Le Coin des tendances – Intelligence artificielle – génétique – GAFAM
L’intelligence artificielle, le nouvel Armageddon ?
Depuis le mois de mai dernier, une grève touche l’industrie du cinéma et du divertissement américain. Les scénaristes et les acteurs qui ont rejoint le mouvement le 14 juillet dernier, réclament de meilleurs salaires et davantage de garanties professionnelles face au succès du streaming et à l’expansion de l’intelligence artificielle. Le puissant syndicat américain rassemblant 160 000 comédiens a demandé l’arrêt immédiat de toute activité professionnelle, tournages et promotions de films compris. Les plateformes vidéo qui vivent grâce à la diffusion en flux tendu des séries risquent de connaître une réelle pénurie d’images. Sur Amazon Prime Video, le tournage de la seconde saison de The Last of Us, série tirée du jeu vidéo postapocalyptique, est ainsi mis à l’arrêt. La saison 4 de The Boys, déjà tournée, devrait être également bloquée puisque certains dialogues, encore en cours d’écriture, ne pourront pas être achevés sans l’intervention des scénaristes. Le grand écran est également concerné. Les dates de sorties de l’adaptation de Lilo & Stitch et les suites de Captain America, Deadpool, Venom, Mission impossible ou encore Gladiator pourraient être repoussées. La production de Beetlejuice 2, second volet du film de Tim Burton, est actuellement à l’arrêt. En mai, un appel mondial d’experts du numérique a signé une lettre ouverte soulignant que l’intelligence artificielle constituait un risque semblable aux pandémies, au réchauffement climatique et à la guerre nucléaire. L’époque est à l’émotionnel et à l’exagération. La montée aux extrêmes est de rigueur. Comparer le robot ChatGPT avec la seconde guerre mondiale ou avec le réchauffement de la planète n’a aucun sens. Au sein des populations, en particulier occidentales, la peur de la fin du monde est un thème de plus en plus prégnant. Ce sentiment est relayé par les réseaux sociaux. Au début du mois de juillet, un groupe de chercheurs comprenant Ezra Karger, économiste à la Federal Reserve Bank de Chicago, et Philip Tetlock, politologue à l’Université de Pennsylvanie, a publié un document de travail sur cette propension à craindre le pire. Ils ont sondé deux catégories d’experts. D’un côté, ils ont interrogé des spécialistes de la guerre nucléaire, des armes biologiques, de l’intelligence artificielle ou du réchauffement climatique. De l’autre, ils ont interrogé des « super-prévisionnistes » réalisant des prédictions générales. Les deux groupes ont été invités à estimer la probabilité d’évènements pouvant mettre en danger l’espèce humaine.
La conclusion de l’étude est que les spécialistes qui ont tendance à être les plus médiatisés sont les plus pessimistes quand les prévisionnistes généralistes le sont moins. Les experts ont estimé qu’il y avait environ 20 % de chances d’une catastrophe d’ici 2100 et 6 % de chances d’extinction totale. Les prévisionnistes ont donné à ces événements des probabilités de 9 % et 1 % chacun. Pour les spécialistes, l’intelligence artificielle est la principale source de catastrophes devant la guerre nucléaire ou l’atteinte de la biodiversité. Pour les prévisionnistes généralistes, si le danger de l’intelligence artificielle est moindre que d’autres risques, elle figure néanmoins dans le haut du classement.
Le jugement négatif porté à l’encontre de l’intelligence artificielle s’explique en partie par son essor récent. Le monde vit avec des armes nucléaires depuis près de 80 ans. Les populations se sont habituées à cette menace d’autant qu’aucune bombe n’a été utilisée depuis Nagasaki. En revanche, l’émergence de modèles d’apprentissage automatique modernes et puissants remonte au début des années 2010.
Comble d’ironie, l’intelligence artificielle est de plus en plus utilisée pour l’établissement de modèles prédictifs. Elle est mise à contribution pour déterminer les risques d’un collapse mondial tant environnemental ou nucléaire que technologique.
Les GAFAM, des coupables faciles ?
Lina Khan, la responsable de la Federal Trade Commission (FTC) des États-Unis, l’autorité en charge du respect de la concurrence, a souligné que les agences avaient échoué pendant des décennies à lutter contre les pratiques monopolistiques. Depuis quelques années, les poursuites se multiplient. Amazon et Google sont de plus en plus surveillés. Les régulateurs ont cherché à bloquer l’acquisition d’Activision Blizzard par Microsoft pour 69 milliards de dollars et retardent l’achat d’Horizon Therapeutics par Amgen, une entreprise de soins de santé. La Commission européenne a infligé une amende de 432 millions d’euros à Illumina, une entreprise de la biotechnologie, pour avoir acheté Grail, une entreprise de dépistage du cancer. La multiplication des poursuites réalisées par les régulateurs se justifie-t-elle ou est-elle exagérée ? Le 11 juillet dernier, un tribunal américain a arrêté la tentative de la FTC de bloquer le rachat d’Activision par Microsoft. La FTC a décidé de faire appel de cette décision.
Pour les consommateurs, les poursuites des régulateurs sont plutôt une bonne nouvelle car elles garantissent une plus grande concurrence et de moindres ententes sur les prix. Après les grands dossiers les secteurs du pétrole et des télécommunications dans les années 195 0 et 1960, aux États-Unis, la lutte contre les monopoles s’est estompée. Dans les années 1980, la déférence envers les entreprises a freiné les régulateurs et les tribunaux. Des années 1990 aux années 2010, le nombre moyen de fusions examinées chaque année par le ministère de la Justice, aux États-Unis, est passé de 180 à 70. Les bénéfices des entreprises américaines se sont accrus de plus de 20 % dans les années 2000 par rapport à ceux des années 1960/1970. Des fusions comme celle entre Whirlpool et Maytag en 2006 ont entraîné une hausse des prix. Les 20 dernières années ont vu près de 2 000 fusions d’hôpitaux. En France, les cliniques ont été rachetées par quelques groupes. En moyenne, les prix n’ont pas baissé et peu de progrès ont été réalisés en matière de qualité des soins.
Les régulateurs éprouvent des difficultés à s’en prendre à des entreprises qui jouent un rôle économique de premier plan. Aux États-Unis, les cinq plus grandes entreprises technologiques financent un quart de toute la recherche et le développement du pays. La concentration du secteur des technologies de l’information et de la communication a été, en grande partie, provoquée par les économies d’échelle croissantes de la technologie, et non par le pouvoir de marché. Les transactions, même impliquant de grandes entreprises, sont un élément essentiel d’un capitalisme sain. L’achat d’Activision par Microsoft promet de rendre les jeux plus compétitifs, en développant le marché naissant des abonnements et des jeux en ligne qui pourraient remettre en question le statu quo actuel. L’essor de ChatGPT d’Open AI racheté par Microsoft permet de rééquilibrer les positions entre cette dernière et Google.
Les régulateurs sont de plus en plus nombreux à considérer qu’il n’est pas obligatoirement utile de consacrer toute son énergie au seul secteur de l’information et de la communication. La concentration au sein du secteur de la santé ou des cartes de crédit est tout autant voire plus néfaste que celle des GAFAM.
45 ans après la naissance de Louise Brown, la révolution continue
Lors de la naissance de Louise Brown à Manchester en juillet 1978, de nombreuses personnes estimaient que ce « bébé éprouvette » ne serait pas comme les autres avec un risque plus élevé de malformation. Or, 45 ans, plus tard, ces craintes s’avèrent dénuées de sens. La fécondation in vitro s’est imposée et est devenue le principal traitement de l’infertilité dans le monde. Au moins 12 millions de personnes ont été ainsi conçues. Un bébé FIV nait toutes les 45 secondes. Cette banalisation du process n’empêche pas les parents qui en sont bénéficiaires de considérer ces naissances comme miraculeuses, sachant qu’une personne sur six souffre, dans le monde, d’infertilité. En quatre décennies, la technique de la FIV a été améliorée afin d’atténuer les effets des traitements. Il faut néanmoins en moyenne trois mois d’injections d’hormones pour réussir une FIV et le taux de réussite se situe autour de 50 %. Les accouchements de jumeaux et de triplés ont, en revanche, diminué, réduisant le nombre de grossesses à risques. Combiné avec la congélation d’ovules et de sperme, le don et la maternité de substitution, la FIV a donné à beaucoup de familles, y compris les couples de même sexe et les célibataires, un chemin vers la parentalité là où, auparavant, il n’y en avait aucun. Dans de nombreux pays, l’accès à la FIV reste néanmoins compliqué et coûteux. Aux États-Unis, le traitement peut coûter 20 000 dollars. Dans certains pays, les traitements sont soumis à un code moral et au conservatisme. Ainsi, la Chine, interdit la congélation des ovules.
La recherche pour permettre aux parents d’avoir des enfants continue. Des chercheurs au Japon et aux États-Unis exploitent les cellules souches. Ils utilisent ainsi des cellules cutanées et sanguines pour fabriquer des ovules. Au Japon, des souriceaux en bonne santé ont été créés à partir de cellules issues du bout de la queue de leur mère. Des chercheurs ont annoncé qu’ils avaient mis au monde des souriceaux partageant deux pères génétiques. L’un avait apporté du sperme, l’autre de la peau, qui a d’abord été transformée en cellules souches puis en ovules. Dans le futur, les chercheurs pourraient ne plus avoir besoin des dons d’ovules, de sperme et d’embryons. Des équipes travaillent sur des cellules souches pour construire des modèles d’embryons (appelés « embryoïdes »). Ceux-ci ne verront jamais l’intérieur d’un utérus, mais ils peuvent aider à montrer ce qui arrive aux vrais embryons. Au-delà des questions d’éthiques, la science pourrait permettre aux homosexuels quel que soit leur sexe d’avoir des enfants qui leur soient génétiquement liés. Les personnes transsexuelles qui subissent un changement de sexe pourraient éventuellement le faire sans sacrifier leur fertilité.
La révolution génétique ouvre de nouveaux espaces pour la procréation humaine. Au moment où, dans tous les pays, le nombre de naissances recule, elle permet aux hommes et aux femmes de pouvoir avoir des enfants en s’affranchissant de l’âge. La conception in utérus pourrait être remise en cause, cassant des schémas multimillénaires.