Le Coin des Tendances – Chine – soins
Le modèle chinois de croissance à l’épreuve
Que ce soit pour le « cloud », l’intelligence artificielle, les voitures autonomes, les énergies renouvelables ou encore l’armement, les autorités chinoises entendent préempter les premières places. Pour atteindre cet objectif, elles ont décidé d’intervenir plus fermement dans les secteurs de pointe afin d’orienter la recherche et les activités. Comme en Occident, mais avec des moyens différents, le gouvernement chinois s’est engagé dans un processus de régulation du secteur du digital. Les grandes entreprises technologiques se doivent de participer plus activement que dans le passé aux efforts du parti et de la nation. Le renforcement du contrôle de l’État chinois a eu pour conséquence une perte de valeur en bourse des sociétés du digital, plus d’un milliard de dollars depuis le mois de février 2021. Les indices des valeurs technologiques chinoises cotées à Hong Kong ou à New York ont baissé de 40 à 45 % depuis la mi-février. Les investisseurs sont de plus en plus inquiets de l’interventionnisme de l’administration chinoise qui a, par exemple, suspendu l’application de covoiturage de Didi Global qui avait été introduite en bourse pour un montant de 4,4 milliards de dollars à New York. Tencent a été condamné à une amende par les régulateurs pour contenu sexuellement explicite et pratiques déloyales. Il a été sommé de mettre un terme aux accords exclusifs de licence musicale. NetEase, un groupe de divertissement en ligne, a décidé de suspendre l’introduction en bourse prévue à Hong Kong de son activité de streaming musical en raison des inquiétudes des investisseurs concernant la répression réglementaire. Pour justifier les sanctions, le vice-premier ministre, Liu He, a récemment déclaré que la Chine entrait dans une nouvelle phase de son développement donnant la priorité à l’équité sociale et à la sécurité nationale. Il estime que la mentalité de croissance à tout prix des trente dernières années a généré des comportements asociaux. Le gouvernement entend promouvoir un nouveau guide de « développement ordonné du capital ».
Les données, le nouvel or noir en Occident comme en Chine
Au niveau de la gestion des données, les États européens et certains États américains, comme la Californie, ont adopté des lois visant à protéger les consommateurs contre leur utilisation abusive. La Chine fait de même en retenant des solutions encore plus contraignantes. Selon le Gouvernement chinois, les données sont désormais considérées comme des facteurs de production aux côtés du capital et du travail. Une nouvelle loi sur la gestion des données devrait entrer en vigueur le 1er septembre 2021. L’administration pourrait être amenée à ouvrir des centres recueillant les données des entreprises intervenant sur Internet. Des groupes de commerce électronique tels qu’Alibaba, jd.com et Pinduoduo ont été ciblés par le nouveau régulateur chinois de la concurrence qui les accuse de comportement monopolistique. Les grandes plateformes seront contraintes de passer à des modèles plus ouverts où les paiements et l’activité d’achat ne sont plus exclusifs. L’objectif est de redonner aux commerçants le contrôle sur les prix. Cette logique est également partagée par les régulateurs occidentaux. Les analystes pensent que les changements entraîneront des marges plus élevées pour les vendeurs et des prix plus bas pour les consommateurs, mais une croissance plus lente pour les grandes plateformes. Au niveau du personnel, également, le droit des travailleurs opérant pour les plateformes est un enjeu croissant en Chine. Des entreprises comme Didi et Meituan, qui utilisent des chauffeurs et de personnel d’entrepôt à bas salaire, sont accusées d’imposer de mauvaises conditions de travail. Les autorités demandent une augmentation des salaires et une meilleure couverture sociale. Ces annonces ont eu pour conséquence la contraction du cours de l’action Meituan de 20 % en moins d’un mois (juillet 2021).
La reprise en main par le pouvoir de l’économie inquiète les investisseurs nationaux et étrangers. Elle pourrait remettre en cause certaines rentes de situation. Le gouvernement est conscient que les facteurs ayant contribué à la croissance ces quarante dernières années s’affaiblissent. La main d’œuvre est de moins en moins pléthorique et coûte de plus en plus chère. Le progrès technique se ralentit et l’effet de rattrapage avec l’Occident s’étiole. En outre, ce dernier tend à freiner les importations d’origine chinoise.
Le modèle chinois en question
La main-d’œuvre urbaine chinoise est passée de 100 millions en 1980 à environ 500 millions en 2021. L’augmentation du capital a été exponentielle. En 1980, la Chine comptait moins de 15 000 kilomètres de routes modernes, en 2021, plus de 700 000 kilomètres desservent le pays. Le pays s’est doté d’un des plus grands réseaux de trains à grande vitesse. Les Chinois ont construit un grand nombre d’aéroports. En 2019, parmi les dix premiers aéroports mondiaux, trois sont chinois. La Chine a connu un essor de la productivité notamment en démantelant la planification centrale. L’augmentation de la concurrence a été rapide. De 1980 à 2010, la croissance annuelle du PIB de la Chine était en moyenne de 10 %. Depuis les années 2010, la croissance a ralenti. Son niveau potentiel selon la banque centrale chinoise serait d’environ 5,5 % par an. La population en âge de travailler n’augmente plus. Depuis 2008, la productivité totale des facteurs de production de la Chine n’a progressé que de 1,1 % par an, soit moins d’un tiers du taux des trois précédentes décennies. Ce niveau reste plus de deux fois supérieur à celui de l’Europe. Une partie de ce ralentissement traduit « le début de la fin » du rattrapage économique par rapport aux pays occidentaux. L’économie chinoise pour maintenir un taux de croissance acceptable, autour de 6 % par an, est amenée à s’endetter de plus en plus. Entre 2010 et 2021, le volume de dettes nécessaire pour un point de croissance a doublé.
Si, avec la crise sanitaire, les Occidentaux entendent relocaliser les productions dites essentielles sur leurs territoires, la Chine poursuit la même politique. Le Gouvernement entend réduire la dépendance à l’Occident en devenant autonome pour tous les produits de haute technologie. Le plan « Made in China 2025 » a été lancé dans ce sens. Fidèles à leurs convictions marxistes, les autorités chinoises estiment que l’économie repose essentiellement sur l’industrie. Ils veulent limiter les délocalisations au sein des autres pays asiatiques. Le secteur des services, surtout domestiques, n’est plus jugé prioritaire. Le déclin de l’Occident est analysé par les experts chinois sous l’angle de la désindustrialisation et de la baisse du niveau scolaire. Pour renforcer la productivité de l’industrie, les responsables chinois poussent à l’intégration de solutions digitales au sein de tous les processus de production avec une montée des compétences des salariés. La numérisation en ayant recours à des applications sur smartphones est vantée des PME jusqu’aux grandes entreprises. Le paiement digital est devenu la règle au sein des grandes agglomérations. L’argent liquide qui jouait un grand rôle en Chine est en voie de disparition.
La lutte contre les oligopoles
Les autorités chinoises souhaitent également démanteler certains grands groupe et favoriser l’émergence d’entreprises à taille plus humaine. En Chine, la création d’entreprise est faible en comparaison de la situation qui prévaut au sein de l’OCDE. En 2020, moins de 250 000 entreprises ont été créées dans les secteurs de pointe, soit quatre fois moins qu’aux États-Unis.
Les autorités chinoises prennent conscience que le principe de destruction créatrice est à l’origine du succès américain. La faillite d’entreprise constitue un des facteurs clefs de la productivité dans les pays riches. Si durant des décennies, la notion de faillite était étrangère à l’esprit chinois, avec la crise de sanitaire, une rupture est intervenue. Les tribunaux ont accepté près de 30 000 demandes d’insolvabilité en 2020. Les entreprises publiques sont à l’origine de la moitié des défauts de paiement des obligations de l’année dernière. Ironie de l’histoire, en Occident, les pouvoirs publics pèsent de tout leur poids pour empêcher les dépôts de bilan.
La robotisation à marche forcée
En luttant contre les oligopoles, les autorités chinoises cherchent d’améliorer la productivité de l’économie qui est en baisse depuis quelques années.
La Chine dont la compétitivité a longtemps reposé sur sa main d’œuvre bon marché a décidé, il y a une dizaine d’années, de mettre l’accent sur la robotisation. Celle-ci est indispensable pour conserver des marges importantes à l’exportation et pour faire face à la stagnation de la population active en lien avec le vieillissement de la population. En 2000, les ouvriers des usines d’électronique gagnaient environ 8 000 yuans par an (soit 1 000 dollars), ce montant a été depuis multiplié par dix. En 2010, la Chine disposait de moins de 50 000 robots industriels. En 2021, elle en compte plus de 800 000, soit près d’un robot sur trois dans le monde. En quelques années, l’industrie chinoise est passée d’une industrie à forte intensité de main-d’œuvre à une industrie à forte intensité de robots. Le Président chinois estime que son pays se doit d’être en pointe dans la bataille de la productivité.
À la recherche d’un nouvel aménagement du territoire
Les autorités chinoises sont également en train de repenser l’urbanisation. Si face à la forte croissance des grandes agglomérations, elles ont été tentées de plafonner leur taille, elles souhaitent désormais développer des « hubs », des réseaux de villes. L’objectif est de réduire les embouteillages et la pollution tout en ne perdant pas les synergies que génèrent les grandes agglomérations. Leur spécialisation autour de quelques secteurs avec la création de centres de recherches et d’universités adaptés aux besoins des entreprises est poussée par les autorités. Ces dernières ont approuvé onze « méga-clusters » ayant une population moyenne d’environ 110 millions d’habitants, soit près de trois fois plus que les 40 millions du Grand Tokyo. La Chine a décidé de développer des réseaux de trains interurbains. Des villes nouvelles sont également créées avec l’appui de lignes de train à grande vitesse pour décongestionner les agglomérations saturées. Avec la 5G, tous les réseaux, eau, assainissement, électricité, autoroutes, train, etc., sont connectés.
Une politique sociale à redéfinir
Le gouvernement chinois travaille à la refonte du permis de séjour qui s’applique encore aux citoyens ne bénéficiant pas d’un contrat de travail permanent au sein d’établissements implantés dans les grandes agglomérations. Les personnes concernées disposent de faibles droits sociaux, ce qui les conduit, en cas de problème économique, à revenir dans leur ville d’origine. Par ailleurs, ils sont très peu couverts en matière d’assurance vieillesse. Une amélioration de la protection sociale permettrait de stabiliser géographiquement la population active et d’accroitre le niveau de compétences. Sur ce dernier point, les autorités chinoises ont prévu une augmentation substantielle du budget de l’éducation. Le nombre croissant de diplômés universitaires est déjà passé de 46 millions en 2000 à plus de 218 millions en 2020.
La Chine qui doit faire face aux mêmes défis que les pays occidentaux, apporte des réponses parfois similaires malgré un environnement politique et juridique très différent. Pour régler les questions liées au digital, à la transition énergétique et au vieillissement, la tentation est à une immixtion croissante de l’État. En revanche, le retour d’une forme de planification avec une réduction du champ d’action des entreprises privées pourrait dissuader les investisseurs et pénaliser la productivité.
Renoncement aux soins : la pauvreté n’explique pas tout
Selon l’INSEE, 84 % des personnes de 16 ans ou plus vivant en France métropolitaine avaient déclaré avoir eu besoin de voir un médecin pour des examens ou des soins médicaux au cours des douze derniers mois en 2017. Parmi elles, 3,8 % soulignaient avoir dû renoncer à au moins un soin. Cela a représenté 1,6 million de personnes. Le renoncement aux soins est souvent lié à plusieurs facteurs. Les aspects financiers et psychologiques (manque de volonté, crainte d’aller chez le médecin, difficulté à prendre un rendez-vous) ainsi que les problèmes d’accès aux soins (déserts médicaux).
La pauvreté multiplie par 3 le risque de renoncer à des soins. Les personnes ayant renoncé à au moins une consultation ou un examen au cours de l’année écoulée ont un niveau de vie annuel médian inférieur de 2 000 euros à celui des patients qui ont consulté leur médecin chaque fois qu’ils en ont eu besoin. Elles sont deux fois plus nombreuses que les autres à vivre sous le seuil de pauvreté et trois fois plus souvent pauvres en conditions de vie (difficultés de logement, retards de paiement, restrictions de consommation, etc.). Vivre sous le seuil de pauvreté monétaire multiplie par 1,6 le risque de renoncer à des soins, tandis qu’être pauvre en conditions de vie le multiplie par 3,2. L’acuité de ce problème est encore plus nette dans les déserts médicaux. Les personnes pauvres en conditions de vie ont jusqu’à 8 fois plus de risques de renoncer à des soins dans les zones très sous-dotées en médecins généralistes. Parmi les personnes qui ont renoncé à des soins, 6,9 % vivent dans une zone très sous-dotée en médecins généralistes (moins de 2 consultations accessibles par an et par habitant en moyenne), contre 4,4 % de celles ayant consulté autant que nécessaire. Vivre dans une zone où les difficultés d’accessibilité aux soins sont importantes multiplie le risque de renoncement par 1,8.
Les personnes pauvres rencontrent fréquemment des problèmes pour se déplacer (absence de voitures, éloignement des transports en commun, etc.). Par ailleurs, elles rencontrent des difficultés pour se libérer durant les heures de travail. Les personnes couvertes par une complémentaire santé privée ont plus de deux fois moins de risques de renoncer que les personnes sans couverture santé. Les bénéficiaires de la Complémentaire Santé solidaire ex-CMU-C renoncent 4,5 fois moins que les personnes sans complémentaire santé.
Les personnes ayant des limitations à cause d’un problème de santé, en particulier les personnes handicapées, renoncent davantage aux soins, mais le renoncement décroît avec l’âge. Celles qui sont en affection de longue durée (ALD), prises en charge à 100 % par l’Assurance maladie pour les soins en lien avec cette pathologie, renoncent 2,5 fois moins que les autres.
L’âge joue un rôle important parmi les critères de renoncement. La moitié de ceux ayant renoncé à des soins au cours des douze derniers mois a moins de 40 ans, contre un tiers de celles qui n’ont pas renoncé. Plus la personne avance en âge moins elle renonce aux soins. Les personnes âgées de 40 à 49 ans ont 1,4 fois moins de risques de renoncer que celles de 30 à 39 ans ; celles de 50 à 59 ans, 1,7 fois moins de risques, et celles 60 ans ou plus, 3,3 fois moins de risques. Les personnes âgées sont plus suivies médicalement et se préoccupent davantage de leur santé. Les personnes isolées, par absence d’amis ou de liens familiaux, renoncent plus que les autres. Les personnes qui déclarent avoir des mauvaises relations familiales renoncent ainsi près de 2,3 plus que celles qui en ont de bonnes, et les personnes qui déclarent de mauvaises relations amicales ont un risque multiplié par 1,5 par rapport à celles qui en ont de bonnes. L’insertion sociale liée à l’emploi expliquerait le moindre renoncement aux soins des actifs occupés par rapport aux personnes au chômage. Les personnes les plus enclines à renoncer seraient peu diplômées (niveau bac ou en dessous, à l’exception de celles sans diplôme). Les sans diplômes renonceraient moins aux soins que ceux ayant le bac. Ce résultat s’expliquerait par le fait que les premiers jugeraient moins utiles de consulter. Il s’agirait d’un renoncement implicite aux soins.
L’étude du service statistique du ministère de la Santé souligne que la pauvreté est un facteur indéniable de non-consultation mais ce dernier n’explique pas tout. Seulement 25 % des personnes concernées indiquent qu’elles ont renoncé à se soigner en raison de problème financier. Le motif le plus fréquemment évoqué est le fait d’attendre que les choses s’arrangent d’elles-mêmes (40 %). 15 % mentionnent un manque de temps. Les délais d’obtention d’un rendez-vous, l’éloignement du professionnel de santé ou le fait de ne pas connaître de bon médecin ne sont que rarement évoqués en premier lieu par la population la plus précaire. La lutte contre le renoncement aux soins suppose une approche multifactorielle incluant des aspects organisationnels (offre de soins), financiers et aussi de formation ou de prévention.