20 février 2016

Le Coin de la conjoncture du 20 février 2016

La zone euro peut-elle entrer dans un nouveau cycle de croissance ?

Les oiseaux de mauvais augure ont le vent en poupe depuis le début d’année. Certains annoncent une crise financière digne du « big one », d’autres considèrent que les États-Unis sont désormais sur la mauvaise pente de leur cycle de croissance et d’autres encore estiment que la Chine est au bord de la récession.

La mode est également à la remise en cause des bienfaits de la politique de quantitative easing à la sauce européenne. Dans tous les cas, l’Europe est condamnée.

La zone euro sort de trois longues années de stagnation économique. Après la crise financière de 2008/2009, elle a été confrontée à la redoutable crise des dettes publiques. Or, la résorption d’une crise financière est bien plus longue que celle d’une crise liée à un choc d’offre ou de demande. La crise financière est avant tout une crise de défiance. Il est nécessaire de renouer les fils de la confiance avant d’espérer le retour de la croissance.

En espérant que le Brexit soit vite écarté, l’Union européenne peut espérer, malgré la faiblesse de ses structures, s’engager dans un nouveau cycle d’expansion. Les arguments qui plaident en faveur d’un rebond sont nombreux. En premier lieu, l’Europe devrait à un moment ou un autre, rattraper son retard avec les États-Unis. L’écart de croissance est de 20 points entre 1998 et 2015 (indice 100 en 1998 – 125 en 2015 pour l’Europe et 145 points pour les États-Unis). Sur longue période, il faut remonter aux années 50 pour avoir un tel écart entre les deux zones. Le rattrapage concernerait tout particulièrement le secteur des techniques de l’information et de la communication où l’Europe est très en retard.

Le rebond de la croissance serait encouragé par la fin de rigueur budgétaire et du processus de désendettement. La croissance des années 2000 a été en grande partie financée à crédit amenant aux crises de ces dernières années. Si le désendettement public tarde à se réaliser, celui des agents privés a été mené dans de nombreux pays européens (Espagne, Allemagne…). Par ailleurs, tous les gouvernements ont fortement réduit la progression de leurs dépenses publiques. L’investissement public a été en recul en France comme dans de nombreux États européen. Cette politique d’assainissement a conduit à la diminution de la croissance. Dans les prochaines années, les politiques publiques devraient moins jouer négativement sur l’activité.

Les États européens se sont engagés tardivement dans les réformes de leur système de protection sociale ce qui a limité les effets sociaux des crises mais qui a ralenti l’adaptation des économies. Les rigidités salariales, la protection de l’emploi ont conduit à une baisse de la productivité horaire. Avec le temps et les ajustements en cours, les entreprises devraient à terme dégager des gains de productivité.

La maturité croissante des économies émergentes conduira à rééquilibrer les échanges avec les pays de l’Union européenne. L’Europe et notamment la France sont bien positionnées sur les services, le tourisme, le secteur financier, les transports collectifs (aviation, train…), la grande distribution, la santé…. De ce fait, la demande adressée à l’Europe devrait s’accroître.

L’OCDE doute de la reprise de l’économie

 Après le FMI, l’OCDE a revu à la baisse ses prévisions de croissance. L’optimisme de l’automne trépasse depuis quelques années durant l’hiver.

Ainsi, selon l’OCDE, l’économie mondiale enregistrera une croissance de 3 % cette année et de 3,3 % en 2017. Ce taux est inférieur à son niveau moyen sur longue période qui est de 3¾ pour cent environ.

Le taux de croissance s’établira à 2 % cette année et à 2,2 % en 2017 pour les États-Unis. Le Canada devrait enregistrer une croissance de 1,4 % cette année et de 2.2 % en 2017.

Pour le Royaume-Uni, l’institution économique prévoit une croissance de 2,1 % en 2016 et de 2 % l’année prochaine.

La croissance économique de la zone euro devrait s’établir à 1,4 % en 2016 et à 1, 7 % l’année prochaine. Le taux de croissance de l’Allemagne devrait être de 1,3 % cette année et de 1,7 % en 2017, celui de la France de 1,2 % en 2016 et de 1,5 % l’année prochaine, et celui de l’Italie de 1 % en 2016 et de 1,4 % en 2017. Pour la France, le taux est inférieur de 0,3 point à celui retenu par le Gouvernement. Une croissance de 1,2 % rendrait difficile la réduction du déficit à 3,5 % du PIB et la diminution du chômage.

Le produit intérieur brut (PIB) japonais devrait augmenter de 0,8 % en 2016 et de 0,6 % l’an prochain.

En Chine, où devrait se poursuivre le rééquilibrage de l’économie du secteur manufacturier vers les services, le PIB devrait augmenter de 6,5 % cette année et de 6,2 % en 2017. L’Inde conserverait sa première place pour la croissance avec un taux de 7,4 % en 2016 et de 7,3 % l’an prochain. En revanche, le Brésil qui est plongé dans une des plus graves récessions de son histoire contemporaine, devrait voir son économie se contracter de 4 % cette année. La sortie de récession interviendrait seulement l’année prochaine. Certains experts considéraient que le rebond pouvait être sensible dès la fin du premier semestre 2016.

L’OCDE demande la mise en place de politiques budgétaires moins restrictives. Ainsi, le chef économiste Catherine L. Mann a déclaré « dans la mesure où les administrations publiques de nombreux pays peuvent aujourd’hui emprunter à long terme à des taux d’intérêt très bas, il est possible de mener des politiques budgétaires expansionnistes destinées à renforcer la demande, tout en préservant la viabilité des finances publiques. L’accent devrait être mis sur les mesures qui ont des retombées positives importantes à court terme et contribuent également à la croissance à long terme. En s’attachant à accroître les investissements publics, les autorités stimuleraient la demande tout en contribuant à étayer l’expansion économique future ».

 

La France face à l’échec scolaire

Une récente étude de l’OCDE souligne les problèmes croissants auxquels est confrontée la France en matière d’éducation. L’organisation internationale souligne que le manque de performances à l’école a de lourdes conséquences en matière de croissance économique ainsi que sur la cohésion sociale.

En 2012, 22 % des étudiants en France étaient peu performants en mathématiques (moyenne OCDE : 23 %), 19 % avaient de faibles résultats en lecture (moyenne de l’OCDE : 18 %), 19 % avaient de mauvais résultats en sciences (moyenne OCDE : 18 %), et 13 % étaient mauvais dans ces trois domaines (moyenne OCDE : 12 %)

Les faibles performances des élèves sont liées au lieu de résidence. Ainsi, 20 % des élèves fréquentent des écoles où la moitié ou plus des élèves sont faibles en mathématiques, et environ 7 % fréquentent des écoles où 80 % ou plus des élèves sont moins performants.

Le point le plus préoccupant provient de la dégradation du niveau de performances au cours de ces dix dernières années. Ainsi, la part des faibles résultats en mathématiques a augmenté de 6 points de pourcentage entre PISA 2003 et 2012 ; la part des faibles résultats en lecture a augmenté de 4 points de pourcentage depuis PISA 2000 ; et la part de mauvais résultats en sciences n’a pas changé depuis PISA 2006.

Les mauvaises performances ne sont pas le résultat d’un seul facteur de risque, mais plutôt d’une combinaison et l’accumulation de divers obstacles et inconvénients qui affectent les étudiants tout au long de leur vie. Ainsi selon l’OCDE, la probabilité d’un manque de performance en mathématiques est plus élevée pour les étudiants issus de milieux modestes, pour les filles d’origine immigrée, pour les élèves parlant une autre langue à la maison que la langue d’enseignement ou vivant dans des familles monoparentales. Figurent également parmi les facteurs contribuant à de mauvais résultats la fréquentation d’écoles dans les zones rurales, la non-fréquentation d’écoles maternelles, le redoublement ou l’inscription dans des écoles professionnelles.

Un élève défavorisé est 4 fois plus susceptible d’avoir un faible niveau de performances par rapport à un étudiant favorisé. 40 % des élèves défavorisés en France avaient de faibles résultats en mathématiques en 2012 contre 5 % des élèves favorisés. 57 % des élèves français qui avaient redoublé avant l’âge de 15 ans étaient peu performants en mathématiques. En revanche, seulement 8 % des élèves n’ayant jamais redoublé étaient jugés peu performants (moyenne OCDE : 18%). La France est l’un des trois pays de l’OCDE se caractérisant par un écart de niveau très important entre les élèves ayant redoublé et ceux qui n’ont jamais redoublé.

Les déficiences du système éducatif français occasionneraient sur la durée d’une vie humaine, c’est-à-dire plus de 80 ans, un manque à gagner de près de 20 % du PIB.

En France, comme en moyenne dans les pays de l’OCDE, les élèves peu performants font davantage l’école buissonnière que les autres et passent, de manière assez logique, moins de temps à faire leurs devoirs. 18 % des élèves ayant de faibles résultats en mathématiques avaient, en 2012, manqué l’école au moins une fois durant les deux semaines précédant le test PISA.

Entre 2003 et 2012, plusieurs pays économiquement et culturellement différents comme le Brésil, l’Allemagne, l’Italie, le Mexique, la Pologne, le Portugal, la Fédération de Russie, la Tunisie et la Turquie ont réussi à réduire le nombre d’élèves à faibles performances en mathématiques.

L’étude de ces pays prouve que l’amélioration du niveau de formation passe par un accroissement des moyens consacrés aux établissements en difficulté. Elle suppose la mise en place d’une stratégie reposant sur un calendrier d’actions.

La lutte contre un manque de performance nécessite par ailleurs, une approche à volets multiples, adaptés aux circonstances nationales et locales. Dans tous les cas, la coopération entre décideurs politiques, enseignants, parents et élèves est indispensable.

Les points clefs recensés sont :

  • Le dépistage précoce des élèves en difficulté et la mise en place de système d’aides personnalisé
  • L’instauration d’un climat favorable à l’apprentissage
  • La mise en œuvre de dispositifs d’appui aux familles en difficulté
  • L’intégration des parents dans la vie locale et dans la vie de l’établissement
  • La mise en place de techniques pédagogiques participatives
  • L’instauration de programmes spécifiques pour les enfants migrants ou dont les parents ne parlent pas le français à la maison

Des actions doivent être également entreprises en faveur des établissements en milieu rural ou ayant un grand nombre d’élèves issus de l’immigration.

L’âge du capitaine

Les électeurs des États-Unis, de l’Allemagne et de la France seront amenés dans les prochains mois à désigner leurs dirigeants. Si depuis la fin des années soixante, le rajeunissement de la classe politique est un thème majeur force est de constater que ce ne sera pas obligatoirement le cas pour les échéances à venir.

Ainsi, aux États-Unis, les principaux candidats ont plus de 60 ans voire plus. Donald Trump est né en 1946. Hilary Clinton a 69 ans. Son principal concurrent au sein du parti démocrate est Bernie Sanders âgé de 74 ans. Nous sommes loin de John Fitzgerald Kennedy élu à 44 ans, en 1961, Président des États-Unis. En Allemagne, la chancelière, Angela Merkel qui en est à son troisième mandat a 61 ans. Son concurrent au sein de son parti et au sein du Gouvernement Wolfgang Schäuble a 73 ans. En France, le champion des sondages à droite est Alain Juppé 70 ans. Les autres candidats potentiels au second tour, François Hollande, Nicolas Sarkozy ou François Fillon ont plus de 60 ans. Seule Marine Le Pen a moins de 60 ans. Certes il y a des exceptions notoires avec Matteo Renzi ou David Cameron qui avec leurs 41 et 49 ans, font figures de benjamins de la classe politique européenne.

Est-ce qu’une question de hasards ou est-ce une évolution plus structurelle ? L’âge des dirigeants a-t-elle vocation être plus élevé ?

Quelles sont les raisons qui peuvent conduire au choix de dirigeants plus âgés ?

La composition du corps électoral

La composition du corps électoral est un facteur à prendre en compte. Les retraités, en France, représentent 35 % de la population inscrite sur les listes électorales. En outre, ce poids est d’autant plus important que les retraités s’abstiennent moins que les jeunes. L’âge médian de la population française est désormais supérieur à 40 ans quand il était de 37 ans au début du siècle. Cet âge augmente de 2 à 3 mois chaque année. Les électeurs se trouvent donc chez les plus de 40 ans voire chez les plus de 50 ans. Les candidats ressemblant à leur électorat ont donc tendance également à être de plus en plus âgés.

Des années 60 aux années 90, tout gouvernement qui se respecte est angoissé par la question jeune. Les manifestations d’étudiants sont fréquentes et peuvent provoquer la démission de nombreux ministres (Alain Devaquet, Lionel Jospin…). Aujourd’hui, les manifestations sont bien plus rares et bien plus pacifiques (les dernières en date ont concerné le CPE sous Dominique de Villepin).

La logique de la conservation du pouvoir et l’effet des sauts générationnels

Les générations des baby-boomer tentent de conserver le pouvoir. Ils s’appuient sur les structures des partis politiques dont les représentants sont plus âgés que la moyenne de la population. Par absence d’appétence, par manque de temps, les jeunes sont sous-représentés au sein des partis. De ce fait, les trentenaires et les quarantenaires sont plus rares.

Par ailleurs en France, à l’exception de Valéry Giscard d’Estaing qui a été élu à 48 ans, l’accession aux responsabilités a été, de tout temps, un long cheminement sur plusieurs décennies. Il convient de signaler que si VGE a été élu jeune, il avait une expérience de plus de 15 ans au sommet de l’État.

Pour atténuer cette analyse, il faut prendre en compte que le renouvellement au sein de la classe politique s’effectue par saut générationnel. Une génération d’hommes et de femmes politiques a tendance à bloquer l’accès à la génération qui lui succède et préfère promouvoir des personnes ayant 20 ans de moins qu’eux. Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac ont ainsi freiné les carrières des François Léotard, Alain Madelin, Philippe Séguin… Il en est de même à gauche avec François Mitterrand. Aujourd’hui, le processus semble se reproduire avec François Hollande et Nicolas Sarkozy même si avec les problèmes économiques et leur faible popularité leur mainmise sur leur camp est plus fragile que celle qu’avait leur prédécesseur.

Le principe de précaution électorale

Avec le vieillissement et les crises économiques depuis 2008, l’électorat a besoin d’être rassuré. L’expérience est donc une valeur en hausse. Les thèmes de campagne sont de plus en plus centrés sur les questions de sécurité au sens large du terme (environnement, sécurité intérieure…).

Ce sentiment de précaution est en conflit avec le principe « de sortir les sortants », principe qui a toujours le vent en poupe en période de crise. Les dernières élections en Grèce ou en Espagne ont été marquées par une montée des partis extrémistes dirigés par de jeunes responsables. Entre expérience et nouveauté, les électeurs semblent hésiter…

Quelles conséquences pour les programmes politiques ?

Compte tenu de l’âge des candidats et de la composition électorale, les mesures qui pourraient impacter les retraités sont très difficiles à prendre. Les dispositions fiscales sur les pensions ou touchant au patrimoine qui est, en France, possédé à plus de 50 % par les plus de 50 ans sont évidemment électoralement très coûteuses.

Reculer l’âge de la retraite à 63 ou 65 ans, modifier le code du travail ne concernent pas les retraités. En revanche, les candidats sont en règle générale plus silencieux concernant l’éventuelle harmonisation de la CSG des retraités sur celle des actifs ou la suppression de l’abattement de 10 % dont bénéficient ces mêmes retraités…

Les thèmes de la sécurité au sens large du terme occuperont une place de plus en plus importante dans les programmes.