Le Coin des Tendances : intelligence artificielle – black friday – transition énergétique
De Gutenberg à ChatGPT, les stars ne meurent jamais
Pendant près de six mois, les studios d’Hollywood sont restés fermés en raison d’une grève des artistes craignant que leur métier soit remis en cause par l’essor de l’intelligence artificielle. Cette grève rappelait le mouvement des luddistes qui, au début de la Révolution industrielle, cassaient les machines à tisser par peur de perdre leur emploi. Si, en 2023, les acteurs n’ont pas cassé les caméras, ils ont néanmoins réussi à paralyser l’industrie du cinéma jusqu’à la signature, le 8 novembre dernier, d’un accord les protégeant de la concurrence des logiciels conversationnels. Le combat n’en est pas pour autant terminé. Des actrices comme Scarlett Johansson et des auteurs comme John Grisham poursuivent des entreprises technologiques pour utilisation non autorisée de leur image et de leurs mots.
De nombreuses vedettes pensent que l’intelligence artificielle dépréciera leur talent et au profit de pseudo artistes sachant manier la souris et le clavier des ordinateurs. Dans les faits, ce ne sont pas les stars qui sont les plus exposés aux conséquences de l’intelligence artificielle mais au contraire les artistes moins renommés. Les nouvelles technologies donnent la possibilité aux vedettes de se démultiplier, d’être présentes sur tous les marchés, dans tous les formats et à tout moment. L’omnicanal de distribution ouvre la voie à « l’omnistar ».
Dans le monde du spectacle, la technologie modifie régulièrement les règles du jeu sans pour autant le faire disparaître. Avec l’invention de l’imprimerie, les écrivains ont pu diffuser en grande quantité leurs livres. Les hommes d’église cessent alors d’avoir le monopole de la diffusion des connaissances. L’alphabétisation et la multiplication des journaux débouche, à partir du XVIIIe siècle, sur l’essor du vedettariat. L’historien Antoine Lilti estime que les premières célébrités connues par un nombre important de personnes sont Goethe, Byron, Sarah Siddons, François-Joseph Talma, Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, Mirabeau, et Napoléon qui a été un des premiers communicants politiques.
L’apparition du cinéma et de la radio a été perçue comme une menace pour nombre de comédiens et d’écrivains. Ces deux outils de communication ont, au contraire, permis l’émergence rapide de célébrités. À partir des années 1910, des acteurs grâce à leurs films sont connus dans le monde entier. C’est en particulier le cas de Douglas Fairbanks, Florence Lawrence, Florence Turner, Mary Pickford et Charlie Chaplin, créateurs en 1919 de United Artist, société de distribution puis de production. L’avènement du cinéma parlant ne fit qu’amplifier leur succès. La musique populaire qui était cantonnée aux salles de bal a connu un développement sans précédent avec l’invention des tourne-disques à bas prix et surtout grâce à la radio. Le succès des Beatles, des Stones, de Johnny Halliday ou de Jacques Dutronc tient beaucoup aux quarante-cinq tours puis au trente-trois tours ainsi qu’à la radio et aux revues spécialisées.
A son arrivée, la télévision provoqua des réactions aussi violentes que celles que génèrent, aujourd’hui, l’intelligence artificielle. Les studios d’Hollywood s’étaient déjà mis en grève en 1960 considérant que la petite lucarne allait tuer le grand écran. Or, la télé a permis de démultiplier les revenus des vedettes et des producteurs en facilitant la diffusion à plusieurs reprises des films. Avec la télévision, les célébrités ont eu ainsi la possibilité de débarquer dans les foyers.
Les années 1980 furent marquées par l’apparition de la musique numérique avec le CD et la multiplication des chaines télévisées ainsi que des magnétoscopes. Ces inventions permirent une démultiplication des vedettes de la musique et de l’image, d’autant plus que cette période s’est également traduite par une forte progression de la consommation des biens de loisirs.
Dans les années 1990/2000, Internet a mis à mal l’industrie du spectacle en raison de la multiplication des sites de téléchargement pirates. Les droits d’auteur qui avaient fait la richesse des vedettes se contractaient au fur et à mesure de l’équipement des ménages en informatique. Les concerts qui servaient avant tout à faire la promotion des nouveaux albums sont redevenus indispensables pour assurer les revenus des vedettes. Les Stones, AC/DC ou encore U2 se sont ainsi engagés dans des tournées mondiales dans des stades, tournées industrialisées avec à la clef des revenus en forte croissance. Si dans un premier temps, Internet a bousculé les règles du monde du spectacle, dans un second il a offert de nouveaux moyens de diffusion des œuvres et de rémunération. YouTube, Facebook ou TikTok permettent aux célébrités d’être visibles 24 heures sur 24. Les plus grands succès sont désormais écoutables, visionnables à la demande. “Bad Romance” de Lady Gaga ou “Shape of you” d’Ed Sheeran ont été vus plusieurs milliards de fois sur YouTube. Quelles vedettes auraient pu imaginer une telle diffusion il y a trente ou cinquante ans ? Si le nombre de musiciens gagnant plus de 1 000 dollars par an en redevances sur Spotify a plus que doublé au cours des six dernières années, le nombre de musiciens gagnant plus de 10 millions de dollars par an a, quant à lui, quintuplé. L’essor des nouvelles technologies a renforcé les stars confirmées et offre des ressources aux artistes qui débutent. Ce sont plutôt les artistes de rang intermédiaires qui souffrent. Le manque à gagner sur la vente des disques n’est pas compensé par les gains générés par la diffusion en ligne ou par les produits dérivés. Pour les films, les recettes en salles diminuent mais grâce aux plateformes de vidéos en ligne, le nombre de longs métrages sortis chaque année a doublé au cours des deux dernières décennies. Les blockbusters ont par ailleurs tendance à concentrer une part croissante des spectateurs. En ce qui concerne l’édition, le nombre de livres publiés augmente (110 000 en 2021). En 2021, 486 millions de livres ont été vendus en France, contre 452 millions en 2011. Plus de 800 000 références étaient disponibles en 2022 contre 600 000 en 2010. La vague de livres auto-édités n’a pas érodé les ventes des écrivains vedettes.
L’intelligence artificielle ouvre de nouvelles dimensions de diffusions pour les artistes. Elle permet ainsi aux acteurs de s’adresser instantanément et avec leur propre voix à un large public étranger. Elle facilite les opérations de doublage, le mouvement des lèvres pourra être adapté à chaque langue. Le recours à des avatars ou à des hologrammes permettra aux artistes de se produire en même temps sur plusieurs lieux. Après le succès des avatars d’Abba, Mick Jagger comme Keith Richards ont indiqué que les Stones pourraient continuer à se produire sur scène après leur mort. Il est désormais possible de créer de nouvelles chansons par intelligence artificielle de vedettes décédées. Disney a ainsi acquis les droits sur la voix de Dark Vador qui est celle de James Earl Jones, 92 ans, afin que ce personnage puisse lui survivre. Les Beatles, encore vivants, ont retravaillé la voix de John Lennon pour publier au mois de novembre 2023, le morceau « Now and then ».
L’essor de l’intelligence artificielle pose sans nul doute la question des droits d’auteurs et des droits à utiliser la voix ou l’image des célébrités. Ce débat n’est pas nouveau. Le piratage est consubstantiel aux métiers artistiques. L’imprimerie a permis la diffusion d’œuvres sans paiement de droits. Il a fallu attendre le XVIIIe siècle pour que le paiement des droits soit organisé. Pour les acteurs du cinéma, le paiement des redevances a été fixé dans les années 1960. Dans le secteur de la musique, la normalisation est intervenue dans les années 1970. Les Beatles comme les Stones ne sont pas ainsi propriétaires des droits de leurs premiers albums. L’apparition de Napster à la fin du XXe siècle a complètement remis en cause les modes de rémunérations des musiciens. Ce n’est que dans les années 2010 avec la signature d’accords entre les maisons de disque et les entreprises d’écoute en ligne de la musique (Spotify, Deezer, Apple Music, etc.) que des règles de rémunérations ont été adoptées. Le danger de l’intelligence artificielle ne se situe peut-être pas sur le terrain de la rémunération des artistes mais sur celui de la création. Remixer à l’infini du vieux matériel, produit par des vieilles stars risque de générer un réel ennui. Si la technologie offre des moyens de diffusion inconnus, elle apparaît actuellement assez médiocre sur le plan de la création. Hollywood privilégie déjà les franchises par rapport aux nouvelles œuvres. Star Wars, Mission impossible, Indiana Jones se déclinent à l’infini. Le succès des manifestations sportives semble prouver que le public entend privilégier une certaine forme d’authenticité et n’est pas complètement prêt à basculer dans le tout virtuel.
Comment passer du brun au vert ?
La bataille de la décarbonation des activités s’intensifie en Europe, comme en Amérique du Nord ou en Chine. Jusqu’à maintenant l’accent a été mis sur la production de l’électricité, le chauffage et les moyens de transports. En revanche, des secteurs industriels tels que l’acier, le ciment, l’industrie manufacturière et la pétrochimie, ont échappé à un examen minutieux en raison de leur importance dans les processus économiques. Il est en outre difficile et coûteux de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans la sidérurgie, la chimie ou dans le secteur du bâtiment. Pour la fabrication de l’acier dans les hauts fourneaux, les combustibles fossiles, comme le charbon et le gaz naturel, ne sont pas faciles à remplacer. Il en est de même pour le ciment. La seule solution pour le moment passe par des équipements de capture du carbone mais celle-ci est coûteuse. Les apports fossiles pour la fabrication de l’acier peuvent être remplacés par de l’hydrogène et de l’ammoniac produits à partir d’énergie propre, mais ceux-ci sont également coûteux et ne sont pas encore disponibles en grande quantité. L’industrie lourde demeure, de ce fait, le plus grand émetteur mondial de gaz à effet de serre (GES), au même titre que le secteur de l’électricité. Les industries du ciment et de l’acier contribuent chacune à 5 % des émissions mondiales, contre 1 % pour l’aviation. Selon Bloomberg, les capacités de réduction des émissions d’ici 2050 pour l’industrie lourde sont, en l’état, assez limitées. Néanmoins, plusieurs initiatives ont été prises afin de modifier la donne sur ce sujet. La coalition de grandes entreprises, First Movers Coalition (FMC), lancée lors de la COP26 a ainsi décidé d’acheter des brevets visant à faciliter la décarbonation dans sept secteurs réputés fortement émetteurs dont le ciment et l’acier, pour faire baisser les prix des nouvelles technologies. D’autres partenariats public-privé, axés sur les corridors commerciaux ont pour objectifs de limiter les émissions émises par les ports et le transport maritime. Bill Gates, l’ancien dirigeant de Microsoft, est un des principaux investisseurs dans les domaines de décarbonation de la production du ciment et d’acier. Il finance des études visant à électrifier la production d’acier et à faciliter le stockage des énergies renouvelables.
La multiplication des taxes carbones constitue également un important levier pour inciter es industriels à innover pour y échapper. En 2024, l’Union européenne imposera sa taxe carbone aux frontières. En Amérique du Nord, le débat est plus chaotique. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a été contraint de décider l’exemption de taxe carbone pour les habitants de l’Est du Canada qui se chauffent au fioul. Aux États-Unis, dans le prolongement de son mandat de 2016 à 2020, le retour de Donald Trump au pouvoir en 2024 sur fond de climato scepticisme pourrait se traduire par une diminution des efforts en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et par l’abandon de l’instauration d’une taxe carbone. L’absence de coordination mondiale sur la taxe carbone est problématique et peut déboucher sur des pratiques protectionnistes qui pénaliseront la croissance.
Sur le terrain financier, deux logiques s’opposent. La première vise à exclure des labels « ISR » ou « ESG » les entreprises dont l’activité dépend des énergies fossiles. Cela aboutit à exclure l’ensemble des compagnies pétrolières et des producteurs de gaz. La seconde a pour objectif de les inciter à décarboner leurs activités. BlackRock, le premier gestionnaire d’actifs mondial, semble opter pour cette dernière en acceptant de financer des entreprises qui s’engagent de passer du brun au vert.
Black Friday, entre sobriété et consommation, faut-il choisir ?
Si Halloween ne s’est pas réellement imposée au calendrier des fêtes en France, le Black Friday, importé des États-Unis il y a une dizaine d’années, s’affirme comme une date incontournable pour le commerce. La notoriété de cet évènement bat désormais les soldes qui se sont banalisées. Selon une étude d’octobre 2023 du Crédoc, une large majorité de Français connaissent le Black Friday. Pour huit personnes sur dix, cette date est avant tout une opération qui pousse à la surconsommation. Près de la moitié envisage malgré tout de réaliser des achats lors du Black Friday pour se faire plaisir ou pour faire des économies. Dans les faits, un quart des Français répondraient aux sollicitations des enseignes. Preuve de l’importance de ce rendez-vous, les commerçants ont rapidement réagi à la campagne lancée par le Ministère de la Transition écologique qui appelait les consommateurs à la retenue, en demandant son retrait.
Les Français sont animés de sentiments contradictoires face à la consommation. Si le désir de sobriété gagne du terrain, le plaisir du « shopping » demeure réel. Ce dernier arrive néanmoins en termes de priorités loin après les promenades dans la nature et les réunions familiales ou amicales (81 %). 61 % des Français souhaiteraient passer plus de temps au cinéma et dans les bars quand seulement 31 % voudraient plus de temps pour faire des courses. Par ailleurs, 64 % des sondés par le Crédoc voudraient disposer de plus de temps pour effectuer des travaux de bricolage et 58 % pour lire.
Pour les Français, la sobriété, c’est bien, mais la consommation, c’est mieux !
En 2023, une marge majorité de Français se prononcent contre les achats impulsifs et en faveur d’une consommation mesurée. Huit Français sur dix déclarent faire durer leurs objets le plus longtemps possible et plus de deux tiers estiment mener une vie simple et ne pas acheter d’articles qui ne leur sont pas nécessaires. Le passage des intentions à l’acte demeure limité. 64 % des détenteurs de smartphone utilisent un appareil datant de moins de 2 ans ; 47 % des détenteurs de télévision ont renouvelé leur poste quand bien même l’ancien fonctionnait encore. La sobriété résulte avant tout d’une contrainte budgétaire plutôt que d’un choix environnemental ou sociétal. 67 % des Français déclarent s’imposer régulièrement des restrictions sur certains postes de consommation par manque d’argent. Face à la montée des prix, les Français ont réduit leur consommation. Or, après plus d’un an de frugalité, ils sont plus nombreux, selon le Crédoc à vouloir voyager davantage (73 %, +17 points), faire plus de sorties comme aller au bar ou au cinéma (61 %, +12 points), ou plus de shopping (31 %, +6 points).
Si les Français sont sans illusion sur le Black Friday, ils le perçoivent également comme une occasion de se faire plaisir (64 %). Cet évènement est synonyme d’économies pour 59 % des sondés. Fin 2023, 44 % des Français pensent s’acheter des vêtements, de l’équipement numérique ou de l’équipement pour la maison.
Les acheteurs du Black Friday appartiennent avant tout aux catégories sociales les plus aisées. L’incitation d’achats lors de cet évènement est la plus forte chez les 15- 24 ans. 74 % d’entre eux pensent se faire plaisir à cette occasion. 71 % des jeunes pensent que le Black Friday permet de faire des économies (contre 59 % en moyenne).
Si le Black Friday est entré dans mœurs, près de deux tiers des Français (62 %) se déclarent favorables à un encadrement plus strict des promotions et de la publicité, 67 % souhaitent que des règles collectives limitent les comportements nocifs. Une majorité serait prête à une limitation des choix de consommation que ce soit en matière d’automobile, de voyages ou d’équipements électroniques. Il est probable que si de telles limitations étaient imposées par les pouvoirs publics, une large opposition se manifesterait.