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Le monde impitoyable du digital peut-il être régulé ?
La richesse des entreprises du digital provient des données qu’elles recueillent auprès des internautes. Si Google, Apple, Amazon et consœurs dégagent d’importants bénéfices, c’est grâce aux volumes d’information croissants traitées et revendues. Elles permettent d’adresser des publicités ciblées aux consommateurs, de les orienter voire les désorienter. Elles sont à la base de nombreux algorithmes et applications qui sont utilisés par un très grand nombre d’entreprises. Chaque seconde en 2020, 1,7 mégabyte de données a été créée par personne, représentant l’équivalent d’une chanson. À tout moment, en se déplaçant, en consultant ses mails en regardant une vidéo, un site, en payant, une personne génère des données qui sont susceptibles d’être exploitées. En 2010, le monde numérique ne comptait que deux zettaoctets de données numériques, soit l’équivalent de deux milliards de téraoctets. En 2015, ce chiffre avait été multiplié par six. Entre 2020 et 2025, ce volume sera multiplié par 3,7, puis par 3,5 tous les cinq ans jusqu’en 2035, pour atteindre 2 142 zettaoctets. Face à cette augmentation exponentielle, les opérateurs d’Internet ont besoin de capacités de bandes passantes de plus importantes, d’où le passage à la 5G puis à la 6G.
Les données, une matière première quasi-gratuite
Les données constituent une matière première en grande partie gratuite. Dans le mode de processus industriel, un tel phénomène est rare même si dans le passé, les rapports entre les entreprises transformant les matières premières et les producteurs de ces dernières ont toujours été compliqués, comme en témoignent les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Pour justifier le maintien cette collecte de données gratuites, les géants du digital mettent en avant qu’elles permettent de concevoir des produits adaptés aux besoins et aux attentes des consommateurs, qu’elles sont à l’origine d’avancées sur le plan médical, de géolocalisation, de la prévention des catastrophes naturelles, etc. Dans les faits, elles servent avant tout à cibler les publicités. Le modèle économique du moteur de recherche français « Qwant » qui met en avant la non-exploitation des données, reste à bâtir. Pour poursuivre son activité, il a été contraint de s’adosser à Microsoft. Sa dépendance par rapport à Bing, le moteur de recherche de Microsoft est évalué à 64 %. Le chiffre d’affaires de « Qwant », en 2019, était de 5,8 millions d’euros, son résultat étant négatif à hauteur de 23 millions d’euros. Pour mémoire, le chiffre d’affaires de Google en 2019 a été de 162 milliards d’euros. En raison de sa dépendance dans ce secteur clef, l’Europe est sur la défensive et tente de réguler un marché qui lui échappe en grande partie.
La collecte des données et leur utilisation posent des problèmes d’ordre économique et éthique. Les règles de la libre concurrence sont faussées et les droits de l’homme sont également menacés. Les lois adoptées ces dernières années sont inopérantes pour réguler le marché des données.
Conflits d’intérêt et atteintes au droit de la concurrence
Les grandes compagnies du digital sont fréquemment en conflits d’intérêt en créant des activités entrant en concurrence directe avec leurs clients en utilisant les données que ces derniers collectent. Grâce à leur surface financière, elles achètent des entreprises qui sont susceptibles de remettre en cause leur modèle économique. C’est ainsi que Facebook a racheté WhatsApp ou Instagram. La possession de données nourrissant les algorithmes donne un avantage comparatif élevé aux grandes entreprises du digital présentes depuis de nombreuses années sur le marché. Si au début de la révolution digitale, le renouvellement du tissu économique était rapide, le phénomène s’est arrêté depuis une dizaine d’années. Google, Apple, Amazon ou Facebook ont été créées au tournant du vingtième siècle. Le digital offre la possibilité d’effectuer en permanence des discriminations en fonction du prix. Ainsi, les clients ne sont jamais placés en situation d’égalité. Les prix d’un bien peuvent fluctuer en fonction du nombre de recherches, de commandes passées dans l’heure qui précède. Par ailleurs, une personne qui habite dans une agglomération ayant de nombreux centres commerciaux pourra bénéficier en ligne de produits moins chers que celle qui résiderait sur un territoire commercialement mal desservi. Les algorithmes de la publicité en ligne utilisent des modèles comportementalistes afin de renforcer les pratiques addictives à travers l’envoi de messages ciblés. L’information tout comme les publicités concourent à renforcer l’addiction. L’intelligence artificielle est une machine à frustration en développant les désirs des Internautes.
L’importance des données que les entreprises du digital peuvent entrer en conflit comme cela est le cas entre Facebook et Apple. A la différence de Google qui paie un droit d’entrée pour être sur les IPhone, Facebook y est pour le moment de manière gratuite. Il récupère les données des utilisateurs de smartphones. Apple menace d’anonymiser les données transitant par ses smartphones, tablettes et ordinateurs estimant que Facebook n’offre pas suffisamment de garanties en matière de leur sécurisation. Par ailleurs, Apple accuse Facebook d’utiliser les données ainsi collectées pour élaborer des applications gratuites et concurrentes de celles qu’elle vend sur sa plateforme.
La question des libertés publiques
L’interdiction de la page personnelle de Donald Trump sur Twitter a souligné le rôle et la puissance des réseaux sociaux dans la vie politique. Les responsables des réseaux sociaux avaient jusqu’à maintenant refusé que ces derniers soient assimilés à des organes de presse. Ce refus leur permettait de ne pas être assujettis à la législation sur la presse et de ne pas être responsables des propos qui pouvaient y être diffusés. Compte tenu de leur influence, ils ont été tenus de mettre en place des dispositifs de régulation pouvant aboutir au bannissement. Estimant qu’un membre d’un réseau à accepter les termes d’un contrat, ils sont en droit de suspendre ou d’annuler un compte en cas de non-respect des clauses afférentes. Les réseaux sociaux ne sont pas des services publics, ce sont des activités purement commerciales exploitant financièrement les données générées par leurs membres.
Au niveau des opinions, le big data conforte les internautes dans leurs opinions et réduisant le champ des découvertes. Comme cela a été prouvé à l’occasion d’élections aux Etats-Unis voire en France, des puissances étrangères peuvent manipuler les électeurs en diffusant de fausses informations. Les gouvernements doivent faire face à de nouvelles formes de mouvements peu structurés pouvant générer rapidement des manifestations, des réunions, des évènements. En quelques clics, en utilisant des relais adéquats, il est possible de toucher des milliers de personnes quand auparavant il fallait passer par les tracts et les affiches dont la visibilité était bien moindre. La liberté d’expression quasi-totale sur Internet a battu en brèche les législations visant à encadrer la diffamation. Les groupes terroristes exploitent les opportunités qu’offrent Internet pour recruter, manipuler et se financer.
Les frontières entre public et privé ont été abolies comme l’ont prouvé de multiples affaires comme celle d’Edward Snowden. Le service de sécurité NSA aux Etats-Unis est capable de gérer des quantités importantes d’informations en provenance des entreprises comme des particuliers. Les autorités américaines ont espionné durant plusieurs années des dirigeants européens par l’intermédiaire de leur téléphone.
Quelles solutions pour réguler le secteur du digital ?
Avec la croissance du numérique, la question de sa régulation se pose tant pour éviter une concentration excessive sur le plan économique que pour éviter une ingérence dans la vie démocratique des pays. Trois modèles s’opposent pour le moment sur le sujet. Le système américain repose sur des grandes entreprises capitalistiques qui adoptent leurs propres codes tout en maintenant des liens avec l’Etat dans la lutte par exemple contre le terrorisme. La Chine a mis en place un système centralisé et contrôlé dominé par des entreprises publiques, les données peuvent être exploitées commercialement et politiquement. L’Europe qui n’a pas de représentants parmi les grandes entreprises du secteur de l’information et de la communication a décidé, de son côté, un système visant à préserver a minima les droits de sa population. A l’initiative de la France, elle a demandé une taxation des entreprises du numérique au niveau des pays dans lesquels l’activité a été générée pour lutter contre l’optimisation fiscale. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) qui est appliqué depuis le mois de mai 2018 impose notamment aux sites d’obtenir l’approbation de leurs visiteurs sur les informations qu’ils recueillent. Cette réglementation contraignante n’est guère efficiente. La grande majorité des Internautes acceptent par facilité le transfert des données afin de pouvoir accéder plus rapidement possible au contenu du site visité.
La lutte contre les oligopoles du numérique ne peut pas s’effectuer en utilisant le droit traditionnel de la concurrence. Les lois antitrust apparaissent inapplicables à ce secteur. L’instauration d’un contrôle a priori pour les rachats d’entreprise a été avancée tout comme l’idée qu’un groupe ne puisse pas intervenir dans plusieurs secteurs d’activité comme le pratique Google.
Certains experts estiment que les sites utilisant des données devraient payer leurs fournisseurs, c’est-à-dire les Internautes. Cette facturation pourrait prendre la forme d’un crédit qui serait répercuté par les opérateurs Internet. Pour d’autres, les sites devraient, par souci de transparence, indiquer clairement le nom des entreprises auxquelles ils revendent les informations collectées. Les Internautes pourraient avoir la possibilité d’interdire l’utilisation de leurs données par tel ou tel secteur d’activité ou par des entreprises émanant de tel ou tel pays. Les Etats pourraient imposer l’effacement des données recueillies au-delà d’un certain délai ou leur libre accès. Cette dernière possibilité réduirait les coûts d’acquisition mais aurait l’inconvénient de démultiplier l’exploitation des données.
Sur le plan de la gestion des sites, la levée de l’anonymat est de plus en plus demandée. La vérification des identités ne sera pas aisée sauf à autoriser le croisement de données avec les administrations, ce qui pourrait être attentatoires aux libertés publiques. L’assimilation des réseaux sociaux à des organes de presse les contraindrait à engager leur responsabilité en cas de diffamation ou d’appels à la sédition. Par ailleurs, des voix réclament l’instauration de cours d’éducation numérique. Plusieurs pays ont franchi le pas dont l’Italie.
Sans le digital, le coût économique d l’épidémie de covid-19 aurait été bien plus élevé. Sans la modélisation numérique, le temps de conception des vaccins aurait été bien plus long. En une vingtaine d’années, l’intrusion des majors du numérique a modifié la vie quotidienne des citoyens. Elle n’est pas sans posé de réelles questions tant sur le plan de l’efficience économique que sur celui des libertés publiques. N’y-a-t-il pas captation d’une rente qui se fait au détriment des Etats, des citoyens et des autres entreprises expliquant l’affaiblissement des gains de productivité ? Le rapport de force est-il devenu tel que les gouvernements n’ont plus les moyens de contrôler les nouveaux empires que constituent les GAFAM et consœurs ? Les Etats nations auront-ils capacité de les réguler et d’éviter l’apparition d’un système d’oligopoles tentaculaires ?
Les Français et la santé, un lien complexe
Selon le Baromètre réalisé par le service statistique du Ministère de la Santé et des Solidarités, 73 % des Français résidant en France métropolitaine se déclarent en bonne santé, dont 26 % considèrent être en très bonne santé. 21 % jugent leur état de santé moyen et 6 % des Français s’estiment être en mauvaise santé ou en très mauvaise santé (respectivement 5 % et 1 %). Avec l’âge, la perception de l’état de santé se dégrade. Si 92 % des 18-24 ans affirment être en bonne santé, ce taux s’abaisse à 54 % pour les 65 ans et plus. Les femmes pensent être en moins bonne santé que les hommes. Cette différence de perception serait liée au fait qu’elles seraient, au quotidien, plus soucieuses de leur état de forme et qu’elles vivent plus longtemps que les hommes. Sur un point de vue collectif, plus de sept Français sur dix sont préoccupées par la santé des Français et quatre sur dix jugent que la santé de leurs concitoyens s’est détériorée au cours des dernières années. Les personnes en mauvaise santé sont naturellement les plus pessimistes.
Le niveau de revenu rentre en ligne de compte pour la perception de l’état de santé. 11 % des personnes appartenant aux 20 % des ménages les plus modestes en termes de niveau de vie se déclarent en mauvaise santé, contre respectivement 4 % pour ceux appartenant aux 60 % des ménages les plus aisés.
En cas de problème de santé, le premier réflexe des Français est de consulter un médecin (57 %). Suivent l’automédication et la consultation de sites spécialisés sur Internet (22 %), le recours à la famille (12 %) ainsi que pour 9 % la demande de conseils à un pharmacien. Les Français qui se déclarent en mauvaise santé optent plus fortement pour le médecin (69 %), contre 54 % pour ceux qui sont en bonne santé. L’automédication et la consultation de sites internet spécialisés ou de forums de discussion sont davantage citées par les personnes en bonne et en très bonne santé (23 %) que par les répondants en mauvaise santé (16 %). Plus les personnes sont âgées, plus elles déclarent en premier lieu consulter un médecin. Si 38 % des 18-24 ans déclarent consulter un médecin, ce taux est de 70 % pour les plus de 65 ans. Les seniors ayant plus de problèmes de santé que les jeunes ont des relations plus suivies avec leur médecin. L’automédication et la recherche de conseils en dehors du système de soins (famille, amis, sites internet spécialisés, etc.) sont pratiquées plus régulièrement par les jeunes (plus de 50 %). Les artisans et commerçants consultent moins que les autres catégories socioprofessionnelles un médecin en cas de problème de santé. Une grande majorité des Français estime que la qualité des soins est satisfaisante. 87 % d’entre eux sont satisfaits de la qualité des soins dispensés par les médecins généralistes et par les infirmiers, 82 % sont satisfaits des dentistes et 82 % des médecins spécialistes. Les Français en mauvaise santé ne se distinguent pas des autres enquêtés dans leurs réponses, à l’exception des soins infirmiers qu’ils jugent un peu plus positivement que les Français en bonne santé (91 % contre 86 %). Si les Français en mauvaise santé mentionnent davantage avoir fait appel aux services de santé (hôpital, médecins, infirmiers, etc.) au cours des dernières années, ils déclarent en revanche moins souvent avoir eu recours aux dentistes que les personnes en bonne santé (76 % contre 83 %). Ce moindre recours aux soins dentaires pourrait a priori être lié à des raisons financières, l’enquête ayant été réalisée avant l’instauration du zéro à charge. Par ailleurs, les patients ayant plusieurs problèmes de santé délaissent les soins dentaires.
En 2017, les inégalités d’accès aux soins figurent aux yeux des Français parmi les plus inacceptables avec celles liées aux revenus et aux origines ethniques. Si la grande majorité des sondés estiment qu’en France, tout le monde peut être soigné quel que soit le revenu (74 %) ou le lieu d’habitation (67 %), ils sont beaucoup plus critiques concernant la qualité des soins reçus et les délais d’attente. Seuls 39 % déclarent que la qualité des soins est la même quel que soit le revenu et 37 % quel que soit le lieu d’habitation. Les mauvaises habitudes de vie et de santé sont perçues comme la principale cause des problèmes de santé des Français (28 %), suivis de l’environnement (24 %) et des conditions de travail (22 %). Les personnes en bonne santé évoquent majoritairement les mauvais comportements, quand les personnes déclarant un état de santé « moyen » mentionnent à parts égales les comportements et les conditions de travail. En revanche, 28 % des enquêtés en mauvaise santé avancent en premier les conditions de travail, les mauvais comportements arrivant seulement en troisième position. Les personnes en mauvaise santé citent également davantage les raisons génétiques que les personnes en bonne santé (16 % contre 9 %) mais moins souvent l’environnement (20 % contre 25 %).
94 % des Français considèrent que l’assurance maladie relève des pouvoirs publics. 84 % refusent toute idée de baisse des prestations d’assurance maladie en échange d’une baisse de leurs impôts ou cotisations. 58 % des Français privilégient le maintien au niveau actuel des prestations sociales et des remboursements d’assurance maladie à des mesures visant la réduction du déficit de la Sécurité sociale. Les Français approuvent le financement public de l’Assurance maladie. Même si le reste à charge des patients est le plus faible de l’OCDE, 62 % des Français le jugent trop élevé, dont 13 % « beaucoup trop élevé les Français le trouvent trop élevé ». Le reste à charge s’élevait, en 2019, à 6,9 % de la consommation de soins et de biens médicaux en moyenne en 2019 avec des différences selon les postes de soins et les personnes. Le niveau de vie influence très fortement la probabilité de répondre que le reste à charge est beaucoup trop élevé avec un écart de 10 points entre les personnes appartenant aux 20 % des ménages dont le niveau de vie est le plus bas et celles appartenant aux 20 % des ménages dont le niveau de vie est le plus élevé (17 contre 7 %). Les Français qui déclarent un état de santé moyen, mauvais, ou très mauvais, déclarent que le reste à charge est trop élevé (65 %), contre 60 % pour les Français en bonne santé.
La France consacre plus de 11 % de sa richesse
nationale à la santé, ce qui la place parmi les pays réalisant l’effort le plus
important en la matière. Selon l’étude du Ministère de la Santé, les Français
sont conscients de la qualité de leur système de santé même s’ils sont inquiets
de la montée des déserts médicaux, de l’allongement des délais pour avoir rendez-vous,
ainsi que des reste à charge même si ces derniers sont faibles par rapport à la
pratique en cours chez nos partenaires.