Le Coin des Tendances du 16 décembre 2016
Le pire des mondes n’est pas certain !
En cette fin d’année, la période est aux contes de Noël. Pourquoi ne pas en profiter pour dessiner un futur économique ? La prévision à long terme est un exercice délicat que l’écrivain tchèque Milan Kundera a bien résumé en affirmant que « toutes les prévisions se trompent, c’est l’une des rares certitudes qui a été donnée à l’homme. Mais si elles se trompent, elles disent vrai sur ceux qui les énoncent, non pas sur leur avenir, mais sur leur temps présent ».
En 2030, sauf catastrophe systémique, la planète comptera 1 milliard d’habitants de plus portant l’ensemble de la population à 8,3 milliards d’habitants. L’Afrique sera, en grande partie, responsable de la hausse de la population en passant de 1 à 1,6 milliard d’habitants. L’Inde devrait être alors la première puissance démographique mondiale en ayant doublé la Chine. En l’absence de vastes mouvements migratoires, l’Europe, Russie comprise, connaîtra un processus de déclin démographique. L’espérance de vie devrait poursuivre sa progression mais à une vitesse plus lente que celle de ces dernières années. Elle devrait atteindre 74 ans contre 71 ans en 2015. En 2030, plus des deux tiers de la population vivront en ville et 41 agglomérations compteront plus de 10 millions d’habitants. En 2030, la population active atteindra 3,5 milliards d’habitants, en hausse de 600 millions par rapport à 2016. Au sein des pays avancés, elle diminuera. Si la classe moyenne a tendance à stagner voire à reculer au sein des pays occidentaux, elle devrait fortement progresser d’ici 2030 en Asie et en Afrique. Elle compterait 4,9 milliards de personnes en 2030 contre 1,8 milliard en 2016. L’Inde deviendra le premier centre de consommation mondiale doublant ainsi l’Europe.
Le nombre de retraités à l’échelle mondiale passera de 600 millions à un milliard de personnes entre 2015 et 2030. Le nombre de personnes dépendantes sera multiplié par quatre.
Les évolutions technologiques sont plus difficiles à prévoir. Le big-data, le digital, Internet génèrent une multitude d’innovations à l’utilité encore difficile à apprécier. Entre les innovations de confort, les innovations futiles et celles permettant de véritables gains de productivité, il sera nécessaire de faire le tri. Si la science élargit le champ des possibles, il est toujours nécessaire de prendre en compte l’efficience des innovations.
Il est fort probable que l’automatisation des activités physiques et cognitives se poursuivra d’ici à 2030. Il est ainsi prévu que le nombre d’objets connectés atteigne 150 milliards (contre 50 milliards en 2016). Les objets connectés et tous les services qui y sont liés pourraient générer un chiffre d’affaires de 4 000 à 11 000 milliards de dollars. Le travail devrait profondément évoluer avec, en filigrane, la problématique de la formation des actifs.
La réalité augmentée s’imposera en particulier en matière de communication. Il sera possible de voir son interlocuteur en mode holographique via un Smartphone.
Le blockchain devait faciliter les échanges sécurisés et remettre en cause les plateformes. En revanche, les États tenteront de bloquer par tous les moyens la mise en place de monnaies privées sur le modèle du Bitcoin.
Le web sémantique permettra de dialoguer avec les moteurs de recherche en langage naturel ce qui pourrait amoindrir nos facultés à écrire. Les capacités de traduction simultanée par ordinateur devraient faciliter les échanges au niveau international.
Des progrès importants sont attendus en matière de nanotechnologies tant dans la vie courante que sur le plan médical. Il en est de même pour les techniques géniques et les biotechnologies. La régénération de tissus cellulaires, d’organes à partir de cellules souches devrait se banaliser. Les possibilités de clonage devraient se multiplier avec comme limites les problèmes éthiques et les coûts que cela pourrait engendrer.
De nombreuses incertitudes pèsent sur l’énergie. D’ici 2030, le virage en faveur des énergies renouvelables aura-t-il été pris ou l’abondance des énergies fossiles aura-t-elle ralenti la substitution ? Les contraintes environnementales et la poussée démographique devraient de toute façon imposer une utilisation plus parcimonieuse de l’énergie. La constitution de réseaux décentralisés d’énergie est possible surtout dans les pays d’Afrique.
En 2030, en milieu urbain, le développement de flottes automobiles autonomes est probable. Les voitures seront toutes hybrides à moins que des progrès importants aient été réalisés en matière de batteries.
Le recyclage devrait s’imposer comme un secteur économique clef. La mise en œuvre de nouvelles techniques devrait permettre d’économiser fortement la consommation de matières premières. Le recours de l’eau en état supercritique (eau à 500 degrés sous une pression de 250 bars) offrirait la possibilité de séparer facilement le plastique des composants constituant des cartes électroniques.
L’économie d’usage devrait se substituer à l’économie de la possession. Le développement des flottes de voitures sans conducteur, le développement de l’économie collaborative qui sera professionnalisée devraient marquer les années 30 du XXIe siècle.
Cette vision optimiste repose sur l’hypothèse que l’économie mondiale ne connaisse pas une sortie de route. Le retour du protectionnisme, la multiplication des comportements non coopératifs au niveau des États, un conflit armé majeur, une catastrophe environnementale (naturelle ou pas) : chacun de ces facteurs, voire la combinaison de plusieurs d’entre eux, pourrait changer évidemment la donne.
La cyber-armée française bientôt en fonction
La sécurité extérieure des États dépend de plus en plus de la maîrise d’Internet et du digital. Le Ministre de la défense Jean-Yves le Drian a pris acte de cette situation en déclarant au début du mois de décembre que « le combat numérique est devenu une arme à part entière des armées françaises, utilisable à des fins aussi bien offensives que défensives ». Il a ajouté que « l’émergence d’un nouveau milieu, d’un champ de bataille cyber, doit nous amener à repenser profondément notre manière d’aborder l’art de la guerre (…) comme l’aviation au début du XXe siècle ». Il a précisé « en temps de guerre, l’arme cyber pourra être la réponse, ou une partie de la réponse, à une agression armée, qu’elle soit de nature cyber ou non ».
La France suit en cela l’exemple des États-Unis, de la Chine, de l’Inde, de la Corée du Nord et du Royaume-Uni en développant une stratégie numérique reposant sur trois piliers – renseignement, protection/défense et lutte informatique offensive.
Les autorités françaises ont ainsi reconnu avoir les moyens de recourir à des armes numériques de la même façon qu’elles peuvent utiliser des armes classiques de type missile pour riposter à une attaque aussi bien cyber que conventionnelle.
« Nos capacités cyber offensives doivent nous permettre de nous introduire dans les systèmes ou les réseaux de nos ennemis, afin d’y causer des dommages, des interruptions de service ou des neutralisations temporaires ou définitives » a souligné le ministre.
À cette fin, une armée numérique est mise en place. À compter du mois de janvier 2017, un commandement des opérations cyber, placé sous la responsabilité directe du chef d’état-major des armées, sera créé et doté d’un état-major resserré. 2 600 « combattants numériques » seront affectés à cette nouvelle arme.
Compte tenu de l’importance prise par les réseaux dans la vie des États, une attaque informatique pourrait occasionner des dommages importants qui pourraient remettre en cause le fonctionnement au quotidien de la vie d’un pays et de son économe. C’est pourquoi le Ministre de la Défense a mentionné « qu’une attaque informatique majeure, eu égard aux dommages qu’elle causerait, pourrait constituer une agression armée au sens de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et justifier ainsi l’invocation de la légitime défense ». La Chine ou la Corée du Nord ont créé des entités capables de pirater les serveurs informatiques à l’étranger. Israël et les Américains ont réussi à ralentir le programme nucléaire iranien grâce à des attaques informatiques. La Russie est accusée, par les autorités américaines, d’avoir pénétré plusieurs sites de l’administration afin d’accéder à des informations confidentielles et de les divulguer en vue de nuire à Hillary Clinton.
Néanmoins, un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés les cyberarmées reste l’identification des groupes ou États à l’origine de cyberattaques. Pour montrer la détermination de la France à assurer en la matière sa sécurité, le Ministre de la défense a indiqué que si l’attaque informatique transite par un État qui « n’aurait pas empêché une telle utilisation, la responsabilité de cet État pourrait être mise en jeu ».