Le Coin des tendances – emploi – transition énergétique
Chômage et pénurie main d’œuvre en France
Les responsables des restaurants et des bars éprouvent de plus en plus de difficultés à recruter des serveurs et des cuisiniers. Avant même la crise, ces secteurs devaient déjà faire face à un déficit de main d’œuvre les conduisant à rechercher leur personnel à l’étranger voire à faire appel à des clandestins. La crise sanitaire a encore compliqué la donne. De nombreux anciens salariés de restaurants, de bars ou d’hôtels estiment que ce type d’emploi les prive de toute vie sociale. Avec les confinements, ils ont retrouvé les plaisirs d’une vie sans travail de nuit. Un certain nombre d’entre eux se sont reconvertis dans d’autres secteurs, en particulier dans le bâtiment qui, en outre, offre des salaires plus élevés et moins aléatoires. Deux mois après la réouverture des restaurants, la proportion d’entreprises signalant des problèmes de recrutement dans ce secteur a, selon une enquête de la Banque de France, doublé en juin par rapport au mois précédent. Les pénuries de personnel dans le secteur de l’hôtellerie sont accentuées par le maintien du dispositif de chômage partiel qui préserve la rémunération à hauteur de 84 %. Ce taux baissera à 72 % au mois d’août. Au sein des grandes villes et à Paris, en premier lieu, des établissements ont préféré rester fermés. Leur personnel qui aurait pu retrouver ailleurs un emploi a préféré leur rester attacher.
La situation du secteur de la restauration reste fragile. Avec le déploiement du pass sanitaire et la montée en puissance de la quatrième vague de covid-19, des restaurateurs hésitent à refermer. Au-delà des incertitudes de cette activité, les pénuries de main d’œuvre concernent plusieurs secteurs malgré un chômage qui reste important. Au mois de juin, 44 % des entreprises ont signalé des problèmes de recrutement, ce chiffre atteint même 50 % pour les travaux de construction. Les Français ont décidé de consacrer une partie de leur épargne covid à l’amélioration de leur logement ce qui met sous pression le secteur du bâtiment. Le plan de relance ne fait qu’accentuer cette tendance car une part importante des crédits a été affectée à la restauration de bâtiments publics.
En France, l’inadéquation entre offre et demande de travail est assez récurrente et se caractérise par un taux de chômage et un taux d’emplois vacants supérieurs à la moyenne européenne. Depuis des années, les gouvernements essaient de rapprocher l’offre et la demande en jouant sur la formation et l’apprentissage. Il a été ainsi adopté un dispositif dit « un jeune, une solution » qui garantit à tout jeune de moins de 26 ans une formation, un apprentissage ou un emploi, les entreprises bénéficiant d’une aide publique dès la signature du contrat. Les personnes les plus modestes en situation de chômage peuvent percevoir jusqu’à 500 euros en cas d’inscription à un programme actif de recherche d’emploi. Le gouvernement avait souhaité également réformer les indemnités chômage en les plafonnant pour les cadres et à les conditionner à six mois d’ancienneté. La France se caractérise par un fort volant de contrats à durée déterminée. Les salariés en CDD passent de période d’emploi en période de chômage, processus fort coûteux pour les finances publiques. La réforme des indemnités chômage a été reportée dans l’attente de la stabilisation de la situation économique.
Depuis des années, la France cherche la solution pour améliorer son système de formation et concilier sécurité et flexibilité pour son marché du travail. L’économie étant de plus en plus dominée par les emplois de services domestiques, à faible qualification et à faible rémunération. La France compte deux fois plus d’emplois sous-qualifiés que l’Allemagne. La montée en gamme de l’économie en redéveloppant un secteur industriel de pointe constitue une des seules voies possibles pour échapper à cette inadéquation entre offre et demande de travail. La remise en cause des exonérations de charges sociales sur les bas salaires qui crée une chape de plomb serait souhaitable. Ces exonérations pourraient être remplacées comme le proposait Bernard Bruhnes il y a quelques années, par un abattement de charges sociales à la base et applicable à tous les actifs.
Le monde suspendu à la menace climatique
L’histoire en témoigne, les femmes et les hommes ont souvent dû composer avec une nature qui pouvait se révéler hostile. Longtemps, ils en ont imputé la responsabilité à Dieu. En 1745, le philosophe Edmund Burke, au sujet d’un forte inondation de la rivière Liffey en Irlande, soulignait la force de destruction vertigineuse de la nature qui est « un délice à regarder à condition qu’elle soit observée de loin ». Il ajoutait « à quel point l’homme est petit, mais dans son esprit il reste maître de toutes choses même si dans les faits il ne commande que peu de choses ». Voltaire eut un jugement assez proche en 1755 quand se produisit le terrible tremblement de terre de Lisbonne. Dans un poème qu’il écrivit sur ce sujet, il considéra qu’il n’était plus possible de croire au bien et se mit à douter du rôle de Dieu dans de tels évènements. Cette prise de position pessimiste entraîna un échange de lettres avec Jean-Jacques Rousseau qui ne voulut pas abdiquer sa croyance dans le bien.
Depuis, le débat sur les catastrophes naturelles a pris une toute autre forme. Leur responsable n’est plus Dieu mais l’Homme accusé d’avoir modifié l’environnement. Ces dernières semaines ont donné lieu à plusieurs catastrophes et évènements climatiques. La Belgique, l’Allemagne ou la Chine ont connu de graves inondations. La ville de Lytton au Canada a été rayé de la carte en raison d’un incendie. Le 19 juillet, plus de 40% de la calotte glaciaire du Groenland contenait de l’eau de fonte. Au cours de la première moitié du mois de juillet, la Laponie a connu sa plus longue vague de chaleur depuis au moins 60 ans, avec des températures atteignant les 30°C. Le 14 juillet dernier, la Finlande a connu sa nuit la plus chaude de son histoire, deux stations météorologiques ayant enregistré des températures supérieures à 24,2°C.
La température de la planète est en 2021 de 1,2 à 1,3 degré supérieur à celle que connaissait l’époque préindustrielle d’Edmund Burke ou de Voltaire. L’objectif de limiter l’augmentation à deux degrés comme il a été convenu lors des Accords de Paris apparaît de plus en plus difficile à réaliser, les émissions continuant à augmenter. Idéalement, l’objectif n’est pas de 2 mais d’1,5 mais plus personne n’ose réellement y croire. Ce dernier objectif plus strict avait été exigé par les petits États insulaires qui considèrent l’augmentation du niveau de la mer comme une menace existentielle. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a révélé que la différence entre les deux objectifs, était une élévation supplémentaire de l’eau de mer de 10 cm d’ici 2100, ce qui priverait des millions de personne de leur lieu de vie. Par rapport à 1,5 °C de réchauffement, une augmentation de 2 °C exposeraient 420 millions de personnes à un risque mortel en lien avec la multiplication des canicules. La couverture glaciaire de l’Arctique serait, par ailleurs, menacée de disparition.
Selon Climate Action Tracker (cat), une Organisation Non Gouvernementale, en utilisant des modèles de concentration des gaz à effet de serre, la hausse des températures pourrait même atteindre 2,7°C d’ici 2100. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est alarmiste dans ses dernières publications. Si toutes les promesses et objectifs du gouvernement sont tenus, le réchauffement pourrait être limité à 2,4°C. L’espoir est que la Chine arrive à atteindre la neutralité carbone d’ici 2060. Sans réelle accélération des programmes de décarbonation, le risque serait selon le GIEC d’une hausse de 2,9°C. Les incertitudes sur l’évolution de la température du fait des difficultés à appréhender les rétroactions et les éventuelles compensations. La disparition du Gulf Stream refroidirait l’Europe de l’Ouest tout en réchauffant un peu les eaux tropicales.
Le réchauffement climatique n’est pas uniforme. L’Arctique, le nord du Canada, la Sibérie et la Scandinavie subiront le plus gros du réchauffement. Certaines régions plus peuplées connaitront également des températures supérieures à la moyenne. Les températures moyennes en Russie, en Chine et en Inde augmenteraient respectivement de 4 à 5°C, de 3,5 à 4,5°C et de 3 à 5°C. Les pays de l’arc méditerranéen seront également exposés à la hausse des températures avec à la clef des tempêtes de plus en plus violentes. Les pays européens connaîtront un nombre plus important de nuits « tropicales » durant lesquelles les températures restent supérieures à 20°C. Même les pays baltes seraient concernés. L’absence de baisse des températures diurnes est responsable d’une grande partie des morts lors des canicules.
Les activités humaines devront s’adapter à l’élévation des températures. La population devra sans nul doute passer plus de temps à l’intérieur des maisons l’été avec à la clef un dilemme autour de la climatisation, indispensable mais également responsable du réchauffement. Le travail en plein air (agriculture bâtiment) devra s’effectuer la nuit ou en ayant recours à des techniques de refroidissement. L’usage de robots sera également une solution.
Dans les pays tropicaux, les conditions de vie pourraient se dégrader fortement. Le corps humain se refroidit par évaporation de la sueur, or en milieu humide, l’évaporation est plus difficile. Au-delà de 35°C avec un taux d’humidité de plus de 85 %, le corps humain est en danger. Or, depuis 1979, le nombre de jours à fort taux d’humidité a doublé dans les Caraïbes. La Méditerranée connait également cette situation avec une combinaison de Sirocco et d’humidité par évaporation maritime. Selon le GIEC, au-delà de 2,5°C, de nombreux territoires sous les tropiques commenceront à voir leur niveaux de stress thermique atteindre des niveaux extrêmes pendant plusieurs mois par an.
L’augmentation des températures modifiera la répartition des pluies et multipliera les périodes de sécheresse. Une analyse de modélisation de la pénurie d’eau à 1,5°C, 2°C et 3°C a révélé que les deux tiers de l’humanité seraient susceptibles de manquer périodiquement d’eau. Avec une augmentation de 3°C, les périodes de sécheresse actuellement considérées comme des événements exceptionnels sur 100 ans devraient se produire tous les deux à cinq ans dans la majeure partie de l’Afrique, de l’Australie, de l’Europe méridionale, du sud et du centre des États-Unis, de l’Amérique centrale et des Caraïbes. La sécheresse occasionnelle peut être traitée par le recours à des réservoirs ou à des nappes phréatiques mais ces solutions sont inopérantes en cas de sécheresses prolongées. La multiplication des sécheresses extrêmes entrainera des déplacements massifs de population surtout en ce qui concerne les pays en développement.
En matière de production agricole, il est difficile de réaliser des prévisions. Les climats tempérés bénéficieront de saisons de croissance plus longues et certaines cultures bénéficieront de niveaux de dioxyde de carbone plus élevés, ce qui est favorable pour la photosynthèse. Des terres peu exploitables en Russie ou au Canada pourraient le devenir grâce au réchauffement. Un déplacement des productions et une sélection de nouvelles espèces sont incontournables. En 2010, de fortes chaleurs en Russie avaient entraîné une réduction d’un tiers de la récolte de céréales. Une étude coparrainée par le Foreign, Commonwealth and Development Office britannique a estimé que la probabilité d’une vague de chaleur extrême capable d’anéantir la récolte de riz du sud de la Chine au cours d’une année donnée était de 1 sur 100 sous 1°C de réchauffement, mais d’un sur dix sous 2-3°C de réchauffement. Bien que les prix des céréales pourraient être 29% plus élevés sous 3°C de réchauffement, selon le GIEC, exposant ainsi 183 millions de personnes à un risque supplémentaire de faim, le niveau d’incertitude est jugé élevé en la matière.
La calotte glaciaire de l’Antarctique occidental qui, jusqu’à il y a dix ans, était considérée comme assez stable, commence à s’effondrer sur les bords. À 2 °C de réchauffement, elle commencera à se décomposer, à 3°C, elle pourrait disparaître. Dans un monde à 3°C, des préoccupations similaires s’appliquent également au Groenland. La disparition des banquises et des calottes glaciaires pourrait occasionner une hausse d’au moins 1,6 mètre du niveau de la mer d’ici 2150. En 2100, la hausse devrait se situer entre 30 et 90 centimètres provoquant la disparition d’un grand nombre de villes et mégapoles tout comme de nombreuses surfaces agricoles. Les récifs coralliens n’ont pas cette facilité. Ils devraient disparaître complètement dans un monde à 3°C. La forêt amazonienne, déjà affaiblie par l’exploitation forestière et le brûlage, aurait très peu de chances de survivre dans un tel monde.
Dans les prochaines années, il faudra tout à la fois décarboner les activités humaines et s’adapter au réchauffement. Des investissements devront être réalisés dans les pays avancés comme dans ceux en développement. Pour ces derniers, la facture sera très élevée. Les Accords de Paris avaient prévu une aide de 100 milliards de dollars en provenance des pays riches, montant faible au regard des besoins qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars. Avec la crise sanitaire, les transferts se sont taris. Le 20 juillet, John Kerry, l’envoyé spécial du président Joe Biden sur le changement climatique, a réitéré l’engagement des États-Unis de tripler leur soutien à 1,5 milliard de dollars pour l’adaptation dans les pays les plus pauvres d’ici 2024. Cet apport reste néanmoins très faible compte tenu des besoins.
Face aux conséquences mondiales du réchauffement climatique, l’idée de recourir à la géo-ingénierie a de plus en plus d’adeptes. La Chine, les pays du Golfe, les États-Unis travaillent sur des procédés scientifiques pour refroidir l’atmosphère. Augmenter la volumétrie des pluies ou réfléchir la lumière du soleil sont des voies de travail pour plusieurs équipes scientifiques autour de la planète. Le recours à la géo-ingénierie pose cependant de nombreux problèmes éthiques et géopolitiques. Tous les pays ne sont pas obligatoirement d’accord sur le niveau de refroidissement souhaité. Or, les nuages et la pluie ne s’arrêtent pas aux frontières.