1950 avec l’urbanisation, la multiplication des divorces et l’augmentation de la mobilité professionnelle. À partir des années 1980, le chômage, l’essor des familles monoparentales et la pauvreté ont constitué un terreau fertile pour l’isolement. L’isolement relationnel concerne autant les hommes que les femmes. En janvier 2020, 14 % des hommes et 14 % des femmes souffrent d’un isolement relationnel. Plus les revenus sont faibles, plus le risque d’isolement est important. En janvier 2020, plus d’un tiers des isolés disposent de bas revenus quand ces derniers représentent le quart de la population française. L’appétence ou la capacité de financement pour les sorties est limitée. La pauvreté rend donc plus difficile le maintien de relations du fait des investissements qu’elles exigent (spectacles, restaurants, invitation à déjeuner ou à diner, participation à une associations, vacances). Les familles modestes ont moins de possibilités que les autres à diversifier leurs réseaux de sociabilité. Un quart des isolés résident au sein d’une commune rurale contre 22 % des Français. Les citadins sont aussi nombreux parmi les isolés que dans le reste de la population.

Les multiples facteurs de l’isolement

Le travail demeure un facteur de socialisation important même s’il est en baisse. Il n’est donc pas étonnant que 12 % des isolés soient au chômage, alors que les chômeurs représentaient seulement 7 % de l’ensemble de la population. Le chômage augmente particulièrement le risque d’isolement pour les individus ayant entre 30 et 60 ans. Par ailleurs, les personnes inactives sont également davantage exposées au risque d’isolement relationnel. Elles représentent 11 % des isolés. Les personnes en situation professionnelle précaire connaissent également un plus fort taux d’isolement. Les individus les moins diplômés sont les plus touchés par l’isolement relationnel. En janvier 2020, 7 % des isolés n’ont aucun diplôme contre 4% en moyenne.

Les isolés ne sont pas obligatoirement des personnes vivant seules. En janvier 2020, selon l’étude du Crédoc, 56 % des personnes isolées sont mariées ou pacsées. En 2020, les trois quarts des personnes isolées (77 %) habitent avec d’autres personnes (enfants, conjoint, colocataires, parents, etc.), soit une proportion identique à celle enregistrée en population générale. Moins d’un quart (23 %) des isolés sont seuls dans leur logement, et n’entretiennent donc aucun lien intra‐foyer, ce qui est proche au ratio constaté pour l’ensemble de la société (21 %).

Une diffusion de l’isolement au sein de la société française

Entre 2016 et 2020, l’isolement augmente au sein de tous les groupes sociaux, quels que soient le niveau de revenu et la catégorie socio‐professionnelle. Cependant, cette augmentation ne se fait pas de manière uniforme. L’augmentation est la plus importante parmi les catégories qui étaient jusqu’à maintenant protégés de ce type de problème – les hauts revenus, les cadres. Entre 2016 et 2020, la part d’individus disposant de hauts revenus en situation d’isolement relationnel passe de 6 à 11 %, rejoignant ainsi le taux d’isolement des classes moyennes supérieures. Si les ouvriers restent bien plus isolés que les autres (en janvier 2020, un cinquième d’entre eux sont en situation d’isolement relationnel contre 14 % de la population en moyenne), les cadres et autres professions intellectuelles supérieures apparaissent de plus en plus touchées. De 2016 à 2020, la proportion de cadres isolés passe de 6 à 14 % et les cadres deviennent ainsi la deuxième catégorie socioprofessionnelle la plus touchée par l’isolement. Plusieurs facteurs contribuent à cette évolution. Les cadres exercent de plus en plus leur travail derrière un écran d’ordinateur. Ils gèrent de moins en moins et exercent de plus en plus souvent seul leur métier quand auparavant ils animaient des équipes. Dans le passé, les déplacements professionnels se faisaient à plusieurs et étaient des sources de socialisation. Avec la métropolisation, les cadres habitent au sein de grandes métropoles ne favorisant pas les contacts après le travail. Les liens avec la famille se distendent par éloignement ou par recomposition des ménages. Internet en devenant un des premiers loisirs réduit les possibilités de sortie. Les réseaux sociaux, les vidéos en ligne aboutissent à une segmentation de la population, réduisant les possibilités de nouvelles rencontres réelles.

D’autres facteurs expliquent la montée de l’isolement. Parmi ceux-ci figure le risque d’attentats. Cette crainte est partagée pat 51 % des cadres. Le 13 novembre 2015 constituerait un point de rupture pour une partie de la population française, rupture comparable au 11 septembre 2001 pour les États-Unis. Cette crainte a été renforcée par la décapitation de Samuel Paty le 16 octobre 2020. Autre facteur indépendant du premier, les cadres, qui étaient surreprésentés dans la vie associative, ont eu tendance à s’en détourner : 37 % sont intégrés dans une vie associative, soit 12 points de moins qu’en dix ans. Les Français et plus spécialement les cadres s’impliquent de moins en moins dans les associations sportives et culturelles. Le changement des pratiques sportives explique, en partie, cette évolution. Pour la culture, la plus grande mobilité de la population et Internet participent au désengagement associatif. Les problèmes de responsabilité et d’argent ainsi que de disponibilité jouent également un rôle non négligeable. Ce désintérêt vis-à-vis des structures associatives n’est pas sans conséquence pour l’offre d’activités sportives et culturelles. Il conduit au passage de ces activités dans la sphère publique.

Les jeunes de plus en plus concernés par l’isolement

L’isolement relationnel augmente avec l’âge, mais les jeunes sont aujourd’hui autant touchés que le reste de la population. En janvier 2020, un tiers des plus de 75 ans sont en situation d’isolement relationnel. En 2010, si seulement 2 % des 18‐29 ans étaient en situation d’isolement relationnel, ce taux atteint 13 % en janvier 2020. Les jeunes sont aujourd’hui presque aussi isolés que la moyenne de la population. Depuis quelques années, les individus âgés de 50 à 59 ans sont également de plus en plus touchés, 14 % d’entre eux étaient isolés en 2016 pour 19 % en janvier 2020, soit bien au‐delà de la moyenne de la population (14 %). Cette évolution serait la conséquence des problèmes d’insertion professionnelle des jeunes. 54 % des jeunes de 18 à 25 ans sont en CDD contre 13 % pour l’ensemble de la population. Ils occupent plus que la moyenne des emplois en intérim et à temps partiel. Ils résident plus loin de leur lieu de travail que le reste de la population active. L’explication par le travail n’explique pas à elle seule la dégradation de la situation des jeunes vis-à-vis de l’isolement. La proportion de jeunes au chômage était, en effet, en baisse constante de 2016 à 2020. Les problèmes de logement, une forte utilisation des réseaux sociaux et une forte consommation de jeux vidéo ainsi que certaines addictions sont des facteurs également mis en avant. Les jeunes expriment un fort sentiment de défiance envers autrui que ce soit à l’encontre des ainés, des relations professionnelles ou des voisins. En janvier 2020, selon l’enquête Conditions de vie et Aspirations du Crédoc, à peine plus d’un tiers (33 %) des Français déclarent qu’il est possible de faire confiance aux autres, soit 13 points de moins qu’en 2012.

La famille et les amis, les premiers espaces de socialisation

En janvier 2020, les Français construisent leur vie sociale pour l’essentiel autour du cercle familial et du cercle amical. Alors qu’en 2016, le réseau de voisinage occupait la deuxième place des sociabilités, derrière les amis, il connaît un réel repli. Les réseaux associatifs ou affinitaires et professionnels sont en net retrait, et cela depuis 2010. Les liens se réduisent depuis dix ans avec tous les réseaux à l’exception de la famille. La vie de la population française se recentre de plus en plus autour de la famille mettant fin à un processus d’ouverture sur l’extérieur qui s’était amorcé dans les années 1950, en particulier chez les cadres et les indépendants.

Part de la population ayant des contacts réguliers avec leurs réseaux

(Fréquence des contacts « une ou plusieurs fois par semaine » et « plusieurs fois par mois »)

En janvier 2020, près d’un quart des Français âgés de 15 ans et plus déclarent rencontrer physiquement leurs amis une ou plusieurs fois par semaine, et 35% plusieurs fois par mois. Près de 60% des individus entretiennent donc des relations qu’on pourrait qualifier de régulières » (rencontres physiques une ou plusieurs fois par semaine ou plusieurs fois par mois) avec leur cercle amical.

Les chômeurs entretiennent moins de relations amicales que la moyenne. Un quart d’entre eux ne voient jamais leurs amis – ou moins de quelques fois dans l’année, contre 15 % pour l’ensemble de la population. Les ouvriers et les employés sont également moins nombreux à entretenir des relations amicales régulières.

La fréquence des contacts amicaux semble étroitement liée à l’âge. Les jeunes sont ceux qui entretiennent le plus une sociabilité amicale. En 2016, 34 % des 15‐29 ans voyaient leurs amis une ou plusieurs fois par semaine, une proportion montant à 36% pour 2020. En janvier 2020, les 40‐49 ans (16 %) et les 50‐59 ans (17 %), qui sont les classes d’âge les moins « dotées » en sociabilité amicale. Ce phénomène n’était observable en 2016 qu’auprès des quinquagénaires (17 %), les quadragénaires entretenant alors une sociabilité amicale plus proche de celles des autres tranches d’âge, hors jeunesse (22 %).

En dix ans, le réseau familial est le seul qui progresse. Au début de l’année 2020, plus des trois quarts des individus (77 %) placent la famille au cœur de leur priorité. Le réseau familial est le seul des cinq réseaux étudiés au sein duquel la fréquence des contacts a augmenté en dix ans. En quatre ans, la fréquence des contacts avec les membres de la famille extérieurs au foyer a augmenté de 7 points ; 55 % des Français de 15 ans et plus voient régulièrement leur famille hors foyer contre 47 % en 2016.

« À quelle fréquence voyez-vous des membres de votre famille

qui ne vivent pas avec vous ? »

Le repli autour du cercle familial est la conséquence de la diminution des autres réseaux de socialisation entraînant l’émergence progressive de la famille comme cercle privilégié. Les hauts revenus sont moins famille que les autres catégories. Seuls 35 % d’entre eux  ne voient leur famille que quelques fois dans l’année contre 24 % des bas revenus. Cette situation s’explique par la plus grande diversité des réseaux chez les plus riches. 

Un quart des Français côtoient régulièrement leurs voisins

Au début de l’année 2020, un quart des Français de 15 ans et plus ont des contacts au moins une fois par semaine avec leurs voisins, au‐delà de l’échange de pure politesse. Cette proportion est en baisse depuis dix ans. Le réseau de voisinage prend de l’importance avec l’âge. Ainsi, si les plus jeunes échangent très peu avec leurs voisins, 39 % des retraités et près de la moitié (47 %) des 75 ans et plus ont des relations régulières avec leurs voisins. Les retraités disposent de plus de temps pour nouer des relations avec le proche voisinage que les actifs qui sont absents de leur domicile durant la journée. Par ailleurs, ils compensent la disparition du réseau professionnel. Les seniors déménageant moins que les actifs, ils ont également plus de facilité à établir des contacts. Ils sont demandeurs d’aides ce qui les amène à côtoyer des personnes se situant à proximité.

Le réseau professionnel moins crucial qu’auparavant dans la socialisation

En janvier 2020, près d’un tiers des actifs en emploi voient régulièrement leurs collègues en dehors du travail. 17 % des actifs occupés déclarent ne jamais être en contact avec leurs collègues en dehors des obligations professionnelles, et 5 % n’ont pas de collègues de travail. Au total, près d’un quart des actifs occupés ne bénéficient donc pas de ce réseau de sociabilité de nature professionnelle. L’informatisation des activités, le développement du statut de micro-entrepreneur, la réduction du temps sont autant de facteurs conduisant à un isolement professionnel. Les moments de festivité au sein des entreprises tendent à se raréfier ce qui réduit les possibilités de contacts.

Entre les différentes catégories socio-professionnelles, des écarts existent. Près d’un cinquième des cadres entretiennent des relations avec leurs collègues plusieurs fois par semaine contre 6 % seulement des ouvriers. Les cadres déjeunent ou dînent avec leurs collègues plus régulièrement que les membres des autres catégories mais ce phénomène est en régression. Les pauses déjeuner se raccourcissent avec un recours important aux plats à emporter. Les jeunes actifs, amenés à changer fréquemment d’emploi ou à être en CDD ou en intérim, sont les plus concernés par l’isolement professionnel. Les rapports hiérarchiques sont plus distants et plus codifiés rendant plus difficile la constitution de relations professionnelles.

Le réseau associatif perd du terrain début 2020

L’engagement associatif et affinitaire, relativement stable au début de la décennie, est en baisse depuis quatre années et perd 8 points entre 2016 et 2020. Si en 2012, selon le Crédoc, 80 % des Français déclaraient avoir confiance dans les associations, ils sont seulement 67 % au début de l’année 2020. L’adhésion aux associations est en baisse chez les seniors. Elle serait en légère hausse chez les jeunes de moins de 25 ans qui s’engagent en particulier dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Un cinquième des Français se sentir seuls

En janvier 2020, 19 % des Français âgés de 15 ans et plus déclarent se sentir seuls « tous les jours ou presque » ou « souvent ». 29 % des Français se sentent seuls de temps en temps et 30 % rarement. Une femme sur quatre déclare se sentir « tous les jours » ou « souvent » seule, contre 16 % des hommes. Plus d’un tiers des femmes déclarent par ailleurs se sentir « souvent » ou de « temps en temps » abandonnées, exclues, inutiles, contre 20 % des hommes en moyenne.

Le confinement un catalyseur d’isolement

Les deux confinements successifs, surtout celui du printemps, ont provoqué la raréfaction des relations entre les Français. Ils ont contraint une grande partie de la population à rester dans leur logement durant de nombreuses semaines. Des contacts se sont noués avec les voisins quand ils se sont espacés avec la famille ou les collègues de travail. Seuls 59 % des isolés déclarent avoir pris plaisir à rester dans leur logement, contre 71 % des non isolés. En revanche, habitués à une vie avec peu de contacts, les isolés ont mieux supporté la situation. 30 % d’entre eux estiment que le confinement a été très pénible, contre 36 % des non isolés. Leur résilience provient de leur plus forte habitude à l’isolement. La distanciation sociale imposée pendant le confinement a moins constitué une rupture dans les habitudes de vie des isolés.

Les confinements ont donné lieu à des élans de solidarité. Un septième des Français déclarent avoir été aidés par leurs voisins. Malgré tout, les personnes qui étaient initialement isolées ont moins aidé que les autres. Par ailleurs, elles ont eu moins recours à la technologie afin de maintenir des liens sociaux. Au cours du premier confinement, un Français sur deux (48 %) a testé pour la première fois de nouvelles formes de sociabilité en ligne, groupes WhatsApp, club de lecture, club de visionnage de film, apéro ou fête en ligne, réunions en ligne. Pour les personnes isolées, ce taux n’est que de 25 %. Seuls 5 % d’entre eux ont utilisé ces outils « presque tous les jours » pendant le confinement, contre 15 % de l’ensemble des concitoyens.

Le chômage partiel, la réduction du nombre d’heures de travail, la baisse de revenus, la peur de l’autre comme potentiel porteur de la maladie, sont autant de vecteurs d’isolement. La lutte contre ce dernier est devenue un objectif de santé publique. Pour lutter contre l’épidémie, les pouvoirs publics ont demandé à la population de s’isoler, phénomène sans précédent depuis un siècle. Les personnes âgées ont été les plus affectées compte tenu des risques qu’elles encourent. Les effets psychologiques de cet isolement contraint sont jugés importants. Ils ne seront réellement perçus et analysés que d’ici plusieurs mois. Le Professeur Jean-Étienne Dominique Esquirol, père de la psychiatrie en France, soulignait que les évènements de l’histoire favorisaient les démences et les coups de folie. La période révolutionnaire fut ainsi propice à de nombreux délires psychiatriques.