Le Coin des Tendances du 22 juillet 2017
Réalités et illusions du déclassement
Thème récurrent du débat public, depuis une trentaine d’années, une part croissante de la population serait menacée de déclassement. Les jeunes actifs seraient les principales victimes de ce phénomène. Du fait de problèmes d’insertion professionnelle, de salaires plus faibles et stagnants, ils auraient un niveau de vie inférieur à celui de leurs parents avec peu de possibilité d’améliorer leur situation à moyen terme. Cette analyse qui a donné lieu à de nombreux ouvrages dont ceux de….xxxxxxx n’est qu’en partie confirmée par les résultats des études statistiques menées par les différents organismes.
Un quart de la population se sent déclassé
Selon l’INSEE, un quart des personnes de 30 à 59 ans expriment un sentiment de déclassement par rapport à leur père mais sur une génération, en 2014-2015, 40 % expriment un sentiment d’ascension sociale. 41 % des personnes de France métropolitaine âgées de 30 à 59 ans sont ou étaient cadres ou professions intermédiaires alors que ce n’était le cas que pour 29 % de leurs pères. Ainsi, 27 % des personnes estiment que le niveau ou le statut de leur profession est plus élevé que celui atteint par leur père lorsqu’elles terminaient leurs études et 9 % qu’il est bien plus élevé.
Parmi les 25 % considérant vivre une situation de déclassement, 19 % jugent que le niveau ou le statut de leur profession est plus bas et 6 % qu’il est bien plus bas. Enfin, 22 % des personnes pensent que leur profession est à peu près équivalente à celle de leur père et 9 % que leur profession n’est pas comparable.
Un sentiment qui dépend de son origine sociale mais qui se diffuse de plus en plus
L’appréciation des personnes sur leur situation sociale est liée à la catégorie socioprofessionnelle. Plus les personnes se situent en haut de l’échelle sociale, plus elles expriment un sentiment de promotion sociale : 50 % des cadres se considèrent mieux classés que leur père, contre 22 % des employés ou ouvriers non qualifiés. Inversement, les employés et ouvriers non qualifiés sont les plus nombreux (36 %) à se sentir déclassés.
Les employés et les ouvriers sont les plus sujets au sentiment de déclassement : 30 % d’entre eux se sentent déclassés et ils représentent près de 60 % des personnes qui se sentent déclassées. 53 % des employés et ouvriers non qualifiés ont une position sociale moins élevée que celle de leur père et 36 % se sentent effectivement déclassés. La mobilité sociale descendante et le sentiment de déclassement sont, logiquement, moins fréquents chez les employés et les ouvriers qualifiés, avec des taux respectifs de 19 % et de 26 %.
Au sein des employés et des ouvriers, le sentiment de déclassement varie fortement selon les professions. Il est ainsi plus élevé pour les ouvriers agricoles (45 %), les caissiers (43 %), les serveurs, aides de cuisine et employés d’hôtel (40 %) ou encore les vendeurs non spécialisés (37 %). Dans ces professions, les conditions d’emploi sont en effet moins favorables (davantage de temps partiel, risque de chômage plus élevé et revenu plus faible) et les mobilités sociales descendantes plus fréquentes. À l’inverse, le sentiment de déclassement est plus faible chez les ouvriers qualifiés, notamment ceux de l’industrie, du bâtiment et des travaux publics ou de la mécanique et du travail des métaux, pour lesquels la mobilité sociale descendante est très rare (environ 10 %). Ce sentiment est également peu répandu parmi les militaires, les policiers, les surveillants pénitentiaires et les pompiers (17 %). Ces professions s’inscrivent plus souvent dans une trajectoire sociale descendante (environ 30 %), mais le risque de chômage y est plus faible et les rémunérations plus élevées que pour les autres employés ou ouvriers.
L’appréciation de sa propre position sociale dépend encore plus nettement du milieu d’origine. Ainsi, seuls 16 % des enfants de cadres considèrent que leur profession est plus élevée que celle de leur père, illustrant un effet « plafond » : lorsque la position d’origine est élevée, il est a priori difficile de progresser encore dans la hiérarchie sociale. Symétriquement, seuls 13 % des enfants d’employés ou d’ouvriers non qualifiés se sentent déclassés, traduisant un effet « plancher ». Les enfants d’agriculteurs se sentent également peu souvent déclassés par rapport à leur père (13 %). Dans leur grande majorité, ils ont quitté le monde agricole et leur appréciation se réfère sans doute aux conditions de travail très difficiles de leur père.
Les sentiments de déclassement ou d’ascension sociale se diffusent au sein de la population et concernent toutes les catégories socioprofessionnelles : quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle considérée, six à sept personnes sur dix estiment occuper une position sociale différente de celle de leur père. Près d’un cadre sur cinq se sent quand même moins bien classé socialement que son père. Ce sentiment de déclassement est l’expression d’une frustration qui s’accompagne d’une forte nostalgie vis-à-vis des Trente Glorieuses. Les Français considèrent que les années 60 et 70 offraient des possibilités d’ascension beaucoup plus fortes qu’aujourd’hui. Même si la reconstruction et la forte croissance de ces décennies généraient d’importantes opportunités de progression sociale, l’accès limité à l’enseignement supérieur freinait également les ascensions.
Le diplôme n’est plus un sésame
La massification de l’enseignement supérieur ne s’est pas traduite par une augmentation à due concurrence des postes de cadres. En retenant le niveau de la population, la France devrait compter plus de 22 % de cadres quand leur poids au sein de l’emploi n’était, en 2012, que de 16 %. En intégrant les professions intermédiaires, l’écart est encore plus important, 11 points. Malgré un nombre de diplômés croissant, les emplois de cadres et de professions intermédiaires n’ont pas augmenté au même rythme. Cette situation explique, en partie, le chômage des jeunes et l’expatriation d’une partie des jeunes diplômés. Le diplôme était censé apporter une augmentation de revenus or, s’il offre une possibilité réelle d’obtenir un emploi, il n’est plus un gage d’élévation sociale. Ce changement est mal vécu pour les générations nées dans les années 80 et postérieures. Le sentiment de déclassement se nourrit également de la montée des vulnérabilités. Les jeunes générations se marient plus tard et divorcent plus fréquemment. La succession des crises rend également les carrières professionnelles plus accidentées.
L’accès aux meilleurs diplômes s’est durci. En effet, si le nombre de places au sein des grandes écoles ou des grands établissements d’enseignement supérieur s’est accru, la hausse a été inférieure à la progression du nombre de bacheliers. La sélection s’est accrue. Les grandes écoles ont eu tendance à se refermer sur elles-mêmes malgré quelques tentatives de discriminations positives (Sciences Po Paris). L’obtention d’un diplôme ne suffit plus. Il doit s’accompagner d’expérience à l’étranger et en entreprises (stages) faute de quoi il peut être une source de désillusions (cf. Eric Maurin, la nouvelle question scolaire, les bénéfices de la démocratisation). La massification n’est pas synonyme de réussite sociale.
Le sentiment de déclassement social diminue quand l’âge augmente
Se sentir déclassé par rapport à son père, tout comme le fait de connaître une mobilité sociale descendante, est moins fréquent à mesure que l’âge augmente : 29 % des personnes de 30 à 39 ans se considèrent moins bien classées que leur père, contre 22 % pour les personnes de 50 à 59 ans. Ces différences selon l’âge pourraient refléter davantage de mobilités descendantes pour les plus jeunes générations, sans qu’il ne soit possible de conclure. En effet, les différentes générations ne sont pas observées au même stade de leur carrière : les plus jeunes sont encore au début de leur carrière quand les plus anciennes sont plus avancées.
Selon les calculs de Louis Chauvel et de Martin Schröder (2014), le niveau de vie des personnes nées dans les années 80 devraient être de 30 % supérieur à celui effectivement enregistré si la croissance s’était maintenue au-dessus de 2 %. Il y a bien à leurs yeux, en France, comme dans la grande majorité des pays occidentaux une rupture qui explique le pessimisme d’une part non négligeable de la population.
Le déclassement est de plus en plus géographique
Le sentiment de déclassement est également lié à son lieu de résidence. Habité en milieu rural ou au sein d’une commune riche d’une grande agglomération n’est en rien comparable. Une France à plusieurs vitesses existe et expose à des modes de vie différents. Le déclassement résidentiel est devenu un élément important au sein de la population. La nécessité pour de nombreux ménages de déménager de plus en plus loin du cœur des métropoles est vécue comme un échec. Ces migrations génèrent des nuisances et des préjudices en chaine (accès à des établissements d’enseignement moins renommés, accès plus difficile aux services de santé, temps de transport allongés).
Les TIC sont-ils l’avenir de l’emploi ?
En 2016, 8,2 millions de personnes étaient employées au sein de l’Union européenne (UE) en tant que spécialistes des technologies de l’information et de la communication (TIC). Ils occupent 3,7 % des emplois. L’Europe rattrape progressivement son retard sur les États-Unis, pays dans lequel ce secteur crée moins d’emplois qu’auparavant.
Du fait de leur poids démographique, en 2016, trois États totalisaient, au sein de l’Union, la moitié de l’ensemble des spécialistes des TIC : le Royaume-Uni (1,6 million de personnes), l’Allemagne (1,5 million) et la France (1,0 million). En termes relatif, les pays d’Europe du Nord et le Royaume-Uni arrivent en tête. Les emplois dans les TIC représentent 6,6 % des emplois en Finlande, 6,3 % en Suède, 6,5 % en Estonie et 5,1 % au Royaume-Uni. À l’autre extrémité, la Grèce (1,4 %) affichait la proportion la plus faible, suivie de la Roumanie (2,0 %), de Chypre et de la Lettonie (2,2 % chacun). En France, ce secteur emploie 3,8 % des actifs.
Par rapport à 2011, le nombre absolu de spécialistes des TIC tout comme leur part dans l’emploi total ont augmenté dans la quasi-totalité des États membres, notamment en Estonie, en France, en Allemagne, au Portugal, en Finlande, en Bulgarie, en Croatie et en Hongrie. À l’échelle de l’UE, le nombre de spécialistes des TIC a progressé de 1,8 million de personnes entre 2011 et 2016 et leur part dans l’emploi total est passée de 3,0% à 3,7 %. En France, le poids des emplois spécialisés dans les TIC est passé de 2,5 à 3,8 %.
Les TIC, un secteur jeune
En 2016, plus d’1 spécialiste des TIC sur 3 (36,3 %) dans l’Union était âgé de moins de 35 ans. Parmi les États membres, la majorité des spécialistes des TIC employés avait moins de 35 ans à Malte (63,1%), en Lettonie (54,1%) et en Pologne (53,6%). En revanche, les personnes de moins de 35 ans représentaient moins d’un tiers de l’ensemble des spécialistes des TIC employés en Italie (24,5 %) ainsi que dans les trois États membres nordiques: Finlande (28,6 %), Suède (30,0 %) et Danemark (30,4 %).
Les TIC, des métiers encore trop masculins
Les femmes restent sous-représentées parmi les spécialistes des TIC dans tous les États membres de l’Union, 83,3 % des spécialistes des TIC employés dans l’Union étaient des hommes. Les parts les plus importantes d’hommes parmi les spécialistes des TIC ont été observées en Slovaquie (90,8 %), en République tchèque (88,8 %) et à Malte (88,3 %) tandis que la Bulgarie (69,8 %), la Roumanie (73,7 %), la Lettonie et la Lituanie (75,2 % chacune) ont enregistré les pourcentages les plus faibles. En France, 81,9 % des spécialistes des TIC sont des hommes.
Les TIC, une chasse-gardée des diplômés
Dans l’Union, en 2016, 6 spécialistes des TIC sur 10 (61,8 %) étaient diplômés de l’enseignement supérieur. Les plus fortes proportions ont été enregistrées en Irlande (82,4 %) ainsi qu’en Lituanie (80,7 %), devant l’Espagne (79,1 %) et, la France (78,4 %) À l’opposé, les parts les plus faibles de titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur parmi les spécialistes des TIC ont été relevées en Italie (32,8 %), suivies de l’Allemagne (49,6 %) et du Portugal (51,2 %).
Ces chiffres d’Eurostat corroborent ceux d’une étude réalisée par le cabinet Roland Berger en 2016. En France, 81 % des créateurs de start-up sont des hommes. Dans 60 % des cas, ils ont entre 25 et 34 ans et 46 % sont diplômés d’une grande école de commerce ou d’ingénieurs.
Des difficultés à recruter des spécialistes des TIC
Au sein de l’Union, 41 % des entreprises qui ont recruté ou essayé de recruter des spécialistes des TIC ont déclaré avoir eu des difficultés à pourvoir les postes vacants. Les pourcentages les plus élevés ont été enregistrés en République tchèque (66 % des entreprises ayant recruté ou tenté de recruté des spécialistes des TIC), suivie de la Slovénie (63 %), du Luxembourg et de l’Autriche (61 % chacun). À l’inverse, cette proportion était la plus faible en Espagne (17 %), en Grèce (28 %) et en Pologne.