7 mai 2022

Le Coin des Tendances – Emergents – jeunes

Les pays émergents en zone dangereuse

Les économies émergentes sont, depuis plusieurs années, mises à dure épreuve. Les tentations protectionnistes des Occidentaux, la pandémie, les problèmes d’approvisionnement et maintenant la guerre en Ukraine menacent les fondamentaux des économies de ces pays qui ont connu un vif essor durant les décennies 1990-2010 grâce à la mondialisation et à l’éclatement des chaines de valeur. Pour la première fois depuis les années 1980, ces trois dernières années, pour plus de 50 % de la population des pays émergents, la croissance de leurs revenus a été inférieure à celle des États-Unis. Le rattrapage qui s’était produit depuis quarante ans, s’est brutalement interrompu. Selon le FMI, au mieux, la croissance des pays émergents sera de 3,8 % cette année et de 4,4 % en 2023, en recul par rapport à la moyenne de la décennie précédente (5 %). La crainte d’une décennie de stagnation n’est ainsi pas sans fondement.

Les pays émergents sont confrontés à une série de défis financiers, économiques et sociaux sur fond de tensions géopolitiques.

La première menace pour les pays émergents est d’ordre financier. Au début des années 1980, la Réserve fédérale avait considérablement augmenté ses taux d’intérêt alors qu’elle cherchait à maîtriser l’inflation. Pour les économies émergentes et en développement qui avaient emprunté des sommes importantes au cours des années précédentes, le resserrement des conditions financières et le raffermissement du dollar ont entraîné de graves crises. Ces pays se retrouvent quarante ans plus tard dans une situation comparable. La dette publique et privée dans le monde émergent a augmenté régulièrement en pourcentage du PIB au cours des années 2010, et a explosé pendant la pandémie. Les ratios d’endettement public dans les économies à revenu intermédiaire atteignent des niveaux records. De nombreux pays pauvres se situent sur la ligne de crête avec un risque systémique comme dans les années 1990. Face à cette menace, le FMI et la Banque mondiale étudient des plans de rééchelonnement ou d’abandons de dettes qui pourraient être soumis, notamment, au Club de Paris qui est un groupe informel de créanciers publics dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiement de pays endettés. Sur les quelques 70 pays à faibles revenus, plus de 10 %, dont le Tchad et la Somalie, sont au bord de la banqueroute. Selon la Banque mondiale, 50 % des États en développement dont l’Éthiopie et le Laos, sont également menacés à court ou moyen terme par un risque élevé de cessation de paiement. En 2010, seulement un tiers des pays pauvres étaient surendettés ou risquaient de l’être. La part des émetteurs dont les obligations jugées à risques a plus que doublé en un an, pour atteindre un peu plus d’un cinquième, selon le FMI. Parmi les États hautement surveillés figurent malheureusement l’Ukraine mais aussi l’Égypte et le Ghana.

Les pays émergents ou en développement sont touchés par les évènements en cours en Ukraine. Le renchérissement du prix des produits alimentaires, des matières premières et de l’énergie fragilise les équilibres économiques et financiers. Le blé et le pétrole ont ainsi enregistré une augmentation de leurs cours d’environ 50 % en un an. Pour les pays importateurs, les coûts budgétaires liés aux subventions alimentaires et énergétiques progressent rapidement quand les réserves de devises s’épuisent. Ils doivent emprunter des devises à coûts croissants. La hausse des prix conduit, en effet, les banques centrales des pays de l’OCDE à durcir leur politique monétaire. En un an, les taux directeurs de la FED devraient augmenter de près de trois points, ce qui constituerait la plus forte hausse de taux en une seule année depuis le début des années 1990. Avec la fin des rachats d’obligations et la contraction du bilan de la Fed, le resserrement de la politique monétaire, en 2022, pourrait être le plus spectaculaire depuis les années 1980 tout en restant en-deçà, pour un certain nombre d’économistes, de ce qu’il faudrait faire pour juguler la hausse des prix.

L’augmentation des taux aux États-Unis conduit les capitaux à se diriger vers ce pays amenant une appréciation du dollar. Par rapport aux autres devises, il a augmenté de plus de 10 % sur un an. Cette appréciation accroît les coûts de financement pour les États émergents. Le rendement de la dette fortes des économies émergentes a augmenté de plus d’un tiers depuis l’été. L’achat de dollars devient de plus en plus compliqué. Le Sri Lanka, le 12 avril dernier, a fait défaut sur sa dette publique en devise forte.

Le coût croissant de la dette aura de nombreuses conséquences dont une réduction des dépenses en faveur de l’éducation, des infrastructures ou de la transition énergétique. Les banques locales ayant financé les États pourraient être en difficulté pour prêter aux acteurs économiques privés. La dette publique du pays d’origine représente désormais environ 17 % des actifs bancaires dans les économies émergentes, contre 13 % au début des années 2010 et bien au-dessus de la moyenne de 7,5 % au sein des pays de l’OCDE.

Menaces sur le commerce international

Ces dernières décennies, le succès des pays émergents a reposé sur leur intégration dans le commerce international qui a connu une rapide expansion durant les années 1990/2010. Les pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est ont bénéficié de la mondialisation et de l’éclatement des chaînes de valeur pour réaliser un rattrapage économique sans précédent. La Chine avec un taux de croissance à deux chiffres a permis à de nombreux pays émergents et en développement de développer leurs exportations. Le ralentissement de l’économie chinoise dont le taux de croissance potentiel pourrait se situer désormais autour de 5 % ainsi que la montée du protectionnisme remettent en cause ce mode de développement prioritairement axé sur les échanges. Les premières victimes de la fragmentation du monde sont les pays pauvres. La fermeture des pays occidentaux et le choix de la Chine de privilégier l’autosuffisance réduisent leurs possibilités d’acquisition de devises fortes nécessaires pour financer leurs  importations d’énergie et de produits agricoles ainsi que celles de biens d’équipement. Des tensions sociales pourraient apparaître à l’automne dans plusieurs pays pauvres en cas de poursuite de renchérissement du prix des produits alimentaires et face à d’éventuelles pénuries.

Les jeunes de moins de 30 ans, deux ans après le début de la crise sanitaire

Selon une enquête du Crédoc, 49 % des jeunes de moins de 30 ans estiment que la pandémie a été une période particulièrement pénible à vivre. 59 % des jeunes considéraient que leur vie actuelle correspondait à leurs attentes, soit 6 points de moins qu’en 2020. Le taux de satisfaction est en forte baisse pour les diplômés. De plus en plus de jeunes éprouvent des difficultés à se projeter à trois ou cinq ans. Seulement 37 % y arrivent quand 35 % en sont incapables. Seuls 15 % des jeunes peuvent se projeter au-delà de 5 ans. En 2021, 60 % des jeunes de 18-30 ans se montrent confiants face à l’avenir, soit 7 points de moins qu’en 2020.

L’emploi et le pouvoir d’achat une double priorité

Les incertitudes économiques par rapport aux évolutions de l’après-crise et plus particulièrement les anticipations de l’évolution du marché de travail semblent particulièrement inquiéter les jeunes. L’emploi figure au deuxième rang des priorités des jeunes, derrière le pouvoir d’achat. Ils sont 29 % à souhaiter que les pouvoirs publics les aident à trouver un emploi, soit une progression de 8 points pour cet indicateur depuis 2020. Pour la signature d’un contrat de travail, 62 % privilégient la question de la rémunération. En deuxième position, figure la possibilité de conjuguer vie de famille et vie professionnelle. Trois jeunes sur dix (30 %) prennent en compte l’intérêt et le contenu du travail quand 26 % déclarent s’intéresser aux possibilités de carrière. 24 % des jeunes regardent également l’avenir du secteur professionnel. Pour 34 % des jeunes, la crise sanitaire a modifié leur projet professionnel quand 52 % estiment qu’elle n’a eu aucune incidence.

Une méconnaissance des aides sociales et un problème d’accès

24 % des jeunes estiment qu’ils ne bénéficient pas d’aides auxquelles ils pourraient pourtant prétendre. 46 % d’entre eux indiquent qu’ils ne recourent pas aux aides auxquelles ils ont le droit par absence d’information. 25 % par choix refuseraient les aides.

Les trois dispositifs d’aides sociales connus par les jeunes, en 2021, sont le RSA, les aides financières au logement et la prime d’activité. Un peu plus de sept jeunes sur dix indiquent avoir entendu parler de ces dispositifs. La connaissance de la garantie jeunes progresse (37 %, +5 points). La proportion de jeunes ayant entendu parler des dispositifs de caution (37 %) demeure stable. Parmi les aides dont la connaissance par les jeunes est en hausse figure la complémentaire santé solidaire (CSS) qui a été instituée à compter du 1er novembre 2019. 41 % en ont entendu parler, +7 points en un an. L’aide alimentaire est connue par 58 % des jeunes quand les cellules de soutien psychologique le sont par 52 %. Les aides à la création d’entreprise bénéficient d’un taux de reconnaissance de 45 %. Au moins un tiers des jeunes est au courant de l’existence de la plateforme « Un jeune, une solution » qui a pour objectif d’aider les jeunes à trouver une formation, un emploi, un service civique, des aides financières, etc.

La progression des discriminations contre les jeunes

59 % des jeunes déclarent avoir subi au moins une forme de discrimination ou un traitement inégalitaire au cours des cinq dernières années. 26 % mettent en avant des discriminations en fonction de l’âge, 24 % en fonction du sexe, 21 % en fonction des origines, 16 % en raison de leur appartenance religieuse, 13 % en lien avec un handicap et 12 % du fait de leur orientation sexuelle. Près de trois jeunes sur dix déclarent entre deux et quatre formes de discrimination différentes. Les discriminations selon le sexe s’exercent davantage sur les jeunes femmes. 31 % d’entre elles déclarent avoir subi une discrimination de ce type au cours des cinq dernières années, contre 17 % des jeunes hommes. Pour les autres formes de discrimination, les hommes se déclarent plus souvent victimes que les femmes. Les jeunes hommes sont deux fois plus nombreux que les jeunes femmes à avoir connu au moins cinq formes de discrimination différentes dans l’année. 47 % des cas de discrimination ont eu lieu à l’école, à l’université ou lors d’une formation. 40 % des jeunes déclarent une discrimination pendant le déroulement de leur carrière professionnelle ou lors d’une recherche d’emploi. 38 % ont été discriminés dans un lieu de loisirs ou un lieu culturel, tel qu’un restaurant, un cinéma, une boîte de nuit ou encore un équipement sportif, et 35 % ont fait une expérience discriminante dans leurs relations avec les administrations ou services publics. 29 % des jeunes indiquent avoir subi une discrimination dans le cadre de la recherche de leur logement. Les discriminations lors des contrôles de police sont les moins citées avec 28 %.

Le succès du distanciel

60 % des étudiants ont suivi un enseignement à distance pendant la pandémie. Pour 30 %, ce mode d’enseignement était totalement nouveau. En revanche, 29 % pratiquaient déjà ce mode d’enseignement. Pour les jeunes actifs, durant la pandémie, 37 % ont travaillé à distance, mais 49 % ont continué à se rendre sur leur lieu de travail. Les jeunes plébiscitent le recours au télétravail ou à l’enseignement à distance. Selon l’enquête Conditions de vie et aspirations du Crédoc, 40 % des jeunes en emploi aimeraient poursuivre l’expérience du télétravail. La plus forte proportion de jeunes souhaitant bénéficier du télétravail réside en Île-de-France.

Le phénomène Tanguy

Durant les décennies 1970, 1980 et 1990, le départ des enfants du foyer parental était considéré comme définitif. Depuis une dizaine d’années, la décohabitation est moins tranchée et accepte des allers-retours. Les difficultés rencontrées pour obtenir un emploi stable et pour trouver un logement expliquent ce changement. La stabilisation sentimentale, plus tardive, contribue également à des retours chez les parents.

Parmi les jeunes de moins de 18 à 30 ans habitant, en 2021, chez leurs parents, 58 % ont toujours connu cette situation quand 42 % d’entre eux sont revenus après un premier départ. Parmi les jeunes n’ayant jamais quitté le domicile parental, figurent en majorité des élèves, des étudiants sans activité professionnelle parallèle ou des célibataires. 70 % des jeunes revenus chez leurs parents ont déjà exercé une activité professionnelle par le passé.

La mobilité internationale contrariée

En 2017, lors d’un discours sur l’Union européenne, le Président de la République française, Emmanuel Macron, avait souhaité que la moitié d’une classe d’âge puisse avoir passé au moins six mois dans un pays européen, avant l’âge de 25 ans à l’horizon 2024. Début 2021, seulement 14 % des 18-30 ans ont passé six mois au moins dans d’autres pays européens au cours de leur vie. 20 % des 18-30 ans ne se sont jamais rendus dans un autre pays européen. La probabilité d’avoir effectué un séjour en Europe dépend du niveau de diplôme, du sexe, de situation familiale ou encore de la région de résidence. La pandémie a rendu plus complexe la mobilité internationale des jeunes. Le Brexit a également réduit le nombre d’étudiants français au sein des universités britanniques. En 2020, un tiers des jeunes de 18 à 30 ans a renoncé à un séjour de plus de quinze jours à l’étranger (hors vacances).

Les plus jeunes forment davantage le projet de partir à l’étranger que leurs aînés, 48 % des 18-24 ans envisagent de partir pour plus de quinze jours consécutifs, contre 41 % des 25-30 ans. Les jeunes en emploi sont plus nombreux que ceux au chômage à envisager l’expérience. De même, les jeunes en couple avec des enfants ont une plus forte appétence que les couples sans enfants, parents isolés ou célibataires sans enfants à souhaiter partir à l’étranger. Les jeunes diplômés résidant dans les grandes métropoles sont plus attirés que les autres par l’expérience de l’expatriation.

Millenials » contre « boomers »

Durant la campagne présidentielle, certains ont indiqué que les politiques publiques avantageaient les seniors au détriment des jeunes. L’opposition millenials/boomers est-elle surjouée ? 44 % des jeunes indiquent que la société ne privilégie ni les jeunes ni les plus âgés. 28 % des jeunes pensent néanmoins que la société avantage les plus âgés au détriment des jeunes. Dans le même temps, 17 % pensent l’inverse. 30 % des jeunes estiment ainsi ne pas être écoutés en raison de leur âge en 2021 contre 27 % en 2020. Ils sont 49 % à considérer que leur avis compte dans les espaces qu’ils fréquentent, soit à peine moins qu’en 2020. Ces jeunes sont généralement plus insérés économiquement que ceux ne se sentant pas pris en compte.

Soif de libertés individuelles et engagements

Les mesures d’urgence prises dans le cadre de la crise sanitaire divisent les jeunes. Ils sont 44 % à estimer que l’État doit préserver voire rétablir les libertés individuelles, quand 40 % pensent au contraire plus important que l’État protège la santé des citoyens, même si cela diminue les libertés de chacun.

En 2021, les jeunes se sont abstenus massivement aux élections départementales et régionales. L’engagement en ligne à travers la signature de pétitions ou la défense de causes est passé de 43 % en 2020 à 36 % en 2021. L’engagement associatif des jeunes reste au niveau observé en 2020. 43 % déclarent avoir fait partie ou participé aux activités d’une association (sportive, culturelle, de loisirs, de jeunes, humanitaire, politique) contre 42 % l’année précédente. En 2021, près d’un jeune sur deux (48 %) donne bénévolement de son temps au sein d’une association ou d’une autre organisation (parti politique, syndicat, etc.). En 2021, le sport arrive en tête des domaines dans lesquels les jeunes s’engagent (31 %). Il est suivi par le domaine de la jeunesse et de l’éducation (19 %). L’environnement est le domaine dans lequel les jeunes souhaitent le plus s’engager (22 %). Les deux autres domaines à même de susciter le bénévolat, sont le sport et la lutte contre les discriminations (19 % chacun).

Les difficultés d’accès au logement

Habitant souvent dans des petits logements (30 m² par personne, pour les ménages dont la personne de référence a moins de 30 ans, contre 60 m² chez les 65 ans ou plus), les jeunes sont plus nombreux à estimer que leurs conditions de logements sont mauvaises. Les confinements ont accru cette perception.

Une montée des syndromes dépressifs surtout chez les jeunes femmes

Selon l’étude sur la santé mentale de Santé publique France (COVIPREV), 31,5 % des jeunes souffrent de syndromes dépressifs en 2021, contre 12 % en 2020. L’année dernière, 45 % des jeunes déclarent avoir un état d’esprit négatif quand 46 % affirment avoir un état d’esprit positif. Les femmes sont plus pessimistes que les hommes. En 2021, 33 % des jeunes hommes ont un état d’esprit globalement négatif (+5 points en un an) contre 56 % des femmes (+11 points). 14 % de ces dernières se déclarent inquiètes, contre 8 % des hommes.

Si la pandémie a accru certaines des difficultés que rencontrent les jeunes de moins de 30 ans, elle n’a pas bouleversé leur vie quotidienne. Elle a freiné la mobilité et a rendu leur vision du long terme moins précise. Les problèmes de logement, d’accès aux formations étaient déjà prégnants avant la crise sanitaire. Le regard des moins de 309 ans sur la société est assez proche de celui des ainés.