Le Coin des tendances
Quand l’énergie réchauffe la planète
L’accumulation de signaux traduisant un réchauffement de l’atmosphère semble actuellement donner tort aux climato-sceptiques. Ce n’est pas parce que le mois de février qui vient de s’achever ressemble à un mois de mai en France qu’il faut tirer des conclusions hâtives, mais il faut bien reconnaître que, depuis 2005, la planète a connu les six années les plus chaudes de son histoire contemporaine. Si l’histoire de la planète est rythmée par des cycles climatiques, certains étant de grande ampleur et d’autres de nature plus limitée, il apparaît de plus en plus évident que la terre subit un réchauffement depuis le début du XXe siècle. Pour le prix Nobel de chimie, Paul Crutzen, le dérèglement en cours aurait commencé dès 1784 avec l’invention de la machine à vapeur et l’industrialisation. Le problème serait avant tout lié à la consommation exponentielle d’énergie.
Le réchauffement que nous connaissons actuellement a mis un terme à la période de refroidissement appelé « Petit Âge Glaciaire » qui s’est étendu du XIVe siècle au XIXe siècle. Ce dernier aurait été provoqué par l’explosion d’un volcan dont les particules auraient filtré la lumière du soleil entraînant une chute des températures (deux volcans sont incriminés, le Tambora et le Samalas en Indonésie). Par ailleurs, ce « Petit Âge Glaciaire » aurait été favorisé par une moindre activité solaire. Des scientifiques mettent également en cause l’évolution du cycle d’orbites de la terre par rapport au soleil. Ce cycle a succédé à une période d’optimum climatique durant le Moyen Âge, période qui contrairement à certaines légendes, n’avait pas permis de verdir le Groenland. En effet, cette terre occupée autour de l’an 1000 par les Vikings n’a été couverte de forêts au mieux que vers 450 000 ans avant Jésus Christ. Son appellation de « pays vert » est avant tout une opération de communication visant à attirer des colons à la recherche de nouveaux espaces. Durant la petite période glaciaire, l’extension des glaces empêchant les Vikings de pêcher et d’élever du bétail, conduise à la fin de leur colonie vers l’an 1400. Le refroidissement a eu en Europe toute une série de conséquences avec notamment la multiplication des famines et des troubles sociaux et politiques comme la Fronde en France.
Le réchauffement climatique en cours est avant tout occasionné par la production d’énergie nécessaire pour la confection de biens industriels, pour chauffer les habitations, pour se déplacer. Les principales sources d’émissions des gaz à effet de serre sont le secteur énergétique (26 %), l’industrie (19 %), l’agriculture (14 %) et les transports (13 %).
La bataille de l’énergie fait rage depuis plus de 250 ans et longtemps sans prise de conscience des effets sur notre environnement. L’évolution de l’économie mondiale et des rapports de force géopolitique est, en effet, intimement associée à celle des énergies. La possession de ressources énergétiques et leur valorisation sont à la base de la croissance. Le Royaume-Uni avec le charbon, les États-Unis avec le pétrole, ont prouvé que pour être une première puissance, il faut maîtriser la force énergétique. Durant tout le XXe siècle, le contrôle des approvisionnements a rythmé la vie internationale. La question de l’accès au charbon et au pétrole sous-tendait le premier conflit mondial comme le second. Les accords entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis en 1945 ont, durant près de trente ans, fixé le cadre de l’énergie pétrolière. Aujourd’hui, la Chine en tant que deuxième consommateur mondial a décidé de devenir un acteur majeur de ce marché afin de garantir ses approvisionnements et son indépendance.
Les autorités des différents pays considèrent que la question de la sécurisation des approvisionnements énergétiques demeurera un sujet majeur dans les vingt prochaines années.
Depuis 1973, la consommation d’énergie a été multipliée par trois au niveau mondial. De plus en plus, la production et la consommation énergétique sont réalisées par les pays émergents à l’origine de plus de 50 % du PIB et dont la population atteint 4 milliards de personnes, contre 1,3 milliard pour les pays dits avancés. De ce fait, ces derniers voient leur part diminuer au sein de la consommation énergétique mondiale. Ainsi, le poids des États-Unis en cinquante ans est passé de 30 à 18 % dans la consommation mondiale d’énergie. La Chine représente désormais 23 % de la consommation d’énergie.
Le passage d’une énergie à une autre, bois, charbon, pétrole, nucléaire, s’est effectué au nom de l’efficience. La recherche du meilleur rendement énergétique a été au cœur de l’évolution de la production énergétique. Une énergie se doit d’être facile à produire, à transporter, et avoir un fort rendement. La question environnementale s’est en premier lieu centrée sur les conséquences de certains accidents provoqués par l’usage des énergies (marées noires, coups de grisou, maladie des mineurs, incident nucléaire comme à Three Miles Island aux États-Unis en 1979).
Les premières prises de conscience des dangers sur l’environnement de la croissance interviennent au début des années 70 avec les travaux du Club de Rome (rapport halte à la croissance -1972). Après la création par l’ONU du Programme des Nations unies pour le développement est créée la Commission Brundtland (1983 – 1987) qui mettra en avant le concept de développement durable. C’est en 1988 qu’est installé le Groupe d’experts intergouvernemental sur le l’évolution du climat (GIEC). Son dernier rapport de 2018 souligne de manière alarmiste que l’objectif de contenir la hausse de la température à 1,5 degré d’ici la fin du siècle sera très difficile à atteindre. La hausse pourrait si les États maintenaient leur politique actuelle s’élever de 5,5 degrés par rapport à l’âge préindustriel.
L’essor de la Chine et le décollage de l’Afrique devraient aboutir à une augmentation de plus de 50 % de la demande pétrolière d’ici le milieu du siècle. Les besoins énergétiques en Afrique sont difficilement évaluables. Le doublement de la population, sa concentration au sein de grandes villes devraient amener à une progression de la consommation d’énergie pour la construction d’immeubles, pour le transport ou la climatisation. Pour certains experts, le sous-équipement du continent africain permettra de passer plus facilement à un modèle de production d’énergie renouvelable que sur les autres continents où il faudra gérer les anciennes installations. Pour le moment, cette thèse est contredite par la réalité. En effet, il est moins coûteux et plus rapide de construire des centrales au charbon ou au fioul que de développer des énergies renouvelables. En Europe, les États peinent pour respecter leurs engagements. En France, si l’abandon des centrales au charbon a été décidé, en revanche, la reconversion des centrales au fioul en centrales au gaz naturel est délicate comme le prouve le dossier de la centrale du Vazzio à Ajaccio. Le dossier est ouvert depuis une dizaine d’années sans qu’une réponse ne soit réellement apportée.
Au niveau mondial, le charbon et ses composés représentent 30 % des énergies consommées. Ce taux est resté identique sur cinquante ans. Le poids du pétrole a baissé passant de 46 à 32 %. La part du gaz naturel est passée de 18 à 24 %. L’énergie électrique primaire représente 14 % du mix global contre 6 % en 1970, la part du nucléaire passant de 0,4 à 4 %. Les énergies renouvelables atteignent, en 2015, 2,5 % du total.
La bataille de l’énergie des trente prochaines années sera à la fois environnementale et géopolitique. En effet, 50 % des réserves de pétrole se concentrent au Moyen Orient. Ce ratio passe à 80 % en ajoutant le Canada, la Russie et le Venezuela, vers qui tous les regards sont actuellement tournés. Pour le gaz, quatre États possèdent 60% des réserves, l’Iran, la Russie, le Turkménistan et le Qatar. A l’exception des États-Unis, les grandes puissances économiques sont, à court terme, dépendantes de leur approvisionnement. C’est évidemment le cas de l’Europe, du Japon et de la Chine.
Ces dernières années, le marché du pétrole a connu une profonde mutation avec une montée en puissance de la Russie qui exporte 70 % de sa production contre 3 % en 1950, le recul de l’Arabie Saoudite qui est le producteur régulateur des prix, et le retour à l’autosuffisance des États-Unis (autonomie pétrolière à plus de 70 % contre 39 % en 2000).
Avec le recul de la production britannique, l’Europe est de plus en plus dépendante des importations de pétrole. Les pays les plus vulnérables en la matière sont l’Allemagne et l’Italie. Le premier, en abandonnant le nucléaire, recourt massivement au charbon pour produire son énergie électrique. La France dispose en la matière d’une spécificité en ayant un parc de centrales nucléaires qui lui fournit 70 % de son électricité. Pour le gaz, l’Europe est contrainte de s’entendre avec la Russie qui lui assure 43 % de sa consommation, la Norvège, 33 % ainsi qu’avec l’Algérie et le Qatar.
Le poids du charbon dans la production énergétique chinoise est de 55 %. En 2030, ce pays pourrait absorber 50 % du pétrole mondiale, ce qui lui conférera un rôle très particulier et sans précédent sur le marché pétrolier. Sa politique est dictée par la sécurisation des routes énergétiques et par le développement d’énergies renouvelables. Par ailleurs, la Chine a décidé la construction de nombreuses centrales nucléaires pour faire face à la demande d’électricité croissante. À ce titre, les autorités ont inauguré avant la France, le Royaume-Uni ou la Finlande, la première centrale EPR du monde.
La question de la production énergétique souligne l’interdépendance des États. L’ampleur du défi que pose le dérèglement climatique est encore mal appréciée et donne lieu à une hostilité croissante au sein des opinions publiques qui constatent les coûts et non les avantages à décarboner la croissance. Or, faute d’action concertée, la formule de l’écrivain Jared Diamond pourrait se révéler exacte « les sociétés sont à ce point interconnectés que le risque auquel nous sommes confrontés est celui d’un déclin mondial. »
En effet, la transition énergétique et la décarbonisation nécessaires supposent des accords globaux pour éviter des passagers clandestins parmi les États. Certains pourraient être tentés de faire supporter par d’autres le coût de la transition en continuant à utiliser des énergies polluantes qui deviendraient de moins en moins chères.
Le vieillissement de la population enterra-t-il l’État providence ?
Par son ampleur, par son caractère inédit, le vieillissement de la population pose de nombreux défis aux économies occidentales. La France avait durant l’Entre-deux guerres-mondiales entraperçues la question et cela ne tourna pas à son avantage. De 1911 à 1940, la population française est passée de 41,4 à 40,7 millions. Sur cette même période, le nombre de naissances s’est contracté de 200 000. Mais, le phénomène en cours est d’une autre nature. Il est lié à la progression de l’espérance de vie après 60 ans, plus de 12 ans depuis 1947 (France – Insee), et à l’arrivée à l’âge de la retraite des classes du baby-boom. Ainsi, le nombre de retraités est passé de 5 millions en 1972 à 16 millions en 2018. Il atteindra 25 millions en 2060. Le vieillissement se traduit par une augmentation de l’âge médian de la population, âge qui divise en deux la population d’un pays. En France, il est passé de 34 à près de 41 ans entre 1991 et 2019.
Dans tous les pays occidentaux, le poids de la population d’âge actif recule au sein de l’ensemble de la population. Il est ainsi passé de 62 à 53 % de 1998 à 2018 au Japon, de 59 à 53,5 % en France, de 62 à 55 % en Allemagne et de 59 à 56 % aux États-Unis (sources ONU).
Le vieillissement de la population pèse sur le niveau de production et déforme la structure des emplois en faveur de ceux liés aux activités domestiques (services aux personnes âgées, santé, etc.). Or, cette évolution des emplois génère de moindres gains de productivité et donc moins de croissance. Le vieillissement se traduit par une moindre diffusion du progrès technique, ce qui nuit également à la productivité. Sur ces 250 dernières années, les pics de croissance dans les pays interviennent quand la proportion des 25/45 ans est au plus haut. Ce fut le cas en Europe dans les années 60/80, au Japon dans les années 80 ou aux États-Unis jusque dans les années 90. La Chine a atteint son optimum dans les années 2000.
Pour éviter le recul du niveau de vie par habitant, le vieillissement démographique doit être compensé soit par l’amélioration du taux d’emploi, soit par la hausse de la productivité, soit par l’immigration. Tous les pays de l’OCDE mettent en œuvre des politiques visant à accroître l’emploi parmi les 50/65 ans. En France, le taux d’activité de cette catégorie de population a gagné plus de 10 points de 1990 à 2017, passant de 57 à 68 %.
Au sein des pays de l’OCDE, ces dernières années, trois pays ont eu recours à l’immigration pour renforcer leur population active : les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Mais, dans ces pays comme dans la grande majorité des autres membres de l’OCDE, les opinions publiques sont de plus en plus opposées à l’arrivée de nouveaux migrants. Malgré tout, les soldes migratoires sont au sein des principales économies en hausse sur vingt ans à l’exception de la France. Un pic migratoire a été atteint entre 2014 et 2016, avec depuis un recul généralisé.
Les taux d’emploi ont atteint des niveaux records au Japon, aux États-Unis, en Royaume-Uni et en Allemagne. Même si le taux français est de 10 points inférieurs à celui de l’Allemagne (75 % contre 85 % -source Datastream), il est à son plus haut sur plus de vingt ans. Les marges de manœuvre sont faibles en la matière surtout pour les pays en situation de plein emploi comme l’Allemagne. Il est encore possible de gagner quelques points au niveau du travail des seniors et de l’emploi féminin.
La productivité par tête a connu, en vingt ans, une forte hausse aux États-Unis, et d’une manière moindre en Allemagne ainsi qu’en France. En revanche, elle est atone au Royaume-Uni, au Japon et elle est en baisse en Italie. Malgré tout, les gains de productivité tendent à faiblir avec la tertiarisation de l’économie et le développement des emplois à faible valeur ajoutée.
Le financement de la retraite à la croisée des chemins
Le financement des retraites suppose un changement de modèle
économique avec, à la clef, soit plus d’immigration, soit un report de l’âge
effectif de départ à la retraite, soit une intensification du progrès
technique. La solution passe également par une modification des rapports
intergénérationnels. Si les systèmes mis en place ces dernières décennies faisaient
la part belle à la répartition jugée plus efficiente, l’usage et la raison
économique pourraient amener à une montée en puissance des plans de retraite
par capitalisation, plus individualisables et plus en phase avec l’évolution
des comportements et de l’économie. Les frontières entre assistance et
assurance s’effritent, les systèmes de protection sociale devant tout à la fois
beveridgien et bismarckien Quand, en France, le Gouvernement entend diminuer le
plafond des indemnités chômage pour les cadres, il découple le niveau des
cotisations du montant des allocations. Les cotisations deviennent des impôts
et financent une aide sociale, ce qui est logique étant donné que le système a
été étatisé et qu’il est financé par la CSG.