Le Coin des tendances du 9 septembre 2017
La France et l’Allemagne, deux pays si proches et si différents ?
Pourquoi les situations économiques sont-elles si différentes de part et d’autre du Rhin ? Le plein emploi et des excédents commerciaux et budgétaires d’un côté, des déficits et du chômage de l’autre. L’analyse des coûts de production ne permet pas réellement d’expliquer un tel écart entre les deux pays. Le niveau des prélèvements obligatoires fréquemment mis en avant n’est pas non plus un facteur explicatif totalement pertinent. En effet, certains prélèvements considérés comme obligatoires en France, comme ceux liés aux complémentaires « retraite », ne le sont pas en Allemagne.
Au-delà des données économiques, des facteurs sociologiques doivent être pris en compte pour comprendre la divergence des deux États. La France et l’Allemagne sont deux nations qui se distinguent sur le mode d’organisation et de fonctionnement de la société.
L’Allemagne n’a pas le même culte de l’État que la France. Unifiée tardivement en 1870 par le chancelier Bismarck et traumatisée par la dictature hitlérienne, elle est profondément attachée à structure fédérale qui, en 1949, lui a été imposée par les États-Unis. Les Allemands s’identifient à leur Land ou même plus plutôt à leur Kreise (arrondissement réunissant une à plusieurs villes). À la différence de la France qui, en 1791, décide de mettre à bas, les structures intermédiaires dites corporatistes, la solidarité, en Allemagne, s’est construite autour des églises, des professions et des communes. En France, la loi Chapelier de 1791 a interdit la création de syndicats de salariés et de mutuelles ainsi que le droit de grèves. Par ailleurs, le décret Allarde des 2 et 17 mars 1791 en supprimant les corporations a freiné l’émergence d’un système de protection sociale. Il faut attendre le 25 mai 1864 sous le Second Empire afin que la loi dite Ollivier supprime les délits de coalition et de grève. En Allemagne, au contraire, pour favoriser l’unification du pays, le chancelier Bismarck développe un système d’assurance sociale à partir des entreprises.
L’Allemagne est un pays éminemment horizontal quand la France est verticale. La première met en avant le consensus quand la seconde repose sur un système pyramidal. De la Fronde à la Ve République, la route n’a pas toujours été rectiligne mais la direction est au finale la même. Pour lutter contre les seigneurs de province et afin de mener ses campagnes militaires, Louis XIV a développé un système administratif centralisé en ayant recours à des bourgeois ou à des nobles de moindre naissance. Toujours pour des raisons également militaires et de sécurité intérieure, Napoléon a amplifié ce mouvement avec un savant découpage du territoire et la nomination de représentant de l’État à travers les personnes des préfets et des sous-préfets. Cette structure d’organisation n’a pas été supprimée par la IIIe ni la IVe Républiques. La constitution de 1958 conforta la tradition jacobine française. La Sécurité sociale à la française se veut d’inspiration bismarckienne mais l’État a joué dès le départ un rôle important, rôle qui ne cesse de s’accroître. Compte tenu du poids de la protection sociale et de la succession des crises, les gouvernements se sont immiscés de plus en plus fortement dans la direction et la gestion de la Sécurité sociale.
Même si le chancelier allemand dispose d’une forte légitimité, il n’en demeure pas moins que l’échelon fédéral dispose de moins de pouvoirs que l’État central français. L’atout du premier provient de la forte stabilité des équipes au pouvoir. Depuis 1949. Seulement huit chanceliers se sont succédé pour la République Fédérale d’Allemagne. De 1949 à 1958, la France a compté plus de 30 gouvernements. Depuis 1958, notre pays a connu 8 Présidents de la République (sans compter les intérims d’Alain Poher en 1969 et 1974) et 23 Premiers Ministres.
L’Allemagne et la France diffèrent au niveau institutionnel mais aussi en ce qui concerne leur rapport au social et à l’emploi. Si au sein des deux pays, la notion de justice sociale joue un rôle capital, elle n’a pas la même signification. En Allemagne, elle est associée au principe d’équité des chances quand en France elle renvoie à celle d’égalité de traitement. Ces visions différentes modèlent la conception des deux sociétés, du système d’éducation et de formation au marché du travail en passant par l’intégration des immigrés ou des réfugiés et les prestations sociales. Les principes de droits/devoirs imprègnent la société allemande quand, en France, la notion de droit l’emporte. Chez notre voisin, le principe de liberté a pour limite la responsabilité et non la liberté d’autrui. Ce couple de liberté/responsabilité se retrouve dans le principe constitutionnel « la propriété oblige » (article 14 de la Loi Fondamentale « Propriété oblige. Son usage doit contribuer en même temps au bien de la collectivité ». Il a conduit à la mise en place de la « mitbestimmung », du droit de la co-décision, et celui de la co-gestion reconnu aux salariés.
L’équité des chances à l’Allemande n’est pas sans lien avec le principe de subsidiarité en vertu duquel il convient de maintenir les centres de décisions au niveau le plus près des citoyens tant qu’il n’est pas prouvé que les niveaux supérieurs puissent faire mieux. Par application de ce principe, « chacun est l’artisan de son propre destin ». L’intervention publique ne devient nécessaire qu’à partir du moment où l’individu a fourni la preuve de son incapacité à trouver individuellement une solution à son problème. La solidarité commence au niveau familial, local, régional puis au niveau national. En 2003, Gerhard Schröder a réussi à obtenir l’adoption de plusieurs grandes réformes en s’appuyant sur ces notions de responsabilités et d’équité des chances. Au tournant du XXe siècle, l’Allemagne enregistrait des taux de croissance inférieurs à la moyenne européenne et connaissait, en raison de l’intégration de la RDA, une montée de son chômage. Les quatre lois Hartz entrées en vigueur entre 2003 et 2005 ont mis l’accent sur la responsabilité individuelle pour améliorer l’adéquation entre offre et demande d’emplois. La loi Hartz I allège la réglementation sur le travail intérimaire, assouplit le droit des licenciements et oblige tout salarié à s’inscrire en tant que demandeur d’emploi dès qu’il apprend qu’il est mis un terme à son contrat de travail. Les obligations de formation ont été renforcées. Par ailleurs, la loi incite tout demandeur d’emploi à accepter toute proposition de poste dès que celle-ci est « acceptable » ou « raisonnable ». La loi Hartz II a institué l’équivalent d’un statut d’auto-entrepreneur rebaptisé « mini-job ». La loi Hartz III a réformé l’assurance-chômage en libéralisant le marché du placement. Cette loi précise les droits et les devoirs des demandeurs d’emploi en insistant sur la notion d’effort à accomplir. La durée des indemnités a été réduite à 12 mois sauf pour les salariés de plus de 50 ans pour lesquelles elle est de 24 mois. La loi Hartz IV réforme les régimes d’assistance-prévoyance. Elle est centrée sur l’employabilité des demandeurs d’emploi. Le versement des allocations est soumis à des conditions de ressources et est accompagné d’un programme de qualification et de réinsertion. Un des objectifs de la loi était de « renforcer la responsabilité individuelle des personnes nécessiteuses à capacité de travail entière ». La commission en charge d’effectuer le bilan des lois Hartz a souligné que les objectifs avaient été atteints en terme d’emplois, le taux de chômage étant passé en-dessous de 5 %. Par ailleurs, le nombre d’actifs occupés est au plus haut pour atteindre 44 millions.
Les lois Hartz sont accusées d’avoir accru le taux de pauvreté et d’avoir pesé sur le montant des salaires. Les taux de pauvreté a certes augmenté mais de manière très limitée. Certes, la France obtient un meilleur résultat mais au prix d’un effort social beaucoup plus important et avec un taux de chômage deux fois plus important. La montée de la précarité est avant tout la conséquence de la tertiarisation de la société avec la montée en puissance de services offrant des emplois à faibles qualifications.
L’importance de la valeur travail comme facteur d’inclusion dans la société passe par l’éducation et par le rôle joué par les entreprises.
En France, le système éducatif est une construction de l’État, l’école de la République laïque contre l’école catholique et royaliste. Comme pour l’organisation du territoire, l’éducation est organisée de manière pyramidale, avec le Ministère et ses recteurs. Le système a eu longtemps comme vocation d’amener au service de l’État les meilleurs élèves (Polytechnique, Normale Sup puis plus tard l’ENA). La culture générale, les connaissances, la capacité à construire des raisonnements sont au cœur de l’enseignement délivrés aux élèves. Ce système fréquemment critiqué est envié par des responsables étrangers et notamment allemands. Ils jugent la qualité de notre administration bien souvent supérieure à la leur.
Le système allemand de formation est conçu pour ménager les transitions éducation / formation / emploi. L’apprentissage fait partie intégrale des filières. Près d’un jeune Allemand sur deux opte pour cette voie. L’apprentissage est un système dual comprenant l’école professionnelle gérée par le public (Länder) et l’entreprise formatrice. Les pouvoirs publics ne fixent pas les programmes, les contenus et les conditions matérielles de la formation. Ils élaborent un simple cadre. Ce modèle entraîne quelques tensions. Ainsi, de plus en plus d’entreprises jugent que l’apprentissage leur coûte cher et qu’il est de plus en plus difficile de former des jeunes compte-tenu de l’évolution des techniques et des connaissances. La contestation provient des PME qui forment 80 % des apprentis.
La formation continue constitue une autre des spécificités allemandes. Compte tenu de leur expérience dans l’apprentissage, les entreprises maintiennent un niveau important de formation durant toute la vie professionnelle. Ainsi, en 2009, en pleine récession, l’entreprise Trumpf spécialisé dans la fabrication de machines-outils face à des carnets de commande vides a engagé un processus de formation de ses salariés afin de créer une unité de production de plateaux techniques pour établissements de santé. Ce choix a permis de conserver l’ensemble des salariés et de créer une nouvelle entité au sein de l’entreprise. Les salariés ont accepté de changer de métiers et de réduire leurs primes durant la phase de formation.
L’emploi est considéré, Outre-Rhin, comme un élément de citoyenneté. Au-delà des revenus, il est une source d’identité sociale. La nomination du Président de l’Agence fédérale pour l’Emploi à la tête de l’Office fédérale pour les migrations et les réfugiés, qui cumulera ces deux postes, souligne que l’intégration passe par l’emploi.
Rapide état de santé (sur la santé)
Le poids et la qualité d’un système d’assurance-maladie constituent un indice assez fin pour mesurer le niveau de développement économique et de solidarité d’un pays. Le développement des systèmes de santé est parallèle à la progression du niveau de vie. La France figure aujourd’hui parmi les pays qui consacrent le plus d’argent pour la santé de ses concitoyens. L’assurance-maladie fait l’objet de nombreuses critiques qui masquent une réussite, celle de permettre à tout un chacun d’être soigné et de vivre dignement.
Aux origines de notre système de santé
La naissance de la couverture du risque maladie en France ne date pas de 1945 ni même de la révolution industrielle. La prise en charges des malades a toujours été un sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics, pour des raisons sanitaires, économiques mais aussi sociales ou éthiques. Les institutions religieuses ont joué un rôle important en venant au secours des hommes et des femmes malades ou sans ressources. Les autorités administratives et politiques ont également très tôt apporté leur appui pour secourir les nécessiteux. En France, dès le milieu du XIIIe siècle, Saint Louis crée pour les aveugles l’hospice des Quinze-Vingt à Paris. Henri IV décida au XVIe siècle d’instituer un système d’indemnisation des ouvriers des mines. Colbert sous Louis XIV fit de même pour les soldats de la Couronne. Il créa également le premier régime de retraite en faveur des marins et des danseurs de l’Opéra.
La nécessité de généraliser une couverture sociale s’imposa au cours du XIXe siècle avec la montée en puissance du salariat. La création d’usines qui s’accompagna de celle de syndicats déboucha sur la mise en place de dispositifs de mutualisation. L’échec de la IIIe a été son incapacité à imposer un régime général, incapacité liée à l’absence de consensus au sein des partenaires sociaux.
A la Libération, est instituée la Sécurité sociale qui a la particularité d’être un système assurantiel reposant sur des cotisations obligatoires proportionnelles au montant des salaires avec un plafond. Le système qui avait l’ambition d’être universel ne le fut pas en raison du refus de certaines professions d’y adhérer (professions libérales, commerçants, artisans, chefs d’entreprise, régimes qui existaient avant 1945 et qui devinrent les régimes spéciaux).
Afin d’éviter la confusion des comptes, en 1967, le ministre des affaires sociales de l’époque, Jean-Marcel Jeanneney décida la séparation des branches de la sécurité sociale. La santé relevant ainsi de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés, la retraite étant rattachée à la Caisse nationale d’assurance-vieillesse des travailleurs salariés, et la famille à la Caisse nationale des allocations familiales. À ces caisses s’ajoute celle en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles.
À partir des années 70, avec la succession des crises, avec la montée du chômage, mais aussi en raison de la progression rapide des dépenses, une succession de réformes modifient le fonctionnement de l’assurance-maladie. Les pouvoirs publics et les syndicats ont joué sur tous les curseurs, augmentation des cotisations et déplafonnement, limitation des dépenses. Avec les années 90, s’ouvre une nouvelle phase marquée par l’introduction de la CSG (1991), la mise en œuvre de l’universalisation de la couverture et l’étatisation rampante du régime.
La France, en pointe pour les dépenses de santé
Au sein des pays européens, les dépenses de soins et de biens médicaux représentent entre 7 et 9 % du PIB (8 % en Suède, 7,7 % en Allemagne, 6,5 % en Italie). En France, elles atteignent 8,9 % du PIB. En soixante-cinq ans, la part de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) dans la richesse nationale a été multipliée par 3,5 (2,5 % du PIB en 1950). Au cours de cette période, ces dépenses de santé ont crû en valeur de 10,0 % par an en moyenne, tandis que le PIB progressait de 7,9 % par an. Sur un an, en moyenne, chaque Français consacre 3 000 euros à santé dont 85 % sont financés à travers des systèmes mutualisés ou publics.
La France a décidé de maîtriser ses dépenses de santé plus tardivement que ses voisins. Ainsi, entre 1999 et 2004, elles augmentaient deux fois plus vite qu’en Allemagne. Depuis, elles progressent un peu moins vite que la moyenne européenne.
Chaque année, en moyenne, un Français consulte près de 9 fois ses médecins. Il recourt à 5 reprises à une infirmière et à 2 reprises à un kinésithérapeute. Il consomme au moins 50 boîtes de médicaments. Pour l’ensemble de la population, c’est au total 3 milliards de boîtes et de flacons qui sont achetés.
La France compte près de 2 800 établissements de santé. Près de 140 millions de journées d’hospitalisation sont dénombrées chaque année. En moyenne, de ce fait, chaque Français a passé deux jours dans un hôpital ou dans une clinique.
La rupture des années 80
La croissance a été forte jusqu’au début des années 1980, en raison de la montée en puissance de la Sécurité sociale et du développement d’une offre de soins.
Entre 1950 et 1985, la part de la consommation de soins progresse de 4,4 points au sein du PIB. Durant ces trente-cinq années, la croissance est stimulée en premier lieu par les soins hospitaliers. La dépense hospitalière augmente en effet de 16 % par an (soit +7 % par an en volume) et sa part dans la CSBM (44 % en 1950) atteint un sommet à 55 %, en 1982. Cette période est marquée par la construction des grands centres hospitaliers. La réforme hospitalo-universitaire de 1958 renforce le rôle des hôpitaux (prévention, diagnostic, réadaptation fonctionnelle), crée les centres hospitaliers universitaires et le « temps plein hospitalier » pour les médecins qui partageaient auparavant leur activité entre la faculté, l’hôpital et leur cabinet de ville. Par ailleurs, chaque chef-lieu se doit d’avoir son hôpital et sa maternité. Ces derniers deviennent les premiers employeurs au sein des petites villes.
Le poids des soins de ville reste quasiment inchangé entre 1950 (26 %) et 1985 (25 %) du fait de la croissance des autres composantes de la dépense. Les soins de ville sont également très dynamiques pendant cette période (+15 % par an, +7 % par an en volume). Ce développement est rendu possible par la croissance des effectifs des professionnels de santé. Sur la période, la densité de médecins est multipliée par trois entre 1950 et 1985. La part des médicaments progresse légèrement moins vite (+14 % par an), malgré une très forte croissance en volume (+10 % par an). En effet, leur prix augmente à un rythme bien plus modéré (+3 % par an) que ceux du reste de la CSBM (+7 % par an). De ce fait, leur poids passe de près de 26 % en 1950 à 18 % en 1985 au sein de la CSBM.
Depuis 1985, la CSBM croît moins vite en raison des plans de maîtrise des dépenses, de la moindre progression du pouvoir d’achat des ménages et en raison d’un niveau déjà élevé de dépenses en la matière. Entre 1985 et 2015, elle a augmenté de 2 points de PIB. Néanmoins, quand le PIB se contracte (récessions de 1993 ou de 2009), la part des dépenses de santé augmente fortement car elles sont, en grande partie, incompressibles.
Les plans de financement de la Sécurité sociale, remplacés chaque année à partir de 1997 par les lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS), ont en effet pour objectif récurrent la maitrise des dépenses d’assurance maladie. La première loi de financement de la Sécurité sociale, pour l’année 1997, fixe ainsi des objectifs nationaux de progression des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Ces lois, année après année, introduiront des mesures visant à réaliser des économies : participations forfaitaires, franchises, création du parcours de soins coordonnés, déremboursement, baisse des prix, génériques.
Cette période est également marquée par la fin du processus d’universalisation de l’assurance-maladie et du découplage de l’assurance-maladie de l’univers professionnel. Elle se traduit par une étatisation du régime qui s’était amorcée dans les faits depuis 1967. Le basculement des cotisations sociales vers la CSG amorcé en 1995 en parallèle à l’élaboration des lois de financement de la Sécurité sociale concourt à ces différentes évolutions.
Avec la création, par la loi du 27 juillet 1999, de la Couverture Maladie Universelle, tout résident en France depuis au moins 3 mois de façon régulière et ne disposant pas d’un droit dans un autre régime peut être couvert par le régime général. La CMU dispense sur conditions de ressources d’acquitter les cotisations. Dans les années 2000, une couverture complémentaire, financée par un fond dédié, a été instaurée.
Les transports source d’accroissement des dépenses de santé
Avec le développement des soins ambulatoires, le poste « transport » est celui qui augmente le plus au sein des comptes de l’assurance-maladie.
La part des soins hospitaliers dans la CSBM décroît, revenant quasiment à son niveau de 1950 (47 % en 2015) sous les effets de l’instauration de la dotation globale hospitalière et de la tarification à l’activité. La part des médicaments dans la dépense augmente jusqu’en 2001 pour atteindre 22 % avant de diminuer à 17 % en 2015, du fait des déremboursements, des baisses de prix et des génériques.
Les soins de ville progressent au même rythme que l’ensemble, mais en leur sein, les soins des auxiliaires médicaux sont dynamiques (+6,3 % par an en moyenne).
Les dépenses d’autres biens médicaux et de transports sanitaires progressent rapidement (+8,4 % par an). Ces dernières dépenses représentent ainsi en tout 10 % de la CSBM en 2015. Les transports sanitaires représentaient une enveloppe de 4,6 milliards d’euros contre 2,3 milliards d’euros en 2003. Ils se décomposent de la manière suivante :
- 1,6 milliard d’euros pour les ambulances ;
- 0,8 milliard d’euros pour les véhicules sanitaires légers ;
- 1,5 milliard d’euros pour les taxis.
Le coût des taxis conventionnés a été multiplié par trois en dix ans. La course est facturée, en moyenne, à 48 euros à l’assurance-maladie quand le coût moyen du véhicule léger sanitaire est de 31 euros. Les taxis facturent les temps d’approche et les retours à vide ce qui explique l’écart avec les autres formes de transports sanitaires. Le transport de patients assure entre 70 et 90 % du chiffre d’affaires des taxis en province. Aujourd’hui, ces transports relèvent des soins de ville, ce qui ne permet pas leur utilisation efficiente. Certains préconisent qu’ils soient à la charge des établissements de santé qui seraient ainsi incités à recourir à leurs véhicules.
La répartition des dépenses entre les différents acteurs
La participation financière des ménages et celle des administrations centrales et locales ont diminué jusqu’au début des années 1980, tandis que le développement des organismes complémentaires s’est amorcé dès les années 1970. La part de la CSBM financée par la Sécurité sociale, proche de 77 % en 2015, est stable depuis 1990. Entre 1990 et 2015, les organismes complémentaires (mutuelles, sociétés d’assurances et institutions de prévoyance) ont vu leur prise en charge s’accroître, notamment sur les biens médicaux et les soins de ville.
La part de la CSBM financée par la Sécurité sociale, qui était de 51 % en 1950, atteint ainsi son point haut (80 %) en 1980. Symétriquement, du fait du développement de la Sécurité sociale, la part des dépenses des ménages et celle de l’État se réduisent, passant respectivement de 31 % et 12 % en 1950 à 12 % et 3 % en 1980. La part de l’assurance maladie dans la CSBM se stabilise ensuite autour de 77 % jusqu’à 2015. L’augmentation de la proportion de personnes en affection de longue durée (ALD) en raison du vieillissement de la population ainsi que l’expansion des maladies chroniques et leur meilleure prise en charge contribuent à la hausse, tandis que la croissance des dépassements d’honoraires et les mesures visant à maîtriser la dynamique des dépenses de l’assurance maladie favorisent la baisse.
L’épineux dossier des ALD
En 2016, 16,6 % de la population française sont touchés par une ALD. Entre 75 et 79 ans, 60 % des hommes et 46 % des femmes sont atteints d’une affection de longue durée. Chez les plus de 80 ans, ce taux est de 75 %. En 2015, 1,4 million de personnes sont entrées dans le dispositif de couverture des ALD. Compte tenu des sorties, en net, le nombre de personnes concernées par cette couverture a augmenté de 200 000. Le taux de progression du nombre d’ALD qui était de 4,9 % par an entre 1005 et 2012 est passé à 2,7 % depuis 2012. Les maladies cardiovasculaires qui touchent 3,3 millions de personnes restent la première cause de dépenses en matière d’ALD (16 milliards d’euros en 2015). Le deuxième facteur concerne les différents types de cancer (21 % des ALD pour un coût de 13,5 milliards d’euros). Les affections psychiatriques de longue durée (dont Alzheimer) représentent 13 % des cas (13,5 milliards de dépenses). Le diabète engendre un coût de 8 milliards d’euros pour l’assurance-maladie. La charge liée à l’exonération du ticket modérateur dont bénéficient les assurés victimes d’une ALD s’élevait à 12,5 milliards d’euros en 2015 et pourrait atteindre, en 2017, plus de 17 milliards d’euros.
La montée en puissance des complémentaires « santé »
Les organismes complémentaires (mutuelles, sociétés d’assurances, institutions de prévoyance) financent aussi une part croissante des dépenses de santé. Leur poids dans la consommation de soins, mesurée depuis 1990, progresse tendanciellement jusqu’au début des années 2010. Le financement de la dépense de santé par les organismes complémentaires (mutuelles, sociétés d’assurances et institutions de prévoyance) se développe entre 1990 et 2010, passant de 10,4 % à 13,4 % de la dépense. Le partage des rôles entre assurances maladie obligatoire (AMO) et complémentaire (AMC) tend à se rapprocher de manière implicite d’une répartition entre risques « lourds » (soins hospitaliers, soins des affections de longue durée) et autres risques. En ce qui concerne les rapports de force entre les différents acteurs de l’assurance-maladie complémentaire, les institutions de prévoyance ont connu la plus forte progression (+6,5 % par an) et devancent les compagnies d’assurances (+5,3 % par an) et les mutuelles (+4,3 % par an).
Entre les années 1960 et les années 1980, la part de la population couverte par une complémentaire santé progresse de 31 % à 69 %. Avec l’introduction de la couverture santé complémentaire gratuite (couverture maladie universelle complémentaire, CMU-C) et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) pour les ménages dont le revenu est légèrement supérieur au plafond de la CMU-C, la proportion de personnes couvertes par un contrat complémentaire est passée de 83 % en 1994 à 95 % en 2012. L’obligation instituée pour les entreprises de couvrir depuis le 1er janvier 2016 l’ensemble de leurs salariés devrait encore accroître ce taux.
La baisse continue du reste à charge
Le développement des organismes complémentaires permet une réduction de 2,1 points du reste à charge des ménages entre 1990 et 2010, dans un contexte de légère érosion de la prise en charge par l’AMO (-1,1 point au cours de la même période). Depuis 2011, la baisse est de près d’un point. Le reste à charge (des ménages a été évalué à 16,4 milliards d’euros pour l’année 2015, soit 8,4 % de la CSBM (tableau) ou 247 euros par habitant, cette moyenne ayant en soi peu de signification. Le reste à charge était de 8,8 % en 2006 et de 9,2 % en 2011.
Les restes à charges sont les plus faibles pour les transports sanitaires (2,2 %) et pour l’hôpital (2,3 %). Ils sont plus importants pour les autres biens médicaux (17,3 %), les médicaments (17,0 %) ainsi que les soins de ville (11,7 %). Le reste à charge sur ce dernier poste s’explique notamment par les soins dentaires, pour lesquels les ménages supportent 22,7 % de la dépense.
L’État intervient peu financièrement dans les dépenses de santé
Depuis 1990, l’État finance moins de 1,5 % de la dépense de santé. Cette part est néanmoins en légère hausse depuis le début des années 2000, en raison du développement de la CMU-C.
L’Etat faible financeur est néanmoins un acteur incontournable du fait de son rôle normatif et de son influence croissante dans le système de l’assurance-maladie. L’installation d’un déficit chronique depuis une quinzaine d’années justifie cet interventionnisme.