20 novembre 2021

Le Coin des Tendances – nucléaire – chemin de fer

Le retour en force du nucléaire ?

Avec la décarbonation, la demande en électricité augmentera dans les prochaines années. Elle sera notamment portée par l’abandon des moteurs thermiques dans les voitures et du fioul pour le chauffage des habitations. La montée en puissance des énergies renouvelables semble être insuffisante pour faire face à ce surcroît de demande d’autant plus que leur production aléatoire rend obligatoire la construction de centrales de substitution et la constitution de réserves. L’énergie nucléaire offre de nombreux avantages face à ces problèmes. Elle n’émet pas ou peu de CO2 et est capable d’être acheminée quel que soit le temps. Depuis son émergence comme source d’énergie, le nucléaire suscite de nombreux débats en lien avec les éventuels risques de fuite d’éléments radioactifs et le retraitement des déchets. Les trois accidents, Three Mile Islands (1979), Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011) ont porté atteinte à son développement. Lors des négociations environnementales, le nucléaire a donné lieu à des oppositions multiples. Ainsi, au Sommet de la Terre de Rio en 1992, l’Arabie saoudite a fait pression auprès des participants pour insérer le terme « écologiquement sûr et sain » devant les références aux « sources d’énergie » et « approvisionnements énergétiques » afin de disqualifier le nucléaire susceptible de concurrencer le pétrole. L’objectif est d’empêcher le nucléaire d’être intégré dans la liste des énergies permettant de compenser de réduire les émissions de CO2.

Tchernobyl et Fukushima eurent plus d’effets sur le mix énergétique que les pressions saoudiennes cousues de fil blanc. Dans les années 1970, en réaction aux deux chocs pétroliers, de nombreux États investirent dans la filière nucléaire entraînant une augmentation de la production d’électricité à partir de cette source de 130 % en moins de dix ans (1980/1990). La France fut un des pays qui s’employa à développer rapidement un parc de centrales nucléaires qui aboutirent à produire plus de 75 % du total de l’électricité du pays. Dès les années 1980, des études sont engagées pour produire de l’hydrogène grâce à l’énergie nucléaire. La production d’électricité d’origine nucléaire a culminé en 2006 avant de décliner, au point qu’en 2019 elle n’était que de 18 % supérieur à son niveau de 1992. En proportion de l’énergie primaire mondiale, son poids est passé durant cette période de 6,1 % à 4,3 %. Les coûts croissants du nucléaire avec le renforcement des dispositifs de sécurité, la contestation récurrente des écologistes et d’une partie de l’opinion ainsi que la non-internalisation du prix du carbone dans les autres sources d’énergie électrique ont entraîné le ralentissement voire l’abandon de certains projets de nouvelles centrales. L’Allemagne, l’Autriche, la Suisse et l’Italie ont décidé d’abandonner le nucléaire. En France, la centrale de Fessenheim a été fermée, aux États-Unis, cela pourrait être également le cas pour celle de Diablo Canyon en Californie. Ces dernières années, les surcoûts des centrales à réacteur pressurisé (EPR) ont dissuadé de nombreux États à se lancer dans l’aventure.

Face aux objectifs de décarbonation des économies et des besoins en hydrogène, la filière nucléaire pourrait néanmoins connaître un renouveau. La Chine qui possède déjà 50 centrales nucléaires, en a quinze autres en cours de construction. Troisième producteur d’énergie nucléaire derrière les États-Unis et la France, elle devrait rapidement se hisser à la première place. Ce pays a réussi à développer son parc grâce à l’apport de technologies française, américaine et japonaise. Les Émirats arabes unis ont annoncé, au mois d’août 2021 l’entrée en service du premier réacteur de la centrale nucléaire de Barakah, qui devrait en compter quatre. L’Arabie Saoudite, autrefois opposée à cette énergie, a prévu également d’avoir sa centrale. L’Inde qui dispose déjà vingt réacteurs en fait construire cinq nouveaux.

Compte tenu des besoins énergétiques de la France, le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé le 9 novembre dernier la construction de nouveaux réacteurs nucléaires sans en préciser le nombre. L’équation énergétique du pays dans les prochaines années pourrait se révéler complexe en raison de la l’arrêt, d’ici 2035, de 14 des 56 réacteurs. Les difficultés rencontrées dans la construction de l’EPR de Flamanville et l’opposition des écologistes ont retardé le lancement de nouvelles constructions. La filière nucléaire est confrontée à un manque de professionnels disposant des compétences adaptées, ce qui pourrait compliquer la réalisation du programme présidentiel. À défaut d’opter pour de nouveaux EPR, le pays pourrait se tourner vers des projets de petits réacteurs modulaires (SMR), moins coûteux et plus fiables. Le lancement de ces microcentrales nucléaires n’est pas sans poser des risques environnementaux et de dissémination. NuScale, une société américaine, a signé un accord pour vendre six de ce type de réacteurs à la Roumanie lors de la COP26 de Glasgow. La Russie qui possède déjà une centrale électrique SMR flottante se propose d’équiper des pays émergents ou en développement. La firme britannique Rolls Royce pense également à exporter de telles centrales. Ces dernières peuvent être fabriquées en usine et installées en fonction des besoins.

La transition énergétique et l’augmentation des prix des énergies fossiles remettent au goût du jour l’énergie nucléaire. Si les EPR par leur complexité et leur coût sont de plus en plus contestés, avec la banalisation de la technologie, des nouveaux réacteurs à bas prix pourraient modifier le marché de l’énergie dans les prochaines années.

La bataille du fer n’est pas gagnée

Dans le cadre de l’Année européenne du rail, la Commission de Bruxelles a promu une opération dénommée « Connecting Europe Express » qui entre septembre et octobre, a permis à des fonctionnaires européens de sillonner l’Union non pas en avion mais en train. Ces derniers ont voyagé grâce à ce mode de transports dans 26 des 27 États de l’Union. Ils ont été bien souvent contraints de voyager dans des wagons qui avaient plus de quarante ans d’âge, wagons qui ne respectaient pas tous les certificats de sécurité de l’Union. Ils ont constaté la vétusté des infrastructures et l’absence de coordination ferroviaire. Ces dernières années, les États ont investi essentiellement dans la réalisation de lignes nationales à grande vitesse. Pour des compagnies ferroviaires comme la Deutsche Bahn en Allemagne et la SNCF en France, les voyages transfrontaliers sont une activité annexe. La création de lignes internationales est jugée potentiellement dangereuse car elle permet à des concurrents de s’engouffrer sur les marchés nationaux. L’espace ferroviaire unique européen existe en termes d’ouverture de marché mais reste à construire physiquement.

La stratégie de mobilité de l’Union européenne appelle à rendre tous les déplacements de moins de 500 km neutres en carbone d’ici 2030. La Commission de Bruxelles demande aux États de privilégier le train électrique comme mode de transport, pour atteindre cet objectif. Même en tenant compte de l’utilisation de combustibles fossiles dans la production d’électricité, les trains produisent en moyenne environ un cinquième des émissions de gaz à effet de serre par passager-kilomètre produites par les avions et moins de la moitié de celles des bus, selon l’Agence européenne pour l’environnement. En 2019, seuls 8 % de la distance parcourue par voie terrestre dans l’Union se fait par chemin de fer. Même dans les pays les mieux dotés en ligne ferroviaires, l’Autriche et les Pays-Bas, les chiffres sont de 13 % et 11 %. Dans ces pays, plus de 75 % des déplacements terrestres sont réalisés en voiture.  En Allemagne, seulement 6,5 millions de voyages internationaux en direction des autres pays de l’Union ont été réalisés en train en 2019, contre 110 millions en avion.

L’espace ferroviaire européen est la juxtaposition de plusieurs réseaux nationaux. Quatre niveaux de tension différents sont utilisés, les systèmes de signalisation et de sécurité ne sont pas interconnectés et l’espacement des rails n’est pas le même dans tous les États. Les pays baltes utilisent l’écartement le plus large, en vigueur en Russie, quand l’Espagne et le Portugal ont, au contraire, l’écartement le plus faible. L’Agence ferroviaire européenne tente de promouvoir une convergence des normes mais les progrès sont très lents. L’ouverture à la concurrence reste toute relative, ce qui limite le développement de liaisons internationales. La séparation de la gestion des infrastructures des opérateurs de transports est bien souvent virtuelle. En France, le réseau est dans le giron de la SNCF. En Allemagne, la Deutsche Bahn qui a la charge également des infrastructures facture des frais de service élevés, dissuadant ainsi la concurrence. Il est à noter que la Suède ne demande que le paiement des coûts de maintenance supplémentaire dont les nouveaux utilisateurs ont besoin, ce qui a favorise l’arrivée de nouveaux opérateurs comme FlixTrain et MTR qui ont réduit les prix. Les compagnies historiques possèdent bien souvent les gares leur offrant un avantage concurrentiel évident en matière logistique. Au niveau de l’aérien, les aéroports sont gérés de manière indépendante, ce qui garantit un minimum de concurrence entre les compagnies même si Air France ou Lufthansa sont évidemment mieux traitées dans leur pays d’origine. Le développement du transport ferroviaire international est également freiné par la non-interopérabilité des systèmes de billetterie. Seules quelques agences vendent des billets de train sur tout le continent. En cas de remboursement, les opérateurs ne sont responsables que de la partie du voyage sur leurs propres trains. Le train est peu compétitif par rapport à l’avion en raison non seulement des temps de transports mais aussi du coût. Les billets de train internationaux sont souvent plus chers que ceux mis en vente pas les compagnies aériennes low-cost. Pour favoriser le train, certains demandent de taxer les émissions carbones des avions, d’autres souhaitent l’interdiction de ces derniers pour les trajets inférieurs à 4 heures.

Un recours au rail pour les déplacements intra-européens nécessitera un effort d’investissement important avec la réalisation de lignes à grande vitesse sillonnant l’Europe. Compte tenu des coûts des infrastructures, sans appui financier communautaire, ce projet a de fortes chances de rester lettre morte. Les difficultés financières récurrentes de L’Eurostar ou du Thalys n’incitent pas à la mise en place d’une Europe du fer. Par ailleurs, les populations souhaitent que les pouvoirs publics privilégient non pas les liaisons internationales mais celles du quotidien. En France, plusieurs partis politiques s’opposent à la réalisation de la ligne à grande vitesse Bordeaux/Toulouse ou à la modernisation de la Gare du Nord avec la création d’un terminal international.