Le Coin des Tendances du 17 juin 2017
Le territoire en dérangement ?
La population française est urbanisée à plus de 80 %, ce qui signifie que 4 Français sur 5 vivent dans une ville de plus de 2 000 habitants. Certes, ce taux n’a pas de réelle signification car les conditions de vie entre un habitant d’une petite commune de 3 000 habitants et ceux d’un habitant d’une ville de 10 000 habitants ou celui d’une ville de 200 000 habitants ne sont pas identiques même s’ils sont tous considérés comme des urbains.
La différenciation entre zone urbaine et zone rurale repose logiquement sur deux critères : la continuité du bâti et le nombre d’habitants. Selon l’INSEE, une zone ou unité urbaine est un « ensemble de communes sur lequel on trouve une zone de bâti continu, c’est-à-dire un espace au sein duquel il n’y a pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions et dans lequel résident au moins 2 000 habitants ». Plusieurs autres définitions existent. Ainsi, toujours selon l’INSEE, 95 % de la population française vit désormais sous l’influence des villes. L’institut statistique prend en compte les liens domicile-travail des habitants pour déterminer ce taux. Il ne resterait ainsi que 5 % de la population qui ne serait pas dépendants d’un centre urbain constitué d’un minimum de 1 500 emplois. Ces 5 % se répartissent dans 7 400 communes rurales. Avec un seuil de population à 2 000 habitants, Eurostat considère, de son côté, que seulement 36 % des Français habitent en ville, contre 29 % en zone rurale et 36 % en zone intermédiaire.
Pour classer les territoires en zones urbaines ou pas, la densité de la population peut être utilisée. Ainsi, peut être considéré comme communes rurales, celles dont la densité est inférieure à 30 habitants au kilomètre carré. Pour information, la moyenne nationale est de 117 et celle de Paris est de plus de 20 000.
De nombreux territoires périurbains comprennent une large majorité de petites communes rurales, ces espaces présentant des caractéristiques très variables et ressemblant parfois à des campagnes. De nombreuses communes, pouvant compter jusqu’à 40 000 habitants, sont reliées avant tout au monde rurale qui les entoure. De ce fait, malgré un classement en zone urbaine, elles sont confrontées aux problèmes du monde rural.
Les grandes métropoles peuvent comporter des territoires à dominante rurale ou peu urbanisés mal reliés au centre. En Île-de-France, les franges sont nettement rurales, en Beauce, dans la Brie, à l’Ouest des Yvelines ou dans le Vexin. Il en est de même dans l’agglomération lilloise. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que 60 % de la population française ne vit pas au sein d’une des 15 premières aires urbaines.
La fracture ne se situe pas entre les territoires urbains et les territoires ruraux, mais entre les territoires oubliés et les autres. L’expansion géographique des agglomérations aboutit à créer en leur sein des zones isolées mal reliées aux commerces et services.
Trois catégories de territoires ruraux peuvent être distinguées :
- les campagnes des villes, du littoral et des vallées urbanisées, regroupant près de 16 millions d’habitants et 10 500 communes sur 140 355 km². Ce sous-ensemble connaît une forte croissance résidentielle depuis une trentaine d’années, un développement économique variable mais relativement élevé et des conditions de vie directement liées au dynamisme des métropoles ou des grandes villes environnantes ;
- les campagnes agricoles et industrielles, rassemblant 5,5 millions d’habitants et 10 523 communes sur 140 000 km² en lien avec des aires urbaines avoisinantes. Ces espaces connaissent un solde démographique généralement positif, une prépondérance des activités agricoles et industrielles, un revenu par habitant légèrement inférieur à la moyenne nationale et un accès moyen aux services et aux commerces ;
- les campagnes vieillies à faible densité, regroupant 5,2 millions d’habitants et 12 884 communes sur 227 000 km², confrontées à un vieillissement de la population, à quelques exceptions près, à un niveau de revenus parmi les plus faibles et à une accessibilité très inférieure à la moyenne nationale.
À côté de ces sous-ensembles ruraux, les villes ont enregistré, ces dernières années, une forte croissance. Les villes de plus de 2 000 habitants occupent désormais 21,8 % du territoire, soit une progression de 19 % en dix ans. Ce rythme de croissance n’avait pas été enregistré depuis les années 60. Les villes couvrent désormais 119 000 km² de territoire, contre 100 000 en 1999. L’urbanisation progresse aux marges des métropoles, le long des littoraux atlantique et méditerranéen mais aussi dans les régions alpines. Les régions les plus urbaines sont sans surprise l’Île-de-France, la Provence-Alpes-Côte-D’azur. Si jusque dans les années 60, la population avait tendance à se concentrer au cœur des villes, pour des raisons de prix et de disponibilité des logements, la tendance est désormais à l’étalement urbain. Ainsi, la densité de population diminue dans l’espace urbain depuis la fin des années soixante, 400 habitants au km² en moyenne dans l’espace urbain en 2010, contre 600 jusqu’en 1962. La superficie totale des très grandes agglomérations (de 200.000 à 2 millions d’habitants) a augmenté de 30 % par l’absorption de communes (+ 3 800 km²). Cette croissance du territoire urbain concerne également les petites unités urbaines (moins de 10 000 habitants).
La France métropolitaine compte aujourd’hui 28 unités urbaines de 200 000 à moins d’un million d’habitants. Sont entrées dans cette catégorie depuis 1999 : Le Mans et Bayonne, qui a fusionné avec l’unité urbaine frontalière d’Hendaye.
Les grandes aires urbaines françaises ont capté ces dernières années l’essentiel de la croissance de la population active métropolitaine âgée de 25 à 54 ans et concentré plus de 75 % de la croissance entre 2000 et 2010.
Le développement de l’emploi se localise dans un nombre réduit de territoires : les 2 millions d’emplois créés entre 1999 et 2011 se situent ainsi à 50 % dans 30 zones d’emploi. Les quinze aires urbaines qui concentrent plus de 500 000 habitants regroupent 40 % de la population, 55 % de la masse salariale et plus de 50 % du PIB national. Depuis 2007, deux France se font face, d’un côté les métropoles qui n’ont pas perdu d’emplois malgré les deux crises (2008 et 2011) et de l’autre côté le reste de la France qui a subi une forte hémorragie.
Les métropoles captent un nombre croissant de diplômés de l’enseignement supérieur. Les aires urbaines dans lesquelles ces cadres dépassent 9 % de l’emploi total sont désormais au nombre de douze. L’Île de France a renforcé ses positions au détriment de la proche périphérie.
À l’inverse, on assiste à la création d’une « France périphérique » pour reprendre le titre du livre du géographe, Christophe Guilluy. Des territoires ruraux, mais aussi des zones urbaines faiblement intégrées aux nouveaux circuits économiques, sont confrontés à des processus de marginalisation avec l’enclenchement de cercles vicieux. L’éloignement des centres des agglomérations, le faible nombre d’emplois de cadres, le vieillissement de la population conduisent à la fermeture des commerces et des services ainsi qu’au départ des administrations. Le développement des grands centres commerciaux entraînent la disparition des centres des petites villes et leur transformation en zone dortoir.
La double peine
Être né ou vivre au sein d’un territoire périphérique et être issu des classes sociales les plus modestes exposent à un fort risque de précarité sociale. La part des enfants d’ouvriers et employés devenus cadres et professions intermédiaires est nettement plus faible dans les départements ruraux ou périphériques que dans ceux à dominante urbaine. Un enfant né en Picardie ou en Creuse a deux fois moins de chances d’ascension sociale, avec des parents à conditions socio-économiques égales, qu’un enfant né dans le Finistère ou en Haute-Savoie.
Un système d’organisation entre deux eaux
Les pouvoirs publics ont engagé, à partir du début des années 80, un processus de décentralisation qui a abouti à transférer la gestion de certaines missions aux collectivités locales. Ce mouvement a été opéré tant pour répondre aux attentes des élus et de la population que pour réduire les charges supportées par l’État. Jusque dans les années 2000, l’idée du saupoudrage des compétences a prévalu ; depuis, les régions, les métropoles et les établissements publics de coopération intercommunale ont été privilégiés.
Si l’État conserve un fort pouvoir normatif, en revanche, sa présence sur le terrain s’est estompée. Les petites communes ont dû faire face au désengagement des sous-préfectures et des services de l’État (DDE en particulier). Ce processus a favorisé la montée en puissance des structures intercommunales. Afin de renforcer leur masse critique, l’État a demandé leur concentration dans le cadre de la réforme territoriale aboutissant à une nouvelle carte intercommunale. De ce fait, au début de l’année 2017, la France comptait 1 266 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre contre 2 611 en 2010. Ils regroupent en moyenne 57 communes et 57 000 habitants. Sur la même période, le nombre de communes tend à diminuer. En effet, en raison de la diminution de la population et du caractère de plus en plus techniques des missions dévolues à l’administration communale, les fusions se multiplient au point que le nombre total de communes est désormais inférieur à 36000 (35 885 en 2016 contre 36 681 en 2013).
Des problèmes financiers majeurs pour le monde rural
La France n’a pas opté pour un mode d’organisation fédérale. Les collectivités locales restent dépendantes de l’échelon central, même si le principe de leur libre administration est reconnu par la constitution. Cette dépendance se matérialise notamment par les moyens de financement qui leur sont dévolus. Les dotations publiques au sens large du terme représentent plus de 66 milliards d’euros auxquels il faut ajouter les compensations versées par l’État en contrepartie des exonérations accordées aux contribuables locaux. Au total, l’apport de l’État s’élève à près de 100 milliards d’euros pour un total de recettes de 230 milliards d’euros.
Les dotations, par leur mode de calcul, favorisent les centres urbains au détriment des communes rurales. Ainsi, la principale dotation, la Dotation Globale de Fonctionnement, est de 1,5 à 2,5 fois plus élevée dans une commune urbaine que dans une commune rurale. Les inégalités de DGF sont souvent elles-mêmes amplifiées par les dépenses d’investissement des régions, qui peuvent varier de 230 euros par an et par habitant en zone urbaine à 50 euros en zone rurale pour la Normandie par exemple. La péréquation visant à corriger les inégalités entre les collectivités joue, en France, joue un rôle marginal. Elle est évaluée à 10 milliards d’euros et représente 4,5 % du total des budgets locaux. Les mécanismes de soutien aux communes rurales sont d’une rare complexité. Les responsables locaux doivent composer avec le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), le fonds de soutien à l’investissement local (FSIL), le fonds de péréquation départementale, le fonds de péréquation intercommunale et communale, la dotation de solidarité rurale, les subventions des départements et des régions ainsi que la réserve parlementaire qui devrait être supprimée par le Gouvernement d’Edouard Philippe. Il faut ajouter les subventions européennes pour les régions éligibles. Au niveau de la péréquation, il y a également abondance de dispositifs. Cette complexité accroît la compétition financière entre les territoires.
La France et les déserts médicaux
Les 198 144 médecins en exercice régulier que compte la France au 1er janvier 2016 n’ont jamais été aussi mal répartis sur le territoire. Trois millions d’habitants ont un réel problème d’accès. Les écarts de densité varient de 1 à 4 entre les départements. Le département de l’Eure a la plus faible densité médicale en recensant, en 2015, 167 médecins pour 100 000 habitants. À l’inverse, Paris se positionne au premier rang des départements ayant la plus forte densité médicale. La capitale compte 678,2 médecins pour 100 000 habitants. Les écarts de densité varient également d’une profession médicale et d’une spécialité à l’autre : en 2015, ils sont de 1 à 2 pour les médecins généralistes, de 1 à 8 pour les médecins spécialistes, de 1 à 9 pour infirmiers libéraux, de 1 à 4 pour
La baisse des concours de l’État a été durement ressentie par les communes les plus pauvres qui ne peuvent pas compter sur d’autres ressources. Les grandes villes ont la possibilité soit d’augmenter les impôts, soit de réaliser des arbitrages budgétaires tout en ne remettant pas en cause le fonctionnement des services administratifs. Une petite commune ne dispose pas de solutions pour contrer une chute de 3 à 4 % de ses revenus surtout si, dans le même temps, sa population diminue et plusieurs commerces ferment.
La France et les déserts numériques
Pour compenser le recul de la présence administrative et afin de faciliter le développement économique, les pouvoirs publics ont misé sur les services en ligne. Or, cela suppose que la population soit en capacité de se connecter. Une partie de la population se situant en zone rurale est réfractaire à Internet pour des raisons d’âge ou de niveau de formation. Par ailleurs, de nombreuses zones blanches continuent à exister tant pour le téléphone portable que pour l’accès à Internet à haut débit.
La France a opté pour le déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH) à l’horizon 2022. Si cette technologie est la plus performante, elle est coûteuse et exige des investissements massifs, ce qui retarde sa diffusion au sein des territoires non urbains non prioritaires. La Cour des Comptes estime que le déploiement sur tout le territoire n’interviendra pas avant 2030. Selon les statistiques de la Commission européenne de mars 2017, la France classe ainsi la France au 27ème rang des pays européens pour le très haut débit, avec 47 % des foyers couverts.
En zone rurale, les débits pour Internet sont faibles voire très faibles. Ainsi, plus de 10 % des lignes du réseau téléphonique offrent encore un débit inférieur à 4 Mbit/s, niveau pourtant jugé indispensable pour disposer d’un accès correct aux usages numériques. En matière de téléphonie mobile, le problème des zones blanches 2G et 3G n’a toujours pas été entièrement résorbé depuis le lancement du programme de couverture de 2003. En janvier 2017, les centres-bourgs de 296 communes n’étaient toujours pas couverts en 2G. Le précédent Gouvernement avait annoncé l’achèvement du programme au 31 décembre 2016.
les masseurs kinésithérapeutes, de 1 à 5 pour les sages-femmes et de 1 à 3 pour les chirurgiens-dentistes.
Les médecins s’installent en priorité sur les côtes et abandonnent le Centre et l’Est de la France. Les arrières pays des zones touristiques, les périphéries des grandes agglomérations connaissent également une désertification médicale. La disparition des médecins entraîne celle des pharmaciens et de l’ensemble de la chaîne des professionnels de santé.
Au problème posé par l’accès géographique s’ajoute celui des délais d’attente pour obtenir un rendez-vous. Il faut en moyenne 18 jours pour voir un pédiatre, 40 jours pour un gynécologue et 133 jours pour un ophtalmologiste, sachant que les délais maximum dépassent très largement ces moyennes et peuvent atteindre douze à dix-huit mois dans certaines villes.
Compte tenu du numérus clausus et des départs à la retraite, la démographie médicale se réduira dans les dix prochaines années. Ce phénomène est accentué par la l’aspiration des nouvelles générations de médecins à de mieux concilier vie professionnelle et vie privée. Afin de remédier à cette évolution, les pouvoirs publics accélèrent la création de 1400 maisons de santé pluridisciplinaires (MSP).
Malgré tout, les ruraux sont heureux !
Une récente étude du CRÉDOC tend à contredire l’idée que les ruraux se sentent abandonnés et que leurs conditions de vie se soient dégradées. L’analyse mentionnée ci-dessous a été réalisée à partir de l’exploitation de plusieurs vagues de l’enquête permanente du CRÉDOC « Conditions de vie et aspirations » sur une population de 10 020 individus sondés, en face à face, entre 2011 et 2015. L’étude des quartiers prioritaires a, par contre, été menée à partir de données uniquement de 2016.
Plus de 8 Français sur 10 sont satisfaits, voire très satisfaits, de leur cadre de vie et de leur état de santé. Le problème numéro un que souligne les Français, est, sans surprise, leurs problèmes financiers. Ainsi, plus de 60 % estiment avoir régulièrement des difficultés pour faire face à leurs dépenses.
La grogne des habitants des quartiers en difficulté
Les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ne sont que 6 % à être très satisfaits de leur cadre de vie (24 % hors quartier prioritaire), 7 % à être très satisfaits de leur état de santé (16 % hors quartier prioritaire) et 74 % à devoir s’imposer régulièrement des restrictions budgétaires (60 % hors quartiers prioritaires).
Ce ressenti est à mettre en relation avec le poids des jeunes dans ces quartiers. 25 % de la population a moins de 15 ans, contre 18 % en France métropolitaine. En outre, elle est moins diplômée ; 51 % de la population âgée de plus de 15 ans et n’étant plus en formation initiale dispose du seul brevet des collèges, contre 32 % en France métropolitaine. Le taux de chômage dans les QPV est nettement supérieur à la moyenne nationale (taux de chômage de 26,4 % en 2015, contre 10,1 % dans les unités urbaines englobantes).
Le stress des habitants des grandes villes
Les habitants des grandes agglomérations, tout particulièrement Paris, sont nettement moins souvent satisfaits de leur cadre de vie que ceux des agglomérations de plus petite taille ou, surtout, des communes dites rurales. Concernant la qualité de vie, moins de 30 % de la population des agglomérations de plus de 200 000 habitants se déclarent très satisfaits. Ce taux est de 21 % dans l’agglomération parisienne, quand il s’élève à 40 % dans les communes rurales.
Les habitants des villes moyennes plus enclins à éprouver des difficultés financières
Les difficultés financières sont, quant à elles, plus fréquentes dans les agglomérations de taille moyenne (entre 20 000 et 10 000 habitants). C’est dans les petits pôles urbains que les restrictions budgétaires sont les plus fréquentes : elles touchent plus de 7 habitants sur 10. Elles le sont relativement moins dans les espaces périurbains (couronnes des grands pôles), où vit la part la plus importante de personnes ayant de hauts revenus et la plus faible de personnes aux revenus modestes.
État de santé, les problèmes d’accès ne minent pas le moral
En termes de satisfaction des populations sur leur état de santé, les écarts sont peu marqués, selon le CRÉDOC, entre les types d’espaces, même si le fait d’habiter dans un grand pôle ou dans sa couronne diminue légèrement les chances d’être satisfait de sa santé par rapport à un individu ayant le même profil mais habitant dans une commune isolée.
La région n’explique pas tout
L’appartenance régionale n’est pas discriminante. Néanmoins, une moindre satisfaction à l’égard du cadre de vie est observée de la part des Franciliens (seulement 21 % de très satisfaits). Ce ratio est très élevé dans les régions situées à l’ouest du pays telles que la Nouvelle-Aquitaine, la Bretagne et la Normandie (41 % de très satisfaits pour la première et 38 % pour les deux autres). C’est dans les Hauts-de-France et en Bretagne, tout de même, que les individus sont le moins souvent satisfaits de leur état de santé (moins de 20 % de très satisfaits). Ces régions, en particulier les Hauts-de-France, sont parmi celles où l’espérance de vie est la plus faible. Le haut niveau de satisfaction observé en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et en Auvergne Rhône-Alpes est, à l’inverse, associé à une espérance de vie élevée. Dans certaines régions, cependant, il n’existe pas de lien direct entre l’opinion de la population sur son état de santé et l’espérance de vie observée (par exemple en Pays de la Loire, où un faible niveau de satisfaction est associé à une espérance de vie élevée). Enfin, en termes de restrictions budgétaires, c’est en PACA qu’elles sont le plus fréquentes (68 % de la population concernés) alors qu’elles le sont relativement moins dans le Grand Est (57 %). La région PACA se caractérise en effet simultanément par un revenu médian disponible relativement faible et de fortes inégalités de revenus ainsi qu’un coût de la vie élevée. Par ailleurs, la forte fréquentation touristique génère des sentiments de frustration ou de jalousie.
Les résultats de l’étude du CRÉDOC mettent donc en avant une image plutôt positive des espaces ruraux, quelle que soit leur définition, dans lesquels les habitants apprécient le cadre de vie, sont relativement peu souvent confrontés à des restrictions budgétaires et sont plutôt satisfaits de leur état de santé.
Et si le déclin avait commencé dès les années 60 ?
L’affadissement de la croissance des pays avancés est souvent daté des années 70. Le premier choc pétrolier sert de révélateur et la baisse des gains de productivité le matérialise. Plusieurs études dont celle du Prix Nobel Edmund Phelps font remonter le début du déclin au milieu des années 60. À ses yeux, le ralentissement de la productivité commence aux États-Unis en 1964, se poursuit dans les années 70. Un rebond est constaté dans les années 90 avec la percée d’Internet avant de laisser place à une stagnation. Ainsi, si le taux de productivité globale des facteurs de production (valeur ajoutée sur coût du travail et coût du capital) était de 2,25 % par an aux États-Unis, entre 1922 et 1972, il est passé à 1,04 % entre 1972 et 1996. Il remonte à 1,91 % entre 1996 et 2004 avant de redescendre à 0,83 % entre 2004 et 2011. Le chômage a commencé également à augmenter à partir du milieu des années 60. Il a été imputé à l’arrivée sur le marché du travail des premières générations du baby-boom mais il peut s’expliquer par un amoindrissement de la croissance qui était alors mal perçu en raison de l’augmentation des prix. Le taux de marge des entreprises a eu tendance à se dégrader dès les années 60. Depuis le début des années 70, les économies occidentales sont plus sujettes qu’auparavant aux récessions. De 5 à 6 crises peuvent être dénombrées en quarante-cinq ans (chocs pétroliers de 1973 et de 1980, crise de 1993, crise de 2002/2003, crise de 2007/2008 et crise de 2011/2012 pour l’Europe). La crise de 2008 marque également une rupture en raison de son ampleur et de sa durée. Les précédentes crises avaient été vite endiguées et avaient débouché sur des rebonds. Les stigmates de celle de 2008 ne sont pas encore totalement effacés, près de dix ans après sa survenue.
La modification de la structure des secteurs économiques peut expliquer l’évolution de la productivité. Le recul de l’industrie au profit des services contribue à une diminution des gains de productivité.
La montée des inégalités constituerait un autre signe de déclin économique. Elle aurait commencé à se manifester également à partir des années 60 aux États-Unis. En Europe, le développement de l’État providence a masqué durant des années cette inflexion.
Enfin, aux États-Unis, le rapport des salaires par rapport à la richesse produite atteint un maximum en 1968 avant de décliner, prouvant une inversion dans le rapport de force entre salariés et actionnaires.
Les facteurs du déclin post sixties
Les causes du ralentissement de la croissance sont multiples et sont interdépendantes.
Pour certains, la remise en cause du modèle fordiste qui s’appuyait sur une progression des rémunérations et sur un rapport de force favorable aux syndicats expliquerait en partie le déclin économique. Or, si sa désagrégation s’accompagne d’une montée du chômage et de la moindre revalorisation des salaires, elle peut être également perçue comme une conséquence de la baisse des gains de productivité. C’est peut-être aussi un arbitrage défavorable au capital qui a entraîné la diminution de ces gains.
Le patrimoine des ménages tend également à fortement s’accroître dès les années 60. Or, si l’épargne est nécessaire à la croissance, elle peut se révéler contreproductive quand les ménages privilégient la sécurité. Après la Seconde Guerre Mondiale, surtout en Europe, le patrimoine des ménages représentait quelques mois du revenu disponible brut (en 2016, il représentait 8 années du revenu disponible brut pour la France), l’objectif était avant tout de tirer des revenus du travail et de se constituer justement un capital. Une fois celui-ci constitué, l’objectif de sa préservation élimerait les capacités d’innovation et de prises de risque. Les effets de l’épargne sur la productivité auraient tendance à diminuer de décennie en décennie. L’alourdissement des taxes sur l’épargne et sur le patrimoine aurait incité les contribuables à privilégier les placements générant des revenus récurrents sans risque.
L’évolution de la structure du capitalisme pourrait expliquer la moindre croissance. La financiarisation des entreprises et leur mode de gouvernance seraient antinomiques avec l’innovation et la prise de risques. Les grandes entreprises sont dirigées par des managers tenus de rendre des comptes aux actionnaires qui ne sont plus directement impliqués dans la gestion. Les dirigeants, pour conserver leur poste, se doivent de maintenir au plus haut niveau possible la rémunération de leurs actionnaires. De ce fait, ils privilégient une vision court-termiste. Leur rémunération est souvent calculée en fonction d’objectifs financiers et non en fonction d’objectifs liés à l’innovation. En outre, les grandes entreprises ont tendance à constituer des oligopoles, ce qui ralentit le progrès technique.
Les innovations ont été portées ces dernières années par les start-up qui sont des entreprises où les actionnaires sont également les dirigeants. Quand elles grandissent, elles perdent souvent en capacités créatives. Ces dernières pâtiraient également des nouveaux modes d’organisation des entreprises. Le recours au télétravail, la diminution du nombre d’interactions entre salariés en raison du recours aux techniques de l’information et de la communication pèseraient sur la productivité. Dans l’entreprise Yahoo, afin de favoriser l’innovation, il a été décidé de limiter le recours au télétravail. Certains considèrent par ailleurs que les TIC diminuent les capacités de concentration et donc de création itérative. La montée en puissance du travail en groupe et la multiplication des connexions favoriseraient l’innovation. Enfin, selon les tenants de la théorie de la stagnation séculaire, le rendement de la recherche serait décroissant. Les inventions les plus simples et les plus profitables auraient été trouvées. Pour développer un nouveau médicament, il faut désormais dépenser plusieurs milliards de dollars quand quelques centaines suffisaient auparavant. En outre, les scientifiques doivent prendre en compte le principe de précaution.
L’évolution de la démographie et le passif social qu’elle génère seraient un des facteurs de baisse de la croissance. Les prestations sociales dont le poids est croissant ont pour conséquence, par ricochet, le recul des dépenses d’investissements publics qui avaient soutenu l’activité durant les années 50 et 60. L’augmentation du coût du travail générée par ces prestations a conduit à des politiques d’automatisation et de délocalisation dont ont été victimes les salariés.
La croissance des années 2000 ne serait que la conséquence d’un rattrapage des pays sous-développés et d’une sophistication à l’échelle mondiale des modèles de production mis en œuvre depuis la fin du XIXe siècle. Depuis le début de la révolution industrielle, à partir de 1760, il y aurait une grande continuité. Le décollage, parti du Royaume-Uni, se diffuse à des vitesses variables sur tous les continents. Les inventions majeures dont un grand nombre sont issues, non pas d’ingénieurs diplômés, mais d’entrepreneurs, ont été réalisées durant les années 1840/1930.