Le Coin des tendances du 5 mai 2018
L’Europe, un train de retard pour l’industrie 4.0 ?
Le concept d’industrie 4.0 renvoie au fait que l’industrie serait engagée dans sa quatrième révolution. La première qui a commencé au XVIIIe siècle a été marquée par la mécanisation et par le recours aux machines à vapeur. La deuxième qui s’est étalée de la fin du XIXe au début du XXe s’est caractérisée par la production de masse et le déploiement de l’énergie électrique. La troisième s’est construite autour de l’automatisation des tâches et l’informatique. La quatrième repose sur la gestion des données, la connectivité des objets et l’intelligence artificielle. Dans le cadre de l’industrie 4.0, les usines fonctionnent en réseaux à la fois avec leurs clients et leurs fournisseurs. Les modes de production flexibles et reconfigurables permettent une personnalisation des produits en temps réel. À travers des systèmes itératifs, la production intègre facilement les corrections et les modifications communiquées du fait des données transmises automatiquement par les consommateurs. L’industrie 4.0 consiste également à la mise en place de moyens de maintenance prédictive avec un suivi fin des besoins énergétiques et de tous les intrants.
Selon une étude menée en 2018 par PwC, 10 % des entreprises industrielles mondiales sont à la pointe de l’industrie 4.0 quand, dans le même temps, près des deux tiers n’ont pas engagé de mutation digitale de leur activité. Si 20 % des revenus actuels des entreprises proviennent déjà totalement ou partie du digital, ce ratio devrait être de 30 % d’ici 5 ans. Sans surprise, en raison de leur création plus récente et de la forte croissance de l’industrie, les entreprises asiatiques sont les plus en pointe en matière de digitalisation. 19 % d’entre-elles ont des process de production totalement digitalisés contre 11 % sur le continent américain et 5 % en Europe. Les entreprises industrielles digitalisées mondiales ont mis en œuvre pour 48 % d’entre elles des systèmes de maintenance prédictive et, pour 45 % d’entre elles des systèmes d’exécution de fabrication. 42 % des entreprises concernées ont déployé des réseaux d’objets connectés afin d’avoir en temps réel une remontée et une gestion automatisée des données dans le cadre de leur production.
Les entreprises françaises sont proches de la moyenne mondiale pour la mise en œuvre des nouvelles technologies. Elles prévoient des économies de 15 % grâce aux investissements digitaux qui seront réalisés d’ici deux ans. Le gain en termes de revenus généré par des changements dans la gamme des produits et par la numérisation des plates-formes des modèles est évalué à 10 % sur les 5 prochaines années. La France apparaît en pointe pour l’intelligence artificielle avec un taux d’implémentation de 7 % contre 5 % en Europe mais elle est précédée par l’Asie où ce taux est de 10 %. Par rapport à leurs homologues de la région Asie-Pacifique, les entreprises européennes affichent généralement un degré moyen d’intégration de la chaîne d’approvisionnement notamment à travers le faible niveau d’automatisation et de connectivité des processus de production. L’écart pourrait s’accroître en raison des programmes d’investissement déjà engagés. La diffusion des nouvelles technologies est plus rapide en Asie et aux États-Unis qu’en Europe. Le déficit de personnel qualifié constitue une entrave au développement du digital sur le vieux continent. Le problème dépasse l’Europe car selon PwC, à l’échelle mondiale, seulement 27 % des entreprises mondiales estiment que leurs collaborateurs sont suffisamment formés pour maîtriser l’avenir digital. Les entreprises les plus avancées pour le numérique son celles qui investissent directement dans la formation de leurs collaborateurs et qui mettent en place des équipes multidisciplinaires en charge de l’innovation et de la diffusion des nouvelles techniques.
L’écart entre l’Asie, les États-Unis et le reste du monde est également lié à l’appétence des populations. En Europe, le goût pour la technologie s’étiole. En France, le recours au smartphone pour le paiement est lent par rapport à ce qui est constaté au sein de plusieurs pays émergents. De même, notre pays est un des rares pays à ne pas avoir déployé la radio numérique et à avoir conservé la FM. En France, la petite taille des entreprises constitue également un frein à la mise en œuvre des techniques digitales.
Les entreprises françaises à l’heure de la vente dématérialisée
Les ventes dématérialisées via un site web ou par échange de données informatisées (EDI) représentent 17 % du chiffre d’affaires généré par les sociétés de 10 personnes ou plus implantées en France, soit près de 490 milliards d’euros en 2015. La part des sociétés réalisant des ventes dématérialisées est quant à elle passée de 13 % en 2007 à 21 % en 2015.
Les ventes par échanges de données reposent sur un échange d’informations entre deux sociétés au travers de messages standardisés de machine à machine permettant l’automatisation de la commande, de la facturation et de la livraison. La dématérialisation ne concerne pas toujours l’ensemble du processus et peut se limiter parfois au seul acte final d’achat. Ces ventes dites « EDI » représentent les deux-tiers du total des ventes dématérialisées, soit 338 milliards d’euros. Le reste est réalisé via un site web, qu’il s’agisse de commerce entre entreprises, « BtoB » (85 milliards d’euros) ou
En 2015, 55 % des sociétés des secteurs principalement marchands de 10 personnes ou plus réalisent des achats dématérialisés.
Les grandes sociétés achètent plus souvent sur le web ou au travers de technologies EDI que les plus petites : 71 % des sociétés occupant 250 personnes ou plus réalisent des achats dématérialisés contre 55 % des sociétés de 10 à 249 personnes. Ces achats dématérialisés restent cependant très minoritaires. Pour la moitié des sociétés de 10 personnes ou plus, ils concernent moins de 1 % du total des achats. Comme pour les ventes, la taille de la société joue plus nettement sur les achats EDI que sur les achats sur le web. Parmi celles de 250 personnes ou plus, 27 % réalisent des achats EDI contre 8 % pour celles de 10 à 249 personnes.
À l’échelle européenne, la France se situe dans la moyenne des sociétés de 10 personnes ou plus pour les ventes dématérialisées, que ce soit en proportion de sociétés concernées ou en part de chiffre d’affaires réalisé. Pour les achats, la France est un des pays dans lesquels les sociétés sont les plus nombreuses à réaliser des achats dématérialisés.
Les ventes EDI sont fortement concentrées dans l’industrie, secteur qui en réalise à lui seul 55 %, pour un montant de 185 milliards d’euros. Suivent les secteurs du commerce (32 %) ou des services (12 %), ce type de vente étant pratiquement inexistant dans la construction.
Les grandes sociétés industrielles sont fortement demandeuses de ce type de technologie permettant des livraisons à flux continu sans intervention humaine entre sociétés. De même, les grands groupes de la grande distribution sont également adeptes de ce type de pratiques qui permettent de réaliser en temps réel le ravitaillement des grandes surfaces. Dans certains supermarchés, si le stock d’un article atteint le niveau limite, son passage en caisse déclenche automatiquement un ordre de réapprovisionnement qui génère la commande appropriée
Dans le commerce, la proportion de sociétés achetant par EDI est plus élevée (15 %) que dans les autres secteurs (7 %). Six sociétés sur dix vendant sur le web sont présentes sur les médias sociaux
Les sociétés réalisant des ventes web utilisent plus souvent les médias sociaux que celles qui n’en réalisent pas (62 % contre 31 %). À taille et secteur donnés, ces sociétés ont trois fois plus de chances d’être présentes sur les médias sociaux que celles qui ne vendent pas en ligne.
De plus en plus d’entreprises recourent à de la publicité ciblée sur Internet (publicité ciblée en fonction des pages regardées de la géolocalisation, des mots clefs recherchés, etc.). 48 % des sociétés de 250 personnes ou plus, ont recours à ce type de publicité contre seulement 36 % de celles qui occupent de 10 à 249 personnes.
Les entreprises de plus en plus adeptes des smartphones
En 2016, 17 % des sociétés de 10 personnes ou plus disposent d’un site ou d’une application pour mobile, soit six points de plus qu’en 2014. Cette part atteint 38 % pour les sociétés vendant sur le web, contre seulement 13 % pour celles qui ne vendent pas en ligne.
Les sites ou applications pour mobile des sociétés vendant sur le web permettent le plus souvent également l’achat en ligne (71 %), notamment dans le commerce (80 %) et plus particulièrement dans le commerce de détail. C’est aussi le cas pour 67 % des sociétés de services, 66 % des sociétés dans l’industrie et 54 % dans celles du secteur de la construction.
Les entreprises rencontrent de moins en moins de difficultés pour vendre sur Internet
Les coûts de diffusion par Internet sont mis en avant par 25 % des sociétés ne vendant pas sur le web et par 18 % des acteurs de la vente web. Ce taux atteint 20 % pour les entreprises de 10 à 49 personnes, contre 9 % pour celles qui occupent 250 personnes ou plus. De même, 20 % des plus petites sociétés vendant sur le web rencontrent des difficultés dans la gestion des paiements sur Internet, contre 11 % de celles de 250 personnes ou plus. L’écart est moins marqué entre petites sociétés et grandes concernant les obstacles liés au cadre juridique et à la logistique.
Les entreprises semblent rencontrer plus de problèmes pour vendre sur Internet en 2015 quand 2012. 24 % des sociétés estiment en 2015 que le coût de mise en place est trop important comparé aux bénéfices, contre 29 % trois ans plus tôt. De même, 21 % d’entre elles jugent que les problèmes liés à la logistique constituent un frein au commerce en ligne contre 25 % en 2012. 16 % rencontrent des problèmes juridiques pour vendre sur Internet contre 20 % trois ans plus tôt.
L’écart sur la même période est moindre pour les problèmes liés au paiement sur Internet et ceux concernant la sécurité des données. Seule exception, les sociétés jugeant leurs produits inadaptés à la vente sur Internet sont toujours aussi nombreuses (51 % des sociétés). Les sociétés du commerce assurent la quasi-totalité des ventes web BtoB des TPE. Les ventes web des sociétés occupant moins de 10 personnes atteignent 21 milliards d’euros en 2015. 70 % de ces ventes sont destinées aux entreprises et 30 % aux particuliers. Les sociétés du commerce réalisent l’essentiel des ventes web aux entreprises (88 % du total). Les ventes web aux particuliers sont effectuées majoritairement par des sociétés de services (58 % du total), devant celles du commerce (36 %).
Les TPE encore peu présentes dans le e-commerce
Seules 6 % des sociétés de moins de 10 personnes vendent sur le web. La moitié d’entre elles utilisent pour cela des places de marché. Les TPE ont, en revanche, recours à Internet pour leurs achats de manière bien plus importante. 45 % des très petites sociétés en réalisent et elles sont 7 fois plus nombreuses à acheter sur le web qu’à y vendre.
Les très petites sociétés vendant sur le web utilisent les médias sociaux et les sites ou applications pour mobile dans les mêmes proportions que les plus grandes (respectivement 63 % et 41 %). En revanche, celles qui ne réalisent pas de vente sur le web sont moins présentes sur les médias sociaux (25 %) et ont moins souvent développé un site ou une application pour mobile (8 %). Les responsables des TPE justifient leur non présence sur Internet par l’inadaptation des produits et par le coût de mise en place.
Le système de santé français sous pression
La France se caractérise par le niveau record de ses dépenses publiques qui ont atteint 57,1 % du PIB en 2017. De manière implicite, notre pays a fait le choix d’une socialisation de la richesse créée par le pays. Si l’idée du « ras-le-bol fiscal » revient régulièrement sur le devant de la scène médiatique, la question d’une réduction des dépenses publiques est sujette à polémique. Durant la campagne présidentielle, plusieurs candidats dont Emmanuel Macron avait pris l’engagement d’entamer une décrue avec à la clef une réduction des effectifs de la fonction publique. Un an après son élection, cet engagement est toujours à l’ordre du jour mais son application concrète semble être différée compte tenu de l’ampleur des résistances.
Le système de redistribution français qui représente à lui seul 34 % du PIB, a à son actif de nombreux succès. Parmi ceux-ci figurent la lutte contre les inégalités qui sont plus faibles en France que dans de très nombreux autres pays. À la différence de l’Allemagne, du Royaume-Uni ou des États-Unis, la crise de 2008 n’a pas provoqué la montée des inégalités en France. Le taux de pauvreté qui s’élevait, en 2015, à 14,2 % figure parmi les plus faibles de l’OCDE et est stable depuis une dizaine d’années. Le rapport entre la masse des niveaux de vie détenue par les 20 % de personnes les plus aisées et celle détenue par les 20 % les plus modestes est stable à 4,4. Le rapport entre le neuvième décile, niveau de vie « plancher » des 10 % les plus aisés, et le premier décile, plafond des 10 % les plus modestes, demeure fixé à 3,5. En France, la pauvreté est concentrée chez les demandeurs d’emploi et les jeunes de moins de 18 ans dont les familles sont sans revenu. Le taux de pauvreté des demandeurs d’emploi atteint 37,6 % quand celui des actifs occupés est de 8 % et celui des retraités de 7,3 %.
Même si les dépenses publiques n’ont pas cessé d’augmenter ces cinquante dernières années passant de 40 à 57 % du PIB de 1970 à 2017, le ressenti est tout autre. L’idée d’une asphyxie de l’État providence par manque de moyens est largement partagée. Le dimanche 29 avril dernier, Patrick Bouet, Président du conseil national de l’Ordre des médecins, a déclaré au Journal du Dimanche, « le système de santé est à bout de souffle ! Nous sommes vraiment arrivés à la fin d’un cycle » et « il y a urgence à tout repenser de fond en comble ». Éducation nationale, justice, intérieur, défense, collectivités territoriales, les demandes de desserrement de la contrainte budgétaire s’accumulent.
La santé constitue évidemment un domaine sensible au regard des conséquences directes pour la population. Au sein des pays européens, les dépenses de soins et de biens médicaux représentent entre 7 et 9 % du PIB (8 % en Suède, 7,7 % en Allemagne, 6,5 % en Italie). En France, elles atteignent 8,9 % du PIB. En soixante-cinq ans, la part de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) dans la richesse nationale a été multipliée par 3,5 (2,5 % du PIB en 1950). Au cours de cette période, ces dépenses de santé ont crû en valeur de 10,0 % par an en moyenne, tandis que le PIB progressait de 7,9 % par an. Sur un an, en moyenne, chaque Français consacre 3 000 euros à sa santé dont 85 % sont financés à travers des systèmes mutualisés ou publics. Près de la moitié de ces dépenses concernent l’hospitalisation (47 %). Les soins extrahospitaliers médicaux, dentaires et paramédicaux représentent 16 % des dépenses. Les médicaments hors hôpital sont responsables de 18 % des dépenses et les autres prestations de soins de 9 %.
Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la montée en puissance des dépenses de santé s’est accompagnée par une réduction du reste à charge supporté par les ménages. Le reste à charge des ménages est passé de 30 % en 1950 à 8,3 % en 2016 de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM).
Structure de financement du système de santé français
La participation financière des ménages et celle des administrations centrales et locales ont diminué jusqu’au début des années 1980, tandis que le développement des organismes complémentaires s’est amorcé dès les années 1970. La part de la CSBM financée par la Sécurité sociale, proche de 77 % en 2015, est stable depuis 1990. Entre 1990 et 2015, les organismes complémentaires (mutuelles, sociétés d’assurances et institutions de prévoyance) ont vu leur prise en charge s’accroître, notamment sur les biens médicaux et les soins de ville.
La part de la CSBM financée par la Sécurité sociale, qui était de 51 % en 1950, atteint ainsi son point haut (80 %) en 1980. Symétriquement, du fait du développement de la Sécurité sociale, la part des dépenses des ménages et celle de l’État se réduisent, passant respectivement de 31 % et 12 % en 1950 à 12 % et 3 % en 1980. La part de l’assurance maladie dans la CSBM se stabilise ensuite autour de 77 % jusqu’à 2015. L’augmentation de la proportion de personnes en affection de longue durée (ALD) en raison du vieillissement de la population ainsi que l’expansion des maladies chroniques et leur meilleure prise en charge contribuent à la hausse, tandis que la croissance des dépassements d’honoraires et les mesures visant à maîtriser la dynamique des dépenses de l’assurance maladie favorisent la baisse.
Reste à charge supporté par les ménages (données OCDE – 2015)
Le système français de santé est sous pression depuis plus de trente ans. Il est confronté à plusieurs évolutions d’ordre structurel. Plus une population s’enrichit et vieillit, plus la demande santé s’accroit. Le recours à des technologies de plus en plus coûteuses contribue à augmenter les dépenses de santé.
À partir des années 70 et surtout à compter des années 90, les gouvernements ont tenté de réguler les dépenses de santé avec notamment le numerus clausus, la réduction des remboursements, l’instauration du forfait hospitalier, etc. Entre 1999 et 2004, les dépenses de santé augmentaient deux fois plus vite qu’en Allemagne. Depuis, elles progressent un peu moins vite que la moyenne européenne. La fixation dans le cadre des lois de financement de la Sécurité sociale d’un Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) contraignant a conduit à des reports d’investissements. La politique de santé a été bien souvent de nature malthusienne. Les gouvernements ont également, avec délice, joué au jeu de bonneteau en organisant des transferts de charge du régime général sur les complémentaires. La mise en pression du système de santé s’est accélérée avec le vieillissement rapide de la population, la généralisation des 35 heures, la fin des gardes de nuit pour les médecins généralistes et la concentration de la population. Les pouvoirs publics ont tenté de rationaliser la gestion des hôpitaux en instituant la Tarification à l’Activité (T2A). Ce mode de financement des hôpitaux repose sur la mesure et l’évaluation de l’activité effective des établissements. Il a remplacé un double système de financement qui distinguait les établissements selon qu’ils étaient publics ou participant au service public hospitalier (ils recevaient alors une dotation globale de financement forfaitaire, sans lien avec l’évolution de l’activité), ou privés (financés selon un système qui prenait en compte l’activité, mais sur la base de tarifs régionaux variables). La T2A donnait au Ministère de la Santé la possibilité de peser directement sur le montant des actes. Pour être efficace, la tarification à l’activité devait s’accompagner d’une refonte de la carte des établissements de santé avec à la clef des regroupements, des spécialisations et des fermetures. La France avec une population inférieure de 13 millions à l’Allemagne compte 1 000 hôpitaux ou cliniques de plus. En raison des oppositions tant au sein de la sphère de santé qu’au niveau des élus locaux, ce plan a été vide abandonné. De ce fait, la tarification à l’activité aboutit à accentuer les inégalités entre établissements et incite même à l’augmentation des actes afin de limiter les pertes au sein des établissements. Les déficits des hôpitaux publics a atteint, en 2017, 1,5 milliard d’euros, ce qui constitue un montant record.
Le problème de l’accès aux soins est devant nous
Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), la France compterait 226 000 médecins en activité au 1er janvier 2018. 102 000 sont des généralistes (45 % de l’ensemble) et 124 000 des spécialistes (55 % de l’ensemble). Les spécialités qui regroupent les effectifs les plus importants sont la psychiatrie (6,8 % des médecins), l’anesthésie-réanimation (5,1 %), le radiodiagnostic et l’imagerie médicale (3,9 %). 57 % des médecins sont des libéraux. 46 % ont une activité libérale exclusive et 12 % un exercice « mixte » (cumul d’une activité salariée et d’une activité libérale).
La France n’a jamais compté autant de médecins en activité. En six ans, la hausse a été de plus de 10 000. Cette augmentation n’est pas homogène. Si depuis 2012, le nombre total de médecins a progressé de 4,5 %. Celui des médecins généralistes a stagné (+0,7 %), quand celui des spécialistes a progressé de 7,8 %. Le nombre de médecins généralistes exerçant en libéral s’est contracté de 2,0 %). Près d’un médecin sur trois a plus de 60 ans, 47 % des médecins ont 55 ans ou plus (alors que c’est le cas de 18 % des cadres et professions intellectuelles supérieures) et 30 % ont 60 ans ou plus. L’âge moyen des médecins (51 ans) est élevé car les générations actuellement proches de la retraite sont issues des numerus clausus élevés des années 1970 (proches des niveaux actuels, autour de 8 000), tandis que les générations suivantes ont connu des numerus clausus plus bas (inférieurs à 4 000 dans les années 1990).
Le secteur médical se féminise très rapidement. 46 % des médecins sont des femmes. Elles sont majoritaires parmi les médecins de moins de 60 ans (52 %). Moins représentées parmi les libéraux (38 %), elles sont tout de même les plus nombreuses parmi ceux de moins de 50 ans. Cette féminisation devrait s’accroître car pour 2017, les femmes ont représenté 59 % des nouveaux inscrits au Conseil national de l’Ordre national des médecins. Par ailleurs, les jeunes médecins préfèrent être salariés et délaissent l’activité libérale jugée trop contraignante.
La question de l’accès aux soins est complexe car elle dépend tout à la fois de la densité de médecins et d’établissements sur un territoire donné, de la composition de la population (une population âgée a besoin de plus de médecins qu’une population jeune), des facilités de transport.
Le Ministère des Solidarités et de la Santé a établi un indicateur d’accessibilité aux soins, l’APL (accessibilité potentielle localisée) permettant de tenir compte à la fois de la proximité et de la disponibilité des médecins d’une part et des besoins de soins de la population locale en fonction de l’âge d’autre part. Selon cet indicateur, 8,6 % de la population vivent dans une commune sous-dense en médecins généralistes. En prenant en compte le seuil de 2,5 consultations par habitant et par an, près de 5,7 millions de personnes résident, en 2016, dans une commune sous-dense en médecins généralistes. 9 142 communes sont en situation de sous-densité. Ce sont le plus souvent des communes rurales périphériques des grands pôles ou des communes hors influence des pôles. Des zones urbaines sont également concernées. Un quart de la population habitant dans une commune en sous densité de médecins généralistes vit dans un pôle urbain, dont près de 18 % habitent dans la région parisienne.
L’âge n’est pas un facteur discriminant pour l’accès aux soins
Les personnes âgées n’ont pas moins accès aux médecins généralistes que le reste de la population. Les personnes âgées de 70 ans ou plus ont 2,3 fois plus recours aux médecins généralistes que les patients les plus jeunes. Si les retraités avaient des difficultés d’accès géographique aux généralistes, le problème serait donc plus aigu que pour d’autres catégories de population. Ils représentent en effet 13,3 % des habitants des communes sous-denses, soit un peu moins que leur poids dans la population totale. Cela s’explique par le fait que les deux espaces les plus touchés par la sous-densité (couronnes rurales des grands pôles et unité urbaine de Paris, qui rassemblent à eux deux plus de la moitié de la population résidant en zone sous-dense) sont des espaces dans lesquels les 70 ans ou plus sont relativement moins présents. Les personnes âgées de 70 ans ou plus habitent essentiellement au sein de pôles urbains (hors Paris), peu touchés par la sous-densité.
La mauvaise répartition de l’offre de soins évolue peu dans le temps. Les territoires déjà en sous-densité en 1970 n’ont pas depuis rattrapé leur retard. Pour les médecins généralistes, la variabilité des densités départementales est du même ordre de grandeur en 2016 qu’en 1983 (16 % à 18 % en 2016, contre 20 % en 1983) et le nombre de communes où est installé au moins un médecin généraliste est passé de 8 843 en 1981 à 9 595 en 2016. En 2016, 98 % de la population accède à un médecin généraliste en moins de 10 minutes ; moins de 0,1 % de la population, soit 52 000 personnes environ, doit parcourir un trajet de 20 minutes ou plus en voiture pour consulter un généraliste. 29 % pensent qu’à proximité de chez eux, il n’y a pas assez de médecins généralistes et environ la moitié partagent cette idée à propos des médecins spécialistes (47 %).