Le Coin des tendances – euro – inflation – solitude – pétrole
Vingt ans après, l’euro source d’inflation, une vrai fausse information ?
Le 2 janvier 2002, l’euro fiduciaire, les billets et les pièces, remplaçaient les monnaies nationales des onze États ayant été acceptés à participer à l’union monétaire. Ce passage constituait la dernière étape de cette construction monétaire, sachant que depuis le 1er janvier 1999, l’euro était devenu la monnaie officielle des États membres. Ce grand changement d’unité monétaire, le premier depuis le 1er janvier 1960 marqué par l’introduction du nouveau franc a fait l’objet de critiques dans le prolongement des débats qui étaient intervenus lors de la campagne référendaire sur le Traité de Maastricht autorisant le passage à l’euro. Ce dernier donna lieu à une polémique en 2002 et les années qui suivirent sur la perte de pouvoir d’achat des ménages provoquée par l’augmentation des prix. L’INSEE a, à maintes reprises, réalisé des études sur le sujet prouvant l’inverse ; rien n’y fit. Entre le ressenti et la réalité froide des statistiques, l’écart était alors important. Le jugement des consommateurs était d’autant plus surprenant que la France avait, au cours des années 1970 et 1980, connu un inflation importante. Pour se qualifier à l’euro, les gouvernements avaient dû mettre en œuvre des politiques de désinflation compétitive qui étaient mal vécues.
Selon une étude de l’INSEE de 2016 (étude de Marie Leclair, division des prix à la consommation, Vladimir Passeron), les prix à la consommation n’ont augmenté que de 1,4 % en moyenne par an entre 2002 et 2015soit nettement moins qu’au cours des quinze années précédentes (+2,1 % entre 1986 et 2001. L’inflation française après l’introduction de l’euro était inférieure à celle constatée en moyenne au sein de la zone (+1,7 % en moyenne par an).
Si les ménages ont constaté certaines hausses de prix, celles-ci n’ont pas été occasionnées par le changement de monnaie mais par des facteurs conjoncturels comme les variations climatiques (produits alimentaires), l’environnement géopolitique (produits pétroliers) et par des facteurs d’ordre politique (augmentation du prix du tabacs au nom de la santé publique). L’inflation sous-jacente qui exclut les produits connaissant de fortes fluctuations est restée très faible dans les années qui ont suivi l’introduction fiduciaire de l’euro.
Le ressenti de hausse des prix s’est nourri, en partie, par l’attention que les Français ont porté à ces derniers. Dans les premiers mois, les consommateurs ont effectué des conversions rendant toute hausse sensible. Les boulangers, les restaurateurs, les cafetiers ont été accusés de majorer leurs tarifs au moment même où ils subissaient une augmentation du coûts de leurs matières premières et qu’ils devaient gérer la mise en œuvre des 35 heures. Les consommateurs ont conservé en mémoire les derniers prix en francs oubliant que ces derniers évoluaient auparavant en permanence. Ils ont négligé le fait que l’inflation préexistait et qu’elle n’a pas disparu avec l’introduction de l’euro. L’INSEE estime que le basculement des grilles tarifaires du franc vers l’euro a provoqué une augmentation des prix de 0,1 à 0,2 % sur l’année 2002.
La mise en place de l’euro fiduciaire intervient à la fin d’un cycle de croissance qui a débuté en 1997 et qui s’est achevé avec l’éclatement de la bulle Internet. Le taux de croissance est passé de près de 3 % à 1 % rendant les négociations salariales plus difficiles. L’Allemagne au même moment a décidé de mettre en œuvre une politique d’amélioration de sa compétitivité après une décennie de financement de la réunification. Cette politique de rigueur reposait sur une maîtrise des coûts salariaux stricte et par une réduction des déficits, politique qui s’imposa au reste de l’Europe. La Banque Centrale Européenne avait comme objectif d’assurer la crédibilité de la nouvelle monnaie à l’échelle internationale ce qui l’a conduit à mettre en œuvre une politique monétaire peu accommodante et donc peu inflationniste.
L’introduction de l’euro ne fut pas marquée par une augmentation des prix mais le sentiment dominant en France fut inverse. Le prix de la baguette et du café au comptoir fut souvent mis en avant. Si des dérapages ont existé, ils apparaissent sur la période limitée. Jusqu’à la crise sanitaire de 2020, les Etats membres de la zone euro ont connu une période de faible inflation surtout par rapport à celle des années 1970/1980.
Les nouveaux habits de la solitude en France
La société urbaine n’a pas entraîné la disparition de la solitude. Bien au contraire, elle en a créé de nouvelles formes. Internet, tout en permettant la mise en relations des individus est générateur d’isolement. Ces phénomènes se sont renforcés avec la crise sanitaire qui s’est accompagnée de confinements, soit une mise à l’écart forcée, et la réduction des interactions sociales. Le Crédoc a réalisé sur le sujet de l’isolement une étude afin d’apprécier son évolution. Selon cet organisme, sont considérées comme isolées, « les personnes ne rencontrant jamais physiquement les membres de l’ensemble de leurs réseaux de sociabilité (famille, amis, voisins, collègues de travail ou des activités associatives) ou ayant uniquement des contacts très épisodiques avec ces différents réseaux, quelques fois dans l’année ou moins souvent. » Cette définition de l’isolement relationnel ne prend pas en compte les relations au sein du ménage (entre conjoints, avec les enfants ou les autres personnes vivant au domicile).
Entre les mois de janvier 2020 et 2021, la proportion de Français dits isolés a progressé de 10 points passant de 14 à 24 %. En janvier 2021, 30 % des sondés déclaraient n’avoir qu’un seul réseau de contacts, contre 22 % un an auparavant. Ceux qui déclarent avoir au moins deux réseaux ne sont plus 46 % cette année, contre 65 % l’année dernière. La crise du covid a provoqué une réelle réduction des contacts sociaux. Cette baisse conforte celle déjà à l’œuvre depuis plusieurs années avec un repli des Français sur une sphère de plus en plus étroite de relations.
Début 2021, une très faible partie de la population (5 %) déclare avoir vu des membres de sa famille (extérieurs au foyer) « plus souvent » qu’avant la crise, pour apporter un soutien matériel, ou psychologique, se changer les idées ou parce que la nécessité s’imposait (dans le cas des aidants familiaux par exemple). Avec la crise sanitaire les Français déclarent majoritairement (66 %) avoir espacé les visites en famille et s’être habitués à vivre « les uns sans les autres ». 18 % d’entre eux constatent que les liens avec leur famille ont plus souvent eu tendance à se distendre.
La dégradation des relations ne concerne pas tous les Français de la même façon. Les plus affectés sont les personnes inactives, à faibles revenus, non diplômés, les familles monoparentales et les ouvriers. 26 % des étudiants figurent également dans cette catégorie, soit un ratio supérieur à celui de l’ensemble de la population (17 %).
Les contacts de visu sont fort logiquement en forte baisse entre 2020 et 2021. 34 % des Français ont rencontré plusieurs fois par semaine des amis en 2020 contre 58 % en 2019 et 60 % en 2015. 38 % ont des contacts familiaux en 2020, contre 55 % en 2019. Seulement 32 % des ménages ont eu des activités associatives en 2020, contre 39 % en 2016.
Le recours aux outils numériques a permis de compenser en partie l’isolement physique. En janvier 2021, un tiers des sondés a déclaré avoir intensifié les échanges vocaux et la même proportion a davantage recours à la visioconférence. Pour un quart des sondés, ces nouveaux outils constituent une véritable chance pour échanger quand pour 34 % ils ne peuvent être que temporaires et pour 40 % ils ne permettent pas de remplacer les contacts de visu.
En janvier 2021, 21 % des 15-30 ans s’estimaient en situation d’isolement (+9 points en un an). Moins d’un jeune sur deux (46 %) a ainsi maintenu des contacts réguliers (toutes les semaines ou tous les mois) avec son cercle amical (baisse de 17 points en un an). Cet isolement affecte la formation et la recherche d’emploi. Les jeunes ont plus de difficultés à se constituer un réseau afin de trouver un emploi. En janvier 2021, un tiers des jeunes indiquait souffrir de solitude contre 21 % en janvier 2020. 50 % des jeunes s’estimaient même abandonnés, inutiles ou exclus, contre 35 % en janvier 2020. Ces appréciations ont été émises durant le deuxième confinement et peuvent apparaître excessives. Elles sont néanmoins révélatrices d’un sentiment d’exaspération et d’incompréhension par rapport à la situation. La soif de sorties, de fêtes, de rencontres a été manifeste à la fin du troisième confinement.
Le pétrole au cœur des conflits d’hier, d’aujourd’hui et de demain
Avec la lutte contre le réchauffement climatique, les gouvernements se sont lancés dans un processus de décarbonation des activités économiques qui passe par une réduction, voire une élimination du pétrole comme source d’énergie voire comme matière première. L’or noir est devenu, en un peu plus d’un siècle, la clef de voute de l’économie mondiale. Les relations internationales tout comme la croissance sont conditionnées à son accès et à son prix. Le changement de mode de production de l’énergie constitue un défi d’une dimension sans précédent.
La dépendance plurielle au pétrole
L’économie mondiale est avant tout une pétro-économie. Le pétrole est évidemment indispensable en tant que carburant pour les transports terrestres, maritimes et aériens. Seuls les trains, sous réserve que l’électricité ne soit pas produite en ayant recours au fioul, peuvent s’en affranchir. Le pétrole est la principale matière première de la chimie. Il est également utilisé par les industries pharmaceutique, plasturgique et cosmétique. Il est indispensable pour la construction des éoliennes ou la fabrication des ordinateurs. L’industrie du bâtiment en consomme des quantités importantes. Les engrais chimiques ou l’exploitation des mines de potasse et de phosphore nécessitent également du pétrole. Le pétrole a offert à l’humanité l’abondance énergétique et une multitude de produits. Sa forte puissance énergétique associée à sa facilité de transports, permettent, en tout lieu et à tout moment, de démultiplier la force humaine, de chauffer ou de refroidir des habitations, de transporter des personnes ou des biens et d’établir des communications numériques.
Le pétrole, de la croissance aux guerres, moteur de l’histoire des temps modernes
L’accélération de la croissance au cours du XXe siècle a été rendue possible par un pétrole abondant et à bas prix. A contrario, le premier choc pétrolier de 1973 marque le début d’un ralentissement qui semble toujours en cours.
L’histoire économique de ces cent dernières années voire l’Histoire tout court est avant tout celle du pétrole. Le contrôle du pétrole a été un enjeu majeur de la Seconde Guerre mondiale. L’attaque japonaise de Pearl Harbor visait notamment à garantir l’approvisionnement pétrolier nippon en provenance de l’Île de Sumatra. L’Allemagne a tenté de prendre, en vain, possession des gisements du Moyen Orient et de la région de Bakou, ce qui nécessitait pour ces dernier de prendre la ville de Stalingrad. Le succès du débarquement du 6 juin 1944 a été rendu possible par la capacité des Américains d’approvisionner en carburant les troupes au sol avec la construction d’un port pétrolier au Bessin. Au mois de décembre 1944, l’offensive de l’Allemagne nazie dans les Ardennes fut vaincue en raison des problèmes d’accès au gazole de ses chars. Après 1945, les États-Unis élargissent leur sphère d’influence au Moyen Orient. La Russie mena de nombreuses actions durant la Guerre froide afin de rallier à sa cause plusieurs États moyens orientaux toujours dans un souci de contrôler l’or noir. Si l’Arabie Saoudite a toujours été dans le camp des États-Unis, l’Iran et l’Irak en fonction des différents coups d’États sont passés d’une alliance à une autre.
La guerre du Kippour a été également une guerre pétrolière. L’embargo décrété par les pays arabes constituait une mesure de rétorsion contre les Occidentaux accusés de soutenir Israël. Dans la foulée de ce conflit, le prix du brut a été multiplié par quatre. Dans les faits, compte tenu des coûts d’exploitation du pétrole, de plus en plus élevés aux États-Unis, les autorités de ce pays auraient dès 1971 suggéré à l’OPEP d’augmenter les prix. L’initiateur du processus de hausse du prix du baril fut alors le Shah d’Iran un des plus fidèles allié des États-Unis. L’augmentation du cours du baril dans les années 1970 permit de rendre rentable les gisements d’Alaska ainsi que ceux de la Mer du Nord. Une grande partie des pétrodollars furent, par ailleurs, recyclés par Wall Street. Les principaux perdants des chocs pétroliers furent les États européens comme la France, l’Allemagne et l’Italie.
En 1990, un des objectifs de l’annexion du Koweït par Irak de Saddam Hussein était la prise de contrôle des abondantes réserves de pétrole et de gaz du Koweït. La guerre du Golfe qui en suivit visa à empêcher cette mainmise. Si officiellement, celle de 2003 visait à empêcher l’Irak de se doter d’armes de destruction massive, en sous-main, les États-Unis souhaitaient consolider leurs positions au sein du Moyen Orient. L’intérêt de l’Irak diminua juste après l’intervention militaire avec le développement du pétrole de schiste qui a permis aux États-Unis de redevenir le premier pays producteur.
La crise des subprimes de 2008/2009 et celle des dettes souveraines en zone euro de 2011/2012 ont été analysées essentiellement sous un angle financier mais elles ont comme origine une forte augmentation du prix du pétrole. En 2007, la poussée de la demande en or noir, provoquée par le décollage économique de la Chine, entraîna une vive augmentation du cours du baril de pétrole qui dépasse alors 130 dollars. Cette augmentation s’explique par une stagnation de l’offre autour de 72 millions de barils/jour. Face à la montée des prix qui en résulte, la banque centrale américaine relève ses taux directeurs renchérissant le coût des crédits. De nombreux ménages américains, ayant emprunté à taux variable, se trouvent dans l’impossibilité de rembourser et mettent en vente leur logement entraînant une chute des prix. La crise immobilière américaine se diffuse à l’ensemble de la sphère financière du fait de la titrisation des prêts immobiliers. De 2009 à 2011, le cours du pétrole progresse à nouveau assez rapidement passant de 45 à 125 dollars le baril. En Europe, cette hausse combinée avec une politique monétaire non accommodante entraîne un ralentissement de la croissance. Les investisseurs se mettent à douter de la capacité de la Grèce à faire face à ses échéances pour le remboursement de sa dette, sachant que ce pays cumule un déficit extérieur et un déficit public élevés. Ce doute aboutit à une augmentation des taux d’intérêt et à l’arrêt de l’apport des capitaux en provenance de l’Europe du Nord. La crise grecque trouve donc son origine dans l’augmentation du prix du pétrole. Depuis 1945, la quasi-totalité des crises économique aux États-Unis trouvent leur fondement dans l’or noir ; la crise sanitaire constituant une des rares exceptions.
Le pétrole est une source de conflits armés entre États mais aussi de guerres civiles. Le printemps arabe entre 2010 et 2012 commence dans des pays peu dotés en pétrole au moment où celui s’apprécie. Le contrôle des gisements en Syrie était un des enjeux de la guerre civile, gisements qui par ailleurs étaient en voie d’épuisement. De même, en Irak, Daech a réussi à prendre possession d’une grande partie du territoire en s’appuyant sur les réserves de pétrole qu’il détenait.
La fin de l’Empire du pétrole, une exercice de haute voltige
Le pétrole fait rarement le bonheur des pays qui en possèdent. En créant des effets de rente, il génère de nombreux effets pervers. Quand la production décroît, l’argent facile s’interrompt favorisant l’émergence de mouvements contestataires, de régimes autoritaires ou des guerres comme au Venezuela, au Yémen ou en Syrie. Pour certains experts, le Brexit n’est pas sans lien avec la fin de la manne pétrolière de la Mer du Nord. Le Royaume-Uni des années 1980 à 2010 a été un État pétrolier. Ses recettes tirées du pétrole ont masqué les faiblesses de son économie. Leur disparition a eu pour conséquence une montée des inégalités. L’Europe n’aurait servi que de bouc émissaire.
Les prochaines années pourraient être compliquées pour de nombreux États producteurs en raison du déclin programmé de leur production. D’ici à 2030, 7 à 20 % de la production russe devrait disparaître et jusqu’à 40 % d’ici 2040. Les espoirs des autorités russes pour compenser la fermeture des gisements de l’Oural et de la Volga se portent sur la Sibérie Orientale et l’Arctique. D’ici le milieu du siècle, les productions de l’Azerbaïdjan et du Kazakhstan pourraient diminuer. L’Union européenne est fortement exposée à ces baisses qui pourraient mettre en cause la sécurité des approvisionnements futurs.
Du fait du déclin des gisements, une bataille pour le pétrole pourrait s’engager à partir de 2025 d’autant plus que la demande en provenance d’Asie et d’Afrique devrait augmenter de manière importante. Le désengagement des grandes entreprises pétrolières occidentales qui s’orientent vers les énergies renouvelables devrait accentuer le déséquilibre entre l’offre et la demande. Le recours au nucléaire, à l’hydrogène ou au gaz naturel qui est plus abondant pourra réduire la demande de pétrole en tant que carburant. En revanche, la substitution du pétrole dans ses usages industriels sera plus compliquée. Les États devront gérer un pétrole rare et cher. La crise des « gilets jaunes » en France, en 2018 a souligné la forte sensibilité de la population face à des augmentations du prix de l’énergie, faisant des films « Mad Max » une prophétie à méditer.