22 octobre 2022

Le Coin des tendances – médias – gaz – pays émergents

Est-ce la fin de la télévision de papa ?

Au début des années 2010, avec la multiplication des chaînes, la consommation de télévision atteignait plus de 3 heures 40. En 2021, ce temps a diminué à 3 heures 20. Par rapport à 2019, la baisse atteint 23 minutes. Les jeunes de 15 à 34 ans regardent désormais plus l’écran de leur smartphone ou de leur tablette que celui du téléviseur. En dix ans, la consommation de télévision est passé de 2 heures 40 à 1 heure 20. Sur toutes les générations à l’exception des plus âgées, le temps passé devant un écran de téléviseur régresse nettement. Pour les 15/49 ans, la baisse est de 30 minutes sur deux ans.

La vidéo en ligne déjà « as been »

Ces dernières années, l’idée dominante était que la télévision serait détrônée par les grands réseaux de vidéos à la demande. Or, après une croissance sans précédent, ces réseaux plafonnent. Les jeunes leur préfèrent les réseaux sociaux comme YouTube ou TikTok. Les 15/25 ans passent ainsi plus de temps à regarder des vidéos sur des réseaux sociaux que la télévision. Au cours du troisième trimestre 2022, le nombre de 15-24 ans ayant regardé quotidiennement en France des programmes sur Disney+, Amazon Prime Video, Netflix, Apple TV+, Salto, myCanal, GulliMax, OCS… a baissé, selon le baromètre SVoD Médiamétrie/Harris Interactive. Entre juillet et septembre dernier, ils étaient 1,17 million, soit 400 000 de moins qu’au troisième trimestre de 2021 et 800 000 de moins qu’à la même période en 2020. Après la crise sanitaire et les confinements, un tassement était attendu pour la vidéo en ligne mais il est plus important que prévu, surtout chez les jeunes. Non seulement les 15-24 ans sont moins nombreux à se brancher chaque jour sur un service de streaming par abonnement, mais ils regardent moins d’épisodes de séries. Le streaming s’est banalisé à grande vitesse, le public jeune qui en a fait le succès l’abandonne. En 2018, environ 2 millions de Français utilisaient chaque jour un service de streaming vidéo selon le baromètre Médiamétrie/Harris Interactive. Ils sont, plus de 9 millions en 2022. En l’espace de deux ans, le nombre de 15-24 ans a chuté de 42 % pour s’établir à un peu plus de 1 million. Dans le même temps, celui des plus de 50 ans a progressé de 52 % pour atteindre les 2 millions. La télévision et le streaming vidéo tendent de plus en plus à séduire le même public et ne sont pas face à un péril jeune mais plutôt à un péril vieux. La télévision classique est devenue essentiellement un média de seniors. Les plus de 50 ans constituent à présent plus de deux tiers de l’audience de la télévision La moyenne d’âge des téléspectateurs d’une chaîne comme France 3 ou France 5 dépasse 65 ans. La France n’est pas un cas isolé. En Allemagne, un quart des 14-29 ans déclarent qu’ils ne regardent jamais la télévision traditionnelle. Au Royaume-Uni, selon le rapport annuel Media Nations de l’Ofcom, le régulateur du secteur, les Britanniques âgés de 15 à 24 ans restent à peine cinquante-trois minutes par jour devant les chaînes traditionnelles. YouTube capte quotidiennement soixante-dix minutes du temps des 15/34 ans et Tik Tok 57 minutes. Ce dernier réseau prend une place de plus en plus importante en matière de consommation des écrans. Pour le concurrencer, Instagram a lancé Reels, YouTube a lancé Shorts et Snapchat a lancé Spotlight. En 2021, selon un rapport du cabinet américain Data.ai, le temps passé sur ces applis de vidéos courtes a augmenté de 38 % en un an et atteint 450 milliards d’heures, soit trois fois plus que temps total consacré aux applications de streaming vidéo comme HBO Max ou Netflix. Ce dernier segment capte toujours la plus grande part des dépenses des consommateurs, avec 6,3 milliards de dollars. Pour endiguer sa stagnation voire leur recul, les grands réseaux de streaming sont contraints d’augmenter leurs tarifs ou de recourir à la publicité. Ces réseaux consacrent plus de 150 milliards de dollars par an pour produire des séries quand dans le même temps Tik Tok ne dépense rien ou presque, les programmes étant réalisés par les Internautes. Pour mémoire, TikTok compte un milliard d’utilisateurs actifs mensuels. Ce nouveau modèle de média a également ringardisé Facebook qui est devenu un réseau senior ou du moins un réseau encore consulté que par les plus de 40 ans.

Un nouveau modèle de croissance pour les médias traditionnels

Les chaînes de télévision classique ont été en retard, en France, sur le marché du streaming. Elles pourraient également manquer celui des applications de vidéos courtes. Dans le futur, les programmes seront à la carte distribués par des plateformes comme YouTube. Le journal de 20 heures sera proposé en kit sur la chaîne de TF1 disponible sur réseaux. La grille de programmes telle qu’elle existe depuis des décennies pourrait bien disparaître car tout un chacun sera amené à la composer soi-même. Il n’est pas certain que l’abondance des vidéos en ligne soit synonyme de diversité et de qualité. Le transfert du marché publicitaire vers les sites de streaming et vers les réseaux sociaux devrait accélérer la mutation. Les radios et la presse traditionnelle pourraient en pâtir encore plus. La création de quelques grands pôles associant digital, radio et télévision apparait inévitable. L’abandon de la fusion de TF1/M6 ne signifie pas la fin des manœuvres. Les médias français apparaissent insuffisamment internationalisés et divisés par rapport aux grands groupes qui se développent. La France compte un important secteur public autour de France Télévision, Arte, France24 et Radio France, quatre groupes privés, TF1, M6/Rtl, BFM et Canal+ (Europe1). Le secteur cinématographique et celui de la presse écrite demeurent faiblement intégrés. Ces deux secteurs dépendent du financement public. Pour le second, de grands acteurs privé comme Bernard Arnault, Matthieu Pigasse ou Xavier Niel ont pris d’importantes participations dans des titres leur permettant de survivre.

La guerre du gaz aura-t-elle lieu ?

L’hiver 2022/2023 n’a pas commencé que certains prédisent l’enfer pour l’Europe en 2023/2024. Jamais le catastrophisme ne s’est porté aussi bien. Les Européens ont pourtant réussi à remplir leur réserves à plus de 90 % leur garantissant au minimum trois mois de consommation de gaz sachant que bien évidemment les importations en provenance des États-Unis, du Qatar, d’Algérie ou de Norvège se poursuivent. La solidarité européenne se traduit par des flux d’énergie par exemple entre la France et l’Allemagne, la première fournissant du gaz à la seconde qui lui délivre en contrepartie de l’électricité, le temps que ses centrales nucléaires soient de nouveau en état de fonctionnement. Le prix du gaz européen pour livraison en décembre est en baisse d’environ 33 % par rapport à la mi-septembre et de 50 % par rapport à ses sommets constatés au cœur de cet été. Les pessimistes mettent en avant que cette amélioration est éphémère. Les prévisions météorologiques annoncent un hiver froid conduisant à une consommation élevée d’énergie. Les météorologues permettent aux macro-économistes et aux pythies d’être moins seuls dans l’erreur en matière de prévisions. Si pour la saison 2022/2023, les cuves de gaz ont été remplies à près de 50 % par les importations russes, importations qui ne devraient pas être possibles l’année prochaine, en revanche, d’ici l’automne 2023, les capacités d’accueil du gaz liquéfié seront plus importantes. La signature de nouveaux contrats permettra également une diversification de l’approvisionnement. La réduction de la consommation de l’énergie est pour le moment faible. Les boucliers tarifaires n’incitent pas les particuliers à limiter l’usage du gaz. En Italie, la consommation ne baisse pas, en Allemagne, elle aurait même augmenté au mois de septembre de près de 15 % par rapport à la moyenne des années 2018/2021. Malgré tout, plusieurs gouvernements ont présenté des plans d’économies d’énergie. Le 6 octobre dernier, en France, le gouvernement a présenté un plan recommandant une baisse de la température dans les bureaux, les administrations publiques et dans les piscines. Le cabinet espagnol a approuvé un ensemble de mesures le 11 octobre allant dans le même sens. L’objectif de réduction de la consommation d’énergie de 15 % en Europe apparaît néanmoins difficile à atteindre. Les États membres de l’Union européenne essaient, pour éviter des coupures d’électricité, d’accroître l’offre. L’Allemagne a ainsi prolongé la durée de vie de deux de ses centrales nucléaires du moins jusqu’en avril 2023. La France a fait de même avec une centrale au charbon. De manière plus surprenante, le gouvernement français s’oppose à un nouveau gazoduc entre l’Espagne et l’Allemagne, qui permettrait d’acheminer du gaz en provenance de l’Algérie ou du Qatar vers le reste du continent. Les autorités françaises mettent en avant les conséquences écologiques d’un tel projet. Cette opposition serait également motivée par des intérêts nationaux. Le gouvernement entend ainsi préserver le rôle de Fos sur Mer en tant que terminal de GNL. Il ne souhaite pas le développement de la filière gaz pour la production d’électricité, espérant que le pays redevienne à moyen terme exportateur avec la montée en puissance de la production nucléaire.

La sensibilité environnementale des populations européennes handicapent la production d’énergie carbonée. Ainsi, les Pays-Bas ont la faculté de compenser en partie de l’arrêt des importations de gaz russe. Ils disposent d’un champ gazier à Groningue qui pourrait, sans aucune nouvelle infrastructure, fournir environ la moitié du gaz que la Russie fournissait à l’Allemagne. La production est actuellement marginale, le champ devant même fermer d’ici 2024. Le gouvernement néerlandais ne souhaite pas inverser cette tendance étant donné l’opposition des propriétaires locaux. Ces derniers ont obtenu la fermeture en raison des nuisances générées par l’exploitation des gisements, le pompage du gaz déclenchant des mini-tremblements de terre. En France, une loi interdit la réalisation de recherche et l’exploitation de gisements par fragmentation. Le pays possèderait pourtant de plusieurs champs de gaz potentiellement importants.

L’Europe de l’énergie progresse grâce à l’interconnexion des réseaux électriques et à la mise en place de solidarités sur la gestion des réserves de gaz. Au-delà de ces coopérations, l’Union européenne gagnera en indépendance énergétique en facilitant le financement de nouvelles infrastructures de production d’énergies renouvelables ou nucléaires. Le plan de relance qui s’appuie sur un emprunt de nature fédéral pourrait être prolongé pour alléger le poids des dépenses nécessaires pour garantir cette indépendance et accélérer la transition énergétique.

Ne pas tomber dans le piège chinois !

En 1978, Deng Xiaoping avait décidé d’ouvrir la Chine au monde pour sortir du sous-développement. Quarante-quatre ans après, ce pays est devenu la seconde puissance économique mondiale. XI Jinping a l’espoir que la Chine devienne la première puissance pour le centenaire de l’arrivée au pouvoir des communistes. Depuis une dizaine d’années, une inflexion de plus en plus marquée s’est produite. Le régime est devenu plus autoritaire, la surveillance s’est accentuée. La censure s’est durcie. Les cellules du parti sont de plus en plus présentes dans les entreprises privées.

De l’ouverture à la fermeture

L’épidémie de covid donne lieu à une multiplication des contrôles rendus possibles par l’usage des nouvelles technologies. Les autorités traitent chaque personne contaminée comme un délinquant, comme une personne menaçant l’ordre social du pays. Les applications obligatoires de suivi des mouvements détectent quand les citoyens se sont trouvés à proximité d’une personne infectée, puis les interdisent d’accéder aux espaces publics. Pékin est ainsi devenue difficile d’accès, le pouvoir craignant une épidémie de grande ampleur dans la capitale du pays. Aucun assouplissement est à attendre. Même si le problème est nié, la vaccination de la population a été un échec. Le vaccin chinois se révèle de mauvaise qualité. Or, il est impensable que le pays recours à des vaccins étrangers. Faute de moyens logistiques, les autorités sont de toute façon à la peine pour vacciner en grand nombre les Chinois.

La toile chinoise face à un Occident hésitant

Malgré les déboires du gouvernement chinois avec sa politique de zéro covid, il continue de tisser sa toile au-delà des frontières. Sur le terrain des relations diplomatiques, la Chine tend à prendre le contrôle des instances internationales afin d’infléchir en sa faveur leur politique. Elle multiplie également les accords bilatéraux. Son poids économique facilite la conclusion d’accords avec des pays en développement qui ne veulent pas ou plus subir les reproches des occidentaux en ce qui concerne le respect des droits de l’Homme. La Chine ne se préoccupe pas de ses questions ce qui lui permet de tisser une toile d’États qui la soutiennent au sein des organisations internationales. Le Président Xi Jinping soutient, par ailleurs, l’idée d’un nouvel ordre international, moins dominé par les États-Unis et leurs alliés. Ces derniers doivent faire face à un concurrent disposant d’une puissance économique importante et dont le déploiement est centralisé. En la matière, les précédents sont rares et ne sont pas glorieux (l’Allemagne au temps du IIIe Reich). La Chine, même si elle n’a pas totalement rattrapé son retard technologie, possède dans certains secteurs un avantage comparatif de premier ordre. Elle est aujourd’hui incontournable pour la 5G et les batteries. Xi Jinping a promis de faire de son pays le champion incontesté de la haute technologie pour 2029. C’est pourquoi les gouvernements occidentaux traitent désormais l’innovation chinoise comme une question de sécurité nationale. Les États-Unis comme l’Union européenne ont décidé de réagir face aux risques de dépendance en matière de microprocesseurs en facilitant la création d’usines sur leur territoire respectif. Joe Biden a décidé le 7 octobre dernier, d’interdire à la Chine la vente de puces haut de gamme tant par les entreprises américaines que par les entreprises étrangères utilisant des brevets américains.

La tentation protectionniste, la plus mauvaise des solutions

La tentation du protectionnisme est un aveu de faiblesse et est une source de déclin économique. La Chine a commencé sa descente aux enfers à partir du XIVe siècle quand ses empereurs ont pris des mesures pour limiter les échanges. La fragmentation du monde en plusieurs grandes zones économiques ralentira la croissance dans les prochaines années. Cette tentation du repli sur soi n’est pas spécifique à l’Occident. Les autorités chinoises convaincues de la supériorité de leur modèle demandent à leurs savants à moins participer à des congrès à l’étranger. Au nom du zéro-covid mais surtout au nom d’un contrôle de plus en plus important de la population, les déplacements à l’intérieur et à l’extérieur du pays des universitaires, des experts et des chercheurs chinois sont fortement encadrés. Le nombre d’expatriés européens en Chine a diminué de moitié en cinq ans. Une Chine moins connectée sera moins dynamique et moins créative. Les partenariats économiques sont de plus en plus difficiles à réaliser. Les entreprises étrangères doivent rendre accessibles à l’État qui possède souvent leurs principaux concurrents, les données sensibles qu’elles envoient à l’étranger. Cette pratique empêche la réalisation de la recherche en Chine par des étrangers. À l’international, si la Chine est peu regardante en matière de droits de l’Homme, elle exige de ses alliés un alignement complet au niveau des instances internationales ce qui est de plus en plus souvent mal vécu. Par ailleurs, les prêts effectués par la Chine auprès des États en développement sont souvent assortis de conditions pouvant mettre en danger la souveraineté de ces derniers. En cas d’impayés, les Chinois peuvent ainsi prendre le contrôle complet des infrastructures ou des gisements.

Les États occidentaux doivent sans nul doute avoir une politique réaliste face à la Chine en veillant au respect des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. En revanche, ils auraient tort d’entrer dans un cycle protectionniste dont ils seraient les premiers perdants. Ils ont tout intérêt à affirmer la force de leur système économique et politique en continuant d’accueillir des étudiants et des chercheurs chinois. Maintenir une dépendance croisée est sans nul doute préférable à une indépendance de façade qui pourrait déboucher sur un conflit. Tant que la Chine dépend des Occidentaux, elle sera freinée dans ses ardeurs de conquête de Taïwan.

Les pays émergents plus robustes que prévu

Au moment où l’inflation ressurgit, où la Banque centrale américaine augmente ses taux directeurs à toute vitesse, son ancien Président Ben Bernanke reçoit le Prix Nobel d’économie pour ses travaux sur les crises financières. La concomitance n’est certainement pas totalement fortuite. La hausse des taux d’intérêt aux États-Unis peut provoquer des effets dominos. Lors des derniers cycles de relèvement des taux américains, de nombreux États en développement ou émergents ont été confrontés à des crises financières de grande intensité. Ainsi au début des années 1980, quand Paul Volcker, alors président de la Réserve fédérale, a resserré la politique monétaire pour maîtriser l’inflation les pays d’Amérique latine ont connu un grave crise du fait de leur dette libellée en dollars. Une décennie plus tard, la hausse des taux américains a précipité la crise au Mexique. Il en fut de même en 1997 en Asie du fait de l’appréciation du dollar. En 2013, la tentative de la Fed de réduire ses achats d’obligations a mis sous tension plusieurs économies fragiles comme celles du Brésil, de l’Inde et de l’Indonésie.

En 2022, la hausse du dollar qui accompagne la remontée des taux d’intérêt n’a pas, jusqu’à maintenant, provoqué de tensions importantes au sein des pays émergents. Les principales tensions se concentrent en Occident. La banque centrale britannique, et non celle du Brésil, a dû intervenir pour éviter une crise du marché obligataire, déclenchée par le budget imprudent du gouvernement. Cette résilience témoigne en partie du fait que les marchés émergents sont en meilleure santé économique et financière. Malgré tout l’appréciation du dollar de 18 % par rapport aux principales devises des pays émergents est une source potentielle de déstabilisation des places financières. Entre mai et décembre 2013, le réal brésilien et la roupie indienne avaient perdu 10 à 13 % de leur valeur par rapport au dollar, et la roupie indonésienne 20 %, alors même que l’euro et la livre sterling se revalorisaient. Cette année, le réal s’est apprécié face au billet vert, tandis que la roupie se sont dépréciées de 7 à 10 %. L’euro a perdu de son côté 15 %, soit presque autant que les devises des pays émergents.

Les pays émergents sont moins exposés en 2022 au risque de taux et au risque dollar que lors des décennies précédentes. Les fondamentaux des marchés émergents se sont améliorés, les réserves en devises sont plus importantes. Leurs marchés financiers ont gagné en profondeur et sont en capacité d’absorber des chocs. Les mouvements de capitaux sont moins importants actuellement que lors des périodes de hausses de taux précédentes. Les banques centrales des marchés émergents ont anticipé les hausses des taux américains en relevant les leurs. Souvent bien avant leurs homologues de l’OCDE. L’inflation annuelle a été en moyenne de 10 % dans les pays émergents au deuxième trimestre de cette année, à peine plus élevée que dans l’Europe en crise énergétique et les États-Unis en surchauffe économique. L’Inde ou le Brésil semblent plus à même à maîtriser la hausse des prix que l’Europe ou les États-Unis. Les pays émergents ont pour le moment peu utilisé leurs réserves de changes pour défendre leur monnaie. La Chine n’aurait cette année consacré que 200 milliards d’euros sur les 4 000 milliards mobilisables pour freiner la baisse du rmb.

Si pour le moment les États émergents résistent plutôt bien, ils n’en ont pas terminé avec la hausse des taux américains. La Fed a l’intention d’augmenter les taux jusqu’à la survenue de « preuves irréfutables » prouvant une maîtrise réelle de l’inflation. Les taux directeurs pourraient encore augmenter d’un point et demi de pourcentage d’ici le printemps. La concomitance des hausses de taux pourrait engendrer une récession mondiale. Dans ses prévisions publiées le 11 octobre, le FMI a prédit qu’un tiers des pays connaîtrait une récession cette année ou l’année prochaine, avec une croissance en Amérique, en Europe et en Chine au point mort. Le ralentissement de la croissance et en particulier des exportations pourrait mettre en danger certains pays émergents. Des pays pauvres fortement endettés sont déjà à la frontière du défaut de paiement et bénéficient du soutien du FMI ou de la Banque mondiale. le Pakistan, l’Égypte, le Liban et le Sri Lanka sont fortement exposés tout comme le Ghana, la Tunisie ou le Malawi.

Les organisations internationales conseillent aux États émergents de centrer leur politique sur la lutte contre l’inflation et non sur la défense de leur monnaie. La baisse de la monnaie est un avantage pour les États qui exportent. Ils ont tout avantage à conserver leurs devises pour acquérir des importations et non pour soutenir leur monnaie. Par ailleurs, la phase de hausse de taux est censée être courte et s’achever en 2023. Le problème, cet hiver, concernera essentiellement les pays en développement dépendant des importations agricoles, notamment celles en provenance habituellement d’Ukraine. Les prix des produits agricoles après avoir connu une décrue durant l’été sont repartis à la hausse notamment en lien avec des récoltes de céréales inférieures aux prévisions en Amérique du Nord.

Les pays émergents sont dans une situation économique et financière meilleure qu’en 1997 ou en 2007 ; ils ne sont pas néanmoins à l’abri d’un net ralentissement de leur économie du fait des politiques monétaires restrictives qui sont mises en œuvre dans un grand nombre de pays. La dépréciation de leur monnaie et l’assèchement de leurs réserves en devises pourraient constituer un réel problème en 2023 surtout pour les plus faibles d’entre eux.