Le Coin des Tendances – cyberguerre – Normandie – les Français et les élus locaux
Guerre en Ukraine : quand le digital donne l’avantage à la défense
Les guerres sont des bancs d’essai pour les nouvelles technologies. La Seconde Guerre mondiale a été marquée par l’usage du radar et le recours de l’arme nucléaire au Japon. La guerre de Corée en 1950 a donné lieu, pour la première fois, à l’utilisation massive des chasseurs. Durant la guerre du Vietnam, dans les années 1960, les États-Unis ont eu recours de manière importante aux hélicoptères et aux bombes au napalm. Israël a été la première à utiliser des drones comme leurres lors de la guerre du Kippour. Israël a été également le premier État à tester les systèmes antimissiles (Dôme de fer). La guerre du Golfe de 1991 a permis une expérimentation des munitions guidées par GPS. La confrontation entre l’Ukraine et la Russie concerne pour la première fois depuis 1945 deux puissances disposant de fortes capacités digitales et qui s’affrontent sur des réseaux informatiques.
Depuis les années 1960, la nécessité pour les grandes puissances de sécuriser leurs transmissions en période de guerre afin d’être en capacité de lancer la bombe nucléaire est une priorité. Le réseau Internet est né en partie de cette volonté. Le développement des réseaux numériques est tel que le contrôle de ces derniers est devenu vital. Au-delà des communications, tous les secteurs d’activité sont désormais dépendants de ces réseaux. La cyberguerre est devenue une réalité depuis les années 1990. Le « ver » américano-israélien Stuxnet a infligé des dégâts aux centrales nucléaires iraniennes avec une ingéniosité diabolique. Des logiciels malveillants russes ont saboté le réseau électrique ukrainien en 2015 et 2016. Un terrorisme plus ou moins d’État s’est développé pour désorganiser ou racketter des administrations, des établissements de santé, des entreprises, etc. Des hackers provenant de la Corée du Nord ou de Russie sont réputés pour mener de telles actions.
Si dans le cyberterrorisme, la Russie était crainte, pour le moment, l’armée de ce pays n’a pas réussi à paralyser l’Ukraine. Les réseaux d’électricité et d’eau de l’Ukraine ont été plus affectés par les bombes que par les attaques informatiques. Les banques sont restées ouvertes. Le Président Volodymyr Zelensky diffuse en direct ses messages à la nation. La Russie avait pourtant inondé l’Ukraine de logiciels malveillants depuis plusieurs années et avait accentué sa pression avant le début des hostilités. Elle a néanmoins réussi à perturber Viasat, un service commercial de communications par satellite utilisé par le gouvernement et les forces armées ukrainiens, moins d’une heure avant l’invasion. La mise à disposition par Elon Musk du réseau satellitaire Starlink a permis de maintenir les communications au sein de l’Ukraine.
Dans la préparation de l’attaque contre l’Ukraine, la Russie a négligé la prise de contrôle à distance des réseaux en estimant que les infrastructures ukrainiennes passeraient rapidement sous son contrôle ; la préférence a été donnée au terrain au détriment du virtuel. Les cyber-forces russes ont moins d’expérience dans l’intégration des cyber-opérations avec les militaires que leurs homologues américains, qui le pratiquent depuis 30 ans. La coordination des opérations n’a pas été parfaite. Une attaque digitale nécessite du temps et beaucoup de travail en amont. Elle exige une bonne connaissance des réseaux ennemis. La guerre sur les réseaux est chère à mener. Elle exige le recours à des hackers qui se monnaient à un prix élevé et nécessite du matériel de pointe. Les missiles coûtent moins chers et sont plus rapides à utiliser.
De son côté, l’Ukraine s’est préparée à résister à des attaques cyber. Confrontée depuis 2014 à de multiples attaques, elle s’est dotée de moyens de protection. Elle dispose de spécialistes reconnus en matière informatique qui se sont mis au service des armées. Dès le 24 février 2022, des cyber-équipes se sont déployées à travers le pays, si bien qu’elles ont été dispersées afin d’éviter d’être visées par des bombardements. Une grande partie de l’infrastructure numérique de l’Ukraine a migré vers des serveurs à l’étranger, hors de portée des bombes russes. Les États-Unis et leurs alliés ont fourni de précieux renseignements concernant des attaques russes. Des entreprises privées comme Microsoft et Eset, une société de cybersécurité slovaque, surveillent le trafic sur les réseaux au profit du gouvernement ukrainien, en utilisant souvent l’intelligence artificielle pour analyser des volumes importants de codes. La cyberdéfense de l’Ukraine repose essentiellement sur une coalition de pays, d’entreprises et d’ONG.
En informatique, l’attaque a longtemps constitué la meilleure stratégie. Or l’Ukraine semble prouver l’inverse, face à l’une des puissances informatiques les mieux dotées, avec une défense disciplinée et bien organisée. Grâce à des renseignements de qualité et à la géolocalisation, l’armée ukrainienne a réussi à stopper l’avancée des chars et à mettre en danger l’aviation. En permettant de réduire la taille des armes et en les rendant extrêmement mobiles, le digital a donné un avantage à la défense sur l’attaque du moins pour le moment.
La Normandie, la grande oubliée du TGV
Toutes les grandes régions françaises sont reliées par le TGV à Paris et à certaines autres régions, sauf deux : le Massif central au sens large du terme (Clermont-Ferrand – Limoges) et la Normandie. À Limoges, l’entreprise d’équipement électrique de renommée mondiale, Legrand, menace de quitter la ville en raison de l’absence de liaisons ferroviaires dignes de ce nom. La Normandie réunifiée est handicapée par l’absence de réseaux ferroviaires modernes. Cherbourg, Caen, Rouen et Le Havre figurent parmi les rares grandes villes de France où le temps de trajet avec Paris s’est allongé ces trente dernières années. Avant la reprise par la Région « Normandie » des lignes, les trains annulés au dernier moment étaient légion en raison de leur vétusté et de celle du réseau. Depuis, des progrès sont constatés mais les conditions de transports demeurent médiocres au regard de l’importance des dessertes. Pour se rendre de Paris à Cherbourg, il faut compter trois heures vingt pour 360 kilomètres quand il faut deux heures pour faire Paris – Lyon qui sont éloignées l’une de l’autre de plus de 400 kilomètres.
Lancées sous le Second Empire, les lignes normandes ont connu leur heure de gloire à l’époque des paquebots quand les Parisiens se rendaient à Cherbourg ou au Havre pour embarquer sur les transatlantiques. Au début des années 1970, la ligne Paris-Caen-Cherbourg reçut le concurrent du TGV, le turbotrain, un train fonctionnant grâce à une turbine. Ce dernier, après le premier choc pétrolier, fut jugé coûteux et a été délaissé au profit du Train à Grande Vitesse électrique. À la fin du XXe siècle, cette ligne fut électrifiée et reçut des trains de la même nature que ceux circulant sur celle de Paris-Rouen-Le Havre. Depuis le début du XXIe siècle, plusieurs projets de nouvelles lignes à grande vitesse pour la Normandie furent évoqués mais ne débouchèrent pas. L’existence de deux Normandie jusqu’en 2015 et la rivalité des agglomérations rouennaises, havraise ou caenaise n’ont pas facilité l’élaboration d’un projet crédible.
Les lignes actuelles souffrent de nombreux défauts. Les trains ralliant la Normandie empruntent des voies à la sortie de Paris utilisées également par les trains de banlieue, ce qui limite les créneaux et la vitesse. Au-delà de Mantes, la vétusté des infrastructures provoque de nombreux ralentissement. La vitesse d’exploitation est en règle générale inférieure à 160 kilomètres par heure à l’exception de rares tronçons.
Le principe de création d’une ligne à grande vitesse a été abandonné il y a une dizaine d’années, sa rentabilité étant jugée trop faible. Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, en 2009, un projet de ligne nouvelle Paris-Normandie permettant une vitesse d’exploitation à 200 kilomètres par heure a été lancé avec un possible aboutissement entre 2035 et 2050. Malgré deux premiers ministres normands, Bernard Cazeneuve (Cherbourg) et Edouard Philippe (Le Havre), le projet avance à petite vitesse. Si certains souhaitent une ligne reliant Paris Saint Lazare aux différentes destinations de Normandie, d’autres sont favorables à son rattachement à de nouvelles gares, celle de La Défense ou celle d’Achères.
Reims, Lille, Vendôme ou Tours ont eu plus de chance en étant reliées à Paris par le TGV, permettant d’abaisser le temps de transport à une heure, voire moins. Les villes normandes se sont en fait éloignées de la capitale et sont peu ou mal reliées aux autres grandes capitales régionales. Pour aller à Nantes ou à Bordeaux, il est nécessaire de passer par Paris. Pour Lille, le trajet dépasse aisément trois heures. Au sein de la région normande, les liaisons ne sont pas simples. Il faut deux heures pour aller en train de Rouen à Caen. Rouen/Deauville en train nécessite une correspondance et plus de deux heures en moyenne.
Trop proche et trop loin de Paris, la Normandie n’a pas, ces dernières décennies, bénéficié de grands projets d’aménagement à l’exception des ports. L’ordonnance du 19 mai 2021 a justement prévu fusion du port autonome de Paris et des grands ports maritimes du Havre et de Rouen avec la création d’un établissement public unique. Cette fusion souligne que les deux grands ports normands sont la porte d’entrée naturelle pour l’économie parisienne. Pour concurrencer Rotterdam, la création d’un seul port du Havre à Paris était nécessaire. La Commission Attali en 2007/2008 avait souligné la nécessité de développer cet axe stratégique en relation avec le Grand Paris. L’absence d’une liaison ferroviaire dédiée au fret reliant Le Havre à Paris constitue une faiblesse et une incitation de fait au développement du transport routier.
Le développement touristique de la Normandie nécessite des liaisons ferroviaires rapides. Caen, Rouen mais aussi Le Havre, Cherbourg ou Évreux auraient tout à gagner à être convenablement connectés et pouvoir ainsi jouer un rôle d’agglomérations d’équilibres par rapport à Paris sur le modèle de Reims depuis l’inauguration du TGV Est.
Les Français et les élus locaux, les conditions de vie avant la vision d’avenir
Les Français sont, en règle générale sévères à l’encontre de leurs représentants nationaux (gouvernement, parlementaires) et plutôt enclins à plébisciter les échelons locaux et tout particulièrement leur maire. Ils sont néanmoins, selon plusieurs études menées par le Crédoc, de plus en plus exigeants vis-à-vis des élus des collectivités territoriales. Ils leur demandent de contribuer directement à l’amélioration de leurs conditions de vie. Ils sont, en revanche moins demandeurs d’actions en faveur du développement économique. Ce sentiment est à mettre sur le compte du vieillissement de la population qui provoque une diminution du nombre d’actifs et une augmentation de celui des retraités. Le télétravail a également mis l’accent sur l’importance des conditions de vie. Les habitants des communes ne souhaitent pas la présence d’usines, d’éoliennes ou de panneaux solaires à proximité de leur résidence.
La nation et les communes, comme facteur d’enracinement
40 % des Français déclarent être fortement attachés à la France. La commune est jugée essentielle pour 21 % des Français. Suivent le monde (12 %), la région (12 %), le département (8 %), l’Europe (4 %) et un autre pays (2 %). Si la première place pour la France est assez logique, en revanche, celle de l’Europe marque un détachement par rapport à la construction et à l’identité européennes.
Les Français, heureux de leurs conditions de vie tout en ayant peur du déclassement de leur territoire
86 % des Français sont satisfaits de leurs conditions de vie dont 32 % très satisfaits. En 2016, 88 % pensaient ainsi. Cette légère baisse ne saurait traduire le sentiment d’une dégradation des conditions de vie en six ans. 44 % des habitants de communes rurales se déclarent « très satisfaits » de leur cadre de vie, contre 25 % des habitants de l’agglomération parisienne. Depuis 2016, la satisfaction progresse en milieu rural mais baisse dans les grandes agglomérations.
40 % des Français ont le sentiment de vivre au sein d’un territoire délaissé par les poivoirs publics. Ce taux est de 69 % pour ceux indiquant être ou avoir été un « gilet jaune », de 64 % pour ceux souffrant d’un sentiment d’invisibilité sociale, de 55 % pour les personnes issues des catégories les plus modestes, de 47 % des habitants des communes rurales.
Les Français, favorables à la décentralisation
75 % sont favorables à la décentralisation des politiques publiques. 35 % indiquent que cette pratique permettrait aux collectivités locales de mieux s’adapter aux spécificités de leur territoire. 33 % estiment que les décisions seraient prises plus rapidement et qu’elles seraient plus en phase avec les besoins des populations. Les tenants d’une plus forte décentralisation se situent essentiellement chez les retraités (87 %) et parmi les représentants des classes aisées (85 %).
L’environnement avant le développement économique
52 % des Français se déclarent très sensibles à l’environnement contre 12 % qui ne se disent pas du tout concernés. 40 % indiquent simplement être sensibles à cette question. Ce sont les retraités, les diplômés de l’enseignement supérieur et les habitants des grandes agglomérations qui se déclarent les plus préoccupés en la matière. Pour une majorité de Français, le développement économique ne doit pas être une priorité pour les collectivités locales. En revanche, 56 % des personnes à faibles revenus (20 % les plus modestes) jugent néanmoins nécessaire que les collectivités locales interviennent en la matière. Celles vivant dans des aires urbaines de moins de 50 000 habitants sont également de cet avis (55 %), tout comme celles qui sont en recherche d’emploi (56 %).
Le maire plébiscité
Les élus locaux sont particulièrement appréciés. 74 % des Français ont confiance dans leur maire, 57 % se fient aux conseillers départementaux, 41 % au Président de la République et 40 % au premier ministre. Les parlementaires sont les moins considérés (seulement 39 % des Français leur font confiance). Au niveau des maires, la confiance est inversement proportionnelle à la taille de la commune. 79 % des Français se fient à leur maire dans des communes de moins de 2 000 habitants contre 61 % dans les communes de 200 000 habitants.
Les élus, des représentants et non des visionnaires de la population
72 % des Français selon le Crédoc considèrent que les élus locaux doivent avant tout être à l’écoute et au service des habitants, seuls 25 % estiment qu’ils doivent porter une vision d’avenir et essayer de mobiliser les acteurs économiques pour la réaliser. Plus de 80 % des plus de 60 ans demandent à ce que les élus soient à leur écoute. C’est également le cas de plus de 75 % des personnes à revenus modestes. Les cadres et les indépendants sont plus nombreux à demander aux élus de porter un projet de développement. Au sein des territoires, 78 % des ruraux pensent qu’un élu se doit d’être à l’écoute de la population contre 68 % des habitants des grandes agglomérations.
Un nombre croissant de Français estime que les élus ne doivent que les représenter et non influer sur le cours de leur vie. Ce jugement peu opérationnel souligne les forces de blocages au sein du pays, la France n’étant pas, par ailleurs, une exception en la matière. Les Français peuvent tout à la fois réclamer des actions fortes en faveur de l’environnement et s’opposer à l’installation d’éoliennes à proximité de leur domicile. Il en est de même avec toutes les infrastructures (aéroports, lignes de trains, autoroutes, incinérateurs, centrales électriques, etc.). Ce phénomène n’est pas en soi nouveau. Historiquement, les oppositions aux premières lignes de train avaient été fortes tout comme celles contre la Tour Eiffel. Les réseaux sociaux permettent simplement de démultiplier la puissance des contestations aux différents projets publics ou privés.