Le Coin des tendances – Chine – batteries électriques – tarification dynamique
Les dirigeants chinois ont de grandes ambitions pour leur pays, notamment celle de faire de la Chine la première puissance économique mondiale d’ici 2049, année du centenaire de l’instauration de la République communiste. Cette marche en avant, qui semblait irrésistible il y a peu, semble s’être enrayée depuis l’épidémie de Covid. L’économie chinoise connaît un ralentissement plus rapide que prévu, sur fond de crise immobilière et de perte de confiance de la population. Selon le Bureau national des statistiques, la confiance des consommateurs a chuté en avril 2022, lorsque Shanghai et d’autres grandes villes ont été confinées pour lutter contre la pandémie de Covid-19, des confinements en décalage complet avec le reste du monde. La confiance ne s’est depuis pas totalement rétablie et est même de nouveau en baisse depuis juillet.
La morosité ne se limite pas aux consommateurs. Les entreprises étrangères se plaignent de l’instabilité croissante des règles. Certains dirigeants de grandes entreprises internationales estiment que la Chine n’est plus prioritaire dans leurs politiques d’investissement. Au deuxième trimestre 2024, les investissements directs étrangers (IDE) dans le pays se sont élevés à moins de 14,8 milliards de dollars, le résultat le plus faible enregistré depuis dix ans. Selon le ministère du Commerce chinois, ces investissements auraient même baissé de près de 30 % au cours des sept premiers mois de l’année, par rapport à la même période l’année précédente. Pour retrouver une telle chute, il faut remonter à la crise financière mondiale de 2007-2009. La diminution des investissements s’explique en partie par les mesures prises par les autorités américaines, notamment dans le secteur des microprocesseurs. Les taux d’intérêt élevés aux États-Unis et les plans de soutien à l’industrie américaine (Inflation Reduction Act et Chips Act) ont contribué à attirer dans ce pays des capitaux qui auraient pu se diriger vers la Chine. Dans ce contexte, le climat des affaires est également en berne. Selon une étude de l’administration chinoise menée auprès des directeurs des achats d’entreprises, la production, les carnets de commandes, les embauches et les perspectives sont en baisse constante. Selon la dernière enquête d’août, les attentes des entreprises sont tombées à leurs plus bas niveaux, hors période de pandémie. Les dirigeants politiques sont quelque peu désemparés face à l’atonie de la croissance chinoise. Lors d’une réunion du Politburo en juillet, ils ont exhorté les cadres à « chanter le brillant avenir de l’économie chinoise ».
Les entreprises chinoises ont, ces derniers mois, contre toute attente, enregistré de bons résultats à l’exportation. Elles ont conservé une grande partie des recettes issues de ces exportations en dollars afin de profiter des taux d’intérêt élevés aux États-Unis. Elles ont privilégié les placements financiers plutôt que l’investissement, en raison de la faiblesse de la demande interne et de la stagnation de l’économie de la zone euro. La baisse des taux d’intérêt aux États-Unis ne devrait guère modifier leur comportement. Ces deux dernières années, les entreprises chinoises exportatrices ont accru de 400 milliards de dollars leurs réserves financières et n’envisagent pas de les convertir en yuans. Elles n’ont pas l’intention de participer au mouvement de dédollarisation souhaité par les autorités chinoises. Les responsables des entreprises chinoises sont devenus, ces dernières années, méfiants vis-à-vis des autorités. Les mesures de répression réglementaires brutales prises contre certaines entreprises chinoises ont incité leurs dirigeants à pratiquer l’attentisme et à réduire leurs investissements. Ces derniers, pour éviter d’être accusés de corruption ou de non-respect des valeurs communistes, réduisent leur train de vie et privilégient les placements à l’étranger.
Le gouvernement chinois tente de relancer l’économie, mais il recourt à des outils traditionnels dont les effets restent limités. Il a ainsi annoncé un assouplissement de la politique budgétaire. Les autorités locales ont été autorisées à émettre des obligations spéciales et les taux des prêts immobiliers ont été abaissés. Pourtant, les agents économiques ne se sont pas précipités pour bénéficier des aides publiques. La preuve en est que le déficit public de la Chine a diminué au premier semestre. La banque centrale n’a pas enregistré de hausse significative de la demande de crédits. Les gouvernements locaux ont peu utilisé les nouveaux canaux de financement qui leur avaient été attribués, malgré la baisse de leurs recettes provoquée par la diminution des transactions immobilières. « Les gouvernements locaux deviennent de plus en plus passifs », déplorait Zhao Jian, économiste de l’Institut de recherche Xijing, dans un rapport rapidement censuré par les autorités. Le manque de réactivité des responsables locaux serait dû à leurs craintes d’être impliqués dans des opérations frauduleuses. Afin de lutter contre la corruption et de s’assurer que les priorités de Pékin soient fidèlement mises en œuvre, Xi Jinping a renforcé les contrôles pesant sur les fonctionnaires et responsables politiques locaux. Pour éviter d’être sanctionnés, ces derniers préfèrent ne pas s’engager dans des montages financiers. La surveillance accrue du pouvoir central se traduit par un alourdissement des procédures administratives, entraînant un ralentissement dans la mise en œuvre des projets.
Pour renouer avec la croissance, le gouvernement chinois doit restaurer la confiance au sein du secteur privé et de l’administration. Il est confronté à des problèmes similaires à ceux des pays occidentaux, à la différence près que la défiance de la population est étroitement liée au système autoritaire et centralisé du régime chinois.
La tarification dynamique ou la remise en cause du juste prix ?
Le vendredi 28 août 2009, quelques minutes avant de monter sur la scène du festival Rock en Seine à Saint-Cloud, les frères Gallagher du groupe Oasis s’échangent des coups et détruisent plusieurs guitares. Un des organisateurs du festival est contraint d’annoncer l’annulation de la prestation du groupe et, surtout, sa dissolution. Quinze ans plus tard, le 27 août dernier, les mêmes frères Gallagher ont confirmé leur retour sur scène avec l’organisation d’une série de concerts. A cette occasion, la vente des places a suscité une polémique en raison du recours, par le promoteur des concerts, à la technique de la tarification dynamique, qui ajuste le prix des billets en fonction de la demande. Le prix d’une place en fosse est ainsi passé de 135 à 335 livres en quelques instants, en raison de l’affluence des acheteurs. Face aux réactions indignées des fans, le gouvernement britannique a annoncé l’ouverture d’une enquête. « Nous allons nous occuper de cette question et nous assurer que les billets sont disponibles à un prix accessible », a promis Sir Keir Starmer, le Premier ministre britannique. Kamala Harris, candidate démocrate à la présidence des États-Unis, a promis de son côté d’interdire cette pratique dans les supermarchés. L’administration américaine a déjà intenté une action en justice antitrust contre Ticketmaster, la société qui a organisé la vente de la tournée Oasis. Les responsables de cette société défendent le recours à la tarification dynamique, qui permet de lutter contre la spéculation et la fraude. Des prix trop bas et stables incitent certaines personnes à acheter un grand nombre de places pour les revendre dans des circuits parallèles à des prix élevés. La tarification dynamique n’est pas l’apanage des concerts de rock. Le secteur des transports ou celui de l’hébergement la pratiquent depuis des années. Le prix des billets d’Air France ou de la SNCF s’ajuste en temps réel en fonction de l’offre et de la demande. Cette technique est-elle simplement une application de la loi de l’offre et de la demande ou constitue-t-elle la preuve d’une asymétrie d’information ?
Quelle est le rôle du « prix » ?
Le prix a pour vocation de guider les décisions des producteurs et des consommateurs. Quand les prix augmentent, les producteurs sont incités à produire davantage, car cela rend la production plus rentable. Inversement, quand les prix baissent, ils sont incités à réduire la production. Pour les consommateurs, des prix élevés les incitent à réduire leur consommation ou à chercher des alternatives. Le prix devient ainsi un indicateur de rareté.
Dans une économie de marché, le prix assure également la coordination entre les différents acteurs économiques, sans besoin d’intervention directe de l’État. Il permet aux marchés de s’autoréguler et de réajuster les quantités offertes et demandées en fonction des besoins. Il permet d’anticiper les coûts de production et les prix de vente. Il est un élément clé des processus d’investissement et de production. C’est dans cette optique que les banques centrales luttent contre l’inflation.
La fixation des prix est donc un processus essentiel du système capitaliste. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que celle-ci soit aussi transparente que possible. Ils sont ainsi amenés à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles qui faussent la concurrence. Les monopoles ou les oligopoles peuvent entraîner des prix qui ne reflètent pas l’offre et la demande, générant des rentes au détriment des consommateurs.
La tarification dynamique remet-elle en cause le rôle du prix comme régulateur du marché ? Certains pourraient affirmer qu’elle contribue à l’équilibre du marché en opérant en temps réel l’ajustement entre offre et demande. Elle contribution à une expression de la rareté. Après 15 ans d’absence de concerts d’Oasis, les fans du groupe sont nombreux à vouloir y assister. De ce fait, la demande dépasse l’offre De même c’est également au nom de cette rareté que les billets de train ou d’avion sont plus chers le vendredi soir et lors des départs en vacances. Cette pratique réduit les risques pour les vendeurs qui, avec l’aide d’algorithmes, peuvent maximiser leur rentabilité. Certes, une autre manière de gérer la rareté consiste à augmenter l’offre. Le groupe Oasis a ainsi prévu deux concerts supplémentaires. Pour la vente des places, il a opté pour une autre technique : le tirage au sort. Quelle est la technique la plus juste et la plus rationnelle ? La discrimination par l’argent ou par le hasard ?
Tarification dynamique, une asymétrie de l’information ?
La tarification dynamique en temps réel pose cependant un problème d’information. Le consommateur ne connaît pas à l’avance le prix de la place de concert et ne peut donc pas planifier son achat, ce qui va à l’encontre du rôle d’information que joue normalement le prix. L’asymétrie d’information intervient quand l’une des parties dans une transaction économique (acheteur ou vendeur) possède plus ou de meilleures informations que l’autre et peut ainsi fausser l’équilibre entre l’offre et la demande. Cet
En l’absence d’information claire et complète sur le prix d’un produit ou service, les consommateurs sont incapables de prendre des décisions rationnelles. Dans le cas de la tarification dynamique, les acheteurs ne connaissent pas à l’avance le prix final, qui peut varier considérablement en fonction de la demande à un moment donné. Cela crée une incertitude, rendant difficile la planification ou la prévision des dépenses. En conséquence, certains consommateurs peuvent renoncer à acheter ou se sentir obligés d’acheter immédiatement par peur d’une nouvelle hausse des prix. Cette situation fausse la demande car elle ne reflète plus les préférences réelles des consommateurs mais est influencée par une information incomplète.
Dans une situation d’asymétrie d’information, le vendeur, mieux informé sur la manière dont les prix varient, peut manipuler l’offre pour maximiser son profit au détriment du consommateur. Par exemple, si une entreprise sait qu’un grand nombre de consommateurs ignorent que les prix peuvent fluctuer fortement (comme avec la tarification dynamique), elle peut augmenter les prix en période de forte demande, capturant ainsi plus de valeur sans que l’acheteur ait de moyen de comparer les prix en temps réel. Il peut sciemment générer la pénurie.
L’asymétrie d’information peut aussi réduire la concurrence en limitant la capacité des consommateurs à comparer les prix. Si les consommateurs ne peuvent pas connaître facilement ou à l’avance les variations de prix (comme dans le cas de la tarification dynamique), ils ont plus de difficultés à choisir l’offre la plus avantageuse. Cela peut conduire à une forme d’opacité qui protège les entreprises établies de la concurrence d’autres acteurs du marché, faussant ainsi le jeu concurrentiel et réduisant les incitations à améliorer la qualité ou à baisser les prix.
Dans une situation d’asymétrie d’information, les consommateurs peuvent être découragés de participer au marché en raison de l’incertitude et de la complexité. Par exemple, si un consommateur craint que les prix de billets de concert ou d’autres biens varient de façon imprévisible, il pourrait choisir de ne pas acheter du tout ou de limiter sa consommation. Cela réduit artificiellement la demande, non pas parce que le consommateur ne veut pas du produit ou service, mais parce qu’il manque d’informations fiables.
L’asymétrie d’information réduit la confiance des consommateurs dans le marché. Si les acheteurs ne peuvent pas anticiper les prix ou les variations, ils perçoivent le marché comme injuste. La tarification dynamique fondée sur une asymétrie d’information est sans doute contraire à l’esprit libéral du capitalisme. Que le prix d’un même service ou d’un même bien puisse doubler ou tripler en quelques minutes peut sembler choquant et nuire à la réputation de la marque qui en a la pratique.
Les batteries stationnaires, l’avenir de l’électricité décarbonée
La réduction des émissions de gaz à effet de serre passe par l’électrification de nombreuses activités, à condition que l’électricité produite soit elle-même décarbonée. À l’échelle mondiale, le défi est immense, sachant que le charbon reste la principale source d’énergie pour la production d’électricité. L’essor des énergies renouvelables se heurte à leur caractère intermittent. Le stockage de l’énergie représente une solution à ce problème, bien que sa mise en œuvre soit encore limitée. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la capacité de stockage par batteries devra passer de moins de 200 gigawatts (GW) en 2023 à plus d’un térawatt (TW), soit 1 000 gigawatts, d’ici la fin de la décennie, et atteindre près de 5 TW d’ici 2050 pour respecter l’objectif de neutralité carbone à l’échelle mondiale.
Historiquement, le stockage de l’énergie électrique reposait principalement sur des systèmes hydroélectriques, utilisant des réservoirs pour déplacer l’eau entre des niveaux différents. Aujourd’hui, la production de batteries géantes, empilées dans des hangars, permet de pallier les contraintes météorologiques des énergies renouvelables. En 2023, selon l’AIE, 90 GW de stockage par batterie ont été installés dans le monde, soit une augmentation de 100 % par rapport à 2022. Deux tiers de cette capacité étaient destinés aux réseaux électriques, le reste étant utilisé pour la consommation directe (particuliers ou entreprises). Cette croissance a été facilitée par des innovations technologiques et la baisse des coûts. Le marché du stockage de l’énergie pourrait passer d’environ 15 milliards de dollars en 2023 à 200 milliards de dollars d’ici 2030, et dépasser 1 000 milliards de dollars en 2040. Le prix des batteries stationnaires au lithium a diminué de 40 % entre 2019 et 2023, rendant leur usage plus accessible et compétitif face aux énergies fossiles. En Inde, l’énergie solaire couplée à des batteries est déjà moins coûteuse que l’électricité produite à partir du charbon, et elle devrait surpasser le gaz aux États-Unis dans les prochaines années.
La Chine domine le marché des batteries électriques, abritant quatre des cinq plus grands fabricants mondiaux, dont CATL et BYD. Bien que ces entreprises se soient initialement concentrées sur les véhicules électriques, elles ont rapidement rattrapé leur retard dans le secteur des batteries stationnaires. La production de ces batteries augmente de 20 % par an, encouragée par des politiques publiques exigeant que les grands projets solaires et éoliens intègrent des solutions de stockage. CATL, par exemple, a multiplié par huit ses investissements en recherche et développement depuis 2018, atteignant 2,5 milliards de dollars en 2023. Cependant, cette course à la production a mené à des surcapacités. En 2024, la Chine produit suffisamment de batteries au lithium pour répondre à la demande mondiale, et prévoit une capacité supplémentaire de 5,8 térawattheures (TWh) d’ici 2025, soit plus du double de la capacité actuelle. Cette surproduction a entraîné une baisse des prix, fragilisant les entreprises américaines et européennes, comme le suédois Northvolt, qui a enregistré une perte de 1,2 milliard de dollars en 2023. Les gouvernements occidentaux adoptent alors des mesures protectionnistes, ralentissant ainsi la croissance. Néanmoins, des entreprises continuent de travailler sur des batteries plus performantes, durables et abordables. Les batteries sodium-ion, par exemple, représentent une alternative prometteuse au lithium, en raison de leur coût moindre. Natron, une entreprise américaine soutenue par Chevron, investit 1,4 milliard de dollars dans une usine de batteries sodium-ion en Caroline du Nord, prévue pour 2027. De même, la start-up américaine EnerVenue développe des batteries nickel-hydrogène, ayant levé plus de 400 millions de dollars pour construire une usine dans le Kentucky. Ces batteries, moins sujettes aux incendies que celles au lithium, sont particulièrement attractives pour les centres de données, qui cherchent à réduire leurs risques d’incendie tout en limitant leurs coûts d’assurance.
Le développement du stockage de l’électricité progresse plus rapidement que celui des énergies renouvelables elles-mêmes. Ce secteur bénéficie d’un afflux de capitaux importants, car la capacité à disposer d’une énergie verte disponible à tout moment est cruciale pour réussir la transition vers une économie décarbonée.