29 juillet 2016

Le Coin des tendances du 30 juillet 2016 – médias et digital – design et net-économie

 

La presse à l’heure du digital, l’ exemple  « Le Figaro »

La petite chaine qui monte, M6, a battu le canal historique, TF1 en termes de capitalisation boursière au cours du mois de juillet. Cette victoire de la benjamine n’est qu’une conséquence de la révolution digitale qui frappe les médias. En effet, au-delà ce de combat pour la capitalisation entre deux chaines traditionnelles, le combat que ces dernières mènent face aux nouveaux acteurs digitaux est loin d’être gagné. De 2007 à 2014, les chaines hertziennes historiques (TF1, France 2, France 3, Canal +, Arte et M6 ont perdu 23 % de leur part d’audience. Les géants du Net, Google avec Youtube, Apple TV, Facebook ou Netflix mais aussi les fournisseurs d’accès ont changé la donne.

Le replay et la vidéo à la demande ont changé les habitudes des téléspectateurs. De même, la multiplication des écrans, avec la multiplication des tablettes, des ordinateurs portables et des Smartphones, a conduit à une segmentation des pratiques. La télévision a perdu son statut de lieu de rassemblement à heures fixes, de la famille. Désormais, chacun peut se constituer son programme voire regarder plusieurs programmes en même temps. La publicité s’est adaptée à cette nouvelle situation en investissant la sphère du digital dont le poids dans son chiffre d’affaires dépasse depuis le premier semestre de cette année celui réalisé via la télévision.

La presse écrite imprimée a été également confrontée à une migration importante de ses lecteurs. Le développement des sites en ligne, avec en particulier des pures players comme Huffington Post, Atlantico ou Mediapart mais aussi la concurrence des agrégateurs d’information que sont Google ou Yahoo, a fragilisé les vieilles gloires de la presse écrite qui peinent à définir un modèle en ligne à l’exception peut être du groupe « Le Figaro ». Les tergiversations entre le tout gratuit et le payant plus ou moins total ont rebuté les lecteurs qui s’en sont bien souvent détournés au profit de plateformes comme Facebook ou LinkedIn pour s’informer.

Les acteurs traditionnels doivent admettre la diminution du nombre d’abonnés. Ainsi, Canal + a perdu en 2013 plus de 185 000 abonnés et la chute s’est accéléré pour atteindre 400 000 en 2015. Au cours du seul premier trimestre 2016, Canal + a perdu 200 000 abonnés sur un total de 7,3 millions.  La presse écrite a également vu fondre ses abonnements depuis une dizaine d’années. Certains titres comme la Tribune ont renoncé à la version papier. Compte tenu de la diminution des points de vente et des problèmes de distribution, les versions papier sont condamnées.

Face à cette mutation, les groupes de presse traditionnelle ont tendance à acquérir les nouveaux acteurs. Ainsi le Nouvel Observateur est entré au capital de Rue 89. Les groupes existant préfèrent acheter des start-up que de risquer un projet de croissance interne.

Les nouveaux acteurs des médias ont une approche client différente. Gagner et retenir le client est primordial. Il faut savoir se priver de recettes immédiates (les abonnements par exemple) pour monétiser la relation dans un second temps de manière directe ou indirecte (données sur les habitudes, liens sur des bannières…). Ce qui est crucial c’est d’avoir la masse, les flux….

Si le Groupe Figaro considère qu’il sera, sans nul doute, un des derniers à supprimer le papier du fait de l’âge élevé de son lectorat en particulier pour le Figaro Magazine, il est un de ceux qui ont le plus investi dans les nouveaux médias. Aujourd’hui, le Groupe Figaro est présent sur tous les créneaux de l’information numérique en France mais aussi à l’international. Afin d’atteindre une masse critique suffisante, il a ainsi racheté, à la fin de 2015, le groupe CCM Benchmark dont les sites sont consultés par plus de 20 millions d’internautes par mois (juin 2015 – hors mobile selon Médiamétrie NetRatings). Avant sa fusion avec le groupe Figaro, CCM devançait, en France, son concurrent Webedia et talonnait SoLocal Group (Pages Jaunes) et Orange. Ces groupes étaient tous devancés par le trio de tête Google, Microsoft et Facebook.

CCM est l’acronyme de « Comment ça marche ». Il s’agit d’un forum qui permet aux internautes de s’entraider lorsqu’ils rencontrent un problème informatique, le site étant depuis disponible en neuf langues. La même approche a été développée avec « Droit-Finances » ou « Santé-Médecine ». CCM, c’est aussi « L’internaute », « Le journal du Net », « Le journal des femmes » et « Copains d’avant ».

La logique publicitaire et marketing explique donc d’abord le rachat de CCM Benchmark par le groupe Figaro, le nouvel ensemble affiche une audience de près de 24 millions de visiteurs dupliqués sur le web, se rapprochant ainsi de l’audience de Facebook en France (un peu plus de 26 millions). Néanmoins, il demeure loin derrière Microsoft (35 millions) ou Google (41 millions).

En additionnant les lecteurs sur papier et sur Internet du groupe Figaro, aux internautes de CCM-Benchmark,  ce sont 40,4 millions de Français chaque mois, soit 80 % de la population en âge de lire qui peuvent être touchés. Parmi ces Français, 12 millions sont des ménagères de moins de 50 ans et autant des cibles CSP+, que la régie estime pouvoir atteindre à 60 % en moins de dix jours, ce qui l’érige au même rang que les régies des médias sociaux ou des grandes chaînes de télévision. Le nouvel ensemble touche en tout 12,5 millions d’internautes sur le mobile.

Le groupe Figaro a opté pour un développement reposant sur un grand nombre de canaux, sur des contenus et du partage. Cette stratégie est proche de celle du groupe Springer. En jouant sur une segmentation fine, elle se distingue de celle de Google et, dans une moindre mesure, de celle de Microsoft ou de Facebook. Le Groupe Figaro réalise désormais 34 % de son chiffre d’affaires dans le numérique et 60 % de son bénéfice opérationnel.

Du design au management, les nouvelles règles de la net-économie

En quelques années, des entreprises comme Google, Facebook, Amazone, AirBnb, Uber… sont devenues des leaders mondiaux. Leur réussite repose sur une capacité à changer en permanence et à réagir très rapidement face à de nouvelles situations économiques, réglementaires ou techniques. Bien souvent, ces entreprises sont organisées en petites équipes laissant place à l’innovation et constituées de nombreux créatifs. Le pouvoir est souvent laissé à ceux qui créent les produits. Ainsi, chez Google, ce sont les codeurs qui sont en charge de l’entreprise. En 2001, Larry Page a ainsi décidé de licencier de très nombreux créateurs de projet jugés trop administratifs qui, selon lui, bridaient la créativité. Il a alors promu ceux en charge de la production. Il a également demandé aux salariés d’être pluridisciplinaires et de prendre en charge l’ensemble des processus, de la création à la distribution. Dans de très nombreuses entreprises digitales, l’accent est mis sur le croisement des compétences. Par ailleurs, la création itérative est au cœur des process.

À la différence des anciens modes d’organisation, la notion de connaissances a perdu de sa valeur. Grâce à Internet, l’accès à l’information s’est banalisé. Ainsi, les responsables de la société Agricool ont réussi à concevoir le premier container de production de produits bio en ville sans recourir à un seul ingénieur agronome. Ils ont avoué avoir appris en ligne.

Le design et le marketing deviennent des fonctions centrales. Le succès de Facebook ou d’Apple n’est pas sans lien avec le design employé. La simplicité d’Apple, la pureté des lignes, le logo jouent un rôle clef pour Apple tout comme l’ergonomie de la plateforme de Facebook. Le moteur de recherche de Google s’est imposé par son design autant que par son efficacité. Les Internautes ont tout de suite compris le fonctionnement de ce moteur de recherche dont la page d’accueil n’est constituée que d’une barre de recherche. Le design doit susciter l’empathie. Il doit être approprié par l’Internaute.

La force des nouveaux seigneurs du Net est de tester en permanence leurs solutions. Ainsi, Amazone est capable de tester en parallèle des améliorations de son site, des produits. En fonction des comportements des Internautes, il pourra opter pour l’une ou l’autre des solutions. Google mène en permanence des expériences en nous utilisant comme cobayes. Ce qui compte, c’est d’attirer dans les mailles du filet de plus en plus de personnes afin de recueillir des informations qui seront analysées et revendues. Pour cela, tous les moyens sont bons, du piratage des fichiers mails aux bandeaux alléchants en passant par les jeux…