Le Coin des tendances du 28 janvier 2017
Faut-il libérer les dépenses de santé ?
Avec le vieillissement de la population, les dépenses de santé ne peuvent qu’augmenter. Par ailleurs, la santé est un bien supérieur dont le poids dans le total des dépenses des ménages augmente avec leur niveau de revenu. A l’échelle internationale, le décollage des pays émergents ne peut que provoquer une augmentation des dépenses de santé.
Les dépenses de santé en France (dépenses d’investissement dans le secteur de la santé non comprises) s’élevaient à 10.9 % du PIB en 2013 soit un niveau bien au-dessus de la moyenne OCDE (de 8.9 %). La part de l’économie consacrée aux dépenses de santé est analogue à celle de l’Allemagne, de la Suède, de la Suisse et des Pays-Bas, mais largement inférieure à celle des États-Unis (16.4 %).
En France, la part des dépenses publiques en pourcentage des dépenses totales de santé s’élèvent à 79 %, soit au-dessus de la moyenne OCDE (de 73 %). Les régimes privés d’assurance maladie jouent un rôle plus important en France que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. Le poids des dépenses publiques de santé tend à se contracter. Elles sont passées de 8,2 à 8,1 % du PIB de 2014 à 2015. En revanche, les dépenses privées augmentent du fait de la montée en puissance de la couverture des complémentaires. L’assurance complémentaire de la couverture médicale publique finance 14 % environ des dépenses totales de santé. D’autre part, en France, la part des versements directs des ménages compte parmi la plus faible de la zone OCDE. Les patients n’ont à leur charge que 7 % des dépenses totales de santé, contre 19 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. La part en France est comparable à celle des Pays-Bas (5 %) et du Royaume-Uni (10 %), mais bien inférieure à celle de pays voisins comme l’Allemagne (13 %) et la Suisse (26 %). En termes de dépenses par habitant (corrigées des différents niveaux de prix à l’aide de parités de pouvoir d’achat pour l’ensemble de l’économie), la France a dépensé 4 124 dollars par habitant en 2013, par rapport à une moyenne OCDE de 3 453 dollars.
Contrairement à beaucoup d’autres pays européens, la France a continué à enregistrer des dépenses de santé à la hausse pendant la crise économique, mais à un rythme beaucoup plus modéré que dans le passé. L’augmentation des dépenses de santé a été principalement maîtrisée par un contrôle strict de toutes les catégories de dépenses, et par une réduction des dépenses pharmaceutiques. Les dépenses de médicaments ont reculé d’environ 2 % par an depuis 2011. La consommation accrue de génériques et l’expiration des brevets de quelques médicaments parmi les plus vendus ont contribué à cette baisse. À cela, il convient d’ajouter la politique de déremboursement des médicaments ayant un faible rendu médicale. Jusqu’en 2016, la diminution des dépenses publiques de santé ne s’est pas fait au détriment des ménages. Leur reste à charge a continué à baisser. Cette évolution s’explique par une participation accrue des régimes privés d’assurance maladie aux frais de santé, une hausse du nombre de patients souffrant de maladies chroniques et bénéficiant de l’exonération du ticket modérateur ainsi que d’une consommation moindre de produits pharmaceutiques en vente libre. En revanche, avec la généralisation des contrats solidaires qui limitent les remboursements sur les dépassements d’honoraires, le reste à charge aurait, en 2016, sensiblement augmenté.
Les gouvernements sont confrontés à un problème cornélien en matière de santé : favoriser leur essor conformément aux attentes des patients et des professionnels ou les limiter dans le cadre de la maîtrise des dépenses publiques. Depuis plusieurs années, de nombreux gouvernements ont fixé comme objectif une progression des dépenses de santé inférieure à celle du PIB. L’effort entrepris est d’autant plus important que, depuis 2008, le PIB croit à petite vitesse. Malgré le vieillissement de la population, cet objectif a été atteint dans plusieurs pays dont la France. Mais le respect de cette règle sera de plus en plus difficile à respecter tant en raison du vieillissement de la population que de la mise en œuvre de nouveaux traitements, de plus en plus chers, contre les maladies graves.
Le freinage des dépenses de santé, visible depuis 2006-2007, a pour conséquence de peser négativement sur la croissance du PIB. Or le secteur de la santé, du fait d’une forte demande, pourrait être un puissant moteur de l’économie des pays avancés et notamment de la France. Cela pose immanquablement la question du mode de financement. Pour débrider le secteur, il faut accepter une diminution du poids du secteur public compte tenu des contraintes en termes de déficit. La France dispose de grands groupes dans le secteur de la santé et d’une recherche classée parmi les meilleures du monde. Une entrave trop forte des dépenses de santé pourrait à terme conduire à une moindre compétitivité de ce secteur créateur d’emploi et générateur de recettes d’exportation. La question du partage du poids des dépenses de santé entre secteur public (assurance-maladie) et secteur privé (complémentaires et ménages) se posera. Faut-il spécialiser l’assurance-maladie sur les maladies longues et les complémentaires sur les petits risques et sur l’hébergement ? Faut-il maintenir un mille feuilles au risque de ne pas couvrir certaines pathologies ? Le non-choix ne ferait que renforcer le risque d’une médecine à plusieurs vitesses et son américanisation par des biais détournés. Aux États-Unis, les pouvoirs publics ont encouragé les réseaux de soins ce qui a engendré non pas une réduction des dépenses mais leur accélération par réduction de la concurrence. Par ailleurs, la situation des ménages américains diffère en fonction du niveau de leur prise en charge par l’assurance collective de leur entreprise. Si depuis 2014, les entreprises de plus de 50 salariés ont l’obligation de couvrir leurs salariés, cela pourrait être remis en cause en cas de suppression de l’Obamacare.
Les États occidentaux ont tout intérêt, économiquement et socialement, à ne pas entraver les dépenses de santé et à encourager la recherche. En effet, ils occupent sur ce secteur des positions de force qui pourraient être assez rapidement mises en cause avec la montée en puissance de la recherche chinoise ou indienne.
Rebond, en 2016, de la création d’entreprise en France
En 2016, selon l’INSEE, 554 000 entreprises ont été créées en France, soit 5,5 % de plus qu’en 2015. Les créations d’entreprises individuelles classiques et celles de sociétés ont augmenté de 10 %). En revanche, les immatriculations de micro-entrepreneurs (nouvelle appellation des auto-entrepreneurs) sont en léger recul (avec une contraction de 0,3 %). Avec un accroissement des créations de 56 % en 2016, le secteur « transports et entreposage » contribue pour près de la moitié à la hausse générale. Tous types d’entreprises confondus, les créations progressent dans la quasi-totalité des régions. C’est notamment le cas en Île-de-France, où le succès du transport de voyageurs par taxi et celui des « autres activités de poste et de courrier » se confirment. La hausse dans cette région atteint 12,9 %. Hors micro-entrepreneurs, seules 7 % des entreprises sont employeuses à la création. Elles démarrent alors en moyenne avec 2,6 salariés. Pour les créateurs individuels, l’âge moyen est de 37 ans. Il est seulement de 29 ans dans les transports et l’entreposage. La part des femmes créatrices se maintient à 40 %.
En 2016, dans l’ensemble des secteurs marchands non agricoles, 554 000 entreprises ont été créées, un nombre en augmentation de 5,5 % par rapport à l’année précédente, ce qui représente la plus forte hausse depuis six ans. Les créations de sociétés augmentent de 10 % (188 800 inscriptions en 2016 contre 172 000 en 2015) tout comme celles d’entreprises individuelles classiques (142 400 inscriptions en 2016 contre 129 700 en 2015). Le nombre total de créations d’entreprises classiques retrouve ainsi son niveau de 2008. En revanche, les immatriculations sous le régime de micro-entrepreneur, diminuent de 0,3 % avec 222 800 immatriculations en 2016 contre 223 400 en 2015. Les créations d’entreprises sous ce régime atteignent ainsi leur plus bas niveau depuis 2009. Cette contraction est beaucoup moins marquée qu’en 2015 (– 21 %). La part des immatriculations de micro-entrepreneurs dans le nombre total de créations décroît. Elle s’élevait à 58 % en 2010, mais n’est plus que de 40 % en 2016, soit la proportion la plus faible depuis la mise en place du régime. Le nouveau statut à la mode est la société par action simplifiée (SAS). En 2016, plus de la moitié des sociétés nouvellement créées sont des sociétés par actions simplifiées (SAS). Elles représentent en effet 56 % des créations de sociétés en 2016, après 48 % en 2015, 39 % en 2014 et 30 % en 2013. Cette hausse est principalement due aux SAS à associé unique ou unipersonnelles (33 % des sociétés nouvellement créées en 2016, après 27 % en 2015 et 20 % en 2014).
En 2016, les créations d’entreprises augmentent dans la plupart des secteurs d’activité mais deux secteurs se distinguent : « les transports et l’entreposage », « les activités spécialisées, scientifiques et techniques ». Le premier contribue pour près de la moitié à la hausse globale et le second pour un peu plus d’un quart. Les créations d’entreprises dans les transports et l’entreposage progressent très fortement depuis quelques années du fait du développement des activités de VTC, de livraisons à domicile, de coursiers. Les immatriculations d’entreprises progressent de 56 % en 2016, après + 46 % en 2015 et + 35 % en 2014. En 2016, c’est dans ce secteur que la croissance des créations d’entreprises est la plus importante. Le transport de voyageurs par taxi et VTC a abouti à la création de 13 400 entreprises en 2016, après 10 200 en 2015 et 6 900 en 2014. La croissance des créations d’entreprise dans les activités spécialisées, scientifiques et techniques, +10 % en 2016, est due à l’activité de « conseil pour les affaires et autres conseils de gestion », qui y contribue pour plus des deux tiers. Le nombre de créations d’entreprises recule en 2016 dans la construction, les « autres services aux ménages » et le commerce.
Les créations augmentent dans presque toutes les régions. Tous types d’entreprises confondus, les créations s’accroissent dans toutes les régions, à l’exception de la Guyane, de Mayotte et du Centre-Val de Loire. L’Île-de-France connaît une forte progression, + 13 %. Cette région concentre 29 % des créations d’entreprises en 2016 contre 27 % en 2015. Cette progression est imputable aux inscriptions dans le transport de voyageurs par taxi et les « autres activités de poste et de courrier », les trois quarts environ des créations dans ces deux activités se réalisent dans cette région. L’autre secteur dynamique de création d’entreprise en Île-de-France est celui de l’information et de la communication. La région francilienne représente respectivement 47 % et 42 % des créations dans ces secteurs en 2016. 40 % des créations sont réalisées, en Île-de-France sous forme sociétaire (40 % en Île-de-France contre 32 % en province). Les autres régions dynamiques pour les créations d’entreprises sont la Corse et la Normandie (+ 5 %).
En 2016, 4 % seulement des nouvelles entreprises sont employeuses au moment de leur création. Hors micro-entrepreneur, la part des entreprises employeuses à la création est de 7 %, mais cette proportion diminue depuis 2009 (8 % en 2015, 13 % en 2009). Les nouvelles entreprises, hors micro-entrepreneurs, sont le plus souvent employeuses dans l’hébergement et la restauration (17 %), la construction (11 %) et l’industrie (9 %). Inversement, la proportion d’entreprises employeuses ne dépasse pas 4 % dans les activités immobilières, les activités financières et d’assurance et le secteur « enseignement, santé humaine et action sociale ». Les entreprises employeuses démarrent en moyenne avec 2,6 salariés en 2016 (2,5 en 2015).
En 2016, l’âge moyen des créateurs d’entreprises individuelles est de 37 ans, en légère diminution par rapport à 2015 (38 ans). Comme en 2015, la part des moins de 30 ans et celle des 60 ans ou plus sont plus élevées chez les micro-entrepreneurs que chez les créateurs d’entreprises individuelles classiques. En 2016, les femmes ont créé quatre entreprises individuelles sur dix, proportion stable par rapport à 2015.
La part des hommes est la plus forte dans la construction (98 %), les transports et l’entreposage (94 %) ainsi que l’information et la communication (79 %). À l’opposé, les femmes sont plus présentes et même majoritaires dans la santé humaine et l’action sociale (73 %) et les autres services aux ménages (67 %).
Avec les Espagnols, les Français sont les champions de la création d’entreprise. Le nombre de créations rapporté à l’ensemble de la population était, en 2015 de 0,62 % en France contre 0,74 % en Espagne, de 0,31 % en Allemagne et de 0,29 % aux États-Unis. En 2016, il est possible que la France ait ravi la première place à l’Espagne.