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Énergies renouvelables au crible de la rentabilité
L’électrification à marche forcée de l’économie mondiale n’est pas sans poser des problèmes techniques et financiers. L’électricité demeure une énergie complexe et coûteuse à stocker à la différence des hydrocarbures. Le prix d’un kilowattheure dépend de ce fait de la demande et varie en fonction de son heure de production ce qui n’est pas le cas pour un baril de pétrole. Les énergies renouvelables sont aléatoires dépendant de l’ensoleillement, du vent ou des précipitations.
Un rendement en amélioration mais insuffisant
Le rendement des énergies renouvelables est considéré comme faible même s’il augmente. En 2014, le coût actualisé de l’éolien offshore, était, selon l’Agence de l’information de l’énergie américaine (EIA) d’environ 200 dollars par MWh hors subventions. En 2023, ce coût n’est plus que de 127 dollars. Sa rentabilité demeure néanmoins faible face aux autres énergies. Les industriels du secteur éolien demandent une augmentation des aides. Les appels d’offre, en particulier au Royaume-Uni, pour l’installation d’éoliennes offshore peinent à trouver preneurs. Selon l’EIA, les énergies renouvelables n’arrivent pas, pour le moment, à concurrencer les autres énergies. Le coût actualisé de l’énergie nucléaire est de 91 dollars par MWh et celui du gaz naturel de 43 dollars. L’éolien en mer nécessite la réalisation d’importantes infrastructures en milieu hostile (eau et sel), infrastructures dont l’utilisation exige des conditions climatiques favorables. Une centrale au gaz ou nucléaire peuvent fonctionner en permanence ou presque. Leurs règles d’amortissement sont relativement simples à calculer quand pour les énergies renouvelables, les inconnues sont nombreuses.
Les énergies renouvelables, des énergies inadaptées à la demande ?
L‘objectif de faire des énergies renouvelables le socle de la production d’électricité bute sur des contraintes de coûts et de temporalité. Elles ne produisent pas obligatoirement au bon moment ni au bon endroit.
Les besoins en énergie électrique sont permanents et évoluent en fonction des heures de la journée et en fonction de la météorologie. Les centrales nucléaires sont capables de faire face à la demande de fond. Si leurs coûts fixes sont élevés, leurs coûts variables de fonctionnement sont faibles. Le caractère aléatoire des énergies renouvelables décarbonées suppose que des centrales thermiques ou nucléaires prennent le relais en cas d’absence de vent ou de soleil. Or, ces dernières n’ont d’intérêt que si elles sont utilisées en permanence. Les centrales au gaz peuvent jouer un rôle d’appoint même si leur coût de construction demeure élevé. En outre, le prix de l’électricité produite à partir du gaz varie en fonction du cours de ce dernier, cours qui est fortement volatil. La production d’énergie renouvelables solaire ou éolienne peut intervenir au moment où les besoins sont faibles à l’heure du déjeuner par exemple. Le prix du MWH pourrait ainsi connaître de forte fluctuation du fait de l’abondance des énergies renouvelables à certains moments de la journée. A contrario, en cas de recharge nocturne des véhicules électriques qui ont vocation à remplacer les véhicules à moteur thermique, la demande en énergies renouvelables pourrait excéder l’offre, entraînant des pointes tarifaires. Pour contrecarrer le caractère aléatoire de la production des énergies renouvelables, les industriels doivent développer des capacités de stockage (batteries, production d’hydrogène vert, etc.) qui sont coûteuses.
Une tarification inadaptée mais complexe à réviser
Le mode de tarification de l’électricité est de plus en plus contesté en Europe comme aux États-Unis. Les prix ne reflètent pas la véritable valeur du temps et du lieu. Au Royaume-Uni, les prix de gros de l’électricité sont fixés par blocs d’une demi-heure mais ces prix ne tiennent pas compte du lieu de la production, ni du temps dans les autres régions. Les éoliennes étant implantées en Écosse, en cas de vent important, une surproduction peut se produire dans cette région provoquant une baisse des prix, même si, dans le même temps, au Pays de Galles, il y a une forte demande provoquant une hausse des prix. La mauvaise interconnexion des réseaux ne permet pas d’acheminer l’électricité. Au sein de l’Union européenne, la tarification en fonction de l’offre et de la demande marginale aboutit à une indexation sur le cours du gaz, les centrales au gaz permettant l’ajustement de la production, en cas de pointe de demande. Cette situation génère de la volatilité ne permettant pas une planification des investissements.
Les énergies renouvelables apparaissent en l’état peu rentables et exigent la réalisation d’infrastructures de production, de stockage et de réseaux. L’interconnexion entre les régions européennes est indispensable pour pallier les variations climatiques. Le problème devrait être traité au niveau européen afin de favoriser une solidarité plus poussée entre les États membres que ce qui se pratique actuellement.
L’Asie, émergence d’une zone économique intégrée !
Au cours du dernier demi-siècle, l’Asie est devenue l’usine du monde. Dans le sillage du Japon, de la Corée du Sud, de Taïwan et, plus récemment, de la Chine, du Vietnam, ou des Philippines, l’Asie du Sud-Est est devenue le premier centre mondial de production de biens manufacturés exportés en particulier vers l’Occident aisé. Des millions d’Asiatiques ont ainsi échappé à la pauvreté et ont pu intégrer les classes moyennes. Aujourd’hui, sur fond de tensions commerciales, de transition énergétique et de tertiarisation des économies, le modèle économique de la région est amené à changer.
Le long boom manufacturier asiatique a favorisé une vague d’intégration commerciale. En 1990, 46 % du commerce asiatique s’effectuait à l’intérieur de la région. En 2021, ce chiffre était passé à 58 %, ce qui en faisait le continent le plus intégré après l’Europe. À mesure que l’Asie devient plus riche et ses entreprises plus musclées, les flux d’investissement deviennent également plus régionaux.
La régionalisation du commerce international
Des années 1990 à 2010, l’essor industriel de l’Asie a provoqué un développement des échanges entre les différents continents. Les chaînes de valeurs ont été éclatées à l’extrême. L’Asie travaillait essentiellement pour les États-Unis et l’Europe. En 1990, seulement 46 % du commerce asiatique s’effectuait à l’intérieur du continent. Depuis quelques années, une inflexion est à l’œuvre. En 2021, l’Asie le commerce intra-asiatique représente 58 % de l’ensemble des échanges de la zone. La régionalisation du commerce concerne également l’Europe. De 2000 à 2010, la part des échanges entre pays européens avait décliné passant de 74 % à 69 % du total des échanges. Ce ratio s’est récemment stabilisé et a même tendance à remonter depuis la fin de la crise covid.
Une dépendance aux États-Unis et à l’Europe en fort recul
Autrefois dépendants des États-Unis ou des États de l’Union européenne que ce soit en matière de haute technologie ou de capitaux, les pays d’Asie optent de plus en plus pour la carte locale. Les investisseurs asiatiques détiennent désormais 59 % du stock d’investissements directs étrangers dans leur propre région, à l’exclusion des centres financiers de Hong Kong et de Singapour, contre 48 % en 2010. En Inde, en Indonésie, au Japon, en Malaisie et en Corée du Sud, la part des investissements directs provenant de l’Asie a augmenté de plus de 10 points de pourcentage en une dizaine d’années. Les opérations bancaires transfrontalières sont également devenues plus asiatiques. Avant la crise financière de 2007/2009, les banques locales représentaient environ un tiers des prêts à l’étranger. Ils en représentent désormais plus de la moitié. Ils ont profité du retrait des financiers occidentaux. Les prêts à l’étranger accordés par la Banque industrielle et commerciale de Chine ont plus que doublé de 2012 à 2022, pour atteindre 203 milliards de dollars. Les banques japonaises se sont également étendues, afin d’échapper aux marges étroites auxquelles elles sont confrontées sur leur territoire. Singapour et Hong Kong sont devenus des centres financiers traitant un nombre croissant d’opérations intra-asiatiques. Les programmes de la Route de la Soie ont également contribué à renforcer les financements asiatiques des infrastructures.
Depuis une dizaine d’années, l’image économique et financière de l’Occident s’est écornée. Selon une récente enquête menée par l’institut Iseas-Yusof Ishak à Singapour auprès de chercheurs, d’hommes d’affaires et de décideurs politiques d’Asie du Sud-Est, 32 % des personnes interrogées ont déclaré que les États-Unis restaient la puissance politique la plus influente de la région mais seulement 11 % estiment qu’elle est la puissance économique dominante. Les tensions commerciales entre les États-Unis, l’Europe et l’Asie incitent les entreprises à réorienter leurs exportations. L’abandon par les États-Unis de l’accord commercial du Partenariat transpacifique en 2017 a marqué une rupture. Cette décision de Donald Trump est le symbole du repli sur soi des États-Unis et de l’émergence d’un cycle protectionniste. Les entreprises asiatiques sont contraintes de disposer de nouvelles chaînes de production et d’approvisionnement pour déjouer les sanctions et droits de douane imposés à la Chine. Cela conduit à la réalisation de nouvelles infrastructures dans des pays comme le Vietnam ou l’Indonésie qui sont financées essentiellement par des capitaux asiatiques. Ces projets de construction s’accompagnent du développement du crédit privé dans de nombreux pays. Les pays les plus riches de la zone, la Chine, Hong Kong, le Japon, Singapour, la Corée du Sud et Taïwan interviennent de plus en plus en tant que financeurs de projets et de moins en moins comme acteurs directs. Ils suivent en cela les États-Unis et les États européens. Entre 2015 et 2021, la Chine a engagé en moyenne 5,5 milliards de dollars par an dans la région, contre 4 milliards de dollars pour le Japon et 2,9 milliards de dollars pour la Corée du Sud. Une grande partie de cela s’accompagne d’un transfert d’expertise technique. En 2011, les pays asiatiques les plus riches disposaient d’environ 329 milliards de dollars, d’investissements directs dans les économies émergentes et plus pauvres comme le Bangladesh, le Cambodge, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines ou la Thaïlande. En 2022, ce montant s’élève à près de 700 milliards de dollars.
Quand les Asiatiques deviennent des consommateurs
Espace de production, l’Asie devient au fil des années également un gigantesque centre de consommation. Sur les 113 millions de personnes qui intègrent chaque année les classes moyennes, 91 millions proviennent de ce continent selon le cabinet World Data Lab. Même si la croissance des revenus ralentit en Chine après des décennies d’expansion, elle augmente dans les autres pays. Les cinq plus grandes économies du bloc régional de l’ASEAN – à savoir l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande – devraient enregistrer une hausse de leurs importations de 5,7 % par an entre 2023 et 2028, soit le rythme le plus rapide au sein de l’économie mondiale. Actuellement, les produits importés représentent 44 % de la consommation de biens sur ce continent. Au fur et à mesure de la régionalisation du commerce et de l’augmentation du pouvoir d’achat, ce taux devrait augmenter dans l’Asie du Sud-Est. Les disparités de revenus en Asie sont considérables, le PIB par personne étant, en 2022 de 8 000 dollars en Inde contre 49 000 dollars au Japon, en tenant compte du pouvoir d’achat. Comme ce fut le cas dans l’Union européenne, une convergence des revenus des ménages est à l’œuvre en Asie. L’épargne des pays asiatiques les plus riches et les plus âgés s’orientent vers les pays plus pauvres et plus jeunes à fort potentiel de croissance. L’augmentation des échanges commerciaux devrait réduire les prix pour les consommateurs et générer des emplois à forte valeur ajoutée.
La conséquence de cette intégration économique plus forte est une interdépendance de plus en plus marquée. Jusque dans les années 2010, la croissance sur le continent asiatique dépendait avant tout de l’évolution de la conjoncture aux États-Unis ou en Europe. Désormais, le ralentissement en Chine se propage rapidement aux autres États de la région d’Asie du Sud-Est.
Une intégration économique mais pas politique
A la différence de celle de l’Europe, l’intégration économique de l’Asie du Sud-Est ne repose pas sur un projet politique. La construction européenne visait au début des années 1950 à éviter une réédition d’une guerre continentale et de protéger la partie occidentale du Vieux continent de l’influence soviétique. En l’état actuel, l’intégration politique est impossible en Asie. Les systèmes politiques sont variés allant de la démocratie libérale à la dictature. Les États asiatiques sont extrêmement jaloux de leur indépendance. Les États-Unis jouent, par ailleurs, le rôle de garant militaire, en Corée du Sud, au Japon ou à Taïwan par exemple face à l’hégémonisme éventuel de la Chine ou de la Corée du Nord. L’Inde qui est devenue la première puissance démographique mondiale entretient des relations conflictuelles avec la Chine. Le Vietnam entend jouer sur plusieurs tableaux pour combiner croissance et indépendance. Ce pays d’obédience socialiste s’est ainsi rapproché des États-Unis.
Les États-Unis ont depuis le passage au pouvoir de Donald Trump perdu en lustre et en influence en Asie. Pour de nombreux pays d’Asie du Sud-Est, ils demeurent néanmoins un protecteur et un contrepoids à l’influence grandissante de la Chine. Le développement de cette dernière et la montée en puissance de l’Inde modifient néanmoins les relations économiques au sein des pays en créant des solidarités économiques nouvelles.