Le Coin des Tendances – Disney, générations Y et Z – système de santé
Ce n’est pas facile tous les jours d’être Y ou Z
La génération Y (personnes nées dans les années 1980/1997) qui aujourd’hui se rapproche de la quarantaine a commencé à travailler dans les années marquées par la crise financière de 2007/2009. La génération Z (personnes nées entre les années 1997/2010) dont les premiers éléments atteignent la vingtaine d’années a été touchée par l’épidémie et l’arrêt sur image des économies. Les deux chocs ne sont pas dans de la même nature. La crise des subprimes a marqué un coup d’arrêt dans la mondialisation et dans la montée en puissance de la consommation. La crise sanitaire a perturbé les relations sociales. Le contexte est également différent. L’acuité du réchauffement climatique a considérablement augmenté en une dizaine d’années, les jeunes étant devenus les avocats de la décarbonation des activités. Le marché du travail a également changé. Si à la sortie de la crise financière, le chômage était élevé, à la sortie de l’épidémie, les pénuries de main-d’œuvre sont légion.
Les générations Y et Z rassemblent 125 millions de consommateurs au sein de l’Union européenne et 110 millions aux États-Unis, soit un tiers de la population. Selon l’hebdomadaire « The Economist », les deux générations Y et Z sont à l’origine de 30 % de la consommation des ménages aux États-Unis comme en Europe. Ils ont un rôle de prescripteurs importants. Les représentants de la génération Y en avançant en âge commencent à devenir des épargnants. Leur rapport à l’argent est différent de celui de leurs aînés. Ils ont connu durant leur vie la baisse des taux d’intérêt et l’augmentation des cours des actions ainsi que celle de l’immobilier. Cette génération qui est née avec le numérique était jusqu’à maintenant plutôt optimiste concernant son avenir. A contrario, la génération Z est plus sombre. Selon une étude de McKinsey, publiée en 2022, un quart des membres de cette génération aux États-Unis et en Europe doutent de la possibilité de percevoir une retraite et la moitié pensent qu’ils n’auront pas les moyens d’acquérir une résidence principale. Cette appréciation est à mettre en parallèle avec le fait que les générations Y et Z ont accumulé moins de richesses que la génération X (1965/1980) ou les babyboomers (1946/1964) au même âge.
Face à la consommation, les jeunes générations sont éprises de contradiction. Elles peuvent tout à la fois prôner la frugalité au nom de la protection de l’environnement et faire acte de frénésie consumériste. Selon McKinsey, la génération Y américaine a dépensé en 2022 17 % de plus qu’en 2021. Après la période des confinements, les jeunes générations ont été prises d’une envie d’achats avec à la clef des demandes d’étalement des paiements. Toujours selon l’étude McKinzey, 45 % des Européens adolescents et de moins de 30 ans souhaitaient en 2022 accroître leurs dépenses quand 83 % des babyboomers n’imaginaient pas le faire. Le paiement différé est de plus en plus en vogue chez les jeunes consommateurs. Ces derniers achètent de plus en plus en ligne par simple clic et de moins en moins en boutiques. L’acte d’achat est simplifié. L’accès aux produits s’effectue par les applications de vente et les réseaux sociaux. Les jeunes acheteurs n’ont jamais connu un monde sans smartphones. Plus des deux tiers des Américains de 18 à 34 ans passent quatre heures ou plus sur leurs appareils chaque jour. Ces jeunes consommateurs exigent des délais de livraison réduits au maximum.
S’ils sont des acheteurs compulsifs, les membres des générations Y et Z ont néanmoins un rapport à la propriété différent de celui de leurs aînés, appréciant les abonnements et l’accès partagé aux produits. Ils sont friands des sites en ligne de location, ou de vente de produits d’occasion. Les jeux et la vidéo en ligne sont parties prenantes de leur quotidien. La télévision et la radio sont en revanche sorties de leur univers. Au niveau des réseaux, la génération Z place en tête Tik Tok devant Instagram et Pinterest. Facebook est clairement identifié comme un réseau pour babyboomers. Les annonceurs se sont adaptés et investissent Instagram et TikTok. Les vidéos générées par les utilisateurs de ce réseau peuvent propulser en quelques jours des marques inconnues vers la renommée. Les applications ajoutent de plus en plus de fonctionnalités qui permettent aux utilisateurs de réaliser des achats sans jamais quitter la plateforme. Selon McKinsey, en 2021, six Américains sur dix de moins de 25 ans avaient effectué un achat sur un site de médias sociaux. Certains suivent le modèle chinois du « commerce social » en mélangeant le divertissement en direct avec le magasin de hasard. Ce phénomène est un peu moins développé même si la génération Z achète de plus en plus sur les réseaux sociaux et notamment ceux permettant d’accéder à des jeux en ligne. La majorité des achats réalisés par des jeunes de moins de 34 ans demeure effectuée encore en-dehors des réseaux sociaux. Ces jeunes privilégient des sites comme Amazon dont la gamme large de produits et de services séduit. La génération Z ne boude de pas les boutiques physiques mais celles-ci doivent être reliées au monde virtuel. Nike cible avec succès les jeunes acheteurs en leur permettant de concevoir leurs propres baskets sur son site Web, de les récupérer en personne après avoir assisté à un cours de danse en magasin. Ces consommateurs sont invités à taguer la marque dans une vidéo sur TikTok ou Instagram. L’achat doit être individualisé et donner lieu à une communication en ligne au profit des différentes communautés.
La génération Z et dans une moindre mesure la génération Y sont sensibles aux questions éthiques. Elles sont prêtes à abandonner une marque qui ne serait pas en phase avec leur vision morale de la société en particulier sur les questions environnementales. Selon la société de relations publiques Edelman, sept membres sur dix de la génération Z dans les six principaux pays de l’OCDE doutent des messages des publicités. Selon l’enquête de McKinsey d’octobre 2022, neuf Européens de la génération Z et de la génération Y sur dix ont changé leur façon de faire leurs achats en prenant en compte des données éthiques.
Les priorités en matière d’achats diffèrent selon les générations. Les babyboomers plaçaient les produits de luxe et de loisirs parmi les biens non indispensables. Leurs achats étaient sporadiques et correspondaient à un acte plaisir. Pour les jeunes générations, ces produits sont incontournables. Selon Bain, un cabinet de conseil, l’acheteur moyen de la génération Z effectue son premier achat de luxe à l’âge de 15 ans, contre 19 ans pour ceux de la génération Y. Les jeunes ne conservent pas obligatoirement longtemps les produits de luxe. Ils les échangent sur les plateformes de vente d’occasion comme Vinted. Si pour les babyboomers, l’achat de la voiture a été longtemps un acte d’identification sociale, aujourd’hui, celle-ci a été, sur ce terrain, remplacée par l’acquisition d’une paire de sneakers siglés ou d’un sac de marque.
Les valeurs des jeunes consommateurs sont axées sur une reconnaissance des spécificité des communautés, des sexes, des cultures. La notion d’égalité n’est pas celle des générations du babyboom. Le droit à la différence est admis comme principe fondateur d’où le succès du « wokisme ». Les études du cabinet de conseil américain Forrester Research soulignent que cette attitude est encore plus courante chez les adolescents et les personnes dans la vingtaine que chez leurs homologues un peu plus âgés. Le changement climatique est un thème clivant, les jeunes générations imputant aux babyboomers une responsabilité directe dans le réchauffement climatique. À travers une étude dans 16 pays, KPMG souligne que la génération Z s’inquiète plus du changement climatique et des catastrophes naturelles que toute autre génération. Selon une enquête de Crédit Suisse, les jeunes des marchés émergents sont encore plus inquiets que ceux issus des pays de l’OCDE. Les jeunes recherchent des marques s’inscrivant dans une logique identitaire et de protection de l’environnement. Aux États-Unis, « Patagonia », une marque de vêtements de plein air haut de gamme mettant l’accent sur la préservation de la planète, est plébiscitée chez les jeunes.
Si La génération Z entend changer le monde afin de préserver la planète, certains de ses éléments sont perméables aux thèses anti-scientifiques relayées au sein des réseaux sociaux comportent. Selon une enquête de l’IFOP publiée au mois de janvier 2022 par l’Express, seulement 33 % des jeunes français de moins de 25 ans pensent que la science apporte plus de bien que de mal soit 22 points de moins qu’en 1972. Un jeune sur six pense qu’il est possible que la Terre soit plate. Un sur cinq estime que des extraterrestres ont bâti les pyramides d’Égypte. Les jeunes passant le plus de temps sur les réseaux sociaux et notamment TikTok sont ceux qui remettent en cause le plus fortement les données scientifiques communément admises. 21 % des jeunes consommateurs assidus à YouTube et 29 % de ceux qui le sont à TikTok considèrent que la terre est plate. Le fait que la conquête lunaire serait une manipulation des États-Unis est de plus en plus admis chez les jeunes. 37 % de ces derniers ne considèrent pas l’homme soit le fruit d’une évolution naturelle (27 % dans l’ensemble de la population). 45 % de jeunes estiment que les vaccins ARN contre le covid peut potentiellement tuer les enfants (32 % en moyenne). Les professeurs ont du travail pour plusieurs années….
Les systèmes de santé face aux défis du vieillissement
La saturation des urgences, les déserts médicaux, la multiplication des patients sans médecin référent, l’impossibilité d’obtenir des rendez-vous dans des délais raisonnables, ne sont pas spécifiques à la France. Tous les systèmes de santé occidentaux sont confrontés à ces problèmes. Le passage à une médecine de masse du fait du changement des comportements et du vieillissement de la population constitue une révolution à laquelle aucun pays n’a pour le moment réussi à apporter une réponse tangible. La généralisation de la Sécurité sociale a facilité l’accès à la médecine. Le recours aux professionnels de santé est devenu un acte courant quand il était mesuré voici quarante ans. La diminution du reste à charge pour les ménages avec une aversion aux risques plus élevés les incite à multiplier les rendez-vous chez les praticiens. La proportion croissante du nombre de personnes de plus de 65 ans qui représente déjà un cinquième de la population au sein de l’OCDE était prévisible mais n’a pas été accompagnée par une montée en puissance des infrastructures et du nombre de professionnels de santé.
Le problème est général. Le National Health Service (NHS) britannique est confronté à une crise hivernale sans précédent, les temps d’attente pour être traité en urgence même en cas de crises cardiaques pouvant atteindre 90 minutes. Au Canada, les autorités ont demandé l’aide à la Croix-Rouge pour gérer l’afflux de patients dans les hôpitaux. En Suisse, les établissements de santé sont également confrontés à des problèmes de gestion des malades.
Tous les systèmes de santé doivent faire face à une augmentation du nombre de malades avec, à la clef, un nombre accru de décès. En France, ce dernier est passé de 529 000 en 1992 à 667 000 en 2022. Ce nombre n’était que de 613 000 en 2019. En trois ans, la mortalité s’est accrue de 10 % à 25 % selon les pays européens.
Les dépenses de santé sont en forte progression au sein de tous les États de l’OCDE. Elles dépassaient 9 % du PIB, en moyenne, contre 8 % avant la crise sanitaire. En France, les dépenses publiques de santé s’élevaient à 9,2 % du PIB en 2021. Déjà sous tension au niveau de la main d’œuvre depuis plusieurs années, l’épidémie de covid n’a fait qu’accroître le problème. Depuis des années, les pays occidentaux ont tenté de maîtriser les dépenses de santé en limitant le nombre de professionnels (numérus clausus), en réduisant le prix des médicaments (génériques) et en régulant les dépenses à l’hôpital. Comme d’autres secteurs d’activité, celui de la santé doit faire face à une recrudescence des démissions et à une autolimitation des horaires de travail. Plus de patients et moins de professionnels avec une productivité déclinante, le cocktail est explosif.
La résorption de la crise dans les systèmes de santé prendra du temps en raison notamment des délais de formation des médecins et des infirmières. Par ailleurs, dans les pays occidentaux, le secteur de la santé est en proie à des cloisonnements et à une lourdeurs administratives difficiles à surmonter. L’épidémie de covid-19 a permis de bouger de nombreuses lignes notamment en impliquant davantage les pharmaciens (diagnostics, vaccinations). Les consultations à distance avec le recours à des appareils d’autodiagnostic (montres connectées par exemple) devraient se multiplier à l’avenir pour réduire l’engorgement des urgences et des cabinets des praticiens.
Walt Disney, à l’épreuve du siècle
La compagnie Walt Disney fête cette année son centenaire. Créée par Walter Elias, en 1923 pour produire et réaliser des dessins animés, la compagnie est devenue le symbole de « l’entertainment » et des loisirs de masse. Son empire comprend de nombreux studios d’animation et de production, des parcs à thèmes, des chaînes de télévision, des cinémas, des centres de vacances, des hôtels, des réseaux de diffusion en ligne, etc. Plus de cinq décennies après le décès de son fondateur (1966), Walt Disney est le plus grand studio d’Hollywood. La compagnie est la société qui investit le plus dans les loisirs et en particulier dans les contenus. Elle domine le box-office mondial des films de cinéma, avec quatre des dix plus grands succès de l’année dernière. En ajoutant ses différentes plateformes de diffusion de vidéos en ligne (ESPN+, Hulu, Disney +), le groupe devance, sur ce secteur, Netflix pour le nombre d’abonnés (235,7 millions contre 223 millions d’abonnés). Il tire également d’importants revenus des licences qu’il possède (Pirates des Caraïbes, Star Wars par exemple). Le merchandising constitue une activité profitable.
Depuis des décennies, des prédictions sur la chute de l’empire Disney sont émises en raison de son apparent conservatisme et de la lourdeur de ses structures. Or, lors de chaque révolution technologique, le groupe Disney a réussi à s’adapter et à demeurer le premier. Son fondateur avait, avant sa mort, compris la nécessité de diversifier ses activités en investissant dans les longs métrages classiques et dans le domaine lucratif de la publicité. Il avait également, avec la création de Disneyland, anticipé l’essor du tourisme de masse. La compagnie a été en pointe tant hier pour la télévision ou le câble et aujourd’hui pour la vidéo en ligne. Elle a racheté à de multiples reprises des studios de production de contenus reconnus pour leur esprit d’innovation, comme Pixar. Les responsables de Disney ont rapidement compris que la révolution numérique qui permet à tout un chacun de diffuser et de regarder à l’infini du divertissement ne ruinait que les entreprises produisant des contenus médiocres. Les entreprises qui se sont spécialisées dans la production de qualité et renouvelée demeurent vivantes. La crise sanitaire a accéléré la mutation du cinéma. Les jeunes générations fréquentent moins assidûment que dans le passé les salles. Ils ont pris l’habitude de regarder des séries en ligne sur leur smartphone ou leur tablette. Les films qui ont rencontré un succès public important en salle ont été en 2022 des suites (Avatar 2, Top Gun Maverick). Pour capter un large public, les studios sont obligés d’utiliser des licences connues de toutes et tous. Pour attirer le même nombre de spectateurs, les studios doivent dépenser de plus en plus. La rentabilité est faible voire inexistante pour les filiales de vidéos en ligne en raison de la forte concurrence qui règne sur ce secteur. Amazon gagne de l’argent non pas avec les séries mais avec les publicités, dont les recettes sont trois fois supérieures à celles de Disney. Les acteurs traditionnels sont de plus en plus menacés par l’arrivée de nouveaux concurrents. Hormis Amazon, Disney doit faire face à la montée en puissance d’Apple qui dispose de moyens financiers importants. En 2022, Apple a remporté l’Oscar du meilleur film avec « coda » (une comédie dramatique réalisée en partie en langue des signes), moins de trois ans après son entrée dans le monde du cinéma. Des nouveaux studios exploitent les possibilités qu’offre l’intelligence artificielle. Ils utilisent notamment les solutions techniques éprouvées des créateurs de jeu vidéo pour multiplier à l’infini les décors virtuels. L’intelligence artificielle en automatisant la production d’images permet la réduction des coûts. En 2022, deux des films les plus rentables au monde étaient chinois et réalisés par des structures spécialisées dans l’image digitale. Avec Tik Tok, la Chine dispose d’une force de frappe dans la vidéo importante. Elle est également devenue incontournable dans le secteur des jeux vidéo. « Honour of Kings » de Tencent, est le jeu mobile le plus rémunérateur au monde et un des plus diffusés.
Les pacs d’animation de Disney sont obligés de se réinventer. Les jeunes générations sont de moins en moins sensibles aux films d’animation des dernières décennies. Ils consacrent déjà plus de temps aux jeux qu’à la télévision. Hollywood a mis du temps à comprendre cette évolution. Ce n’est pas Disney qui a acquis Activision-Blizzard, dont les jeux incluent « Call of Duty » et « Candy Crush », mais Microsoft qui a dépensé 69 milliards de dollars, soit près de dix fois ce qu’Amazon a payé pour Metro-Goldwyn-Mayer (James Bond et Rocky Balboa). Les films liés aux jeux deviennent aussi populaires que les jeux issus des films. Les films deviennent une déclinaison des jeux. Il en est de même pour les parcs d’attraction. Le jeu Mario aura ainsi son parc à Hollywood.
Disney est contraint de se réinventer pour ne pas se fossiliser et disparaître. Avec l’émergence de la Chine, de l’Inde et d’autres pays, le monopole américain de « l’entertainment » est mis à mal à moins que, une fois encore, la prédiction du déclin se révèle fausse.