1 septembre 2023

Le coin des tendances – absentéisme école – Chine – disruption

Quand les élèves désertent les salles de classe !

Depuis la crise sanitaire, les pays occidentaux sont confrontés à un absentéisme plus élevé qu’auparavant de la part non seulement des salariés mais aussi des élèves des établissements secondaires. En France, cet absentéisme a été de 5,5 % pour l’année 2021/2022. Les élèves du second degré public ont perdu en 2021-2022, dans un contexte encore marqué par la crise sanitaire, 8,5 % de temps d’enseignement. Cet absentéisme concerne plus souvent les élèves dans les lycées professionnels (12,9 %) que dans les collèges (4,2 %) et les lycées d’enseignement général et technologique (5,9 %). L’absentéisme a diminué dans les lycées professionnels par rapport aux années précédentes. Pour l’année 2022/2023, le taux d’absentéisme a été supérieur notamment en raison d’un nombre important d’élèves de Terminal qui ont déserté les classes à partir du mois d’avril. Ces absences ont notamment justifié le report des épreuves du baccalauréat du mois de mars au mois de juin pour l’année 2023/2024.Par ailleurs la France  détient un nombre élevé de jeunes de moins de 25 ans qui ne sont ni à l’école, ni en emploi. 16 % soit bien plus que chez nos partenaires européens.

La France n’est pas la seule concernée par ce problème Aux États-Unis, la situation serait bien plus préoccupante qu’en France. Une étude de l’Université de Stanford, réalisée par Thomas Dee, professeur d’éducation souligne qu’au cours de l’année scolaire 2021-22, 28 % des écoliers ont manqué au moins trois semaines et demie d’école. Cette absence d’au moins trois semaines est qualifiée de chronique. En France, il n’y a pas d’étude mesurant avec précision l’absentéisme chronique.

Aux États-Unis, le taux d’absentéisme a presque doublé entre 2018-19 et 2021-22. Il a augmenté dans les 40 États étudiés. En Alaska, l’État où le taux d’absentéisme chronique est le plus élevé, près de la moitié des élèves sont concernés. L’épidémie explique en partie cet absentéisme au cours de l’année 2021/2022 mais avec son recul en 2022/2023, celui-ci aurait dû diminuer fortement, or tel n’est pas le cas. Dans le Connecticut, l’un des deux États à avoir déjà publié des données pour l’année scolaire 2022-23, la proportion d’enfants absents n’a diminué que de trois points de pourcentage par rapport à l’année précédente, pour atteindre 21 %. En 2018-2019, le taux n’était que de 10 %. Une tendance similaire est constatée dans le Massachusetts. Au Royaume-Uni et en Australie, le constat est le même, les élèves rechignent de retourner en cours.

Parmi les motifs d’absentéisme figurent, la santé, le manque de transports, l’absence d’argent, les conditions climatiques. Au-delà de ces facteurs traditionnels, de plus en plus d’élèves et de parents estiment que les cours à l’école sont inutiles. Avec l’épidémie, les élèves ont pris l’habitude d’apprendre en ligne. La télé-école est le pendant du télétravail. En vertu de quoi, les enfants ne prendraient pas modèle sur leurs parents qui restent à la maison travailler deux à trois jours par semaine. Le télétravail induit également des changements de comportements de la part des parents. Ils partent plus facilement en week-end à partir du vendredi et à revenir le lundi amenant les enfants à déserter les écoles. Aux États-Unis, les établissements sont de plus en plus nombreux à ne pas placer les cours importants durant ces deux jours. Autre modification notoire, les parents hésitent de moins en moins à laisser leurs enfants à la maison en cas de doute sur l’état de santé. Ils y ont été incités durant l’épidémie et depuis ils appliquent ce principe de précaution.

Aux États-Unis, depuis la pandémie, les inscriptions dans les écoles privées a tendance à augmenter, +4 % depuis 2019 quand celles dans les écoles publiques baissent,-2,5 %. Par ailleurs, de plus en plus de parents décident de pratiquer l’enseignement à domicile, +30 % en trois ans.

L’absentéisme scolaire est un fléau. Un enfant qui manque un nombre élevé d’heures a une probabilité importante de ne pas réussir aux examens. Les élèves les plus jeunes qui désertent les salles de classe sont les plus exposés à des échecs ultérieurs. Une étude publiée par l’Institute of Labor Economics, un groupe de réflexion allemand, a révélé que manquer dix cours de mathématiques durant une année scolaire réduisait de 8 % les chances d’un lycéen d’obtenir son diplôme. Les écoles connectent également les élèves à des services importants.

Face à l’absentéisme, les autorités américaines ne manquent pas de rappeler les parents à leurs devoirs. L’absence d’un élève sans raison valable est illégale dans de nombreux États. Les parents peuvent être condamnés à verser des amendes, voire à de la prison. Le 15 août 2023, la Cour suprême de l’État du Missouri a confirmé une loi qui autorise l’application de peines de prison pour les parents n’ayant pas obligé leurs enfants d’aller à l’école. Les autorités éprouvent néanmoins des difficultés à recourir à de telles extrémités faute de moyens d’enquête mais aussi pour des raisons sociales. L’absentéisme chronique est fortement corrélé aux revenus. L’adoption de sanctions pénaliserait des familles pauvres. À Washington, les trois cinquièmes des élèves éligibles à l’aide gouvernementale faisaient partis des absentéistes chroniques.

Aux États-Unis, les établissements d’enseignement multiplient les initiatives pour inciter les élèves à revenir en classe. À Baltimore, les écoliers peuvent bénéficier de repas gratuits ou se faire équiper de lunettes pendant toute leur scolarité. Les parents peuvent être mis en relation avec les services sociaux. Au Nouveau Mexique, les établissements scolaires aident les familles à gérer les rendez-vous médicaux afin que les élèves ne manquent pas des cours. En raison du manque de médecins, les rendez-vous sont souvent pris pendant les horaires scolaires et obligent bien souvent à des déplacements nécessitant une journée. Les responsables administratifs des établissements hésitent de plus en plus à adopter des sanctions disciplinaires d’exclusion temporaire des élèves. Ces dernières conduisaient les élèves turbulents à prendre le chemin de la rue et à ne pas revenir à l’école. Désormais, les sanctions visent au contraire, à maintenir dans l’école, ces élèves. Le recours à des travaux d’utilité collective est préconisé. À Chicago, des établissements ont institué des récompenses pour les élèves ayant le plus faible taux d’absence. Dans certains États, l’accès aux activités sportives est conditionné à la présence en classe. Au Nouveau-Mexique le montant des subventions aux écoles est fonction du taux de fréquentation. Les enseignants sont invités à se rendre dans les familles des élèves absents pour les inciter à revenir en classe.

Les autorités doivent faire face à la concurrence de l’école de la rue dominée par les réseaux de trafiquants qui emploient des mineurs pour la surveillance des points de vente voire pour distribuer la drogue. Les jeunes gagnent bien souvent plus d’argent que leurs parents et jouissent d’une aura dans leur quartier que l’école ne leur fournit pas. Le démantèlement des réseaux est difficile en raison de leur intégration au sein des quartiers défavorisés. Les éducateurs sociaux peinent à faire revenir les enfants qui les intègrent.

Les pays occidentaux sont confrontés depuis quelques années à une baisse du niveau scolaire qui est, en partie, liée à une démotivation des élèves, à la faiblesse des parents et à l’incapacité des pouvoirs publics de faire respecter l’obligation scolaire. L’école doit faire face à de multiples concurrences, les réseaux virtuels et réels.

La crise chinoise peut-elle couler l’économie mondiale ?

Avec la fin de la politique zéro covid, la croissance de la Chine était attendue en hausse. Après avoir été la grande gagnante de l’année 2020 en fournissant des maques et du matériel de santé à l’ensemble de la planète mis à l’arrêt, la Chine s’est enfoncée dans une réelle léthargie de laquelle elle ne s’est extraite que pour un éphémère rebond. Les difficultés de l’économie chinoise ne sont pas sans incidences pour les autres pays compte tenu de son poids. Deuxième puissance économique mondiale derrière les États-Unis, la Chine est la première puissance industrielle et commerciale mondiale.

Un ralentissement de la croissance en Chine pèse sur le cours des matières premières et de ceux de l’énergie. Le pays consomme près d’un cinquième du pétrole mondial, la moitié du cuivre raffiné, du nickel et du zinc ainsi que les trois cinquièmes du minerai de fer. Toute inflexion de la consommation se fait immédiatement ressentir sur les prix. Des pays comme la Zambie voire l’Australie dépendent des importations en matières premières de la Chine. Cette dernière serait à l’origine de 20 % du PIB de la Zambie qui est un important producteur de cuivre. Les résultats des mines australiennes sont au plus bas en raison de la faiblesse des commandes chinoises.

Les pays industrialisés sont également affectés par la faible croissance chinoise. L’Allemagne est le plus le plus exposé. La Chine était devenue au fil des années son premier client. Elle y vendait notamment des voitures de luxe, des machines outil, des produits chimiques et des médicaments. L’Allemagne n’est pas la seule être concernée. En 2021, les deux cents plus grandes multinationales américaines, européennes et japonaises ont réalisé 13 % de leur chiffre d’affaires en Chine, soit l’équivalent de plus de 700 milliards de dollars. Tesla réalise un cinquième de ses ventes en Chine ; Qualcomm, un fabricant de microprocesseurs plus des deux tiers. Malgré tout, il ne convient pas de surestimer le poids de la Chine. Les Occidentaux effectuent une grande partie de leurs échanges entre eux et en particulier celui qui concerne des biens à forte valeur ajoutée. Les ventes en Chine ne représentent que 4 à 8 % de l’activité de l’ensemble des sociétés cotées aux États-Unis, en Europe et au Japon. Les exportations des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et de l’Espagne représentent 1 à 2 % de leur production respective. Pour l’Allemagne, ce taux atteint 4 %. Un effondrement de la Chine ne favorisera pas la croissance de l’Allemagne mais ne la plongera pas immédiatement dans la récession. Les États-Unis, par la force de leur marché intérieur, par le rôle de leurs multinationales, par leur intégration économique et financière jouent un rôle sans comparaison avec la Chine en matière de croissance. Or, l’activité des États-Unis demeure en progression malgré la hausse des taux directeurs. Les consommateurs américains ne réduisent pas leurs achats.

Pour certains, le ralentissement de l’économie chinoise en diminuant la tension sur les prix des matières premières et de l’énergie est une bonne nouvelle. La baisse de la demande en énergie et matières premières favorisera la décrue de l’inflation. Pour d’autres, il y a, en revanche, un véritable risque d’emballement avec un possible krach immobilier qui pourrait avoir un effet domino sur les places financières tout autour de la planète. Une étude publiée par la Banque d’Angleterre en 2018 a révélé qu’un atterrissage brutal en Chine provoquant son entrée en récession entraînerait une baisse des du prix des actifs mondiaux et une hausse des devises des pays occidentaux, les investisseurs privilégiant les pays les plus sûrs comme les États-Unis. Une baisse du PIB de 1 à 2 % pourrait alors survenir au Royaume-Uni qui du fait de HSBC est plus exposé que les autres pays de l’OCDE aux risques financiers en provenance de l’Asie.

La Chine confrontée à une crise économique majeure pourrait réduire ses investissements à l’étranger. Or, ce pays est devenu le plus grand créancier bilatéral du monde en 2017. La Chine, avec les nouvelles routes de la soie, a investi en Afrique et en Asie afin de conforter ses approvisionnements ainsi qu’en Europe (Roumanie, Hongrie, Grèce) pour sécuriser ses routes d’exportation. Depuis le covid, les flux sont moins importants. Les négociateurs chinois se montent plus exigeants en termes de retour sur investissement.

La Chine a longtemps bénéficié de la mansuétude des pays occidentaux pour développer son industrie et ses échanges. L’arrivée de Donald Trump a marqué une rupture. La multiplication des sanctions commerciales pèse sur les échanges et sur l’activité. La Chine semble en avoir fini avec le processus d’émergence qui l’a fait passer de puissance subalterne à puissance de premier rang. Les autorités chinoises qui puisent leur légitimité dans le maintien d’une forte croissance ont échoué pour le moment dans le développement d’une demande intérieure qui devait prendre le relais des exportations. Les autorités chinoises découvrent que les derniers mètres pour devenir le numéro 1 sont les plus longs.

De réelles difficultés intérieures modifieraient également la façon dont le monde perçoit la Chine. Une croissance rapide, associée à des prêts étrangers généreux, a renforcé la réputation du pays. Selon une enquête récente réalisée par l’institut d’enquête Pew dans deux douzaines de pays, les habitants des régions riches ont une vision généralement défavorable de la Chine. La situation était différente dans une grande partie du monde émergent : les Mexicains, les Kenyans, les Nigérians et les Sud-Africains voyaient tous la Chine sous un jour plus favorable et accueillaient favorablement les investissements chinois. La question est de savoir si cela sera encore vrai dans un an.

La disruption n’est pas automatique

Depuis l’affirmation du numérique dans les années 1990, toute innovation est qualifiée de disruptive. L’apparition de ChatGPT a ainsi donné lieu à un florilège de prévisions soulignant qu’un nouveau monde commençait. L’intelligence artificielle a ainsi vocation à transformer en profondeur l’économie, à détruire des millions d’emplois et de modifier de fond en comble la vie des terriens. Bill Gates a déclaré sur ce sujet que l’intelligence artificielle « générative » est aussi révolutionnaire qu’Internet et le microprocesseur. Des médias à l’éducation, en passant par le droit et les soins de santé, de vastes domaines de l’activité humaine devraient être bouleversés. La crainte de manquer le train de l’intelligence artificielle pousse de nombreux acteurs à investir dans ce secteur. Les opérateurs traditionnels craignent de devenir les Kodak de demain. Cette entreprise leader dans la photographie argentique a péri faute d’avoir pris au sérieux l’avènement du numérique.

La situation en 2023 diffère de celle des années 1990. Premièrement, toutes les grandes entreprises connaissent le cas Kodak et le risque de rupture technologique. Deuxièmement, l’intelligence artificielle est certainement moins disruptive que prétendue. Elle n’est pas apparue d’un coup. Elle est déjà présente depuis des années et intégrée dans de nombreux processus automatisés. Troisièmement, les entreprises du secteur de la haute technologie sont à la manœuvre pour ne pas être débordées par les start-ups. L’intelligence artificielle pourrait même renforcer les acteurs traditionnels de ce secteur. Openai, le créateur de ChatGPT, est financé par Microsoft. Ce dernier a été inséré dans le logiciel Office afin de permettre aux utilisateurs d’automatiser des tâches telles que la rédaction d’e-mails et la synthèse de documents. Compte tenu de la puissance de Microsoft sur le terrain des logiciels professionnels, l’arrivée de nouveaux entrants sur ce marché est faible. Par ailleurs, l’intelligence artificielle ne bouscule pas les hiérarchies. Ainsi, le moteur de recherche de Microsoft, « Bing », qui est couplé à ChatGPT n’a pas gagné de parts de marché depuis le début de l’année par rapport à Google qui reste de loin le numéro un du secteur.

L’intelligence artificielle aurait même tendance à conforter les GAFAM. Elle suppose, en effet, la collecte d’un nombre important de données, ce qui donne un avantage indéniable aux leaders du marché, comme Microsoft, Alphabet, Apple, Meta ou Amazon. Les assureurs, les banquiers, les grandes entreprises de santé ou les grands cabinets de conseils aux entreprises devraient également devenir des acteurs de premier ordre de l’intelligence artificielle grâce aux données qu’ils produisent ou collectent.

La disparition de Kodak et les difficultés de Sony qui a manqué le rendez-vous du smartphone sont des cas à part. Les positions des entreprises tendent à se stabiliser depuis une trentaine d’années. La concurrence s’avère moins forte aujourd’hui qu’après la Seconde Guerre mondiale. Les bouleversements technologiques liés au numérique ont donné lieu à la naissance de plusieurs multinationales à la fin du siècle dernier, entreprises qui depuis gèrent en rentiers leur secteur. Sur les 500 plus grandes entreprises américaines, seules 52 ont été créées depuis 1990. Sept seulement l’ont été après qu’Apple a dévoilé son premier iPhone en 2007. En revanche, 280 ont été fondées avant 1942. L’âge moyen des sociétés du classement Fortune 500 est passé de 75 à 90 ans de 1990 à 2023.