Le Coin des Tendances du 28 août 2018
“On the road again”, la retraite attendra
Sur la table de la cuisine, le Figaro du 16 août a été abandonné par la voisine venue apporter six œufs au maître du château « La Fourchette » à Pocé sur Cisse, petite ville d’Indre-et-Loire à 30 minutes de Tours. En grosses lettres, un titre à la une attire le regard du propriétaire, « Réforme des retraites : une rentrée sous haute tension ». À 75 ans, depuis le 26 juillet dernier, celui-ci s’interroge sur le montant de la retraite qu’il pourrait toucher s’il avait cotisé au régime des indépendants en France. Ayant commencé à travailler dès l’âge de 18 ans, il aurait pu bénéficier du dispositif de carrière longue. Il a derrière lui plus de 50 ans d’activité professionnelle. Il les a fêtés à Londres en 2012. Certes, il n’est pas certain que son manager de l’époque Andrew Loog Oldman, ait acquitté l’ensemble des cotisations de retraite. Le suivant, Allen Klein, fut encore moins scrupuleux ; en tout, près de 7 ans de travail, mal rémunérés. Depuis, il s’est bien rattrapé et en a oublié de faire jouer ses droits à la retraite. Depuis 2005, il aurait pu utiliser le dispositif de cumul emploi/retraite. Ce dispositif permet à toute personne pouvant bénéficier d’une retraite à taux plein et ayant liquidé ses droits à la retraite de reprendre une activité professionnelle sans condition, en particulier de rémunération. Pour le châtelain discret d’Indre-et-Loire, l’absence de plafonnement de la rémunération est importante. Mais, de toute façon, il n’est pas concerné. Mick Jagger qui maîtrise notre langue prend le journal et décide de parcourir l’article. De son passage rapide à la London Economics School, il a conservé le goût de l’économie et de la chose publique. Quelques vagues souvenirs lui reviennent sur le fonctionnement du système de retraite britannique. Il y a si longtemps qu’il ne cotise plus au système de protection sociale de son pays d’origine. 47 ans sont passés depuis le départ des Stones d’Angleterre. À l’époque, le taux marginal d’imposition sur les revenus dépassait les 90 %, la France était considérée comme un havre fiscal. Mick Jagger avait alors choisi de s’installer à Paris, rue Sébastien Bottin qui a pris depuis le nom de Gaston Gallimard. C’était à quelques mètres de Sciences Po, l’école que fréquentait sa première épouse, Bianca Jagger. La légende raconte que, las de l’attendre, il aurait acheté le café, le Basile. Aujourd’hui, une photo de Mick Jagger, jeune, est accrochée aux murs et les serveurs portent un t-shirt à l’effigie du groupe. Keith Richards, le guitariste, avait préféré une maison près de Nice, dénommée Nelcôtte, transformée en studio d’enregistrement. Durant l’été les Stones y enregistrèrent un album au son moite. Accueilli au départ fraichement par la critique, il devint, au fil des années, culte. Il marqua les années 70 et permirent aux Stones de financer leurs projets ultérieurs. À l’époque, aucun des membres du groupe ne pensait à la retraite. Certes, en 1964, un journaliste avait demandé à Mick Jagger combien de temps il pensait encore jouer de la musique. Il avait alors répondu, « deux ou trois ans ».
S’il était resté à Londres, s’il avait décidé de faire une carrière de cadre dans une entreprise, Mick Jagger aurait pu bénéficier du régime public de retraite. Jusqu’en 2011, le système était à deux étages avec une pension de base forfaitaire et une pension complémentaire publique ou privée. Depuis le 6 avril 2016, les personnes qui partent à la retraite ne reçoivent plus qu’une pension forfaitaire (New State Pension), remplaçant les deux composantes antérieures.
Les cotisations sociales globales du salarié s’élèvent à 24 % (dont la moitié à la charge de l’employeur) sur une première tranche de revenus, 4 % au-dessus. Elles financent la retraite, le chômage et la maternité mais pas la maladie financée par l’impôt. Pour les indépendants, cela pourrait potentiellement être le cas Mick Jagger, la cotisation est forfaitaire en-dessous d’un certain revenu, puis s’élève à 9 %. Elle ne donne pas droit à l’allocation de recherche d’emploi dont a priori il n’a pas besoin.
Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2018, tous les employeurs ont l’obligation d’affilier leurs salariés à un régime de retraite d’entreprise dès lors que ces salariés ne sont pas déjà affiliés à un tel régime, ont entre 22 ans et l’âge légal de départ à la retraite et gagnent plus de de 10 000 livres par an. Le taux de cotisation minimal est de 5 % à compter du 6 avril 2018 puis de 8 % à partir du 6 avril 2019.
En ce qui concerne les conditions d’âge et de durée de cotisation, Mick Jagger semble les remplir totalement. L’âge de liquidation des droits est, au Royaume-Uni, de 65 ans pour les hommes et il faut au minimum 35 années de cotisation. L’âge de départ passera à 66 ans en 2020, à 67 ans en 2018 et à 68 ans en 2037.
En qui concerne le montant de la pension, la « satisfaction » n’est pas garantie. En effet, la pension unique versée aux personnes qui ont pris leur retraite après le 6 avril 2016 est un montant fixe hebdomadaire de 164,35 livres en 2018, soit 188 euros. Certes, chaque tranche de 9 semaines travaillées au-delà de l’âge de la retraite donne droit à 1 % de pension supplémentaire. À 75 ans, Mick Jagger peut ainsi espérer majorer sa pension de plus de 57 %. Les différentes conjointes de Mick Jagger ne peuvent pas, à la différence de ce qui existe en France, espérer bénéficier d’une pension de réversion, le système britannique n’en comportant pas à proprement parler. Néanmoins, les cotisations sociales incluent une assurance décès qui peut donner droit, suivant les situations, à un capital-décès, à une allocation-décès ou à une allocation de parent survivant hebdomadaire pendant un an maximum.
Mick Jagger sort de ses songes et se met à parcourir l’article du journal traitant de la future réforme des retraites d’Emmanuel Macron, un Président qui a 35 ans de moins que lui. Ce dernier entend remplacer les 42 régimes de retraite par un système dit universel à points en vertu duquel un euro de cotisation versé donnerait les mêmes droits à la retraite. En quelques mots, toute la France est résumée. Les Français aiment les idées claires, cartésiennes ; ils ont un sens marqué de l’égalité mais, en règle générale, dans la pratique, ils font tout l’inverse. Ils adorent les exceptions, les régimes spéciaux, les niches fiscales, les dérogations, les passe-droits, etc. Mick Jagger s’interroge sur les avantages que pourraient lui procurer le nouveau système. En lieu et place des 25 meilleures années, toute sa carrière serait prise en compte. Certes, les 25 dernières années ont été, jusqu’à maintenant, florissantes, grâce au contrat qu’il a signé avec la major française du disque, Universal. Mais, en prenant en compte 56 années de carrière, le nombre de points accumulés serait sans nul doute important. Evidemment, il faudrait que toutes les rémunérations aient été légalement déclarées. Evidemment, tout ceci est fort sympathique mais il y a les règles de plafonnement qui viennent tout compliquer. En vertu du régime de base de l’ancien système, les droits à la retraite français sont plafonnés à 50 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 19 866 euros par an, à peine de quoi de payer un aller pour Londres avec l’avion des Stones, un 737-400. Pour les régimes complémentaires, il est possible de cotiser jusqu’à 8 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, soit un total de 317 856 euros. Mick fait un rapide calcul dans sa tête. Sur ces douze derniers mois, il a gagné plus de 45 millions de revenus, soit plus de 1 130 fois le plafond de la Sécurité sociale (source : magazine « People With Money »). Mick comprend pourquoi il n’a aucune sympathie pour la retraite. De toute façon, nul ne peut imaginer des pierres qui ne rouleraient pas. En outre, il doit encore financer les études de plusieurs de ses enfants. En effet, le dernier, Deveraux Octavian Basil, n’a que deux ans et le précédent, Lucas, 17 ans. En regardant à travers le parc, la campagne française, encore verte, en cette fin d’été, Mick Jagger se félicite d’avoir rencontré le Prince Rupert Loewenstein, un grand aristocrate banquier britannique. Ce dernier a initié Mick Jagger aux arts de la finance. Il a réussi à éloigner les pique-assiettes et à limiter le poids des impôts en jouant sur la fiscalité hollandaise. Le premier conseil du Prince aux Stones fut de quitter le Royaume-Uni, le deuxième de transformer le groupe en société par actions pyramidale, appuyée sur quatre firmes basées aux Pays-Bas. La maison mère loge une multitude de compagnies secondaires s’occupant des différentes activités du groupe. Celui-ci emploie des centaines de personnes. Les effectifs grossissent durant les tournées. Le Prince conseillera également aux Stones de recourir au sponsoring. Par ailleurs, l’utilisation des chansons par des publicitaires est chèrement rémunérée. Cela fait déjà 4 ans que Rupert Loewenstein est décédé mais Mick applique à la règle ses conseils. Il rentabilise autant que possible son patrimoine immobilier. Il pratique ainsi la location saisonnière. Il est possible de louer pour 16 000 euros par semaine sa résidence d’inspiration japonaise sur l’île Moustique. Le propriétaire sélectionne lui-même les futurs locataires en parcourant leur CV. Le Prince lui avait conseillé plusieurs contrats d’assurance vie afin de gérer au mieux sa succession, la plus lointaine possible. Compte tenu de sa large descendance et du nombre élevé de conjoints, l’assurance vie offre quelques souplesses. En ce qui concerne, la multinationale, le droit néerlandais demeure attractif. Au point que, en 2017, un conseiller de Mick dut répondre à des questions relatives à l’optimisation fiscale devant le Parlement.
La retraite sonne comme un mauvais « blues » pour Mick. Il jette dans la poubelle le journal. Pour échapper à la mélancolie, il décide d’appeler son jumeau étincelant, son guitariste, Keith Richards, pour savoir s’il a avancé sur les chansons du prochain album. Celui-ci lui avoue avoir surtout dormi après la tournée qui s’est achevée il y a quelques semaines. Cela met Mick presque en colère. Il rappelle qu’il travaille sur une nouvelle tournée en 2019 en Amérique Latine et aux États-Unis, qu’il vient de renégocier plusieurs contrats avec Universal, qu’il a de nouveaux sponsors à honorer et quelques projets cinématographies à concrétiser, Keith l’interrompt en lui mentionnant que Charlie Watts, le batteur, a quand même 78 ans et qu’il faut le ménager un peu. Mick coupe court à l’échange en indiquant que la retraite ne figure pas au programme des six prochaines années. D’ici là, peut-être que la réforme des retraites d’Emmanuel Macron commencera à s’appliquer
Des champs pour villes en surchauffe ?
Le réchauffement climatique concerne en premier lieu les villes qui sont des pièges à chaleur en raison de l’artificialisation croissante des sols, de la multiplication des systèmes de climatisation qui rejettent de la chaleur et de la circulation routière. Cité dans le rapport rédigé par Annabelle Jaeger pour le Conseil Economique, Social et Environnemental, Luc Abbadie, professeur d’écologie à Sorbonne Université, souligne que « la température dans les centres-villes était entre 2 et 4°C supérieure en moyenne par rapport aux zones rurales environnantes. Ce phénomène a des conséquences en matière d’inondations, de glissements de terrain, de pollution et de surmortalité. »
Du fait de la concentration de la population et des biens, les villes sont par nature fragiles. En 2017, l’ouragan Harvey a occasionné des dégâts sans précédents à Houston, la quatrième ville des États-Unis (6,5 millions d’habitants). Ils ont été supérieurs à ceux de de Katrina en Louisiane en 2005 et de Sandy à New York en 2012. Ils ont été évalués à 230 milliards de dollars.
Les villes posent une série de défis aux pouvoirs publics : transports, gestion des déchets, de l’eau (courante et issues du ruissellement) et des différents réseaux, concentration de polluants, bruits, canicule, etc…
La question du développement au sein des villes est un sujet majeur d’autant plus que plus de 50 % de la population mondiale y vit. Ce taux est déjà de 75 % au sein des grands pays avancés. D’ici le milieu du siècle, 70 % de la population de la planète vivra en zone urbaine. Le nombre d’habitants dans les villes augmente deux fois plus vite que celui de l’ensemble de la population (3 % contre 1,6 %). En 2050, les plus grandes agglomérations se situeront essentiellement en Asie. Les capitales du Pakistan et du Bangladesh, Karachi et Dhaka, pourraient ainsi intégrer le club des 10 plus grandes métropoles. La plus grande ville pourrait être Mumbai en Inde avec 42 millions d’habitants. Elle devancerait Delhi (36 millions). Kinshasa (République démocratique du Congo) avec 35 millions d’habitants arriverait en 4e position et serait la plus grande ville africaine. La première ville occidentale, Tokyo, occuperait la 7e place du classement mondial (aujourd’hui 1ère).
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la hausse exponentielle de la consommation d’électricité liée aux besoins en air conditionné pourrait conduire à une augmentation très rapide de la production électrique à partir d’énergies fossiles rendant encore plus difficile, voire impossible, d’atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris sur le climat adopté en décembre 2015. 1,6 milliard de climatiseurs sont utilisés dans le monde, dont la moitié aux États-Unis et en Chine. Ils nécessitent plus de 2 000 térawattheures d’électricité par an, soit quatre fois la consommation annuelle d’électricité en France. Selon l’AIE, le nombre d’unités installées dans le monde pourrait atteindre 5 milliards en 2050. En France, l’industrie du froid représente déjà 17 % de la consommation électrique globale.
Plusieurs études soulignent la nécessité de penser la ville sous l’aune du réchauffement climatique. Pour lutter contre l’augmentation des températures et faciliter l’absorption des eaux pluviales, la naturalisation des sols est une solution que la Ville de Paris souhaite expérimenter, notamment à travers la suppression du goudron dans les cours des écoles. La végétalisation urbaine peut, sous certaines conditions de réalisation, représenter également une solution. Luc Abbadie indique « qu’un toit végétalisé peut permettre de réaliser jusqu’à 7,6°C d’économie sur les pics de chaleur ». En mettant trois arbres de rue par bâtiment de quatre étages, il est affirmé qu’il est possible de réaliser un gain en termes de réchauffement ou de refroidissement en hiver et 5 à 10 % d’économie d’énergie sur l’année sans compter le confort thermique au sein des bâtiments.
La multiplication des parcs urbains est également mise en avant. Ils peuvent constituer des îlots de fraicheur dans la ville. La végétation a en effet un rôle de filtration et de capture des particules atmosphériques et des polluants (fixation des métaux lourds). Des études réalisées à Shanghai ont mesuré des effets bénéfiques, sans être exceptionnels. Le taux de capture des particules fines atteint 10,9 % et celui d’absorption de dioxyde de soufre s’élève à 5 %. Un arbre à maturité peut piéger jusqu’à 20 kg/an de particules13.
Le recours aux plantes peut améliorer la qualité de l’eau et limiter les inondations. Les plantes, les micro-organismes et plantes aquatiques peuvent ainsi participer à limiter la contamination des eaux superficielles et souterraines par les villes. Plusieurs études soulignent que le « tout tuyau » des eaux pluviales peut s’avérer contreproductif.
Certains experts avancent l’idée de créer des exploitations agricoles urbaines en utilisant les toits, les immeubles de grande taille, voire en réservant certaines parties des villes à l’agriculture.
Les élus des grandes agglomérations prennent des mesures pour limiter la circulation des véhicule particuliers. L’interdiction des voitures et camions roulant au gazole figure dans les projets de nombreuses municipalités. Cela suppose le développement de moyens de transports collectifs de plus en plus coûteux à réaliser du fait de la densité même de la population. Un meilleur équilibrage logements / activités est prôné mais est difficile à réaliser.